**·BD·Rapidos

Asterix et le Griffon

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BD de Jean-Yves Ferri, Didier Conrad et Thierry Mébarki (coul.)

Dargaud (Albert René) (2021), 48p., série en cours.

Tout à sa préoccupation d’occuper le peuple romain Cesar ordonne à son géographe de se rendre dans l’Est barbare pour lui ramener la mythique créature: le Griffon. Dans le même temps Asterix, Obelix et Panoramix sont partis rejoindre le Chamane Cékankondine qui les a appelé à l’aide en songe…

Lorsqu’il s’agit de lire un nouvel album d’un grand Ancêtre j’avoue n’avoir aucun fétichisme et m’efforce d’avoir l’approche la plus neutre possible afin de savoir si tout simplement il s’agit d’un bon ou d’un mauvais album. Sans doute trop jeune pour être marqué par un souvenir marqué, je suis plutôt enfant de Thorgal, Tom et Janry ou Aquablue. Récemment ma lecture du dernier Lucky Luke m’avait fort enthousiasmé et permis de constater les éternels débats sur la supposée fidélité ou non avec la série d’origine. L’avantage avec Asterix c’est que cela fait finalement si longtemps que Uderzo travaille seul (la majorité des albums, depuis 1977, ne l’oublions pas!) que le passage à de nouveaux auteurs ne sera finalement que la troisième « équipe » à passer sur le Gaulois. Spirou en est à une bonne dizaine et cela ne lui a pas mal réussi finalement…

De la reprise par Conrad et Ferri je n’ai lu que la Transitalique (que j’avais bien aimé) et j’avoue que j’ai légèrement tiqué sur une évolution du dessin notamment sur les arrières-plans. Je n’ai pas fait de recherche comparative avec le travail d’Uderzo mais il me semble que Didier Conrad a tendance à détailler ses fonds, ce qui modifie un peu l’aspect général de l’album tout en restant archi-fidèle sur les personnages. Comme je l’ai dit je ne suis pas fétichiste et cela ne me pose pas de problème qu’un auteur apporte sa patte sur une série patrimoniale (les dessins de Blake et Mortimer sont assez différents d’un album à l’autre).https://images.laprovence.com/media/hermes/2021-10/2021-10-21/20211021_1_6_1_1_0_obj25110275_1.jpg?twic=v1/focus=900x752/cover=750x422

Pour ce qui est de l’histoire, si on est de prima abord plutôt enthousiaste de voir Asterix et ses amis partir pour les plaines enneigées vers des peuplades barbares qui ont toujours permis de sympathiques séquences (je pense bien sur à la Grande Traversée), une fois l’amusement des lettres E inversées dans la langue Sarmate et le running-gag avec les guides Scythes rattachés au World Wide Web, un est tout de même franchement en manque de blagues. Les auteurs connaissent leurs gammes en matière d’anachronisme et abusent des noms à la Asterix mais tout cela manque d’inspiration. On en est donc réduit à s’attacher à la seule aventure vers le mythique Griffon et hormis un acte héroïque d’Obelix les batailles elles-mêmes sont assez maigres, sans même une vision des fières Amazones (pourtant graphiquement réussies) au combat.

Les derniers albums d’Uderzo mettaient presque cinq ans à être réalisés. L’éditeur impose un rythme de deux ans fermes aux nouveaux auteurs et ce Griffon est le premier réalisé après la mort du co-créateur. On sait que la pression du calendrier fait rarement bon ménage avec la créativité (Van Hamme en sait quelque chose). Et on sent que l’inspiration a manqué sur cet album qui n’est pas honteux mais manque un peu de tout (baston, références, jeux de mots,…). Dispensable donc.

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Le Grand mort

BD de Loisel, Djian, Mallié et Lapierre (coul.).
Glénat (2008-2019), 474p., Intégrale des huit tomes.

Le Grand Mort - Intégrale Tomes 05 à 08

Coup de coeur! (1)Lorsque Pauline débarque au fin fond de la Bretagne pour bosser son mémoire, elle ne se doute pas de l’aventure qu’elle va vivre. Une aventure intime et temporelle où elle trouvera l’amour, un enfant, et se retrouvera confrontée à des enjeux dépassant l’imagination et mettant le monde en péril lorsqu’un déséquilibre surviendra entre les deux réalités… 

Vincent Mallié - le site officielDe Régis Loisel on a plus lu d’albums en tant que scénariste que comme dessinateur. Parmi les Grands Anciens de la BD il a pourtant posé une marque indélébile sur toute une génération de dessinateurs et l’on retrouve souvent son style graphique sur les planches de ses collaborateurs… ce qui pose quelques questions tout de même. Si le cycle Avant la Quête vise logiquement à inscrire une filiation graphique avec le cycle mythique dessiné par Loisel, sur le Grand mort on peut s’interroger sur un certain narcissisme à demander à un artiste chevronné comme Vincent Mallié (qui a alors dix ans de carrière, un style solide et la très belle série Les Aquanautes sur son CV) de singer sa patte. Mallié s’en sort excellement en rappelant des aspects si connus du style Loisel, fait de hachures, de créatures aux yeux rouges et de pulpeuses donzelles. Là n’est donc pas le problème. Mais on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi Loisel n’a pas dessiné lui-même la série. Bref…

Dossier Le grand mort T.4 - INTERVIEW DE LOISEL, DJIAN & MALLIÉJ’entends parler depuis fort longtemps de cette série qui au-delà de l’aspect patrimonial de son auteur bankable jouit d’une aura tout à fait remarquable, celle d’un classique de la BD. Je dois dire que sur le démarrage j’ai eu un peu peur, le premier tome (et le pitch) faisant craindre une énième histoire de passage entre deux mondes. Pourtant, si certains dialogues peuvent sembler faiblards sur le premier volume, dès le second et le retour dans notre univers s’installe la dramaturgie nécessaire alors que la quête d’Erwan pour retrouver sa belle s’étire. Va t’on retourner voir le Petit peuple? Que s’est -il passé pendant le « voyage » pour que le monde que l’on connaît sombre progressivement dans un chaos pré-apocalyptique? La progression vers le sombre est remarquablement bien menée et le triptyque de personnages fonctionne à merveille jusqu’à la moitié de la série où les explications sur les liens entre les univers et la finalité du Plan est révélée. Très malin, le scénario utilise donc un premier tome pour proposer une normalité du fantastique plutôt triviale et quelques heures de l’autre côté où tout va se jouer sans que l’on ne puisse en percevoir grand chose. Ainsi la bascule progressive dans le chaos de ce qu’il faut bien appeler une Fin du monde est d’autant plus choquante que la découverte s’étire sur un récit itinérant visant à faire se rejoindre au bout des huit tomes les deux groupes que constituent Erwan et l’enfant d’un côté, le duo de copines de l’autre, traversant une Bretagne où elles observent les effets de la catastrophe.

Preview BD Le Grand Mort T7 : Dernières migrations - GlénatUne des grandes réussites de la série repose sur des personnages pas si caricaturaux qu’ils ne semblent. A commencer par une relations étrange, dérangeante, entre la mère et la fille. Fécondée on ne sait comment, Pauline soupçonne très tôt sa fillette au faciès si étrange d’être liée aux catastrophes qui l’entourent. Erwan de son côté, semble peu touché par le chaos environnant et les étrangetés qui surviennent. Nouant un lien plus facile avec la fillette, il finit par réaliser que sa bienveillance naturelle est peu de choses face à la noirceur de l’enfant… Au-delà des thématiques sociales esquissées, du handicap, de l’adoption ou des relations parentales, c’est bien le principe de l’Antéchrist qui est convoqué par Loisel et Djian dans Le Grand mort (titre qui reste d’ailleurs énigmatique jusqu’à la conclusion…). Un Antéchrist que l’on a peine à accepter enfant, marqués que nous sommes par les schémas narratifs évoluant inéluctablement vers une forme de rédemption, de pardon. Or chez Loisel (comme sur son Peter Pan d’ailleurs) peu d’appétence pour le manichéisme et les bons sentiments. Son enfant est noire, criminelle, maléfique. Sans jugement puisque cela a une raison expliquée, mais avec Erwan nous finissons par reconnaître que cela ne peut pas continuer ainsi et qu’aux grands maux les grands remèdes… dérangeant disais-je!

Le Grand mort – Tome 8 – Renaissance | Un Amour de BDIl en est de même avec les deux copines dont on soupçonne un début de jalousie… qui n’ira pas dans le sens attendu. Très difficile d’anticiper une évolution des personnages dans Le Grand mort tant une forme de réalisme englobe le tout. Cette lecture à l’ère du Covid est particulièrement marquante car on aura rarement disséqué aussi longuement et finement la disparition de nos sociétés. Le genre post-apo prévoit généralement un avant ou un après… très rarement le déroulé de la Fin. Fervent partisan de la mise en scène de l’apocalypse (avec en point d’orgue la fameuse scène cataclysmique d’Akira), depuis le Chninkel ou Universal war one j’ai rarement été autant soufflé par la pertinence et la force d’une telle mise en scène… qui n’est pas là que pour le spectacle mais bien pour décrire les conséquences concrètes d’un délitement civilisationnel.

Laissant finalement le Petit peuple et son esthétique de créatures « à la Loisel » dans un coin, la série se déroule ainsi très majoritairement dans notre monde en mettant en scène des êtres humains dans la tourmente. Jusqu’à la toute fin on ne saura ni pourquoi ni comment en finir, et finalement, est-ce bien le but? Œuvre remarquable d’intelligence et de radicalité, Le Grand Mort est pour l’heure le chef d’œuvre de Loisel à égalité avec La Quête de l’Oiseau du Temps (et pour des raisons assez similaires quand on y regarde de près…), sur les dessins toujours efficaces de Vincent Mallié, dessinateur injustement méconnu et dont la précision s’affine série après série et donne envie de se plonger dans le tout récent Ténébreuse qui vient de paraître chez Dupuis.

Le second et dernier tome de l’intégrale sort ne 17 novembre chez Glénat-Vent d’ouest

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La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner

La BD!
BD de Arleston, Dimat et Torta (coul.).
Drakoo (2021), 57p., série en cours, 1/2 volumes parus.

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bsic journalism Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

Altek est le jeune héritier de l’Empire d’Omnamül, baroque puissance où l’étiquette compte tout autant que les intrigues d’alcôve… Lorsque sa sœur et lui sont victimes d’une tentative d’assassinat chacun sait d’où vient la menace: le régent, oncle du prince qui souhaite ardemment garder pour lui le pouvoir. Sous la protection du plus jeune frère de l’empereur défunt, il va entamer une quête sur les terres sauvages afin de trouver un moyen de résoudre l’immense mystère qui s’ajoute à ses tourments: le monde s’est arrêté de tourner…

https://www.ligneclaire.info/wp-content/uploads/2021/10/La-Baroque-epopee-du-monde-qui-ne-voulait-plus-tourner-1.jpgOn ne compte plus les séries de fantasy plus ou moins originales, plus ou moins redondantes du prolifique Arleston, patron de la maison Drakoo. Alors qu’il s’apprête à reprendre le mythe Lanfeust en compagnie de son complice Didier Tarquin, l’auteur nous propose une nouvelle facétie qui démarre très fort… D’abord une esthétique de maquette fort sympathique et tout à fait recherchée afin de refléter une atmosphère ottomane faite de richesse, de sophistication et d’exotisme. En la matière, le talent d’Arleston de créer des univers colorés est intacte. Mais ce qui pique l’intérêt c’est une construction qui joue avec le quatrième mur dès la première page, en forme d’avant-rideau d’une pièce qui va commencer. Entre des parties aux titres à rallonges dignes des meilleurs feuilletons du XIX° siècle, les auteurs nous déroulent leur histoire entrecoupée de deux corbeaux parlant qui commentent l’action un peu comme le dialogue avec le narrateur du tout récent Autopsie d’un imposteur. Cet emballage est tout à fait percutant et pourrait camoufler aisément un certain classicisme de l’intrigue et de l’univers fantasy.

La Baroque Épopée du Monde qui ne Voulait plus Tourner (tome 1) - (Dana  Dimat / Christophe Arleston) - Heroic Fantasy-Magie [BDNET.COM]Car une fois le rideau soulevé on est bien dans du Arleston 100% pur jus qui ne défrise en rien l’histoire de la BD loisir. En outre, après de premières pages plutôt engageantes, l’aspect tout à fait numérique de la colo de Florence Torta (qui passait déjà assez mal sur le Danthrakon de Boiscommun, heureusement revenu depuis à sa qualité habituelle) laisse une impression de qualité assez moyenne. C’est dommage car les précédentes réalisations de la dessinatrice italienne avaient de réelles qualités. Au final j’ai bien peur que l’habillage du projet ne suffise pas tout à fait à compenser un formatage duquel Arleston a du mal à sortir. Tout dépend de la cible bien sur, un public jeunesse type « Soleil » pourra se laisser tenter par une certaine originalité, mais la question initiale qui se pose à une grande partie des BD Drakoo reste là: pourquoi faire du Soleil hors de Soleil?

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Le port des marins perdus

BD Teresa Radice et Stefano Turconi
Glénat (2016), 294p., one-shot.

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mediathequeCoup de coeur! (1)Un matin d’été sur une plage ensoleillée du Siam, un jeune homme est recraché de la mer. Recueilli par l’équipage de l’Explorer, navire de la Compagnie des Indes orientales, il n’a d’autre souvenir que son nom. Pourtant ses talents de marin et sa grandeur d’âme surprennent les hommes, surtout pour un si jeune garçon. De retour au pays, Abel sera pris sous l’aile protectrice du capitaine Roberts où il entamera un long périple sur les eaux comme dans son cœur, pour comprendre qui il est, quel est son rôle dans ce théâtre étrange de la vie. Un aventure au bout de l’âme, jusqu’au mystérieux Port des marins perdus…

Amazon.fr - Le Port des Marins Perdus - Radice, Teresa, Turconi, Stefano -  LivresJ’ai découvert ce couple d’auteurs (elle écrit, lui dessine) lors de mon unique voyage à Angoulême et obtint une très jolie dédicace sur la série jeunesse Violette autour du monde. Les jolis crayonnés et l’intelligence des scénarios mêlant relations humaines, culture et poésie naturelle m’avaient bien plus et j’avais très envie de me plonger dans ce gros one-shot sorti juste après et salué largement par la critique. Alors que le couple a sorti (l’an dernier) un spin off, les filles des marins perdus, je peux enfin parler de cette aventure en grand format qui rejoints le panthéon des albums exceptionnels! Le chef d’œuvre de la carrière des auteurs, qui sont retournés depuis dans le registre jeunesse auquel se prête très bien les dessins de Stefano Turconi.

Le dessin d’abord, qui est un parti pris radical, pour des raisons autant pratiques qu’esthétiques. Etant donné le pavé de trois-cent pages, il est compréhensible que l’absence totale d’encrage (comme le fait Alex Alice avec talent depuis le début de sa saga steampunk Le Chateau des Etoiles) fait gagner un temps gigantesque au dessinateur sans avoir à passer cinq ans sur son projet. Etant données les compétences techniques de l’artiste ce choix permet aussi une spontanéité et une élégance qui siéent totalement à l’ambiance Le Port des Marins Perdus, envoûtante course au largevaporeuse qui enrobe cette saga semi-mystique. Pour qui apprécie les carnets bonus en fin de certains albums, les sketchbooks et autres croquis préparatoires publiés sur les réseaux sociaux de nos dessinateurs préférés, ce volume est un enchantement de la première à la dernière page, qui montre tout ce qu’on est capable de produire avec une simple mine de plomb, de l’absolue finesse à des transparence qui nécessitent habituellement des effets spéciaux de colorisation. Avec l’outil du pauvre il arrive ainsi bien mieux à produire un univers précis et évocateur qu’avec deux étapes supplémentaires. Cela fait ainsi réfléchir à la norme du dessin de BD qui exige habituellement le passage par l’encrage (qui souvent dégrade la finesse du dessin) puis par la couleur. Assez fréquents sont les albums en noir et blanc, beaucoup plus rares les albums entièrement crayonnés… et encore plus avec un rendu aussi fini.

Le texte totalement inspiré de Teresa Radice n’est pas en reste puisque (a priori directement en français car il n’est pas indiqué de traducteur), souvent en narration, il parvient à nous immerger tant dans un champ lexical de marine et son vocabulaire si particulier que dans une poésie de l’amour, du voyage et du lien, tout à référençant fortement son récit d’une somme d’auteurs et d’ouvrages de la littérature classique anglaise quand ce ne sont pas des chants de marins qui viennent habiller les planches. De la première page à la dernière, Radice construit son récit comme une pièce de théâtre ou comme un film, jouant sur les enchaînements de parties, jusqu’à un « générique » de fin qui prolonge le plaisir avec son épilogue tardif.

C'est pas les hommes qui prennent la mer... / Le Port des Marins Perdus Vs.  Master and Commander - Conseils d'écoutes musicales pour Bandes DessinéesIl y a une humanité folle dans ce récit construit sur un faux-semblant qui nous fait rencontrer Abel, puis le capitaine Roberts, puis les filles du héros disparu, avant de glisser sur le cœur de l’ouvrage, cet amour impossible entre le vaillant capitaine MacLeod, sorte de double du capitaine Stevenson (nom très référencé bien entendu) et de la prostituée Rebecca. Il y a ainsi deux parties dans cette grande saga qui utilise une once de fantastique pour interroger philosophiquement sur le sens de la vie et comme dans les histoires de vampires, permet d’aller à l’essence du lien et de l’amour entre deux êtres. Il y a du drame, des morts et de l’aventure dans Le port des marins perdus qui est aussi une vraie histoire de pirates. Mais le texte est tellement intelligent, tellement nostalgique et les visages si mélancoliques que l’on est pris tout le long dans une sorte de torpeur émouvante en nous prenant d’affection pour ces trois belles âmes que sont Abel, Rebecca et Nat’ MacLeod.

Rappelant par moment la perfection d’un Malgré tout dans son alliance symbiotique du texte, de la construction et de l’image, Le port des marins perdus est de ces ouvrages que l’on veut choyer d’une belle place dans sa bibliothèque, que l’on parcourt ensuite avec l’amour de feuilleter ses superbes dessins  avec l’envie d’y replonger, un peu, juste ce qu’il faut entre le souvenir et le regard. Un album qu’il faut lire dans sa vie de lecteur.

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Nautilus #1: le théâtre des ombres.

La BD!
BD de Mathieu Mariolle et Guenael Grabowski
Glénat (2021), 56p., série en trois tomes.

La première édition comporte un cahier graphique final et une pos-face du scénariste expliquant la genèse du projet et ses deux références: Jules Verne et Kipling. Les intérieurs de couverture comportent d’ailleurs intelligemment une citation de chacun de ces deux grands auteurs. La quatrième de couverture présente l’illustration du tome deux et annonce une série en trois tomes. Initiative que j’apprécie beaucoup comme vous le savez si vous suivez ce blog. Avec un très joli logo-titre, un titre inspiré et une très belle mise en scène de la couverture de ce premier volume, l’emballage de cette ouverture est on ne peut plus réussi.

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Lors d’une mission de filature l’espion britannique Kimball O’Hara se retrouve accusé d’un gigantesque attentat qui coule un navire où se trouvait l’élite russo-britannique dans l’Inde coloniale. Devenu l’ennemi public numéro un, il se trouve contraint de fuir à la recherche d’un fantôme seul à même de l’emmener dans les profondeurs du port pour récupérer les preuves de son innocence et éviter par incidence une guerre entre les deux empires. Un fantôme qui se nomme « personne »…

Nautilus - Le théâtre des ombres Tome 01 - Nautilus - Mathieu Mariolle,  Guénaël Grabowski - cartonné - Achat Livre | fnacOn ne compte plus les tentatives d’adaptation et de poursuite fantasmée de l’ouvre de Jules Verne qui impulsa chez nombre d’auteurs l’envie de raconter (et dessiner) des histoires. Si la plus réussie des mises en image du Nautilus et de son célèbre capitaine revient sans aucun doute à Richard Fleischer sur son film de 1954, un récent projet tombé à l’eau a attisé des envies chez nombres d’auteurs de BD… Le film de Christophe Gans sur lequel a travaillé le chef de file d’une génération d’artistes, Mathieu Lauffray, a créé une immense frustration et remis une pièce dans la machine à idée… on ne va pas s’en plaindre! Et après bien peu de projets aboutis, l’auteur de l’excellent Blue note et le débutant Guenaël Grabowski (lancé par Thimothée Montaigne… coloriste lui-même de Lauffray sur Long John Silver) nous offre sur ce premier tome un espoir au souffle d’aventure et de magie que l’on n’attendait plus!

La grande idée de Mariolle est d’avoir principalement prolongé un roman méconnu de l’auteur du Livre de la Jungle, auquel il a interfacé une suite de l’île mystérieuse. Ainsi il évite les attendus et une familiarité en nous maintenant tout le long de l’album un certain mystère tant sur le personnage de Némo que sur le héros lui-même, découvert en pleine opération. Hormis ceux qui auront lu le livre de Kipling, les lecteurs découvriront ainsi progressivement au fil d’échanges avec ses interlocuteurs (et chasseurs!) qui est ce personnage aux airs d’Indiana Jones mâtiné de Corto Maltese. Si l’introduction est un peu brutale et déstabilisante, cette longue chasse dans les superbes paysages indiens puis le blanc de Russie nous happe comme un grand film d’aventure en cochant tout ce que l’on aime: une cheffe de la police qui a un contentieux ancien avec Kim (que l’on ne nous révèle pas encore), une prison monumentale et poisseuse aux fins-fonds de l’empire russe, des trains indiens sur des itinéraires vertigineux, un fils à retrouver et un mystérieux prisonnier… Le vent de Dumas et de tous les romans d’aventure de l’âge classique soufflent sur cet album qui revêt quelques petites fautes graphiques mais sait nous emporter dans ses cadrages et ses encrages de grande qualité. Sachant maintenir beaucoup de mystère en révélant juste ce qu’il faut pour nous titiller, le scénariste pose une structure quasi-parfaite sur son histoire, se payant le luxe d’une grande variété de décors, d’ambiances et nous abandonne juste quand il faut: sur la découverte du fantastique vaisseau…

Le théâtre des ombres est une entrée en matière quasi-parfaite qui laisse entrevoir une série magnifique avec toutes les clés en main, y compris un dessinateur débutant déjà fort doué et qui risque de progresser dans les années à venir!

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BD de Yohan Sacré
Kinaye (2021), 40 p.

bsic journalismMerci aux éditions Kinaye pour leur confiance.

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Toujours très dynamiques, les éditions Kinaye lancent un nouveau format dans leur catalogue toujours ciblé jeunesse. Après avoir démarré sur des comics jeunesse l’éditeur élargit progressivement sa production vers des œuvres originales françaises. Après l’expérimentation sur le World de Valentin Seiche en 2019, voici une collection de courtes histoires au rythme de quatre parutions par an formant une première saison sur le thème de la nature. Kinaye est allé proposer à de jeunes auteurs pas tout à fait débutants et ayant une cohérence graphique commune de donner libre court à leur imaginaire dans des style très épurés. On imagine très bien les auteurs d’Ultralazer rejoindre rapidement cette équipe…

Résultat de recherche d'images pour "minimage sacré"Les parutions sont proposées dans des fascicules format A4 à moins de six euros avec une histoire one-shot d’une trentaine de pages accompagnée d’un cahier graphique d’une petite dizaine de pages. Chaque saison sera republiée en intégrale en début d’année suivante. Le premier numéro propose ainsi un développement des personnages présentés en fiches de façon à parler aux plus jeunes et une explication sur la réalisation d’une BD. J’aime toujours beaucoup quand un album (surtout pour les jeunes!) décrit le processus de fabrication et l’envers du décors… Comme d’habitude chez Kinaye la quatrième de couverture présente le format et un aperçu du prochain volume. Un Calvin pour l’édition, comme quoi il n’est pas besoin de fabrications très sophistiquées avec dorures et gaufrages pour souligner une qualité d’édition!

Dans un monde où le haut-peuple des Mages méprise depuis la nuit des temps la tribu des légumineuses, trois graines tombent par hasard sur un bébé mage… Que doivent-elles faire? Le ramener auprès de son peuple au risque de se faire punir… mais abandonner ainsi un bébé en pleine forêt à la merci du maléfique Loup n’est pas concevable! Les trois amis vont prendre leur courage à deux pattes dans une aventure à travers chemins et tunnels…

Résultat de recherche d'images pour "minimage sacré"Dans une histoire destinée aux plus jeunes l’histoire est nécessairement simple. Contrairement à beaucoup de BD jeunesse qui sont dotées de paginations importantes, j’ai aimé ce format court qui permet à de jeunes lecteurs d’appréhender cette histoire sans trop d’efforts et éventuellement en autonomie. L’univers de Yohan sacré est fort joli avec des décors plutôt fondus et des personnages aux formes simples mais bien détourées et donc très lisibles. Le travail de design évoque un côté austère de la nature avec ses racines et couleurs parfois inquiétantes de la forêt profonde. Les récits jeunesse ne doivent pas (selon moi) supprimer toute violence ou éléments sombres mais les rendre adaptés aux jeunes. C’est le cas ici avec des évènements assez durs qui arrivent aux amis. On parcourt différents paysages naturels, des galeries des insectes aux arbres majestueux en passant par les chemins sombres, proposant beaucoup de variété.

Pour ce premier volume de Punch!, Minimage propose une jolie histoire intéressante pour les plus jeunes évoquant des thématiques telles que l’amitié, le pardon mais aussi l’équilibre entre Nature et culture. Un beau projet qui rejoint toutes les expériences de formats légers (gazettes et pré-publications).

A partir de 6 ans.

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Alpi, the soul sender #1

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Manga de Rona
Ki-oon (2020), 1n&b, 160 p. environ, 2/4 volumes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Petite surprise à la prise en main de ce premier volume à la jaquette magnifique dont l’élégance se prolonge dans les planches intérieures: elle est une simple impression numérique sur papier épais… On pourra voir dans cette idée une démarche écologique pour éviter une jaquette plastifiée comme sur la quasi-totalité des mangas… mais cela implique une fragilité certaine de l’objet. Évitez impérativement de vous promener avec cet album dans le métro! Hormis cette remarque, l’album ne comprend pas de bonus hormis la (magnifique) description des quatre créatures divines (imprimée sur la couverture du bouquin) que nous allons rencontrer dans ce premier opus. couv_401482 Lorsque Dieu envoya ses créatures saintes propager leurs bienfaits sur terre, les communautés humaines ne se doutaient pas que cette bénédiction recouvrerait une malédiction: lorsque ces animaux magiques arrivent en fin de vie ils propagent autour d’eux des miasmes détruisant la vie qu’ils ont contribué à créer. Les soul senders sont alors formés pour purifier ces carcasses en en libérant l’âme. Alpi est une soul sender… et c’est une enfant.

Après avoir découvert avec délectation le phénomène L’atelier des sorciers je peux vous annoncer que cette nouvelle série publiée originalement en webcomic au japon n’a pas à rougir devant le manga de Kamome Alpi the Soul Sender tome 1 : un devoir de la plus haute importance -  Esprit OtakuShimahara. Si l’univers des Shojo ne m’intéresse guère, comme dans la BD franco-belge les manga d’autrices proposent une sensibilité vraiment intéressante qui semble compenser certains marqueurs comme le sadisme ou les créatures organiques dont sont friands nombre de mangaka hommes. Comme pour l’Atelier ou Centaures, Alpi intègre dans son projet une esthétique particulièrement poussée sur des costumes et des décores notamment, appuyée sur une technique graphique franchement impressionnante. La précision des détails laisse ébahi en constatant qu’aucune case n’est laissée dans une économie d’arrières-plans. L’esthétique est partout dans cette itinérance d’une jeune fille déterminée à assumer sa fonction purificatrice malgré les souffrances que cela implique. La recherche des parents, l’acolyte bien plus âgé qu’elle, rappellent des thématiques classiques des liens entre génération et l’omniprésence du thème de la nature et de ses Esprits nous plonge dans ce que Miyazaki a popularisé en Occident.

Un peu comme pour le début de Fullmetal Alchemist, on a droit sur ce démarrage à une histoire par chapitre (soit quatre) avec des pages d’interludes permettant de développer un peu les a-côtés des rituels proprement dit. L’histoire avance donc peu puisque l’essentiel du propos est de nous montrer le déroulement des purifications, leurs conséquences et les risques que prend Alpi. Les groupes humains ont tendance à abuser du pouvoir de ces soul senders pour leur confort personnel et le vieil homme qui l’accompagne essaye de la préserver de ses obligations. Ce premier volume est donc principalement axé sur la découverte du monde, des superbes décors et le design absolument superbe des créatures comme des artefacts. Assez modeste, ce tome est néanmoins une très belle entrée en matière qui peut tout autant se prolonger vers une quête que sur d’autres successions d’historiettes. Laissons le temps à la série de s’installer et d’introduire du drama et profitons de ces incroyables dessins et d’un monde que l’on ne demande qu’à découvrir avec Alpi. A noter que si ce titre est indiqué Seinen, il est pour moi tout à fait adapté aux jeunes lecteurs et plus proche de l’esprit Shonen. note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1
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Thorgal: le cycle du pays Qâ

La trouvaille+joaquim

 

 

 

 

BD de Jean Van Hamme et Gzegorz Rosinski
Le Lombard (1986-1988), cycle de 4 volumes.
Edité en intégrale au Lombard (épuisé) et dans le second volume de l’intégrale nb chez Niffle.

Second billet sur cette série hors norme qui ne vieillit pas, cette Trouvaille porte sur le troisième cycle de la série, un cycle majeur de Thorgal et sans doute l’un des cycles les plus réussis de l’histoire de la BD franco-belge, tout simplement! Correspondant aux années les plus fastes de Jean Van Hamme (celle des cinq premiers XIII, du Chninkel,…), certains considèrent que les auteurs auraient pu stopper les aventures de l’enfant des étoiles à ce stade…

Rentré sur son île en compagnie de ses nouveaux amis, Tjall le fougueux et Argun pied d’arbre, Thorgal ne peut se poser longtemps puisque la redoutable Kriss de Valnor surgit pour lui annoncer la terrible nouvelle: elle a fait enlever son fils et Pied d’arbre! S’il veut les retrouver vivants il va devoir l’accompagner dans une mission périlleuse, au-delà de la grande eau, au pays Qâ dirigé par le sanguinaire Ogotaï, qui serait dit-on, doté de pouvoirs divins… C’est un voyage vers ses origines qu’entreprend alors Thorgal en compagnie d’Aaricia, de Tjall… et de Kriss.

Thorgal - Les Yeux de Tanatloc par Grzegorz Rosinski, Jean Van ...Le cycle du Pays Qâ commence réellement avec le one-shot Les Archers, considéré par beaucoup comme le meilleur album de Thorgal, notamment par-ce qu’il s’agit de celui où apparaît le personnage mythique de Kriss de Valnor. Cette méchante deviendra intime de Thorgal dans le cycle de Shaïgan (moins réussi) avant de donner naissance à une série dérivée quand l’éditeur a lancé (pour des raisons bien commerciales…) le principe des Mondes de Thorgal, différentes séries traitant de la jeunesse de personnages importants. Bien que ce ne soit pas indispensable, il peut être intéressant de lire avant L’enfant des étoiles, série d’histoires courtes dont une raconte la genèse du héros.

La richesse du cycle du Pays Qâ repose sur trois éléments: l’exotisme de voir transposé Thorgal sur plusieurs albums dans un univers totalement différent (cela n’a plus jamais été le cas malgré les espoirs déçus d’aventures orientales sur le dernier cycle, de Ka-Aniel), l’importance relationnelle entre des protagonistes très riches, enfin le rattachement avec l’origine du personnage et cet aspect SF subtile et tellement original dans cette série. La très grande intelligence de Jean Van Hamme a toujours été de laisser dans l’ombre cette dimension pourtant annoncée dès le premier diptyque. Thorgal reste pourtant une série de fantasy et d’aventure. En faisant grandir la famille de Thorgal les auteurs ont créé un lien puissant avec le lectorat. Je n’ai pas souvenir d’un autre héros dont la famille est si présente et où les membres évoluent, vieillissent, jusqu’à pouvoir consacrer des albums entiers sans qu’apparaisse le héros.

Thorgal - Tome 10 - Le Pays Qâ - Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme ...La structure du cycle est ici en deux parties qui se répondent très intelligemment: d’un côté la mission dangereuse qui envoie Thorgal voler le casque du Dieu vivant sanguinaire, de l’autre son fils va rencontrer Tanatloc, un autre Dieu protecteur du dernier peuple résistant à la folie d’Ogotaï. Alors que la vipère Kriss tisse sa toile, bien entendu amoureuse du héros, Thorgal comprend vite que cette mission est plus intime qu’il ne le croyait. Du côté de Jolan (a qui les auteurs ont sans doute prévu très tôt une destinée particulière à en croire les albums Alinoë et Brek Zarith) c’est le passage de l’enfance, de la toute puissance (symbolisée par son pouvoir hérité du peuple des étoiles), à celle d’une meilleure compréhension de son environnement, qui est relaté dans cette histoire. Lié de loin à son père, jusqu’à le sauver, il est tiraillé entre des passions antagonistes, manipulé par les Xinjin alors que Pied d’arbre, occupé à batifoler en oublie de le protéger…

Thorgal – La cité du dieu perdu : 40 ans de mythe ! | NouvellesduglobeComme toujours dans cette série, ce sont les aspects dramatiques, tragiques (ici en plaçant les schémas grecs œdipiens) qui font monter la tension et l’attention du lecteur. La fascination pour ces vaisseaux volants, pour cette cité sanglante sortie des marécages, ne sont que des amuse-bouche vers une confrontation entre l’homme et le dieu. Celui qui sera amené tout au long de sa carrière de héros à côtoyer et courroucer les Ases n’affrontera en réalité qu’un faux dieu. Thorgal aura démis nombre de tyrans mais jamais avec une dimension symbolique si forte. Usant d’un découpage subtile, millimétré, Van Hamme ose naviguer à travers les distances et les ellipses temporelles sans jamais nous perdre, au contraire en renforçant la puissance de son récit.

Thorgal - BD, avis, informations, images, albums - BDTheque.comGraphiquement Rosinski est à l’acme de son art. La coloration est parfois un peu datée, parfois très réussie. On se souviendra que les techniques de l’époque n’étaient pas toujours formidables et on lit sans difficulté la qualité des seuls dessins, que la récente édition n&b permettra d’apprécier de façon très confortable. Le dessinateur polonais assume la totalité de ses planches, sans attendre la couleur (qui ne donne aucune information supplémentaire), ce qui donne une qualité inégalée aux dessins. C’est d’ailleurs exactement à cette époque que sort Le grand pouvoir du Chninkel, monument absolu du 9° art. Lorsque de tels dessinateurs parviennent à sortir plusieurs albums en simultané, de cette qualité, de cette pagination, c’est qu’ils se régalent et sont en pleine maîtrise de leur art. C’est le cas sur ce cycle.

Tout est parfait dans cette aventure, jusqu’au format en cinq volumes progressifs et parfaitement équilibrés. Très rares sont les séries pouvant être relues à l’infini. Cet arc narratif est ce qu’il se fait de mieux en BD, tout simplement. Indémodable, indépassable. Parfait. De ce qui vous fait aimer passionnément la BD et remercier infiniment ces deux grands messieurs pour ces moments.

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***·****·BD·Edition·Nouveau !·Rapidos

Festival des gazettes#2: Le Château des étoiles/La Gazette du Château

La BD!

Je suis un grand fan des éditions au format Gazette (vous pouvez retrouver sur le blog la quasi intégralité des épisodes du Château des étoiles, du Château des animaux et du Sang des Cerises de Bourgeon). Cette année marque un changement important pour deux d’entre elles. La périodicité, pour la série star de Delep et Dorison (qui a raflé plusieurs prix cette fin/début d’année), avec un retour à la normale après une parution chaotique des épisodes du premier volume. Et l’arrivée d’une série parallèle pour le Château des étoiles, scénarisée par un Alain Ayroles qu’on a adoré sur le scénario des Indes Fourbes. Si vous ne connaissiez pas ces éditions il est toujours temps d’embarquer sur ces très grands formats agrémentés de rédactionnels immersifs très réussis

  • Le château des étoiles #13: Terres interdites, suivi de Les chimères de vénus 1/5. Parution mensuelle.

Edition « interplanétaire » regroupant Le château des étoiles et Les chimères de vénus.

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Je ne tarie pas d’éloges sur les éditions Rue de sèvres qui font un formidable boulot depuis quelques années. Une fois n’est pas coutume l’augmentation ni vu ni connu des gazettes de cinquante centimes ne fait pas plaisir. On me dira que la pagination augmente avec l’arrivée de deux histoires dans chaque fournée mais bon…

La guerre contre les martiaux bat désormais son plein avec un corps expéditionnaire prussien qui fait des ravages sur une population dotée de pouvoirs psychiques mais pacifiste. Les propriétés physiques de la planète et de l’Ether contrecarrent cependant les plans des allemands dont certains commencent à douter de l’honnêteté des objectifs du régime. La migration vers le pôle continue et l’on nous reparle du Château des étoiles du roi… Pendant ce temps sur Terre les capitalistes français préparent la colonisation de Vénus, où la Nature reste relativement indomptable… Si la BD d’Alice continue son bonhomme de chemin, la nouvelle venue change assez franchement et le ton et le graphisme pour se tourner vers un style très proche du design des films d’animation Disney. Pas forcément ce que je préfère mais ça reste agréable à lire et très bien écrit en permettant une respiration par le changement de camp (partie de France, la série est depuis restée très centrée sur le monde germanique) et de thématiques. Plutot un bon point pour cette série dérivée et le format gazette permet de limiter de risque d’une série parallèle, toujours dangereuse à lancer.

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  • La gazette du château #4 (3° année, janvier 2020) – Parution trimestrielle:

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A l’inverse du précédent, celui des animaux baisse de cinquante centimes avec une baisse de pagination… Les voies de l’édition sont décidément impénétrables. Le seuil de 3€ pour 1/3 d’album non relié me semble un ratio à ne pas dépasser. Cette nouvelle année Casterman ne s’engage pas sur une périodicité de sa gazette, échaudé par un très gros retard sur les précédentes. Vu le rendu final de Delep on serait malhonnêtes de râler et je pense que cette solution est plus sage et plus rassurante pour tout le monde. Le prochain épisode est néanmoins annoncé pour mai.

On retrouve donc Misse B et ses amis lapin et rat à la tête d’une révolte qui a bien ébranlé l’assurance du pouvoir dictatorial du président Silvio. L’hiver arrive et passé l’effet de surprise, il devient nécessaire de convaincre les animaux du pouvoir de la non-violence et d’actions des plus intelligentes…. Si les rédactionnels de la première saison étaient très agréables à lire, je trouve que l’esprit « propagande années trente » perd l’effet nouveauté et tourne un peu en rond avec une simple reprise textuelle de ce qui se passe dans l’album. IL serait bien que les auteurs développent le background, le hors-champ afin que cette édition enrichisse vraiment la série. En attendant c’est toujours aussi (plus?) magnifique, notamment dans la gestion des couleurs et textures. Delep est un véritable virtuose, les textes de Dorison font mouche et on est toujours happés par cette série qui se révèle ici une suite quasi officielle de la Ferme des animaux. On se demandait, c’est confirmé!

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****·Comics·East & West·Nouveau !

Seven to Eternity #3

East and west

Comic de Rick Remender et Jerome Opena
Urban (2019), Ed US Image comics (2018), 3 vol parus.

couv_367583Le troisième tome de l’odyssée mortifère d’Adam Osidis et du Roi fange arrive enfin et je peux vous rassurer de suite: Jerôme Opeña est de retour en intégralité sur ce volume après un intermède très dommageable sur le précédent livre. La couverture puissante invoque le retour du grand archiviste (la mort) entraperçu sur le premier tome. Comme d’habitude, après un lancement attirant avec un prix à dix balles et moultes bonus, Urban nous sert ensuite le service minimum: album, couvertures de chapitres en brut et quelques couv’ alternatives. Je parlais cette semaine de Daniel Maghen, on en est loin et on se demande en quoi consiste le boulot d’éditeur. Bref…

Après la mort de la reine blanche, Garils, le roi fange est libéré de ses liens et peut maintenir son emprise sur Adam Osidis, de plus en plus convaincu qu’il doit lui faire confiance. La quête des sources de Zhal les conduits chez les pirates du ciel, dirigés… par le propre fils du roi Fange. Alors que ce dernier montre encore une fois sa capacité à prendre soin de ses dévoués, la fraternité continue la poursuite, sans savoir qui de Garils ou d’Osidis sera le plus dangereux…

Rick Remender est sans conteste pour moi le plus impressionnant des scénaristes américains en activité. Loin de la notoriété d’un Mark Millar qui peine souvent à aboutir ses exceptionnelles idées, il est une sorte d’aristocrate du comics, ayant officié sur beaucoup de séries de super-héros mais œuvrant depuis des années dans l’indépendant avec une exigence graphique et thématique assez hors du commun. Beaucoup ont pointé le caractère pessimiste, voir dépressif de ses bouquins, ce qui est vrai. Comme tout grand auteur il y a des constantes dans on œuvre, comme la filiation, la responsabilité paternelle et l’insoluble recherche du bon choix…

Il y a de tout cela dans Seven to eternity, série exigeante et dont on sent la recherche de difficulté à chaque choix d’écriture ou de dessin. Il en découle un univers visuel unique proposant des versions totalement originales de grands concepts tels que les pirates, la mort, les ancêtres… Surtout (je le dis dans une critique que deux!) cette série est dotée d’un méchant que je vais qualifier d’aussi charismatique et fascinant que le Thanos du film Infinity war! Sans être le seul moteur de cette histoire, le roi fange permet au scénario de maintenir une tension permanente autour des choix du héros, le torturé Adam Osidis qui tôt dans la série fera le choix de sauver le tyran pour se sauver et sauver sa famille.

Résultat de recherche d'images pour "seven to eternity 3 opena tomber de haut"Dans les deux précédents tomes Osidis était un être en questionnement, assumant difficilement ses choix. L’intervention brutale du fils de Garils et la menace immédiate qu’il fait peser sur son « sauveur », de même que le sauvetage du clan Osidis par les hommes du dictateur poussent le héros à passer à l’action, résolument, pour sauver son « ami ». La subtilité de Remender est de ne pas surjouer le machiavélisme du méchant. Il juxtapose simplement les faits (l’action positive de Garils sur la vie d’Osidis) et les idées. Il confronte Osidis comme un pragmatique face aux idéologues incarnés par Gobelin et la reine blanche. Le lecteur est perturbé comme jamais, se retrouvant dans la peau du personnage sans aucun élément lui permettant de déterminer objectivement ce qui est bien et ce qui est mal. Complexe et intellectuellement passionnant!

Résultat de recherche d'images pour "seven to eternity image"Graphiquement Opeña est au top, même si on regrettera des arrière-plans assez vides. Mais ses personnages sont tellement travaillés et surtout le design de chaque créature, personnage, architecture, sont tellement originaux et réussis qu’on lui pardonne volontiers cette économie (… qui permet sans doute de tenir une cadence correcte entre chaque volume). Seven to eternity surprend constamment, que ce soit dans la violence crue, le décalage entre le récit a posteriori d’Osidis qui ouvre chaque chapitre et l’action que l’on découvre. Surtout, Remender nous propose un récit éminemment politique dans lequel on peut trouver sans difficulté un commentaire de notre monde, du rapport des citoyens au pouvoir et du rôle des élites entre esprit visionnaire dictatorial et réponse aux demandes des administrés. Dans une amérique trumpiste fascisante comme jamais on ne peut que saluer la capacité de cet auteur à dresser une analyse si adulte dans un habillage de dark fantasy de loisir. Ce n’est pas si souvent que l’on peut lire de la BD d’aventure à la réflexion si poussée. Pour moi il s’agit de la série la plus réussie de Remender avec le génial Tokyo Ghost.

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