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The Nice House on the Lake #2

Deuxième tome de 190 pages, de la série de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno. Parution chez Urban Comics dans la collection Black Label le 31/03/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Les copains d’abord

La présente chronique risque de vous gâcher le plaisir de lecture si vous n’avez pas lu le premier tome. SPOILER A L’HORIZON !

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance de Walter, trentenaire dévoué qui emmenait ses amis en villégiature dans une sublime propriété au bord d’un lac dans le Wisconsin, avec quelques règles maisons dont il a le secret. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Bien vite, les vacances de rêve prennent une tournure cauchemardesque lorsque Walter révèle sa vraie nature: il n’est pas humain, et appartient à une civilisation extraterrestre dont le but est l’extermination de la vie sur Terre. Cependant, Walter avait pour mission de préserver un échantillon représentatif du genre humain, afin que ses supérieurs puissent juger de la valeur de notre espèce. Après des années vécues dans la peau d’un humain, ce sont ces dix personnes aux personnalités et aux rôles disparates que Walter a décidé de sauver de l’apocalypse.

Nos rescapés apprennent donc la terrible nouvelle: partout sur la planète, les flammes ravagent les villes et consument les gens, sans faire de distinction. Piégés dans cet endroit idyllique où tous leurs besoins et désirs peuvent être comblés, nos héros encaissent le choc de la nouvelle et se posent bien vite une question cruciale: doivent-ils se résigner à leur sort, victimes malgré eux de la bienveillance de Walter, où chercher un moyen de s’échapper ?

Le premier tome de TNHOTL était un coup de coeur immédiat, confirmé par ce second tome. L’écriture inventive de James Tynion IV permet de créer des situations originales et des rebondissements accrocheurs qui ne sont pas visibles à plusieurs kilomètres. Malgré la multiplicité des personnages, il demeure facile de s’y attacher, chacun d’entre eux ayant une personnalité distincte et reconnaissable. L’auteur a choisi un format plutôt singulier pour chacun de ses douze chapitres, qui s’ouvrent sur un flash-forward d’un futur apocalyptique (possiblement les ruines de la Maison) dans lequel un des personnages brise la quatrième mur pour nous narrer sa première rencontre avec Walter, avant de basculer sur un flash-back montrant un moment significatif du personnage avec Walter. Ce paradigme est finalement renversé dans le dernier chapitre, pour une raison qui apparaîtra à la lecture.

L’écriture est telle qu’il s’avèrest plutôt difficile de ne pas ressentir d’empathie envers le personnage de Walter malgré son statut d’antagoniste. Sincère dans ses émotions mais contraint de faire des choses qu’il réprouve, on le sent partagé entre son affection pour ses amis et l’inéluctabilité des actions entreprises par son espèce, ce qui renforce sa profondeur. Lors des flash-back, l’ironie dramatique bat son plein car chaque mot, chaque attitude de Walter peut prendre un double-sens et nous éclairer sur son dilemme.

La fin de ce second volume augure cependant un autre cycle, avec de nouveaux enjeux dramatiques et des perspectives de narration plus qu’intéressantes. Côté graphique, Alvaro Martinez Bueno nous cause encore une fois un décollement de rétine, son talent étant encore accentué par la mise en couleur tranchée de Jordie Bellaire.

The Nice House on the Lake est résolument une des meilleures séries de ce début d’année, à lire sans hésiter !

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Batman: One dark knight

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Comic de Jock

Urban (2022) -(2021) 140, one-shot.

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bsic journalismMerci aux  éditions Urban pour leur confiance.

Depuis la sortie de Batman Damned en 2019 qui inaugure la nouvelle collection « adulte » de DC on peut dire que ce label a été un gage de qualité absolu, enchaînant chefs d’œuvres (Harleen, White Knight, Le dernier des dieux,…) et albums majeurs. Si on ne peut que saluer l’adoption d’un modèle à l’européenne, éludant la bien-penseance du Comic code authority et donnant carte blanche à un auteur ou un duo pour créer de superbes one shot, la collection a bien vu sortir des albums moins aboutis… mais jamais aussi mineurs que ce One Dark Knight!

Batman: One Dark Knight (2021-) Chapter 2 - Page 8Le concept était pourtant alléchant avec une intrigue concentrée qui sied totalement au chevalier noir tel un Arkham Asylumen forme d’exercice de style: alors qu’il escorte le transfert d’un dangereus prisonnier d’Arkham à la nouvelle prison ultra-moderne de Gotham, Batman se retrouve isolé dans une nuit sans électricité à emmener à pied le dangereux paquet alors que tous les gangs de la ville sont à ses trousses… Malheureusement pour faire une bonne BD il faut commencer par deux choses: une intrigue lisible et des dessins lisibles. Cee one-shot démarre en effet comme au milieu d’une histoire supposant que l’on nous ait introduit les personnages… or il n’en est rien. Du bad-guy EMP dont la plupart n’auront jamais entendu parler auparavant à la méchante politicienne véreuse on ne sait pas qui sont les protagonistes, ce qui empêche totalement de s’impliquer émotionnellement dans la lecture. Les enjeux ne sont jamais amenés et la seule tension dramatique qui porte cet album est donc le mode survie du Batman portant un vilain totalement amorphe qui se réveille épisodiquement pour … rien. La lecture alterne donc une explosion par-ci, une fuite dans les souterrains par-là et cinq ou six deus ex-machina totalement gratuits. Pour être juste je reconnais un léger effort pour rendre attachant le paquet électrique mais faute de vrais rebondissements l’histoire fait du sur-place jusqu’à la confrontation finale où la « révélation » a été déflorée depuis bien longtemps.

Cette concision devait être portée par des dessins inspirés. Là on touche une affaire de gout mais dans un style à la Andrea Sorrentino, là où l’italien parvient depuis plusieurs années à installer une ambiance dérangeante, Jock ne propose que des planches brouillonnes et répétitives, sans même profiter de la nuit pour créer des clairs-obscures et jouer sur les contrastes tels un Frank Miller. L’album s’avère alors une franche déception que même les fanatiques de Batman auront du mal à savourer. Espérons que ce ne soit qu’une mauvaise pioche et non la multiplication de projets sans sélection pour profiter d’une poule aux œufs d’or…

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La Tour #2

Deuxième volume de 62 pages, de la série écrite par Omar Ladgham et Jan Kounen, avec Mr Fab au dessin. Parution le 14/09/22 chez Comix Buro.

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Merci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Notre Tour viendra

Dans le précédent tome, nous assistions au combat des derniers survivants humains, au sein d’une tour constituant leur dernier refuge. Dehors, la vie humaine est devenue impossible, à cause d’une virulente bactérie, qui fait parfois des incursions dans l’habitant de moins en moins étanche de nos survivants. A l’intérieur, la vie est de plus en plus compliquée, et pas seulement par la vétusté galopante de la Tour, qui, à trente ans, commence à donner des signes de faiblesse et d’usure. Ce qui constitue le plus grand danger, ce sont les dissensions entre les habitants, qui se divisent en deux catégories.

D’une part, on trouve les anciens, ceux qui ont connu le monde d’avant, et qui vivent, ou plutôt survivent, accrochés à l’idée que la Tour est le dernier bastion humain et que la seule promesse faite par le monde extérieur est la mort. D’autre part, on trouve les Intras, de jeunes gens qui sont nés et ont vécu toute leur vie au sein de la Tour, et qui n’aspirent qu’à la liberté, et voudraient sortir dès que possible pour explorer le monde.

Tandis que ce choc des générations s’accentue et aggrave les tensions, Newton, l’intelligence artificielle conçue pour gérer la Tour, commence lui aussi à montrer des signes de faiblesse, voire même à des doutes très humains. Au milieu de tout ce chaos, Aatami, le fils d’Ingrid, une des dirigeantes de la Tour, a fait le choix de partir en exploration afin de trouver un nouvel habitat pour les survivants. Quels obstacles vont se dresser sur son chemin ? Terminera-t-il sa quête avant que les habitants de la Tour ne s’entretuent ?

Pour ce second tome, Jan Kounen et Omar Ladgham font monter la pression dans la cocotte-minute verticale qu’ils ont créée. Le parallèle existe encore avec les classiques du Post-Apo tels que Snowpiercer, dont les éléments constitutifs sont le confinement et les luttes intestines entre survivants.

Toutefois, comme nous le remarquions dans la chronique du premier tome, nous sommes assez loin de la critique sociale ou de l’oppression, puisque le conflit ici est générationnel, et la révolte des Intras, si elle peut se concevoir, manque encore d’assise argumentaire et philosophique. Dans ces circonstances, la perspective d’explorer plus avant le monde extérieur se pose effectivement, mais le faire à tous prix comme le suggéraient les jeunes ne peut pas faire sens aux yeux des lecteurs, pas plus que leur révolte, qui passe encore une fois un cap et se radicalise dans ce tome 2. De l’autre coté du spectre, on ressent davantage d’empathie et de compréhension envers Ingrid, qui est amenée à prendre des décisions difficiles pour le bien commun, préservant le statu quo à défaut d’autre chose.

Le conflit donne donc l’impression de s’enliser un peu, avec des Intras révoltés toujours aussi agaçants. On aurait aimé un débat un peu plus serré, dans lequel chacune des parties pose un point légitime dans son argumentaire, ce qui ne semble pas être le cas ici. La partie la plus intéressante concerne Newton, qui ne devrait pas tarder à se la jouer HAL 9000 dans le troisième et dernier tome.

Et puisque l’on en est à la citation de références, n’oublions pas de parler du dernier segment de l’album, qui puise dans les appétences personnelles de Jan Kounen, à savoir les expériences hallucinogènes chamaniques (comme on pouvait le voir dans son film Blueberry, avec Vincent Cassel, sorti en 2004). Cette partie déconcerte (c’est certainement le but), mais est aussi susceptible de casser l’immersion dans le récit, à moins que les deux auteurs n’aient déjà prévu leur coup et raccrochent les wagons avec le cœur thématique de l’intrigue. Pas encore de quoi râler, toutefois, à ce stade nous sommes davantage sur un cliffhanger déconcertant que sur une véritable sortie de route.

***·BD·Nouveau !

Les Âges perdus #2: la Terre des Meutes

Second volume de la série écrite par Jérôme Le Gris et dessinée par Didier Poli. Parution le 20/05/22 chez Dargaud.

L’Apocalypse, c’était mieux avant !

Dans la chronique du premier tome, nous reprochions aux Âges Perdus un manque de worldbuilding et une intrigue qui ne se détachait pas vraiment du tout-venant post-apocalyptique. Avec le recul, ce constat demeure, mais il faut tout de même ajouter au crédit des auteurs une volonté affirmée de poursuivre la construction de leur monde à mi-chemin entre uchronie et post-apo.

Pour résumer, le monde dans lequel se situe le récit a été détruit en l’an mille par un cataclysme qui a failli exterminer la vie sur Terre. Des milliers d’années plus tard, alors que les humains survivants ont vécu terrés dans des grottes durant une période baptisée l’Obscure, la faune s’est adaptée et a profité de l’absence humaine. Une fois dehors, les survivants se sont organisés en clans, et vivent au gré des saisons et des migrations selon un mode de vie nomade.

Cependant, après des milliers d’années passés dans l’obscurité rassurante des grottes, l’Humanité doit repartir de zéro. En effet, tous les anciens savoirs ont été perdus, si bien que le lointain Moyen-Âge, vu par nous autres hommes modernes comme une période sombre, ressemble plutôt à une utopie pour nos survivants du futur.

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance de Primus, chef de la tribu de Moor, quelque part dans ce qui était certainement l’Angleterre. Primus avait un rêve: domestiquer les plantes, et permettre ainsi à son peuple de quitter la vie nomade pour se sédentariser. Pour ce faire, il a besoin d’occuper la Fort des Landes, plus longtemps que ce que lui permettent les lois qui régissent les clans, les Lois de L’Aegis.

En voulant mener à bien son projet, Primus provoque une guerre avec les autres tribus, et paye le prix fort car son clan est pratiquement rayé de la carte. Seule sa fille Elaine, accompagnée de quelques autres, parvient à en réchapper. N’ayant plus nulle part où aller, Elaine tente de traverser la Mer des Aigles pour atteindre la Terre des Meutes, espérant y trouver de quoi recréer les bases d’une nouvelle civilisation, comme le rêvait son père.

Durant sa quête sur la Terre des Meutes, Elaine va faire la rencontre de Mara, vagabonde qui va lui venir en aide. Les deux voyageuses vont devoir se serrer les coudes face aux terribles hommes cerfs, qui prennent en chasse sans pitié quiconque pénètre leur territoire.

On poursuit avec ce second tome l’exploration des âges perdus. La question centrale de la série, « de quelle manière un cataclysme planétaire affecterait-il les civilisations humaines ? », donne lieu à des postulats de l’auteur, qui, comme nous l’évoquions dans l’article précédent, sont pertinents sans nécessairement aller au bout de la réflexion.

La partie survie et prédation, face aux hommes-cerfs, a malheureusement des airs de déjà-vu (je pense notamment aux quatre ou cinq dernières BD post-apo dans lesquelles on trouvait aussi une faune mutante), mais offre pour le moment une tension bienvenue dans la quête d’Elaine, qui serait autrement quelque peu contemplative. La partie la plus intéressante, c’est néanmoins les phases de découverte de la Terre des Meutes, pendant laquelle Elaine va explorer les vestiges du Moyen-Âge, avec l’espoir qu’un jour les humains pourront reproduire les prodiges promis par cette époque lointaine. Cette partie fait donc écho, sur le plan thématique, au premier tome, où l’auteur explorait l’idée que certains pivots étaient inévitables dans le développement humain sur le plan chronologique. Ainsi, après avoir été ramenés à un niveau de développement équivalent à celui du néolithique, les hommes repasseraient par la voie tribale et la vie de chasseurs-cueilleurs, avant de se tourner inévitablement vers l’agriculture. Dans ce second tome, la domestication des plantes est un peu laissée au second plan, l’auteur préférant évoquer les prouesses de bâtisseurs qui ont suivi.

La partie graphique est toujours aussi qualitative, grâce à l’expérience de Didier Poli, l’album profite grandement de son trait réaliste et des couleurs de Bruno Tatti.

En bref, les Âges perdus est une série décente, écrite et réalisée avec sérieux et technique, mais à qui il manque encore un je-ne-sais-quoi pour se distinguer d’autres séries du même genre.

***·Comics·East & West

Fight girls

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Comic de Frank Cho et Sabine Rich (coul.)
Delcourt (2022)/ AWA studios 2021, 144 p., one-shot.

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L’empire de Gilmoran qui règne sur la galaxie n’a plus de reine. Incapable de donner un héritier au trône, elle a été destituée et l’ancien Parlement convoqué pour organiser les Jeux qui permettront comme le veut la tradition de désigner la nouvelle reine. Dix femmes venues des quatre coins de l’empire vont désormais s’affronter dans une course sans règle et où la mort est probable. Dix femmes pour un trône. Mais comme souvent les dés sont pipés et des organisations œuvrent pour favoriser leur championne…

Amazon.fr - Fight Girls (Volume 1) - Cho, Frank, Cho, Frank, Rich, Sabine -  LivresFrank Cho est l’un de mes dessinateurs préférés, bien qu’il soit assez rare sur des albums complets préférant comme nombre de grands illustrateurs américains cachetonner sur des ribambelles de sublimes couvertures. Quatre ans après sont délirant Skybourne (dont on attend toujours la suite!) son nouveau one-shot fut annoncé en plein Covid et s’est fait désiré, avec un peu d’inquiétude quand au pitch je dois le dire. Scénario minimaliste pour un album écrit par et pour un illustrateur de renom, on en a déjà vu et pas toujours pour le meilleur. Sur un thème proche le VS d’Esad Ribic avait beaucoup déçu…

Et si l’album entre directement en matière sans fioritures les premières séquences, qui portent la patte de Cho avec ses femelles musculeuses en petite tenue et ses dinosaures voraces, on tombe assez vite dans une facilité qui enchaîne les courses forestières et les morts violentes. Pas très original mais le mauvais esprit gore est (presque) là et les dessins sont au niveau du maître. Pas forcément de quoi sortir de la masse des comics d’entertainment. Pourtant sous cette apparente simplicité l’auteur installe assez vite une sous-intrigue sous forme d’enquête pour découvrir ce qui cloche derrière l’identité de cette vile salope qui élimine les concurrentes les unes après les autres. En parallèle de la joute ultra-linéaire notre attention se détourne ainsi vers les manigances d’alcôves du background space-opera. Idée gonflée en ce qu’il faut véritablement attendre le dernier tiers pour voir cette dimension Fumetti. Intervista a Frank Cho: “Marvel e Dc, non c'è più creatività” - la  Repubblicaprendre le dessus avec le risque de voir le lecteur s’ennuyer dans la lecture des « fight girls ». Petit malin, Frank Cho embarque donc son monde dans un gros emballage pompier que tout le monde attend de lui pour au final nous livrer une très sympathique satire policière vaguement féministe.

Ici plus humour noir que polisson, le dessinateur ne se met toutefois pas tout à fait dans les meilleures conditions pour délivrer le meilleur de son dessin. Ultra-technique, sans fautes, mais pas si impressionnant, le jonglage entre extérieurs hostiles et décors SF ne donne pas loisir à de très beaux dessins. Efficaces c’est certains. Mais guère plus.

Au final ce Fight girls est donc une lecture très sympathique, en dessous du précédent, qui ne décevra pas les fans de Cho mais aura peut-être du mal, avec une sortie avant l’été, à conquérir un vaste lectorat. Il reste néanmoins dans la moyenne supérieure des albums indé d’action.

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Sea of stars

Histoire complète en 288 pages, écrite par Jason Aaron et dessinée par Stephen Green. Parution en France chez Urban comics, collection INDIES, le 01/07/2022.

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Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Space is a place

Gil Starx est ce que l’on pourrait appeler un homme pressé. Constamment occupé par ses livraisons galactiques, il parcourt un océan d’étoiles pour satisfaire ses clients, toujours dans les temps. Et quand ont dit océan d’étoiles, il faut entendre littéralement cette expression.

En effet, l’environnement interstellaire visité par Gil Starx et d’autres humains est peuplé de créatures qui « nagent » dans le vide intersidéral, comme des poissons dans l’eau. Ainsi, on trouve des « baleines » de l’espace, des « requins-quarks », et toutes sortes d’animaux dont l’espace est le milieu naturel.

Cette fois-là, Gil transporte une marchandise désuète, le contenu d’un vieux musée, et voyage avec son fils Kadyn. Accaparé par son métier, Gil n’a jamais été très disponible pour sa famille, mais depuis la mort tragique de son épouse, il tente de reconnecter les liens avec son fils, qui s’ennuie ferme dans le vieux vaisseau de son paternel, qui a pris l’habitude d’éviter tout danger en ne naviguant que sans les secteurs cartographiés. Tout va basculer lorsque le duo sera attaqué par un gigantesque léviathan, qui détruira le vaisseau et séparera le père du fils.

Dès lors, Gil n’aura qu’un objectif: retrouver son fils. Le jeune garçon, en revanche, pense que son père est mort et doit s’acclimater aux mystérieux pouvoirs qu’il a obtenus dans l’accident.

On nage en plein délire

Alors que la tendance est à la hard SF, c’est à dire une science fiction basée sur les concepts et les théories scientifiques les plus pointus et avant-gardistes, Jason Aaron opte pour une SF fantasmagorique en reprenant les vieux codes de l’analogie maritime.

Ce lieux commun tire ses racines de la SF du début du 20e siècle, et ce qui était une métaphore est bien vite devenu littéral. Alors que John Fitzgerald Kennedy considérait déjà l’espace comme « le nouvel océan » lors de la fameuse « courses aux étoiles » avec l’URSS, les auteurs de SF se sont appropriés massivement cette analogie, en utilisant par exemple des termes techniques navals.

En effet, on parle de vaisseaux dans les deux cas, avec des croiseurs, des destroyers, des frégates, etc. Les vaisseaux spatiaux, à l’instar de leur homologues maritimes, ont des barques de survie, et il arrive même que des engins spatiaux soient munis de voiles (concept qui est validé par la science avec les fameuses voiles solaires, ce qui en fait un élément commun avec la hard SF). La comparaison ne s’arrête pas là, puisque les auteurs ont eu tendance à appliquer à l’espace des concepts et des contraintes typiquement navals, comme la bi-dimensionnalité du terrain, la friction, et des principes de navigations qui en réalité ne sont pas compatibles avec l’exploration spatiale.

Les planètes sont donc perçues comme des îles dans un vaste océan, et leur valeur stratégique y est même similaire. De Frank Herbert (Dune) à Pierre Boule (La Planète des Singes), en passant par Star Wars et Star Trek, ou La Planète au Trésor, rares sont les entrées littéraires et audiovisuelles à ne pas verser dans cette analogie. Alors pourquoi pas les comics ?

En ce qui concerne l’intrigue, on peut faire confiance à Jason Aaron, qui nous a déjà fait montre de son talent à de nombreuses reprises, pour construire un récit efficace centré autour de protagonistes intéressants et attachants. Le duo père/fils, Gil/Kadyn, fonctionne dès le début, et ne perd pas de son intensité même s’ils sont assez rapidement séparés. L’auteur, visiblement marqué par son long run sur Thor chez Marvel, insuffle également un souffle mythologique avec non pas des asgardiens, mais un autre peuple de l’espace, inspiré des Aztèques, et des divinités cosmiques qui se battent en détruisant des planètes. On n’en voudra pas au scénariste de recourir encore au fameux macguffin pour poursuivre son intrigue, qui est finalement assez simple mais néanmoins efficace.

A bien y regarder, on ne peut s’empêcher de percevoir dans la ligne narrative consacrée au père des airs d’Odyssée (Ulysse qui veut rentrer chez lui retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque), et dans celle du fils, comme un goût du Petit Prince. En terme de références, on aura vu pire, avouez. Sur le plan graphique, on retrouve avec plaisir Stephen Green, qui livre de très belles planches, qui alternent décors spatiaux grandioses et scènes de survie plus intimistes.

Sea of Stars puise ses références dans les racines de la science-fiction, autour d’une belle histoire d’amour entre un père et son fils.

****·BD·Jeunesse

Les Sauroctones #2/3

Deuxième tome de 233 pages, de la trilogie écrite et dessinée par Erwann Surcouf. Parution le 18/06/21 chez Dargaud.

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Suite, mais pas fin, des aventure des Sauroctones, un trio improbable de jeunes chasseurs de monstres, dans un monde post-apocalyptique déjanté et pétri de références diverses à la pop-culture.

Zone, Jan et Ursti ont échappé à la confrérie des Meuniers, et au terrible Tamarro, qu’ils sont parvenus à vaincre in extremis. Malheureusement, cette victoire s’est faite au prix du barrage de la Rambleur, qui a cédé à l’issue de l’affrontement contre la bête, inondant la vallée au passage. Notre Trio Fantastico, dont on chante désormais les aventures au travers des terres désolées, se remet donc en route, afin de trouver la fusée légendaire qui permettra à Zone de quitter la planète.

Mais encore une fois, l’odyssée loufoque des nos jeunes sauroctones va les mener de charybde en scylla, et mettra sur leur chemin diverses congrégations plus ou moins éclairées, des citées en guerre et bien sûr, des monstres.

Erwann Surcouf transforme l’essai avec ce tome 2 des Sauroctones. Le plaisir de lecture est toujours aussi grand car l’auteur est parvenu à rendre ses protagonistes attachant, au travers de péripéties rocambolesques qui peuvent sembler loufoques mais qui conservent un objectif final très clair. C’est aussi ce sentiment d’assister à une épopée en bonne et due forme qui fait la qualité de la série, et l’attachement vient donc de l’aspect feuilletonnesque, renforcé par le découpage en chapitres, agrémenté des couvertures (diégétiques) des aventures de notre trio.

L’univers des Sauroctones, dont les bases étaient déjà posées dans le premier tome, continue de s’étoffer, grâce aux différentes villes et communautés traversées. L’ensemble a un aspect familier, puisque les personnages évoluent dans les ruines du monde contemporain, ce qui ouvre la porte à moult références visuelles ou textuelles qui donnent immanquablement au lecteur un rôle de « sachant », par opposition aux personnages qui ne saisissent pas le véritable sens de ces icônes. L’investissement du lecteur s’en trouve donc décuplé, puisque c’est bien connu, le lecteur adore être flatté dans son égo !

Plaisanteries mises à part, il est vrai que ce mécanisme aide à l’immersion dans le récit, mais l’on peut regretter que l’univers ne s’étende pas davantage sur le bestiaire prometteur (qui fait penser au très bon Love and Monsters) mais il reste encore à ce stade un troisième tome pour pouvoir apprécier la pléthore de créatures dangereuses et de situations mortelles.

***·BD·Jeunesse

Gravity Level #1/2: désertion

Série en deux tomes, écrite par Lorenzo Palloni et dessinée par Vittoria Macioci. Parution aux éditions Sarbacane le 08/01/20 et le 05/02/20. Lecture conseillée à partir de 10-12 ans.

Une grave idée de la gravité

Prenons cinq minutes pour revenir sur ce diptyque paru en 2020, et qui mérite certainement le détour. Depuis quelques siècles, la gravité a cessé de s’exercer sur Terre, provoquant la fin du monde tel que l’Humanité le connaissait. Les animaux, les humains, les océans, tout a été emporté vers la stratosphère, inexorablement. Une communauté de survivants s’est ainsi réfugiée sous terre, protégée par une bulle artificielle de gravité ainsi que des équipements conçus pour en contrer l’absence.

Bien entendu, nous savons tous que lorsque des humains ont besoin de sécurité, cela ne peut se faire qu’au détriment de la liberté. Et plus grand est le besoin de sécurité, plus grandes seront les atteintes liberticides. Zero-City, la ville des survivants, est donc une parfaite petite dictature inégalitaire, dans laquelle tout ce qui sort du cadre ne peut prospérer.

Vikt, Ibu, Waka, Bek et Pwa, sont cinq adolescents rebelles, qui, après un terrible accident causé par leur insouciance, sont contraints à l’exil. Obligés de quitter Zéro-City, les cinq gamins vont devoir s’aventurer dans le monde extérieur, que personne n’a osé explorer depuis l’apocalypse. Nos pieds-nickelés zéro-G survivront-ils à ce périple insensé ?

A force de chercher des causes possibles à la fin du monde, (virus, guerres, astéroïdes, robots, zombies), il paraissait inévitable qu’on en vienne à puiser dans le terreau SF pour imaginer une planète sans gravité. Ce pitch était déjà celui de Skyward, et peut poser des soucis en terme de suspension d’incrédulité. En effet, il semble assez piégeux d’exploiter un tel concept en prenant bien en compte tous les paramètres hypothétiques qu’il engendrerait.

En effet, sans gravité, il n’y aurait déjà pas d’atmosphère pour commencer, l’air se serait donc carapaté bien avant les océans, sans parler des rayonnements cosmiques face auxquels l’atmosphère fait guise de rempart. Bref, vous l’aurez compris, à moins d’avoir été écrit par un docteur en physique un peu cinglé, il ne faut pas trop chercher de plausibilité dans le traitement de ce pitch, mais plutôt se laisser porter.

La confrontation entre innocente jeunesse et rudesse d’un monde apocalyptique est un thème souvent abordé dans ce genre pléthorique, mais il fonctionne ici suffisamment bien pour tenir en haleine au fil des deux albums. La quête initiatique et le prix qu’elle induit pour notre groupe de mauvais élèves sont donc ce qui donne au diptyque tout son intérêt, mais les graphismes ne sont pas pour autant en reste.

Vittoria Macioci fait carton plein sur le design des personnages, très cartoonesque, ainsi que sur la mise en scène des décors, tantôt claustrophobes (la ville et son régime dictatorial), tantôt angoissants d’ampleur (le monde extérieur). Une série courte qui se lit donc facilement !

***·Comics·La trouvaille du vendredi·Rapidos·Rétro

Solo #2-3

La trouvaille+joaquim

Comic d’Oscar Martin
Delcourt (2016-2017),
Série en cours, 5 tomes parus +1 HS et 1 série dérivée: « chemins tracés ».

Les volumes comprennent des fiches techniques sur les « races » peuplant ce monde désolé. La chronique du premier volume est visible ici. le premier cycle de trois tomes est conclu, le second est en cours avec 2/3 tomes parus.

Solo s’est trouvé une famille, un clan qui a envie de protéger. Mais le monde est impitoyable et la vie n’a pas lieu dans cet apocalypse. Ce rêve d’amour et de relations est-il réellement impossible? Les êtres vivants ne sont-ils que proie et prédateur?

Attention spoilers!

mediathequeEn refermant le premier tome j’avais espéré qu’un scénario parvienne à emballer ce morceau de nerf, ce monde violent et dépressif qu’a construit Oscar Martin. Malheureusement, si l’atmosphère désespérée, la tension permanente et bien sur les combats sanglants sont toujours de grande qualité, on finit par se lasser de ce Solo tome 2 - BDfugue.comdésespoir et de cette fuite du rat musculeux dans les wastlands agrémentées de ses réflexions pseudo-philosophiques. L’artiste a un réel talent pour poser une ambiance mais une fois le principe posé il n’ose pas bâtir une intrigue qui finit par tourner en rond comme s’il ne savait pas comment sortir de sa spirale de désespoir. Etant donnée la pagination des albums il devient lassant de voir le héros se battre, se faire allumer, au bord de la mort avant que moultes Deus Ex machina ne viennent le sauver. Ses images du bonheur qu’il a pu effleurer sont touchantes mais là aussi redondantes.

Symbole de cette incapacité, aussitôt l’émotion des retrouvailles avec ses proches retombées, Solo repart dans une quête sans espoir. Aussitôt confronté à ces méchants humains dont la menace nous est montrée progressivement qu’il fuit à nouveau, nous laissant plein de frustration. Le problème de cette série c’est qu’elle ne semble pas parvenir à résoudre ce qu’elle met en place, se contentant d’un porte-monstre-trésor (sans trésor) qui paraît faire surtout plaisir à l’envie du dessinateur de croquer des éventrements de créatures hideuses par son rat-conan. Il est possible que cela fasse partie d’un grand plan de l’auteur visant à maintenir un désespoir qui sera résolu avec l’arrivée de la seconde génération (dont j’ai chroniqué l’intermède qui vient de sortir). En attendant on ronge un peu son frein. Si le premier tome avait été une découverte, le second maintient une sorte Solo T3 : Le monde cannibale (0), comics chez Delcourt de Martinde frustration tout en développant une intrigue… que le troisième maintient en sur-place. Entendons-nous bien: la progression familiale impossible avance (même lentement) dans la série et la destinée de Solo trouve une conclusion, sans doute inéluctable. Mais l’omniprésence d’adversaires interchangeables, finalement pas si forts que ça crée un paradoxe: malgré la dangerosité de ce monde on ne ressent pas la tension, la craint nécessaire à construire tout drama. Hormis quelques rares séquences brutales la routine de la survie et du malheur du héros finit par nous laisser un peu trop extérieurs, trop peu impliqués.

Comme malheureusement nombre de projets de dessinateurs Solo manque de structure, de projet et se repose par trop sur ses dessins et son worldbuilding. C’est très lisible mais pas suffisant pour en faire le monument que certains veulent bien clamer. En espérant que le second cycle me détrompera…

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Solo: Alphas

esat-westComic d’Oscar Martin et Juan Alvarez
Delcourt (2021), 108 p. one-shot, univers commun avec la série mère Solo.

L’album au format franco-belge (contrairement à la série Solo qui est au format Comics), comprend un cahier de recherches graphiques de six pages, ainsi qu’une préface d’Oscar Martin clamant son amour au talent de son associé graphique Juan Alvarez. L’illustration d’intérieur de couverture est très réussie et montre la finesse du travail de ce dernier.

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bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur confiance!

La lecture du premier tome de Solo m’avait enthousiasmé mais je n’ai pas eu le loisir de poursuivre (ce sera fait à la suite de ce one-shot qui m’a bien donné envie de me replonger dans cet univers barbare). Présenté comme une histoire complète, la conclusion raccroche néanmoins directement avec le second cycle de la série mère en en faisant une origin story.

Je ne vais pas vous mentir, cet album est un fan-service destiné à la fois à donner encore plus de Solo aux lecteurs et de mettre le pied à l’étrier d’un jeune auteur qui a développé son dessin au sein des concours organisés par Martin pour faire vivre son univers et son lectorat. Je ne me suis pas particulièrement penché Solo : Alphas - (Juan Alvarez / Oscar Martin) - Heroic Fantasy-Magie  [BÉDÉRAMA, une librairie du réseau Canal BD]sur cet aspect mais cette série et son auteurs sont un nouvel exemple de ce que peut produire une passion lente et tenace pour créer de toute pièce un univers solide avec une base de fans solide, en s’exonérant totalement des cadres éditoriaux classiques.

Nous avons donc l’histoire d’un chien (ce monde est peuplé de créatures animales humanoïdes) que son clan tente d’éliminer et qui décide de se venger en récupérant sa belle à l’occasion. Traqué, il va mettre à profit sa rage et sa compétence guerrière pour recréer une communauté basée sur la confiance et non sur la seule force d’Alpha. Nous retrouvons donc cet univers désespéré fait de guerriers, de combats archi-sanglants, de bêtes sauvages et de combats ininterrompus. Et sur ce plan on est régalé avec de très belles chorégraphies et de la rage bien comme il faut. Sans ambition particulière l’album montre donc la qualité graphique du dessinateur, qui sait se démarcher un peu de son maître et se lit comme une bonne BD d’action, pour ce qu’elle est. Cela ne donnera pas forcément envie aux néophytes de se lancer dans la série mère mais si vous y êtes déjà la lecture vaut le coup en attendant la suite…

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