***·Comics·La trouvaille du vendredi·Nouveau !

The Big Guy and Rusty the Boy Robot

Mini série en 112 pages, publiée en 1995 et 2016, avec Frank Miller au scénario, Geof Darrow au dessin et Dave Stewart aux couleurs. Réédition aux éditions Futuropolis le 21/06/23.

Termine a tort

Quelque part dans un laboratoire japonais, un groupe de scientifiques malavisés cherche à percer le mystère de la vie, et concocte pour ce faire une soupe primordiale afin d’en observer en direct l’émergence. Comme le dit l’adage, il faut faire attention à ce que l’on souhaite, car certaines expériences peuvent s’avérer être d’horribles succès.

A partir des quelques molécules de base, se forme une gigantesque créature reptilienne, qui s’empresse de piétiner autant de gens et de bâtiments qu’elle peut. Pire, elle est capable d’engendrer, grâce à sa salive, des mutations chez tous les habitants qui entrent en contact avec, les transformant en petits esclaves reptiliens obéissant. Est-ce la fin du genre humain ?

Pas tant que Big Guy aura son mot à dire ! Le robot américain, qui n’est en réalité rien de plus qu’un engin piloté par un humain, est envoyé pour faire le ménage après l’échec de Rusty, le garçon-robot japonais tout récemment construit pour protéger le pays. Totalement ineffectif, Rusty doit se faire à l’idée que le sort du monde repose désormais sur les épaules de son prédécesseur Big Guy.

En 1995, Frank Miller, qui doit sa renommée à des oeuvres telles que The Dark Knight Returns, Daredevil Born Again, Ronin, 300 ou encore Hardboiled, s’associe à Geof Darrow (The Shaolin Cowboy) pour créer un comic book qui est à la fois un hommage et un pied-de-nez aux films de Kaïjus et aux mangas.

En effet, un seul coup d’oeil à l’antagoniste nous permet de dresser le parallèle avec Godzilla et Astro Boy, Big Guy étant quand à lui une sorte d’erzatz d’Optimus Prime version rétrofuturiste. Le récit ayant une coloration parodique, on peut tout de même compter sur [ATTENTION, EUPHÉMISME EN APPROCHE] le patriotisme exacerbé de Miller, pour s’assurer que le sort du monde repose exclusivement sur le héros américain, le jeune robot étant quant à lui relégué au rang de faire-valoir comique.

A ce titre, on ne peut d’empêcher de remarquer que le « AND » entre Big Guy et Rusty the Boy Robot est un tant soit peu exagéré, Rusty étant mis K.O assez tôt dans le récit sans qu’aucune collaboration ne soit menée entre les deux. Pour le reste, il s’agit d’un récit d’action mené tambour battant et de façon plutôt linéaire, dans la veine des comics du Silver Age. On y retrouve le manichéisme, la narration kitsch ainsi que le cabotinage décomplexé, ce qui fait de cet album davantage un plaisir coupable qui se savoure affublé d’un air narquois, qu’un véritable must-have. On préfèrera opter pour un esprit hommage rappelant la narration ampoulée d’un vieux Blake et Mortimer abusant de qualificatifs abominables pour la créature, car le sous-texte suprémaciste de Miller est parfaitement évident et pourra gêner aux entournures.

L’édition 2023 est complétée par une galerie exhaustive de couvertures alternatives et parodiques, et s’achève par un chapitre additionnel paru en 2016, qui ne représente qu’un intérêt tout relatif et fait plutôt office de farce, où le seul Darrow évacuera totalement le vernis millerien pour se rapprocher de ce qu’il fait sur le Shaolin cow-boy, un pure délire décomplexé. A se demander comment les deux ont pu bosser ensemble à cette époque…. Notez également que le comic book avait engendré une courte série animée entre 1999 et 2000, dans laquelle Big Guy était bel et bien le mentor de Rusty, à qui l’on cachait la véritable nature de son idole mécanique. Graphiquement on retrouve la minutie incroyable de Darrow qui se savoure en grand format dans la très belle édition (comme toujours) de Futuropolis. Surtout, la nouvelle colorisation du génial Dave Stewart modifie radicalement la qualité des planches et sont l’apport majeur de cette nouvelle édition. Dans le genre on trouvera bien sur un intérêt largement supérieur à des propositions récentes comme Ultra Mega ou Ultraman, mais les fans de Darrow et les complétistes y trouveront leur compte sans soucis.

Rédigé à 4 mains par Dahaka et Blondin.

****·Comics

Low #5: La lumière des profondeurs.

East and west

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Comic de Rick Remender et Greg Tocchini
Urban comics (2022), 200p., série terminée en 5 tomes.

Un billet général sur la série a été publié à l’occasion de la sortie du tome #3 chez Urban et le tome #4 fait également l’objet d’une chronique.

C’est la fin d’un périple de presque dix ans pour une série démarrée aux Etats-Unis en 2014 alors que Rick Remender explose comme scénariste phare du comic indé avec des Black Science ou Deadly Class, deux séries alignant dix tomes ou presque alors que se conclut ce cinquième Low. Il aura fallu être patient!

LOW #1-26 (Rick Remender / Greg Tocchini) - Image Comics - SanctuaryAvant tout je tiens à revenir sur le format d’édition choisie par Urban et qui suit le format original Image comics. Le respect d’un format traditionnel est louable… mais la minutie du dessin de Greg Tocchini qui fourmille de détails rend la lecture encore plus compliquée sur un volume largement dédié à la bataille finale entre les différents peuples de cet univers. Ayant choisi de donner dans le feu d’artifice quasiment de bout en bout, les auteurs mènent à rude épreuve les pauvres yeux des lecteurs. Je ne sais pas dans quel format le dessinateur a travaillé (surement en numérique sans format particulier) mais depuis la sortie de la collection en format franco-belge chez Urban il aurait été judicieux de profiter de cet ultime opus pour ressortir Low dans une dimension plus adaptée. On me rétorquera que la série ayant commencé en format comics il était nécessaire de l’achever de même. L’éditeur ayant sorti en fin d’année dernière une sublime intégrale de l’autre série majeure de Remender en plus grand format, il est à espérer qu’il en sera de même à Noël pour une série qui le mérite grandement.

Passons au récit. Comme dit plus haut, Remender et Tocchini font de ce cinquième tome une explosion sur deux-cent pages. Ouvrant dès la première page sur des plans dont l’illustrateur italien a le secret dans une folle course-poursuite, on retrouve ensuite Stel prisonnière d’un zoo de la dernière cité humaine sur le plancher des vaches. Cette séquence permet d’aborder une thématique classique de la SF de l’étude par des créatures intelligentes d’êtres humains perçus comme étranges et sauvages. Rapidement l’intrigue se simplifie autour de la confrontation finale entre l’extérieur et les peuples des profondeurs, alors que la chute de Salus est imminente.

The Blackest of Suns — “Offline” Low #26 (February 2021) Rick Remender,...Comme conclusion cet album se pose là et démontre une nouvelle fois le talent de Rick Remender, jamais avare de grandiose et de traitement intelligent dans le blockbuster. Outre des dessins fourmillant, le principal défaut de cet opera est un certain abus de Deus ex machina (propension déjà vue sur Death or Glory) qui voit une bonne dizaine de fois la situation désespérée avant que survienne un nouveau miracle. Le procédé est ainsi usé jusqu’à la corde et affaiblit d’autant la tension dramatique pourtant paroxysmique.

On pardonnera à l’auteur ces facilités pour profiter des incroyables scènes de batailles qui rappellent parfois la folie d’un Ledroit et des design futuristes juste parfaits. En respectant une tomaison idéale pour une série, en sachant conclure de façon très satisfaisante son histoire tout en créant jusqu’au dernier passage de la nouveauté et de la surprise, les auteurs de Low réussissent à achever une grande saga SF qui restera unique dans son style comme dans son traitement. Je le dis souvent, les séries bien terminées ne sont pas légions (pour celles qui savent s’arrêter…). Ne boudons pas notre plaisir. Et pour ceux qui découvrent Low à l’occasion de ce billet je vous invite très vivement à attendre patiemment la probable intégrale pour une qualité de lecture idéale.

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**·Comics·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

Not all robots

Comic de Mark Russel et Mike Dodato jr.
Delcourt (2023), 120 p. One-shot.

image-5Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

En 2056 toutes les taches contraignantes et productives sont effectuées par des robots. Les humains devenus oisifs se voient attribués un robot domestique dont ils dépendent. Dans cette société déséquilibrée organisée par les multinationales de la robotique, si la majorité s’accomode de cette situation, certains voient dans cette élimination productive des humains une dépendance trop dangereuse pour le genre humain…

Amazon.fr - Not All Robots (Volume 1) - Russell, Mark, Deodato Jr., Mike,  Loughridge, Lee - LivresEncore une dystopie robotique. En s’associant au vétéran Mike Deodato qu’on a vu plus élégant, l’auteur du récent Billion dollar island propose un pitch classique dont le ton surprend puisqu’il se veut résolument satirique. En suivant vaguement le destin d’une famille d’américains moyens passablement inquiète du comportement de son robot Russel juxtapose les scènes absurdes à la manière d’un Fabcaro ou d’un Emmanuel Reuzé. Et si l’idée marche dans un esprit Fluide Glacial, on sent très vite sur Not all robots les limites de l’exercice et le manque d’humour du scénariste qui accumule les commentaires appuyés sur ce mauvais plan. Le propos repose ainsi principalement sur les dialogues absurdes entre robots dont certains voudraient se passer du genre humain. Mais en oubliant qu’absurde ne veut pas dire incohérent, il fait de ses androïdes des êtres au comportement humain bien qu’ils aient l’apparence fruste de boites de conserve à la mode Star-wars. Alors qu’un Boichi excellait dans son hypothèse d’une IA cherchant à copier l’empathie humaine et, ici les dialogues sont illogiques et l’interaction robot-humains marche mal. L’intrigue aurait alors pu évoluer vers une guerre de résistance mais là encore bien peu d’action malheureusement très médiocrement portée par un style figé choisi par Deodato

Au final ce sont les deux post-faces des auteurs qui sont les plus intéressantes en nous expliquant pour le scénariste le sens de sa parabole faisant de ses robots des incarnation d’un comportement mâle dominateur dans un contexte #Meetoo (difficile de le comprendre en lisant l’album), pour le dessinateur le malaise de sentir qu’il n’était peut-être pas l’homme de la situation. Etonnante franchise avec laquelle on ne peut qu’être d’accord. Au final pour peu que vous accrochiez au style de dessin il est possible que l’idée vous amuse trente minutes, pour le reste on a là un album plutôt loupé.

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La compagnie rouge

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BD de Simon Treins et Jean-Michel Ponzio

Delcourt (2023), 128p., one-shot.

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image-5Depuis des siècles les guerres ont laissé place à des conflits commerciaux où des compagnies de mercenaires s’affrontent par robots interposés. Pourtant dans cette économie du combat certains désaccords politiques continuent d’employer des Condotta pour départager les différents. La Compagnie rouge est la plus ancienne de ces compagnies de soldats…

C’est peu de dire que cet album s’est fait attendre, depuis la diffusion il y a bientôt un an de la sublime couverture et des premiers visuels fort alléchants et promettant un acme du space-opera militaire. Après moultes reports voici donc arriver ce gros volume équivalent à trois tomes de BD et qui malgré l’absence de tomaison s’annonce bien comme une série au vu de la conclusion.

LA COMPAGNIE ROUGE t.1 (Jean-Pierre Pécau / Jean-Michel Ponzio) - Delcourt  - SanctuaryCommençons par ce qui fâche: le style de l’auteur, Jean-Michel Ponzio. Conscient de sa maîtrise numérique, le dessinateur ouvre sa série sur des planches qui font baver tout amateur de SF, avec un design et une mise en scène diablement efficaces et qui n’ont rien à envier aux plus grands films spatiaux. Accordons-lui également la qualité des textures sur un aspect qui montre souvent des définitions grossières, pixélisées ou floues. Malheureusement aussitôt les personnages humains apparus on tombe de sa chaise et dans un véritable roman-photo qui détricote rapidement toute la puissance des objets techniques. Je ne cache pas que ce problème est ancien et commun à à peu près tous les auteurs qui travaillent en photo-réalisme à partir de photos d’acteurs. D’immenses artistes en subissent les affres comme Alex Ross et récemment j’ai pu constater à la fois le talent artistique d’un Looky et l’immense différence entre son travail numérique (sur Hercule) et un autre plus traditionnel (Shaolin, dont le troisième tome vient de sortie et très bientôt chroniqué sur le blog). Mais outre le côté figé des expressions et mouvements, Ponzio ajoute des costumes kitschissimes qui semblent nous renvoyer à de vieux sérials SF des années cinquante ou aux premiers jeux-vidéos filmés des années quatre-vingt-dix. Cet aspect semble tragiquement recherché puisque le bonhomme sait parfaitement redessiner ses formes et la différence entre le plaisir des combats spatiaux et les séquences avec personnages s’avère assez rude.

LA COMPAGNIE ROUGE t.1 (Jean-Pierre Pécau / Jean-Michel Ponzio) - Delcourt  - SanctuarySur le plan de l’intrigue on est dans du très classique (une compagnie de mercenaires recherchant des contrats et victimes de manigances) avec des personnages fort fonctionnels (le chef de guerre fun, la sage capitaine mais réussis, le novice qui permet de faire avancer l’histoire et notre connaissance de l’univers,…) et les pérégrinations d’un équipage sur le même modèle que le récent Prima Spatia. Le récit passe beaucoup par des dialogues très dynamiques que l’on a paradoxalement plaisir à suivre en faisant abstraction des « photos ». On excusera un découpage parfois brutal dans les sauts temporels et on ralentit le rythme sur les concept-arts grandioses de trous de ver, de stations spatiales et de croiseurs de guerre au design fort inspiré si ce n’est des hommages un peu trop appuyés à Star Wars.

On se retrouve ainsi avec une BD bipolaire qui nous enchante par son aspect technique et un univers hard-science franchement attrayant et une façade de roman-photo kitsch qui fait rapidement sortir du récit. Si vous parvenez à dissocier ces deux aspects vous pourrez passer un excellent moment à bord de l’Argos, mais pour les allergiques à ce type de dessins il vaut mieux passer votre chemin. Très grosse déception…

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X-Men: Inferno

Mini-série en quatre épisodes, avec Jonathan Hickman au scénario, et Valerio Schiti, Stefano Caselli, Silva R.B. au dessin. Parution en France chez Panini Comics le 05/10/2022.

La Fin des X-Temps

Depuis 2019, le scénariste Jonathan Hickman a modifié radicalement le paradigme des mutants, les plaçant sur la voie de la grandeur, mais aussi en intensifiant les forces antagonistes susceptibles de provoquer leur fin. Dans House of X, Charles Xavier et Magnéto fondent la nation mutante de Krakoa, sur l’île vivante du même nom. Protégé par ce nouveau foyer, le genre mutant peut s’affranchir des normes humaines et de l’oppression, et va même jusqu’à dompter la Mort grâce aux protocoles de résurrection.

En parallèle, le projet Orchis, réunissant les esprits humains les plus brillants, travaille à la création de la Sentinelle suprême, Nimrod, dont les X-Men essayaient déjà d’empêcher l’émergence dans les années 80. Dans House of X, les mutants tentaient déjà le tout pour le tout afin de mettre hors-ligne le Moule Matrice qui lui donnerait naissance, octroyant à leur engeance un bref sursis.

Ce que la plupart des mutants ignore, c’est que l’idée de Krakoa est due à une mutante particulière, qui a œuvré seule à l’insu de tous et dans de nombreuses réalités, de façon si secrète que tous ignoraient sa nature de mutante. En effet, Moira MacTaggart, bien connue des lecteurs de longue date, s’avère être une mutante, ayant le pouvoir de se réincarner dans une nouvelle ligne temporelle à chaque fois qu’elle meurt, en conservant tous ses souvenirs. C’est elle qui, explorant les différentes possibilités qui s’offraient aux mutants dans le futur au cours de neuf vies, a entamé sa dixième vie avec une vision claire de ce qu’il fallait faire pour préserver les mutants de l’extinction. Forte de ses connaissances antérieures, Moira a recruté Xavier et Magnéto, en leur révélant son secret, afin de mettre sur pied la nation mutante, avec pour condition principale de ne pas ressusciter de mutant clairvoyant.

Après de nombreux conflits, les mutants arrivent à la veille de changements majeurs dans leur évolution. Le Conseil Secret, composé de mutants influents venus de tous bords, œuvre pour repousser les menaces mais n’est pas à la hauteur face à la Sentinelle Suprême, d’autant plus que son réveil intervient au moment où des dissensions fragilisent les bases de Krakoa.

Alors que Nimrod et la Sentinelle Oméga préparent leur assaut et apprennent des erreurs commises par les mutants, Mystique, dont la compagne Destinée a été privée de résurrection à cause de son don de voir le futur, complote comme elle sait le faire pour parvenir à ses fins. Mettant la pression au Conseil Secret, elle parvient à faire ressusciter sa bien-aimée, mettant ainsi en péril les plans de Moira. Krakoa est-elle vraiment vouée à disparaître ?

Inferno constitue le chant du cygne de Jonathan Hickman sur la franchise des X-Men. La mini-série vient en effet boucler des lignes narratives initiées dans House of X et Powers of X, et nous donne la réponse à de nombreuses questions sur les motivations de certains personnages clés. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur nous en donne pour notre argent et ne lésine pas sur les coups de théâtre et les révélations !

Attention, ça va spoiler plus bas.

Donc, Mystique et Destinée sont de nouveau réunis. A peine ses souvenirs téléchargés dans son nouveau corps via le Cerebro, Destinée se remémore les événements passés, et notamment sa dernière rencontre avec Moira lors d’une précédente vie. Avec l’idée de se venger en tête, les deux mutantes capturent Moira et s’arrangent pour que ses protecteurs, Xavier et Magnéto, tombent dans un piège au beau milieu d’une base d’Orchis.

Lors du face à face avec Moira, Mystique et Destinée apprennent les véritables intentions de cette dernière: soigner le genre mutant en les débarrassant en masse de leurs pouvoirs. Lassée de constater, vie après vie, que les mutants perdraient toujours face aux humains, aux machines, ou les deux (confère Powers of X), Moira en est arrivée à la conclusion que les mutants ne devraient tout simplement pas exister.

Cette situation est très ironique puisque la Sentinelle Oméga explique, un chapitre plus haut, qu’elle vient d’un futur dans lequel les mutants gagnent toujours, et qu’elle a été envoyée dans notre présent pour remédier à cet échec (tiens tiens, l’intrigue de l’IA menaçante qui remonte le temps pour assurer sa propre création et sa suprématie me rappelle vaguement quelque chose…). Ce qui signifie que le plan prévu par Xavier, Magnéto et Moira était voué au succès, du moins à l’issue de la dixième ou onzième vie de Moira. Avec le recul, le fait que Mystique prive Moira de ses pouvoirs mutants (grâce au Neutraliseur, une arme apparue dans Uncanny -Men en 1984) apparaît comme un pré-requis, puisqu’aucune ligne temporelle ne peut être considérée comme définitive tant que Moira possède son pouvoir.

Néanmoins, on peut imaginer que Moira continuera tant que son objectif n’est pas atteint. L’inconvénient, c’est que si elle meurt en tant qu’humaine, son histoire s’arrête là, et l’Histoire avec un grand H ne pourra pas être rebootée. Mais que se passerait-il si un nouveau corps mutant lui était reconstitué par les Cinq et qu’une sauvegarde Cerebro de son esprit y était intégrée ? Cela lancerait-il un nouveau cycle de dix réincarnations et reboots successifs ? Ou le cycle reprendrait-il là où il s’était arrêté ?

On ne le saura que si les auteurs futurs décident d’explorer cette piste. Encore faut-il d’ailleurs, que Moira accepte de mourir en tant qu’humaine pour ensuite laisser faire le Protocole de Résurrection.

Hickman termine son run en laissant ses héros en fâcheuse posture. Après leur défaite face à Nimrod, Xavier et Magnéto sont ressuscités par Emma Frost, mais n’ont pas en mémoire l’affrontement ni son issue. Ils ignorent donc l’existence du robot tueur de mutant, tandis que ce dernier continue d’amasser des données qui lui permettront de régner. Plus dommageable encore, Mystique et Destinée sont partie intégrante du Conseil Secret, et avec l’appui d’Emma Frost, ont affaibli la position de Xavier et Magnéto.

Inferno marque donc un tournant dans la destinée des mutants, à suivre dans Immortals X-Men, avec Kieron Gillen aux commandes. Pour l’ensemble du run de Hickman sur les X-Men, on met 5 Calvin, pour l’intrigue complexe mais rigoureusement visionnaire, les concepts novateurs, la partie graphique toujours performante.

***·BD·Nouveau !·Rapidos

Les cœurs de ferraille #1: Debry, Cyrano et moi.

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BD de BéKa, José-Luis Munuera et Sedyas (coul.)

Dupuis (2022), 68p., série anthologique en cours.

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Iséa est une rếveuse qui compense l’absence d’amour de sa mère par la tendresse de sa nourrice Debry et ses relations numériques. Mais lorsque sa génitrice décide de renvoyer le robot qui l’a élevée elle se retrouve obligée de s’allier avec un jeune garçon pour la retrouver. Un voyage au cœur de l’injustice de cette société qui a fait des serviables assistants robots de véritables esclaves…

mediathequeJosé Luis Munuera promène son talent cartoonesque sur la BD franco-belge depuis maintenant trente ans en compagnie de Joan Sfar, et JD Morvan, ayant endossé l’immense responsabilité de reprendre Spirou sur quatre albums après l’indépassable ère Tom&Janry. Depuis quelques années il semble s’orienter vers une esthétique rétro, adaptant des classiques de la littérature (Bartleby de Melville puis cette année Un chant de Noël de Dickens) avec une esthétique plus réaliste. A la manière d’un Umberto Ramos l’auteur semble tiraillé entre des racines cartoon marquées et une envie de textures et d’histoires plus sombres.

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH1024/bek16-9b259.jpg?1656939955Avec un deuxième album cette année, il s’engage sur une anthologie d’histoires one-shot sur le thème des robots dans une ambiance rétro-futuriste en compagnie du duo de scénaristes BéKa. Outre la qualité indéniable des dessins (et des couleurs/textures) c’est l’analogie entre ce monde classique habité de technologies poussées et les Etats-Unis esclavagistes du début du vingtième siècle qui intéresse. En transformant les esclaves noirs en robots les auteurs parlent subtilement des problématiques d’alors, de cette proximité avec des serviteurs et nourrices de l’autre couleur, considérés dans la famille mais pas dans la société, de ces réseaux d’esclaves en fuite, des collaborateurs noirs qui virent dans le service aux maitres un moindre mal à leur condition, mais aussi de thématiques plus modernes comme la place des femmes ou l’émancipation par la culture et l’imaginaire.

Au sortir de cette histoire simple de poursuite on a le sentiment d’avoir passé un agréable moment sur un travail solide bien qu’il manque sans doute un peu d’ambition, notamment dans la justification du thème SF. Il faudra voir après plusieurs albums si la série permet de donner un intérêt plus large sur des albums dont la tonalité jeunesse peut se discuter. En attendant on savoure une intelligente parabole et des planches si agréables.

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Yojimbot #3: Neige d’acier

Troisième volume de la série écrite et dessinée par Sylvain Repos. Publication chez Dargaud le 30/06/2023.

Les Samouraïs-robots rêvent-ils de katanas électriques ?

Retour des robots désabusés et taciturnes jouant du sabre, les Yojimbots ! Perdu dans un Japon déserté par les humains, le jeune Hiro est traqué par une milice cybernétique qui tue son père et cherche à lui mettre la main dessus. Il est sauvé par l’unité mobile 063, un automate qui errait dans les ruines d’un ancien parc, programmé pour impressionner autrefois les visiteurs en jouant du sabre comme un vrai samouraï.

Rebaptisé Sheru par son petit protégé, le robot, muet mais doué d’une intelligence rudimentaire, se donne pour mission de mettre Hiro en sécurité, mais les forces qui en ont après lui sont déterminées. Sheru va devoir numéroter ses boulons, car la castagne promet de faire des dégâts !

Dans le précédent tome, Hiro retrouve sa mère Stéphanie, elle aussi traquée, ainsi qu’un groupe de survivants qui vivait confiné depuis la grande catastrophe. Acculé par l’armée de drones du sadique Topu et de l’impitoyable Kozuki, Hiro finit en très mauvaise posture et c’est à sa mère qu’il revient de le tirer de ce mauvais pas. A l’extérieur, Sheru, qui a désormais outrepassé sa programmation, se lance lui aussi dans une quête pour sauver son jeune ami, au péril de son intégrité physique.

Après une ellipse qui entravait le rythme dans le tome 2, Yojimbot retrouve son infernale cadence et la surdose d’action qui donnait à la série toute sa saveur.

Bien que tous les tenants et aboutissants n’aient pas encore été révélés par l’auteur, les enjeux sont clairement montés d’un cran, et les héros se retrouvent dans une tourmente quasi insurmontable qui fait monter la tension page après page.

Assez étonnamment, le pari s’avère gagnant du coté des personnages robotiques, à qui l’auteur est parvenu à donner une authentique personnalité sans leur faire prononcer un seul mot.

Difficile de parler de Yojimbot sans évoquer les combats qui émaillent le récit, et qui en sont d’ailleurs clairement la colonne vertébrale. Les affrontements entre robots sont la claire démonstration du talent de Sylvain Repos, qui découpe ses planches avec la même ardeur que ses robots lorsqu’ils s’épluchent à coups de sabre. Le trait est dynamique, les poses stylées et les chorégraphies milimétrées.

Bref, vous l’aurez compris, Yojimbot est un régal visuel et une série détonnante, vivement conseillée aux amateurs d’action, notamment à ceux qui affectionnent le mélange des genres, des tonalités et des influences.

**·Comics·East & West·La trouvaille du vendredi·Rétro

Age of Ultron

Intégrale de 320 pages comprenant les épisodes #1 à #10 de la mini-série Age of Ultron, écrite par Brian Michael Bendis, et dessinée par Bryan Hitch, Carlos Pacheco, Brandon Peterson et Butch Guice. Parution en France chez Panini Comics le 14/09/2016.

Robot pas bô

Si vous connaissez vos classiques, alors vous savez déjà sûrement que l’IA, ça craint. La science fiction regorge en effet d’exemples édifiants de monumentaux ratages lorsqu’il s’agit pour l’Homme de créer la vie à son image, en commençant par le Golem jusqu’à Skynet en passant par Frankenstein.

Il est possible que ce soit parce que l’Homme, étant foncièrement corrompu, ne peut finalement rien créer d’autre qu’une engeance défectueuse et abjecte. En tout état de cause, les Avengers ne peuvent que partager ce sentiment, puisque depuis les années 60, ils sont harcelés par une intelligence artificielle tantôt guignolesque, tantôt génocidaire, nommée Ultron.

Ultron a de particulier qu’il est une création de Hank Pym, alias l’Homme-Fourmi, génie scientifique et Avenger fondateur quelque peu instable qui a, par erreur, donné naissance à l’un des ennemis les plus acharnés de nos héros. En effet, Ultron au fil des ans, connaît maintes incarnations et mises à jour qui le rendent chaque fois plus dangereux, et, à chaque fois, les héros arrachent une victoire sur le fil, en ignorant s’ils y parviendront la fois suivante. Parmi eux, les plus visionnaires, comme Tony Stark, savent que Ultron finira par atteindre un point au delà duquel il sera impossible de l’arrêter, et qu’il atteindra inexorablement son but, à savoir exterminer l’Humanité (très original…).

En 2013, année de la publication de Age of Ultron, Brian Michael Bendis est en fin de course, après avoir présidé aux destinées des Avengers durant quasiment dix ans. Le scénariste, multirécompensé, aura engendré des sagas telles que Avengers Disassembled (2004), puis House of M (2005), Secret Invasion (2008), Siege (2010), avec toujours plus ou moins de succès.

En 2010 après la fin de Dark Reign (le règne sombre de Norman Osborn), l’auteur mettra d’emblée les héros face au robot tueur dans la V4 de la série Avengers, après une petite escarmouche dans la série Mighty Avengers en 2006 . Il implantera alors l’idée de son retour inévitable et de sa victoire éventuelle, et montrera ainsi toutes les extrémités auxquelles il faudra consentir pour tenter de l’arrêter. En effet, dans Avengers V4, les héros constatent que Kang le Conquérant, voyageur temporel, a tout tenté pour empêcher l’ascension d’Ultron dans le futur, en vain. Ce dernier remporte la victoire dans toutes les versions, forçant le Voyageur du Temps à tenter encore et encore de le vaincre jusqu’à briser le flux temporel. On voit donc déjà que l’idée de départ de Age of Ultron était déjà présente chez l’auteur auparavant. Recyclage ou exploitation avisée ?

Il faut admettre que le bilan est mitigé pour cette Ere d’Ultron (dont le titre sera repris pour le second opus de la saga Avengers au cinéma). La première partie dépeint un monde post-apocalyptique, dans lequel ce que craignaient les Avengers est arrivé: Ultron est revenu, est il a gagné. Secondé par une armée de robots à son image, l’entité artificielle s’est bâtie une forteresse gigantesque, d’où il observe maintenant les ruines fumantes du monde qu’il rêvait de dévaster.

Ce qu’il reste des héros vit terré dans des souterrains, démoralisés et hagards. Même Captain America, parangon de vertu et de courage, a baissé les bras face à l’ampleur de son échec et n’ose pas envisager une riposte. Certaines personnes, en revanche, comme Hawkeye et Black Widow, résistent et espèrent trouver une solution au problème. Cette solution va vite se présenter, sous la forme d’une plateforme temporelle, qui appartenait autrefois à Victor Fatalis. Les héros, enhardis par cette perpsective, se scindent en deux groupes: le premier va dans le futur, pour stopper l’ultime Ultron qui tire les ficelles, tandis que Wolverine décide de prendre le problème à la racine en allant supprimer Hank Pym avant la création d’Ultron.

Comme on peut s’en douter, lorsque vous mêlez voyage temporel et univers bâti sur des décennies de continuité, et que vous ôtez de surcroît un personnage fondateur, cela donne lieu à un petit festival d’effets papillon qui pourrait être exploré sur une bonne douzaine de chapitres. Wolverine se réveille donc dans un présent débarrassé d’Ultron, mais gouverné par quelque chose de pire, évidemment. Le mutant griffu va donc devoir payer de sa personne pour remettre le flux temporel sur les rails et réparer ses erreurs.

En effet, sans la présence d’Hank Pym dans l’univers Marvel classique, beaucoup d’événements majeurs n’auraient pas eu la même tournure, et les répercussions cumulées ont de quoi donner le vertige. En fouillant un peu, on peut même trouver la liste des effets de la mort d’Hank Pym sur la timeline Marvel, écrite par Bendis en personne.

Néanmoins, si l’idée est bien pensée, son exécution reste quelque peu en deçà de ce que l’on pouvait espérer. Après de longs moments de confrontation pas très fructueux, Wolverine et son alliée de circonstance sont capturés, par des héros qui ne les reconnaissent pas ou les prennent pour des imposteurs, tandis que certains commencent à entrevoir ce qu’il se joue réellement. Ce passage un peu décevant ne sert finalement qu’à donner à Wolverine la solution idoine à son problème de paradoxe temporel, qu’il se presse de mettre en œuvre sans trop d’obstacles sur son chemin. Quant à la partie action, la mission-suicide de Captain America et consorts dans le futur ? Pas un mot, pas une case sur son issue, l’apparence de cet Ultron Ultime n’étant révélée que dans les couvertures variantes.

Il peut parfois être salutaire de défier et prendre à revers les attentes des lecteurs, mais quand ces manœuvres confinent davantage de la roublardise fainéante que de la véritable subversion, cela pose un problème. Toute une ligne narrative tuée dans l’œuf, et une autre ligne narrative qui se contente d’un aller-retour dystopique sensé donner tort à la philosophie radicale de Wolverine, ce ne sont là que les symptômes d’une écriture en fin de course, comme nous le disions plus haut, qui rendaient d’autant plus opportun le passage de flambeau de Bendis sur les séries Avengers.

Et puis, avec le recul, il y avait peut être plus intéressant comme personnage principal que Wolverine, le mutant dont le pouvoir caché semble être l’ubiquité, tant il était surexploité et omniprésent dans les productions globales du Marvelverse.

Maintenant que l’on sait tout ça, tentons de résumer cet Age of Ultron: un pitch intéressant mais recyclé, une exécution sommaire et finalement peu inspirée, un protagoniste bateau déjà-vu, un antagoniste invisible, une écriture hasardeuse et une conclusion expéditive. Clairement pas le meilleur event de Brian Bendis et une assez triste façon de clôturer un run monumental de dix ans qui figure parmi les meilleures périodes des Avengers.

***·BD·Nouveau !·Rapidos

Yojimbot #2: Nuits de rouille

Second tome de 152 pages de la série écrite et dessinée par Sylvain Repos, paru le 04/02/2022 chez Dargaud.

Il est Bô le Robot

A l’occasion du premier tome, nous faisions la connaissance du jeune Hiro, pourchassé par une horde de robots meurtriers et de soldats sanguinaires, au cœur d’une île qui était autrefois un parc d’attraction géant dédié au japon féodal et à ses célèbres samouraïs.

Laissé à l’abandon, le parc était encore habité par toute une population de robots, programmés pour se comporter comme des samouraïs afin de faire des démonstrations de duels aux visiteurs ébahis. Après que son père fut abattu, Hiro trouve refuge auprès de l’unité 063, qui, étonnamment, prend la protection du garçon très à cœur. Au fur et à mesure de leurs péripéties, le robot, baptisé Sheru, et Hiro trouveront de nouveaux compagnons robotiques, qui ne seront pas de trop s’il veulent échapper au sadique Topu qui cherche à capturer le garçon.

Le tome 2 s’ouvre sur une ellipse de plusieurs mois, au cours de laquelle Hiro a bien changé. Désormais endurci, le jeune garçon s’est trouvé un nouveau protecteur, mais cherche toujours un moyen de réparer ses premiers compagnons, en fouillant l’île à la recherche de pièces détachées et de batteries. La vie est dure sur l’île, d’autant que Topu et les autres n’ont pas renoncé à leur traque. Mais il reste encore un espoir de fuir cet enfer, à condition d’atteindre l’ancien port et de trouver un bateau.

Narrativement parlant, ouvrir sur une ellipse est un pari quelque peu risqué car il coupe par définition le rythme du récit, et rend implicite certains événements qui peuvent diminuer l’immersion, voire nuire à la compréhension, ce qui a un impact indéniable sur l’adhésion du lecteur. Pour un récit centré autour de la relation entre un garçon et son protecteur, où chaque interaction doit être au service de leur relation, cela représente autant d’occasions manquées de construire leurs relations, et donne l’impression d’avoir raté quelque chose.

Du coup, après un premier tome au rythme survitaminé, où les enjeux vitaux étaient intrinsèquement liés au fait de quitter l’île, on se retrouve donc avec une situation qui s’est enlisée dans le temps, et que de surcroît l’auteur n’a pas jugé opportun de nous montrer. Sylvain Repos opte donc pour un rythme plus lent, au risque d’aliéner les lecteurs en quête d’adrénaline.

S’agissant du world-building, si le premier tome était avare en informations, ici quelques révélations viennent éclairer notre lanterne, ce qui compense l’effet indésirable de l’ellipse. En revanche, la partition graphique est toujours aussi virtuose, tant dans le découpage que dans le trait, montrant ainsi l’aboutissement de plusieurs influences.

Espérons qu’après le cliffhanger du tome 2, le tome 3 saura allier action et développement des personnages pour conclure cette super aventure.

**·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

The Last Detective

Histoire complète en 72 pages écrite par Claudio Alvarez et dessinée par Geraldo Borges. Parution en France le 02/03/2022 grâce aux éditions Drakoo.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

Polar équatorial

New Amazonia n’est pas une utopie, loin de là. Corrompu jusqu’à l’os et gangrénée par le fléau de la drogue, ce district, dont l’économie est basée sur l’exploitation du vitrium, se regarde sombrer peu à peu dans le chaos et l’anarchie, sans qu’aucune mesure concrète ne soit prise.

Joe Santos le sait bien. Estropié depuis vingt ans, cet ancien flic de haut vol était partie prenante dans la lutte contre les cartels de la drogue, tirant d’abord, posant des questions ensuite. Résolu à neutraliser Black Joao, un insaisissable baron de la drogue qui a inondé les rues d’une nouvelle drogue de synthèse, Santos a pris tous les risques pour mener sa mission à bien.

Cette traque s’est soldée par la mort de sa coéquipière, Simone Madureira, lors d’une explosion accidentelle qui lui a aussi couté un bras. Accusé à tort, Joe fut disgracié, le forçant à un exil au fin fond de la jungle amazonienne avec son lapin Horace.

Vingt ans plus tard, la situation ne s’est pas arrangée. New Amazonia est toujours un cloaque corrompu, les drogues inondent toujours les rues, surtout le vitrium, dont l’effet principal est de rendre les gens beaux et attirants, au prix d’une mort atroce au bout de quelques jours.

La commissaires Madureira, qui pleure toujours sa sœur Simone, n’a pas d’autre choix: elle doit rappeler Joe Santos afin qu’il reprenne du service et traque le nouveau fournisseur de vitrium. Mais ce dernier, qui a régressé jusqu’à ne devenir qu’une ombre pathétique de l’homme qu’il était alors, sera bien difficile à convaincre.

Zizanie en Amazonie

Les auteurs de BD sud-américains sont suffisamment rares pour susciter la curiosité, comme c’était le cas avec Far South en 2020. Ici, le pitch promet un ambiance futuriste et quasi apocalyptique, à la Mad Max premier du nom, un limier désabusé à la Deckard de Blade Runner, le tout sur fond de lutte contre les cartels à la Sicario. Un clin d’œil à la couverture nous promet même un duo flic robot/flic humain à la Robocop, ce qui finit d’aiguiser l’intérêt pour cette histoire complète.

Malheureusement, il s’avère difficile pour les auteurs de dissimuler, sous cette pluie de références pop, la mollesse du récit, qui démarre certes sans ambages mais patine dans des poncifs assez éculés, qui fleurent de surcroît le premier degré. En effet, les eighties et nineties étant passées par là, tout héros aux allures d’ours mal léché qui n’est pas écrit avec un tant soit peu de recul ou d’autodérision s’embourbe fatalement dans le cliché, ce que ne manque pas de faire Monsieur Santos.

Bougon et récalcitrant, il ne gagne de dimension humaine et sympathique qu’au travers de la perte de Simone, qui n’apparaît cependant que sur une photo en page 1, puis sur une page de flash back un peu plus tard. Ce qui signifie que l’ancrage émotionnel du protagoniste ne se fait (grosso modo) que sur une page, soit 1/72e du scénario (soit 1.39%). Et je ne parle pas des dialogues, qui sont généralement assez pauvres, et que le directeur éditorial, Arleston, aurait, de son propre aveu, « rewrité » par souci d’adaptation…

Puisque l’on en est encore au personnage principal, il faut également aborder son évolution. Elle est certes palpable, puisque Santos affronte son passé et les échecs dont il porte encore les stigmates, ce qui est propice à une tension dramatique supplémentaire.

Le fait d’adjoindre un robot à un ancien flic solitaire qui ne supporte pas son infirmité et ses prothèses robotiques est en soi une bonne idée, mais l’aspect buddy cops movie suggéré par cette prémisse (très eighties encore une fois) n’est exploité qu’avec grande maladresse, puisque l’évolution de la relation entre Santos et son équipier robot est écrite de façon très déconcertante.

Pour citer un exemple concret, dans un premier temps, les interactions entre Santos et le robot se limitent à des insultes et des injonctions à la fermer de la part du policier bougon, qui semble détester les robots et n’avoir que faire d’un partenaire. Une scène plus tard, le robot se fait tirer dessus et…. Santos hurle, une expression d’horreur sur le visage, traitant de « salaud ! » l’auteur du coup de feu… Or, rien entre temps ne vient suggérer une évolution du positionnement du héros par rapport à sa partenaire, par exemple, le fait qu’elle lui rappelle celle qu’il a perdue autrefois.

Rassurez-vous, c’est la même chose du côté de l’antagoniste (Black Joao ? Je vous mets au défi de ne pas piaffer en disant ce nom à haute voix, on dirait un pseudonyme d’acteur de films pour adultes), qui malgré une tentative de twist final, n’a ni saveur, ni charisme, ni grand projet à mettre sur son CV.

Bref, on se trouve ici face à une intrigue plutôt plate qui enchaine les facilités d’écriture et qui semble éviter soigneusement d’étoffer ses personnages. Si Drakoo se lance dans le rachat de droits et l’importation de comics indé, il va falloir choisir avec plus de soin !

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