BD de Tiburce Oger et collectif.
Grand Angle (2022), 92p., One-shot.
Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.
L’an dernier le dessinateur Tiburce Oger (Gorn, Ghost kid) passait de l’autre côté de la page en réunissant la fine fleur des dessinateurs de BD pour une anthologie historique sur la Conquête de l’Ouest. Orienté sur les figures de pionniers, Go west young man fut une très belle réussite qui a attiré pas moins de cinquante-mille lecteurs. Beau résultat mérité pour une recette jamais évidente en format très court.
Oger remets donc le couvert cette année (avant un probable troisième volume plus tard) avec une moitié de récidivistes et autant de nouveaux, dont de sacrées pointures, qui font de ce second tome axé sur les amérindiens un album encore plus impressionnant graphiquement. Tiburce Oger écrivant l’ensemble des histoires, la réalisation est paradoxalement courte puisqu’il a fallu six moins pour concevoir l’album, certains artistes ayant eu le loisir de choisir leur scénario quand d’autres sont arrivés en dépannage du fait de l’indisponibilité de quelques pointures envisagées. Et rançon du succès il semble de plus en plus facile d’embarquer de grands noms sur ce navire de poussière et de larmes, ce qui nous allèche fort dans l’attente d’un nouveau projet.
La difficulté dans cet album comme dans le précédent c’est de suivre la chronologie (qui va de la Conquête du seizième siècle à l’aube du XX° siècle) et certaine personnages aperçus à différents âges de leur vie, voir leur descendance. Cela permet néanmoins de créer un lien entre ces séquences qui nous apprennent beaucoup de choses sur l’histoire des Etats-Unis de ces peuples martyrs amérindiens: quel certains s’interrogent encore sur l’appellation de génocide concernant le destin des « peaux-rouges » nous révolte une fois que l’on a refermé ce livre qui profite de la passion encyclopédique de l’auteur pour l’Ouest.
Si j’ai beaucoup aimé le précédent, j’ai eu le sentiment que les histoires étaient ici plus solides, moins tranche de vie, en s’intéressant non seulement aux évènements mais bien à la complexité de la galaxie des tribus, de leurs multitudes de langues, des mille incidences de la Conquête sur des peuples qui avaient finalement pour principal point commun d’être victimes communes de l’extermination par les blancs. Car ce qu’on retient après avoir refermé Indians c’est que les seules indiens que nous connaissons sont des tribus irrémédiablement marquées dans leur mode de vie par cette confrontation: ce peuple cavalier, nomade, l’est devenu de par l’arrivée du cheval avec les espagnols, les métissages furent précoces, complexes et déterminants pour des individus que la Destinée Manifeste avait décidé de dissoudre culturellement dans la « Civilisation » européenne. Ce qu’ils eurent été sans l’arrivée des blancs nous ne le saurons jamais.
On profite ainsi de la très grande expertise narrative des collaborateurs de Tiburce Oger qui forment une grande cohérence visuelle et une sorte de hall of fame des conteurs graphiques, dans des formats de quelques pages qui exige la plus grande lisibilité et évocation des dessins. Tout à la fois art-book de luxe, documentaire et BD de western, Indians confirme magnifiquement le talent d’entraînement d’Oger et que l’on n’a jamais fini de trouver des choses intéressantes à raconter même dans les genres les plus éculés.