Comic de Al Ewing, Simone Di Meo et Mariasara Miotti (coul.)
Hicomics (2023) – Boom! (2022), 144 p., série achevée en 3 tomes.
Merci aux éditions Hicomics pour leur confiance.
Autant le premier tome (nominé deux fois aux Eisner awards) avait bluffé tout le monde autant les multiples ruptures du second avaient perdu du monde. Sur ce troisième (et dernier?) opus, les auteurs reprennent une trame plus linéaire (si je puis dire), plus lisible et plus intéressante en raccrochant les wagons à la question qui nous taraude depuis la chute brutale du volume 1: qui sont ces dieux et que s’est-il passé lors du voyage de Malik?
Appartenant résolument à la catégorie des SF intello (assez proche dans le genre de l’incursion BD de NK. Jemisin sur Far Sector) WOFTWTAD continue de jongler avec ses trames temporelles pour emmener notre cerveau dans un grand looping mental à la fois éreintant et intellectuellement ludique. Un petit conseil: laissez tomber vos marque-pages pour identifier à quelle trame correspond telle année, vous allez vous y perdre. Laissez vous plutôt aller dans cette ambiance electro-numérique vaporeuse et ce récit diablement mené dans l’écriture.
Après les barbouseries diplomatico-terroristes du tome deux, nous voilà projeté quelques années plus tard alors qu’une entreprise a développé à partir du cœur de Malik une IA capable de décoder les souvenirs de l’homme transmuté en Dieu (ça vous rappelle quelqu’un?). Avec un Jason Hauer comme fil conducteur, nous allons suivre ce qui s’apparente à la vraie suite du formidable tome d’ouverture après un intermède qui aurait tout aussi bien pu être un spi-off. En revenant aux personnages d’origine avec un dispositif scénaristique connu mais très efficace du clone chargé de retrouver les souvenirs de l’original, Al Ewing convainc via une écriture tout à fait élégante en alternant un découpage en gauffrier, pleines pages massives et cadrages variés. L’histoire va ainsi nous mener d’une étude psychologique du clone à la Blade Runner à une odyssée en vaisseau en montant un équipage de fortes têtes qui permettra néanmoins de
raccrocher le tome au contexte issu du retour de Malik et décrit précédemment. L’ensemble est donc rythmé, doté de belles séquences d’action qui lorgnent toujours vers l’Animation et bien fourni en personnages au background intéressant. Surtout, il tient partiellement la promesse d’une résolution philosophie sur ce qu’est la Vie en traitant des IA mais aussi d’une vertigineuse exploration temporelle qui touche à la Liberté individuelle et la prédestination… Ce genre de trames SF est toujours frustrante et très compliquée à aboutir sans sombrer dans une épiphanie maladroite ou à l’inverse dans une pirouette spatio-temporelle. WOFTWTAD s’en tire donc avec les honneurs en retombant sur ses pieds (ouf!) et en respectant le cahier des charges.. malgré une chute très surprenante d’autant qu’elle est accompagnée d’un mystérieux « fin du tome 3 » qui pourrait laisser penser à une suite. Or la série est bien (officiellement) terminée outre-atlantique. On optera donc pour une maladresse de l’éditeur français et on pourra aller reprendre la trilogie bien complexe mais qui aura apporté une vraie proposition intelligente dans le comic indé.