Comic de Rick Remender, André Lima Araujo et Chris O’Halloran.
Urban(2023) – Image (2021), 128, 2/2 tomes parus.
Rick Remender alterne quelques séries au long court et de réguliers diptyques qui visent la récréation (Death or glory) ou le no limite (Tokyo ghost). En nous laissant dans une sidération sadique à la fin de premier tome il créait une grosse attente pour cette suite et fin qui ne va pas finir de vous troubler. De par sa construction d’abord. En relisant le premier tome après les révélations finales on saisis les très discrètes allusions aux antagonistes et à la source de l’intrigue. Pourtant si le premier tome était assez contemplatif en mixant sublimes exercices techniques urbains d’Araujo et explosions de violence dignes d’un Reservoir Dogs voir d’un Elie Roth (le terrifiant personnage en couverture est là pour nous rappeler que nous ne sommes pas dans une histoire pour fillettes), ce tome de conclusion va se faire un malin plaisir à hacher le temps en poursuivant le principe qui a vu tuer la mère du jeune Xavier: dans la vraie vie on meurt souvent et souvent comme un con…
L’intrigue reprend après un temps indéterminé où Sonny et son jeune protégé devenu mutique suite au traumatisme vécu sont accueillis dans une sorte de camp de survivalistes écolo. Très vite on nous explique qui est ce mystérieux anti-héros et l’on tisse un lien émotionnel avec le garçon pour créer d’autant plus de tension dramatique lorsque les bad guys entreront en action. Car comme dans tout bon thriller réaliste les abominables psychopathes qui servent de méchants sont partout, dotés de moyens sans limite et seuls les nombreux deus ex machina et la chance insolente du héros parviendra à en venir à bout. Comme sur Death or Glory auquel il emprunte la folie totale des tueurs et l’ignominie infinie du grand manitou, on nage dans un cloaque indicible de la lie humaine sur lequel la moindre once d’humanité paraît un paradis. Je parlais de hachures car si le premier tome se déroulait sur quelques heures le second se prolonge sur plusieurs années en plusieurs parties, ouvrant un récit bien plus vaste que l’ouverture qui n’est au final qu’une très grosse bande annonce.
Dans une maîtrise totale des codes narratifs, sachant où il veut aller et quelles émotions il veut provoquer, Rick Remender nous balance une nouvelle orgie nihiliste idéalement supplée par la froide rigueur de son dessinateur dont on va guetter de très très près les prochaines créations tant il impressionne. Formaté pour une adaptation ciné rêche pour laquelle Benedict Wong ne pourrait que récupérer son visage prêté pour l’occasion, Une soif légitime de vengeance n’a pas fini de vous surprendre et de vous choquer, à un soupçon d’assumer une bad ending avec laquelle flirte toujours ce formidable scénariste.