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Une soif légitime de vengeance #2

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Comic de Rick Remender, André Lima Araujo et Chris O’Halloran.

Urban(2023) – Image (2021), 128, 2/2 tomes parus.

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Rick Remender alterne quelques séries au long court et de réguliers diptyques qui visent la récréation (Death or glory) ou le no limite (Tokyo ghost). En nous laissant dans une sidération sadique à la fin de premier tome il créait une grosse attente pour cette suite et fin qui ne va pas finir de vous troubler. De par sa construction d’abord. En relisant le premier tome après les révélations finales on saisis les très discrètes allusions aux antagonistes et à la source de l’intrigue. Pourtant si le premier tome était assez contemplatif en mixant sublimes exercices techniques urbains d’Araujo et explosions de violence dignes d’un Reservoir Dogs voir d’un Elie Roth (le terrifiant personnage en couverture est là pour nous rappeler que nous ne sommes pas dans une histoire pour fillettes), ce tome de conclusion va se faire un malin plaisir à hacher le temps en poursuivant le principe qui a vu tuer la mère du jeune Xavier: dans la vraie vie on meurt souvent et souvent comme un con…

André Lima Araújo 🇵🇹 on Twitter: "Out today, A Righteous Thirst For  Vengeance #9. How far is far enough? https://t.co/RcsG7XZl1x" / TwitterL’intrigue reprend après un temps indéterminé où Sonny et son jeune protégé devenu mutique suite au traumatisme vécu sont accueillis dans une sorte de camp de survivalistes écolo. Très vite on nous explique qui est ce mystérieux anti-héros et l’on tisse un lien émotionnel avec le garçon pour créer d’autant plus de tension dramatique lorsque les bad guys entreront en action. Car comme dans tout bon thriller réaliste les abominables psychopathes qui servent de méchants sont partout, dotés de moyens sans limite et seuls les nombreux deus ex machina et la chance insolente du héros parviendra à en venir à bout. Comme sur Death or Glory auquel il emprunte la folie totale des tueurs et l’ignominie infinie du grand manitou, on nage dans un cloaque indicible de la lie humaine sur lequel la moindre once d’humanité paraît un paradis. Je parlais de hachures car si le premier tome se déroulait sur quelques heures le second se prolonge sur plusieurs années en plusieurs parties, ouvrant un récit bien plus vaste que l’ouverture qui n’est au final qu’une très grosse bande annonce.

Dans une maîtrise totale des codes narratifs, sachant où il veut aller et quelles émotions il veut provoquer, Rick Remender nous balance une nouvelle orgie nihiliste idéalement supplée par la froide rigueur de son dessinateur dont on va guetter de très très près les prochaines créations tant il impressionne. Formaté pour une adaptation ciné rêche pour laquelle Benedict Wong ne pourrait que récupérer son visage prêté pour l’occasion, Une soif légitime de vengeance n’a pas fini de vous surprendre et de vous choquer, à un soupçon d’assumer une bad ending avec laquelle flirte toujours ce formidable scénariste.

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Du mouvement de la Terre #1

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Manga de Uoto

Ki-oon (2023) – Shogakukan (2020), 156p., 1/8 tomes parus.

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image-5Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Le jeune et brillant Rafal s’apprête à entrer à l’Université pour y étudier la Théologie, discipline reine du Moyen-Age. Lorsque son père l’envoie chercher un ancien élève astronome, il se trouve confronté à une idée hérétique mais à la logique implacable: l’héliocentrisme. En une période d’obscurantisme où l’Inquisition harcèle et exécute tous ceux qui s’opposent au Dogme officiel, le jeune scientifique va devoir faire un choix de science et de vie…

En ouvrant ce premier tome d’une série courte multi-primée au Japon et recommandée par le magazine Historia j’avais de gros doutes tant le dessin m’a paru fruste. Pour une première œuvre on peut pardonner l’économie de traits et de décors mais il faut reconnaître que Uoto n’est pas le plus virtuoses des jeunes mangaka découverts récemment. Pourtant, dès les premières pages on réalise que la lecture s’enchaîne de façon très fluide avec une maîtrise de la narration tout à fait remarquable, surtout au vu d’un sujet complexe et mal connu. En somme il vous faudra passer outre un dessin qui n’est là que pour accompagner une histoire bien plus ambitieuse qu’il n’y paraît.

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH998/planchea_468983-e2a73.jpg?1678706567En datant son récit au XV° siècles l’auteur vise surtout à aborder la prééminence de la répression inquisitoriale sur les évolutions de la connaissance, puisque la révolution héliocentrique n’apparaît véritablement qu’avec Copernic au XVI° siècle. C’est ce qui est passionnant dans ce manga puisque dès la mise en place on nous fait comprendre la complexité des parcours dans cette société corsetée: de l’inquisiteur issu du monde laïque des mercenaires au jeune élève passionné de théologie on comprend que les stratégies des scientifiques ont dû jouer de la dualité, du mensonge, de la soumission au modèle de pensée de l’Eglise. En se rangeant sous le couvert de la raison et de la foi ,es scientifiques purent faire doucement avancer la connaissance scientifique contre la vue conservatrice qui niait tout raisonnement face aux préceptes de l’Eglise.

On découvre ainsi un esprit brillant confronté à une hypothèse hérétique mais que les observations vont renforcer et mener à se mettre en danger. Face à l’omniprésence totalitaire de l’inquisiteur le jeune scientifique doit choisir de masquer ses travaux, jusqu’à mettre en danger son propre père.

D’une lecture particulièrement fluide, enchaînant les séquences rapidement en abordant des sujets variés et complexes, Uoto réussit à nous accrocher tout le long et jusqu’à la conclusion qui surprend par son ambition dans la gestion du temps du récit. Au final, Du mouvement de la Terre est une excellente surprise que je vous invite à découvrir, pour peu que vous ne soyez pas trop regardant sur les dessins.

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Abara (Perfect)

East and west

Abara Deluxe COUV HD
Manga de Tsotomu Nihei
Glénat (2023), 412p. nb et couleur, édition intégrale.

L’édition comprend Abara en grand format, l’histoire courte Digimortal et une post-face de l’auteur.

image-5Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Dans une cité tentaculaire surgissent les Gauna blancs, gigantesques créatures destructrices combattues par des êtres mystérieux équipés d’exosquelettes et de capacités martiales hors norme. Au sein de cet apocalypse, des hommes et des femmes tentent de comprendre d’où viennent ces monstruosités…

Tsutomu Nihei fait partie des références que l’on voit partout quand on commence à s’intéresser au manga. Tout le monde a eu sous les yeux des planches de son univers impressionnant, fortement inspiré par esthétique de H.R. Giger (le créateur d’Alien), mais beaucoup moins ont tenté l’expérience de lecture. Il faut dire que si le travail éditorial de Glénat sur la réedition en 2018 pour les vingt ans de son premier manga, le monument BLAME!, est de très belle facture, l’hermétisme absolu de cette œuvre en dissuade beaucoup. Après NOISE (prequelle ressortie et renommée BLAME 0 cette année), Abara est le troisième manga de l’auteur à paraître en édition Deluxe et sera suivi par la dernière œuvre de sa période « noire », Biomega, en trois volumes à partir de mai. C’est donc bien une « année Nihei » qui se profile comme les éditeurs aiment à en proposer pour notre plus grand plaisir de la redécouverte.

Capture d’écran du 2023-04-01 08-59-09Si Abara sort avant Biomega (chronologiquement plus ancien) c’est notamment parce qu’il s’inscrit dans une évolution de l’auteur vers des manga plus construits, moins conceptuels et plus accessibles, à mesure que son trait se simplifiera pour aller vers une esthétique éthérée à la Miyazaki (le manga Nausicaa) sur sa dernière série notamment. Je n’ai que parcouru Blame! (et visionné le plutôt bon film d’animation Netflix qui permet d’avoir une bonne idée de l’ambiance générale) mais Abara montre une prise de conscience partielle de l’auteur sur la nécessité d’expliciter (en somme de réaliser un scénario et non un simple concept graphique qu’est Blame!) et de créer des personnages comme focale de l’histoire. Il y réussit plutôt bien en proposant un incipit dès la double page couleur introductive qui contextualise l’histoire, avant de dérouler un schéma linéaire. En présentant l’apparition de la menace, puis le héros et les personnages secondaires on a une belle mise en place qui permet notamment d’admirer les très beaux visages (qui rappellent le travail récent de Shiro Kuroi sur Leviathan) de l’auteur. Pourtant très vite l’envie d’apocalypse graphique reprend le dessus et déstructure un récit où l’on perdra progressivement de vue le qui et le quoi pour se plonger avec délice dans des destructions monumentales. C’est un peu frustrant car on sent une base SF très intéressante avec des concepts mystérieux comme la Firme quaternaire, la Cage d’isolation ou le Bureau des affaires criminelles qui permet à un simple humain de nous identifier (un peu) au milieu des combats titanesques du héros… pour peu que c’en soit un.

Capture d’écran du 2023-04-01 08-59-50Nihei est le premier conscient de ses faiblesses de jeunesse puisqu’il confesse sa propre incompréhension à la lecture de certaines pages où il ne se souvient pas ce qu’il a voulu dire… Avec son format court et sa fin plutôt acceptable, Abara apparaît ainsi comme une consolidation des obsessions graphiques et thématiques de l’auteur qui progresse indéniablement depuis Blame! Les architectures sont moins démentes que précédemment mais plus construites, l’action est bien plus lisible, les personnages BEAUCOUP plus solidement dessinés, en évacuant les trames pour du dessin uniquement encré à l’européenne. Si Blame était un brouillon, Abara ressemble à un premier jet fascinant et graphiquement absolument brillant dans ses designs biomécaniques et ses idées SF. On a par moment le sentiment de lire une short-story du magazine Metal Hurlant en espérant aboutir ensuite à l’œuvre maitresse de Nihei… Auteur étonnant à la régularité remarquable, Tsutomu Nihei a alterné séries courtes  (Biomega et Aposimz, 6 tomes) et plus longues (Blame, 10 tomes, Knights of sidonia, 15 tomes) en allant vers du manga plus classique dans sa seconde période. Un univers unique pour lequel Abara me semble être une excellente porte d’entrée, en attendant la suite.

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Valhallian, the Black iron #1

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Manga de Toshimitsu Matsubara

Ki-oon (2023), 224p./volume, 1/6 volumes parus.

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Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance!

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Au XIII° siècle le Japon échappe à une invasion mongole grâce à la bravoure du samouraï Tetsujiro du clan Soma. Pourtant le Shogun renâcle à dédommager les défenseurs dont les terres ont été victimes de pillages. Alors qu’il tente de subvenir aux besoins de son fils et de l’élever dans l’honneur du Bushido, Tetsujiro se retrouve soudain transporté dans un monde étrange où des colosses romains semblent bien décidés à lui faire la peau…

Après 23 tomes d’une série très bien cotée, Toshimitsu Matsubara a commencé récemment cette nouvelle série dont le premier tome a le mérite d’aller droit au but: sous couvert d’une ambiance de manga de Samouraï il s’agit bien de proposer un univers magique de combats fantasmés entre tout type de combattant que l’on désire voir se rencontrer, à la façon d’un jeu vidéo de baston. En envoyant (sans trop d’explication) un samouraï au Valhalla on va pouvoir castagner entre légionnaires romains, monstres mythologiques et je ne sais quels autres combattants de toute époque possible. L’artifice est malin… mais la réalisation un peu brouillonne à force de vouloir mettre tout et n’importe quoi dans ce tome introductif.

VALHALLIAN THE BLACK IRON : un samourai au Valhalla ! - GaakComme à leur habitude les éditions Ki-oon ont mis le paquet sur une licence en laquelle elles croient, avec un kit presse tout à fait impressionnant. Une maison qui a habituellement du flaire pour dénicher bon nombre de pépites et qui me semble pour le coup s’être aventurée sur un terrain hasardeux tant cette ouverture fait patchwork sans bien savoir à quoi on a affaire. Débutant sous une trame historique classique le manga prend rapidement des allures de Dark fantasy (avec son lot de sang, de déformations et d’un soupçon de fesses) où contrairement à l’autre série chroniquée en début de semaine l’équilibre entre développement d’univers et baston n’est pas très bon. Avec un style graphique solide qui rappelle Kakizaki, l’auteur envoie son héros affronter tout un tas de créatures et personnages sans prendre le temps de la lisibilité. On en ressort un peu frustré et à moins que les planches ne vous accrochent, un peu fatigué par cette ouverture qui ne donne pas suffisamment de raison de poursuivre. Une assez franche déception.

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Once and future #4

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Comic de Kieron Gillen, Dan Mora et Tamara Bonvillain (coul.)
Delcourt (2022) – BOOM Studios (2020), 134p., série en cours, 4 « collected editions » parues.
Quand on lance une série le plus dur c’est de savoir s’arrêter. Surtout quand on est épaulé par l’un des dessinateurs les plus impressionnants du circuit US. Partie pour 3 ou 4 tomes, la geste arthuro-badass-gore-littéraire de Kieron Gillen a déjà cramé la limite et ce quatrième volume qui en attend (au moins) un cinquième est le volume de trop, pas loin de la sortie de route. C’est fort dommage tant la brochette de personnage est sympathique, l’esprit film d’horreur fauché des années 80 assumé et très opérant et le décalage trash de l’esthétique arthurienne originale. Once and Future T04 de Dan Mora, Kieron Gillen, Tamra Bonvillain - Album |  Editions DelcourtJe reconnais que mettre 2 Calvin avec un artiste de la qualité de Dan Mora fait beaucoup hésiter. Est-ce bien raisonnable? Pourtant on m’accordera que l’absence de décors finit, une fois basculé entièrement dans l’Outremonde, par devenir gros et les effets visuels font également saturer un peu. Depuis le début de la série l’alternance d’humour, d’action débridée, d’irruptions gores en laissant les atermoiements d’Arthur ( il faut le dire assez ridicules) en pouce-café permettaient de garder un rythme accrocheur. Le fait de sortir du monde réel nous plonge dans un grand vide assez inintéressant, où le temps n’a plus lieu, où les baston sont coupées aussitôt commencées et où ne restent pratiquement plus pour nous tenir hors de l’eau que les fight super-héroïques des chevaliers à la mode Gillen. En passant dans l’Outremonde les auteurs perdent clairement l’équilibre de leur série en étant réduits à faire surgir épisodiquement un nouveau personnage de la littérature anglo-saxonne, qui Shakespear par ici, qui Robin Hood par là, sans oublier une Gorgone. Face à ces démons les héros sont bien peu de choses et se contentent de courir… Tout ça sent de plus en plus le gloubi-boulga et l’érudition certaine du scénariste ne justifie pas d’oublier son objectif. Très grosse déception donc pour ce volume d’une série qui avait su effacer ses quelques défauts sous une immense sympathie et un sens du fun évident. A croire que Gillen a laissé les manettes à un assistant. Espérons qu’il ne s’agit là que d’un accident et qu’un cinquième tome viendra conclure en feu d’artifice une série qui ne méritait pas ça. note-calvin1note-calvin1
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Saint-Elme #3: le porteur de mauvaises nouvelles

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BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2022), 78p.,  série en cours, 3 tomes parus.

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Frank Sangaré est mal en point. Très. Laissé brulé et à l’article de la mort, le cadet des frangins enquêteurs tente de s’évader dans les tunnels de Saint-Elme alors que son ainé commence à suivre sa trace. Pendant ce temps le ménage se prépare dans la famille Sax…

Avec une sortie rapprochée de trois albums en deux ans on est totalement dans le rythme de série en mode bing-watching et la construction millimétrée de Serge Lehman colle parfaitement avec ce format: galerie de personnages hauts en couleur (ou en perversions), explosions de violence crue, sexe poisseux et dialogues percutants, on a tout ce qu’il faut pour rester addict aux mésaventures des frères Sangaré dans ce bas-fonds qu’est Saint-Elme. Utilisant savamment le hors-champ, les auteurs préparent l’arrivée du redoutable patriarche mafieux alors que le limier de la fratrie de détectives a enfin débarqué. Avec sa gueule sans pupille et son allure robotique, il ajoute une couche d’étrange alors que le scenario se positionne enfin sur le caractère anormal des évènements surnaturels auxquels on a assisté jusqu’ici.

Les deux premiers tomes nous avaient totalement conquis et s’il y a un peu moins de surprise sur ce troisième, plus linéaire, la maestria de Peeters et la force des personnages suffisent amplement à prolonger le plaisir sur cette série totalement inattendue et qui tranquillement est en train de se hisser au même niveau qu’un 5 Terres ou un Renaissance. Brillant et addictif!

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Ultramega, #1

Premier tome de 200 pages, de la série écrite et dessinée par James Harren. Parution aux US chez Skybound, publication en France chez Delcourt le 19/10/2022.

Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Aux grands monstres, les grands remèdes

Vous ne l’avez peut-être pas encore remarqué, mais le monde est assailli par une force cosmique antédiluvienne. Ce danger mortel peut émerger n’importe quand, n’importe où sur la planète, car il se trouve en chacun de nous. Un virus venu des tréfonds glaciaux du cosmos, touche aléatoirement des humains ordinaires, pour les transformer en gigantesques kaijus assoiffés de sang.

Mais l’Humanité n’est pas seule pour affronter ce péril: trois élus ont reçu d’Atum Ultraméga, un messie cosmique ennemi juré des kaijus à travers l’Univers, une part congrue de ses pouvoirs. Ces trois hommes, Jason, Stephen et Erm, peuvent ainsi se transformer en Ultramégas, de titanesques guerriers.

Leurs ennemis sont légion. La menace est insidieuse. Leurs batailles, massives. Priez pour qu’ils soient de taille !

Après avoir fait ses armes sur B.P.R.D. et RUMBLE en tant que dessinateur, James Harren se lance en solo pour son premier projet complet. Hommage plus qu’évident aux fleurons du sous-genre tokusatsu tels qu’Ultraman, Ultramega nous plonge dans une sanglante bataille entre titans et monstres géants en pleins centres urbains.

Harren prend ici le pitch de base pour le transformer en autre chose, et adopte un point de vue plus pragmatique sur le postulat des monstres géants. En effet, si dans la franchise Ultraman, le héros éponyme a quelque chose d’éthéré et d’immatériel, ici, le héros est incarné de façon bien plus charnelle et physique, avec un style graphique tout à fait organique et artisanal appuyé sur la colorisation toujours incroyable de Dave Stewart (cité dès la couverture, une fois n’est pas coutume!). Quand il est touché, il saigne, il est susceptible de perdre pas mal d’organes et de membres… vous l’aurez compris: Ultraméga est sensiblement plus gore que la plupart des histoires classiques de kaiju, ce qui est cohérent avec le style de l’auteur.

Les conséquences des combats sont elles aussi bien plus appuyées et dramatiques, les dégâts collatéraux ne sont pas mis de côté et parfois même appuyés: on parle d’immeubles qui volent en éclats, de quartiers entiers réduits à l’état de gravats, des rues inondées de sang, enfin tout ce qu’implique des combats à morts entre des entités géantes. James Harren ne fait donc pas de concession et pousse son concept jusqu’au bout. Ainsi les apparitions d’Ultraméga sont toujours mises en valeur de façon spectaculaire, et il se dégage d’emblée un sentiment de désespoir, de combat perdu d’avance: ultra-violents, les affrontements sont très différents des boures-pif à l’infini des classiques combats de super-héros. Ici les coups sont généralement fatales et très graphiquement exprimés tant dans les conséquences organiques que dans les onomatopées et effets de souffle. Impressionnant et marquant!

Un autre élément permet à Ultramega de se détacher du tout-venant: la structure du récit, qui débute de façon classique pour mieux nous surprendre à la fin du chapitre 1. La suite nous prend à rebours en nous plongeant dans un univers post-apocalyptique un peu barré. Malgré une narration quelque peu baroque, pour ne pas dire foutraque, l’auteur propose là encore des idées intéressantes et originales (je pense notamment aux kaijus qui souhaitent construire des méchas. Dit comme ça c’est délirant, mais ça fait sens dans son contexte).

Reprenant des thèmes abordés dans Pacific Rim l’auteur propose un univers où l’utilisation des cadavres de kaiju et d’Ultramega est très pragmatiquement exploité avec une société post-apo qui s’est structurée sur la défaite initiale, un peu dans l’esprit de Coda dont Harren semble très proche tant graphiquement que dans son idée disruptive du récit héroïque.

On a donc ici un condensé d’action, empli de référence au sous-genre kaiju et à Ultraman, mais qui sait aussi se détacher de ses modèles pour proposer quelque chose d’innovant. Là où l’auteur ne nous surprend pas, c’est sur le design des monstres, qui est comme à l’accoutumée, totalement délirant et unique.

Sorte de croisement entre Ultraman et Invincible, Ultramega est le coup de cœur comics immédiat de cette fin d’année et potentiellement une très grande série en devenir !

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Une soif légitime de vengeance #1

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Comic de Rick Remender,  André Lima Araujo et Chris O’Halloran.

Urban(2022) – Image (2021), 128, contient les épisodes 1 à 5.

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bsic journalismMerci aux  éditions Urban pour leur confiance.

Sonny déambule dans Vancouver tel un anonyme, entre deux courses et une visite à sa mère. Lorsqu’au bout d’une adresse il tombe sur un horrible massacre s’enclanche un engrenage qui semble le lier à des personnes peu recommandables, flics véreux ici, implacables assassins là. Que cache vraiment Sonny? Est-il le citoyen bonhomme que tout indique? Surtout pourquoi se trouve-t’il toujours au mauvais endroit au mauvais moment?

A Righteous Thirst For Vengeance | DomestikaJ’avais remarqué la précision du portugais André Lima Araujo sur l’étonnant Generation Gone, une des premières publi Hicomics en 2019. Entre deux participation à des albums Marvel, le dessinateur fait une incursion indé en apportant le réalisme et la dynamique de son trait dont les visages ne sont pas sans rappeler Otomo. Ici en grande compagnie, il met en scène les pérégrinations semi-muettes de cet asiatique qui semble au premier abord un honnête citoyen, peut-être clandestin, semblant tombé malgré lui dans les affres des assassins internationaux. Sur un rythme lent ponctué d’explosions de violence Remender nous fait observer tout un tas de gestes de son personnage qui instillent le doute. Par moment ses actes sont ceux d’un agent ou d’un tueur désireux de se faire oublier quand juste derrière l’évidence de son innocence et se son incompétence sautent aux yeux. Alors le lecteur phosphore, en allant puiser dans tous ses souvenirs de tueurs au cinéma: Amnésie? Double? Manipulation?… Toutes les solutions sont possibles pendant que nous admirons les superbes paysages contemplatifs créés par l’architecte Araujo sur des aplats ternes mais efficaces de Chris O’Halloran.

Is Putting Off Potentially Bad News Really A Good Idea? Previewing 'A  Righteous Thirst For Vengeance' #2 – COMICONDans ce genre d’histoire c’est le rythme et le choc de l’action qui importent et sur ces points le maître du scénario indé fait une nouvelle fois mouche en jouant avec son lecteur. Certains seront frustrés par la brièveté de l’intrigue (qui se conclut donc à la moitié de l’histoire sans que l’on ne sache encore grand chose), mais comme pour le récent Valhalla Hotel (quoi qu’en plus sérieux!) on adore se faire balader, contempler les plans fixes, les regards mystérieux, croiser cette galerie de personnages dont le monde fou semble confronter le notre et celui de Sonny, réalistes et simples. Comme quand Jim Jarmush s’immisce dans le monde des « assassin movies » sur Ghost Dog.

En refermant le livre on est ainsi totalement conquis bien qu’en attente de résolution (c’est le principe d’un Cliffhanger, non?) et le cerveau en ébullition pour essayer de refaire la piste de ce citoyen au dessus de tout soupçons…

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King Spawn #1

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Comic de Todd MacFarlane et collectif.

Delcourt (2022), 208p.+ cahier graphique. Série en cours.

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bsic journalismMerci aux  éditions Delcourt pour leur confiance.

Pour commencer je tiens à vous avertir: cet album est ma première immersion dans l’univers du personnage trentenaire de Todd MacFarlane. Personnage singulier des comics qui a beaucoup fait pour développer l’Indé au tournant des années 1990 en co-créant Image comics avec Jim Lee et Marc Silvestri, la carrière de MacFarlane est totalement liée à ce personnage qui s’est décliné depuis sur une bonne dizaine de séries rattachées à l’univers du anti-héros infernal. Certains auteurs choisissent de passer leur vie sur un même univers. C’est un choix (lucratif…). Avec un a priori plutôt négatif sur cette franchise très commercialement déclinée (jouets, film, séries,…) je tente donc la découverte…

King Spawn Issue 2 Sneak Peek !Et subit les mêmes conséquences que sur une première incursion dans un album de la Justice League ou des X-men: l’impression d’arriver justement après trente ans d’une trame continue pleine de personnages et de rebondissements. Vous voilà donc prévenu, contrairement à ce que laisse entendre l’auteur dans sa préface, King Spawn, qui ambitionne « d’ouvrir comme jamais l’univers de Spawn » n’est pas vraiment une porte d’entrée. Soyons juste: si la méconnaissance des personnages, de l’histoire du personnage et du contexte de 2022 compliquent la lecture, la narration se veut suffisamment linéaire et fluide pour permettre à un nouveau venu d’en profiter, notamment graphiquement.

Car comme création d’illustrateur l’une des immenses qualités de Spawn est la force de ses planches, ici déclinées par la fine fleur du comics particulièrement inspirée dans la mise en scène qui brise souvent les cases pour créer des visions brisant les murs de la réalité. L’atmosphère adulte assez crue (on parle d’enfants massacrés, d’éviscérations et d’un héros qui tue sans plus d’états d’âme que le Punisher) qui a fait le succès de la série Image à son lancement en regard avec le puritanisme du Big-Two fait son effet. Une fois rentré dans cette enquête autour d’un groupe eschatologique on se laisse porter avec le plaisir de ne pas avoir trop de bons sentiments, ce qui rend le héros (un démon des enfers, rappelons le) crédible.

KING SPAWN #1 (McFarlane, Lewis / Collectif) - Image Comics - SanctuarySi la crudité du thème et du traitement impactent, on n’évite pourtant pas l’effet références et quelques codes du comics qui banalisent par moment l’ambition. Ainsi à la volonté de croiser ses séries et personnages, MacFarlane recrée une sorte de Bat-family à laquelle il ne manquerait plus que le Spawn-chien. Passons. Les références il y en a donc (on pense à Punisher, Shadowman ou Bloodshot chez Valiant, mais aussi au tout puissant Hellboy refusant son statut de Seigneur du chaos) mais suffisamment digérées pour devenir un univers original et c’est là la principale qualité (inattendue) pour ce secteur hyper-concurrentiel du nouveau sup’.

King Spawn #3 (2021) | Read All Comics OnlineEtrangement ce sont les séquences avec le super-héros qui sont les plus banales du fait de cette immortalité et cette imprécision sur les capacités du personnages qui aime à défourailler armé de grosses pétoires quand il ne lance pas sa cape-symbiote tel un Venom. Lorsque Al Simmons reprend forme humaine on s’intéresse à ce monde peuplé de terroristes et d’agences gouvernementales obscures et au Grand Jeu entre armées infernales et Anges bloqués sur Terre après que Spawn ait semble t’il fermé les passages des âmes vers le haut et vers le bas.

Doté d’un univers riche, très adulte et raisonnablement ricain, Spawn prend les qualités des Batman modernes et les réhaussant d’une mythologie biblique fort alléchante. De quoi donner bien envie de retourner à la source pour pouvoir profiter ensuite pleinement de cette nouvelle saga.

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The Magic order #2

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Comic de Mark Millar, Stuart Immonen, 
 Panini (2022) –  second tome des aventures de la famille Moonstone.

2019… cela fait un monde que nous attendons la suite de ce Magic Order avec la promesse d’un niveau artistique de folie sous les pinceaux du grand Stuart Immonen. Les deux bonshommes ont déjà collaboré sur l’assez décevant Empress mais la radicalité et la qualité de l’univers de ces sorciers faisaient de cet album un des plus alléchants depuis longtemps. Malheureusement l’inspiration (ou le travail?) du golden-boy Millar semble s’être tarie et ce nouvel opus d’une série qui tarde à arriver en format audiovisuel sur la plateforme au N rouge ne nous rassure en rien sur sa capacité à proposer de nouveaux monuments du comic indé. La source se serait-elle tarie?

Magic Order 2 by Mark Millar and Stuart Immonen Has A Brexit TingeOn ne pourra en effet rien reprocher au dessinateur canadien qui s’il a tendance à rechercher la simplification des dessins, n’en explose pas moins de talent à chaque fois qu’il sort du pure illustratif. L’enchaînement des séquences reste lisible et les moments d’action plutôt fun. La tâche n’était pourtant pas facilitée par un scénario qui semble vouloir se concentrer tout le long sur la petite histoire, celle des sorciers en jogging et des problèmes de couple, comme si Mark Millar avait voulu faire, plus encore que sur le premier, un néo-polar londonien à la sauce Avada Kédavra… Peu de moments épiques à se mettre sous les yeux donc.

A cela le péché majeur du scénariste est d’abuser totalement du Deus Ex-machina qui rend le tout presque risible tant il ne s’encombre à aucun instant de construire un puzzle. La linéarité du tout est confondante de faiblesse et malheureusement ce n’est pas la poudre de perlimpinpin jetée grâce à la maîtrise graphique d’Immonen qui masque l’absence de projet pour ce opus qui pourrait à ce rythme se prolonger sur des dizaines d’albums. Ainsi le méchant sorcier d’une lignée vaincue rassemble des pierres cachées pour se venger et reprendre le pouvoir sur les Moonstone… Hum, on a vu plus original. Accordons toutefois à Millar son caractère de sale gosse qui assume tout, tuant n’importe qui à tout va, donnant par-là un peu de sel à une intrigue qui en manque diablement.

Magic And Machinations: Advance Review Of 'The Magic Order 2' #2 – COMICONIl ressort de ce très attendu album un sentiment de gros gâchis qui fait hésiter entre le conserver pour les planches ou s’en séparer devant une telle incurie. Si l’on fait le compte le Magic Order #1 est le dernier vraiment bon album de Millar (en sauvant Sharkey pour son aspect fun qui a un bon potentiel en série). A force de se reposer sur une armée des plus grands dessinateurs de comics pour garantir les ventes, l’auteur semble en oublier la deuxième patte d’un bon album BD.

Le troisième tome de Magic Order est en cours de publication aux Etats-Unis (avec l’italien Gigi Cavenago aux crayons) et les premiers aperçus (très impressionnants) des planches du quatre avec Dike Ruan indiquent une sortie dans la foulée, probablement fin 2023. Lorsqu’on sait que la newsletter publiée par Millar parle de Greg Capullo, Travis Charest ou encore le retour de Coipel, on a de quoi se faire briller les mirettes. Les séries Netflix semblent sur le point d’être lancées en production. De quoi rester confiant sur le catalogue Netflix. Côté BD pas forcément…

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