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Au-delà des montagnes / Le calcul du papillon

La BD!
BD collectif
Delcourt (2023), 80p. environ, one shots, Collection « Les futurs de Liu Cixin » #11 et #12

bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur fidélité.

Pour une collection express on peut dire que « Les futurs de Liu Cixin » aura fait dans le rapide, avec pas moins de quinze albums d’artistes du monde entier pour illustres des nouvelles d’un des auteurs majeurs de la littérature SF mondiale. Pas franchement complétiste et plus attaché à des auteurs pour voir ce qu’ils peuvent apporter à des idées SF parfois excellentes, parfois très banales, je termine mes lectures de cette collection par ces deux albums réalisés par deux auteurs espagnols et un américain… qui malheureusement ne figureront pas parmi les meilleures adaptations du chinois.

  • Au-delà des montagnes

Les futurs de Liu Cixin - Au-delà des montagnes de Eduard Torrents, Ruben  Pellejero - BDfugue.comL’intrigue commence comme beaucoup d’apocalypses en science-fiction et chez Liu Cixin, par l’arrivée d’un astre extra-terrestre dont la gravitation provoque l’aspiration d’une colonne d’eau plus haute que l’Everest, que va entreprendre de « grimper » un géologue-alpiniste traumatisé par l’accident qui a coûté la vie à sa cordée. Mais c’est bien au-delà du pitch classique que l’intérêt de l’album se trouve puisque une fois arrivé en haut, le personnage principal va se voir relater la fantastique odyssée d’une civilisation d’androides auto-créés dans un univers minéral fermé. Commence alors un très intéressant récit d’une hypothèse de l’Evolution dans un paradigme totalement différent du notre et qui permet une réflexion profonde sur le type de Développement exotique qui pourrait avoir lieu ailleurs dans l’univers. Tout à son approche scientiste, Liu Cixin imagine ainsi que des charges électriques pourraient allumer des entités minérales semblables à nos amibes primitives, que le Plein peut développer une certaine forme de raisonnement à l’opposé d’un environnement libre ou nous rappelle que la science progresse en réaction à son environnement physique et non sur de seules hypothèses. Tout cela est parfaitement attrayant même si la très grande linéarité de l’album (qui consiste ainsi pour l’essentiel en un récit directe) et l’inadaptation du trait de Ruben Pellejo à ce type d’univers laissent la coquille de l’album assez pauvre. C’est dommage mais montre que la cohérence entre trait et histoire restent centrales en BD.

  • Le calcul du papillon:

Les Futurs de Liu Cixin (tome 12) - (Dan Panosian) - Science-fiction  [LIBRAIRIE BDNET NATION, une librairie du réseau Canal BD]J’avais bien accroché au trait de l’américain Dan Panosian sur Slots et voulais voir ce qu’il aurait pu proposer sur cette adaptation qui fait référence à la théorie du chaos. Malheureusement son album nous laisse face à une intrigue sans orientation ni fin, avec un dialogue conclusif qui semble avoir laissé pas mal de monde sur le carreau. Assez nihiliste, l’intrigue suit un scientifique yougoslave qui poursuit des points mobiles sur le Globe, dont l’activation (selon sa théorie) devrait provoquer un brouillard empêchant toute poursuite de la guerre de l’ancienne République de Tito. L’idée est classique et le contexte aurait dû être original, sans que cette dernière guerre de la Guerre Froide n’apporte grand chose à l’idée SF. Pire, on ne comprend pas le lien entre cet aspect géopolitique de fond et ce quichotisme d’un personnage que l’on n’a pas eu le temps de comprendre. On lis donc cet album passivement, en attendant une évolution pour ne voir que drame et progression sans fin. On reste donc sur le carreau, pas vraiment dans la SF, pas vraiment dans la politique historique ni le drame, avec trop peu de clés pour pénétrer le projet de Panosian. L’inverse de ce que proposait l’excellent Ere des anges.

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Nero #1: Obscurci est le Soleil, ternes sont les étoiles

Premier tome de 122 pages, de la série écrite par Emiliano et Matteo Mammucari, avec Emiliano Mammucari et Alessio Avallone au dessin. Parution initiale en Italie, publication en France chez Dupuis le 03/02/2023.

Regards Croisés et djinns trop serrés

En l’an 551 de l’Hégire, soit en 1173, le Moyen-Orient se remet à peine de la Deuxième Croisade, et s’apprête à en vivre une Troisième. Le guerrier arabe Nero n’abandonne pas pour autant la lutte contre les croisés francs. Réputé pour sa férocité, il est craint autant par les croisés qu’il passe régulièrement par le fil de l’épée que par ses propres alliés, qui voient en sa férocité et son manque de discipline un défaut potentiellement fatal.

Nero n’en a cure, et se jette à corps perdu dans la bataille, mû par une rage inextinguible qui lui vient d’un traumatisme d’enfance. En effet, avant qu’il n’atteigne l’âge d’homme, son père a cherché à le sacrifier façon Aïd-El-Kébir, durant un obscur rituel visant à libérer une créature antédiluvienne, avant de succomber avec ses ouailles.

Lors d’une bataille, Nero, gouverné par sa haine, rompt les rangs pour plonger toujours plus profond dans la rage et l’hystérie de la guerre. Mais son arrogance et son impétuosité lui jouent des tours, lorsqu’il est piégé par un croisé qui abat son cheval et s’apprête à l’embrocher. Nero est sauvé in extremis par un autre chevalier croisé au visage recouvert par un heaume, qui le fait prisonnier et lui propose un étrange marché.

Le mystérieux chevalier franc semblent connaître notre guerrier bien plus qu’il ne devrait. Il est au courant pour le rituel avorté, et souhaite se rendre dans la grotte où il a eu lieu afin de l’achever. Selon lui, un ange y est retenu prisonnier, et quiconque le libère voit son voeu le plus cher exaucé. Nero, lui, connaît la vérité. Ce n’est pas un ange qui se cache dans cette grotte, mais une créature plus ancienne et plus retorse que ce que le franc est capable d’imaginer.

Pour Nero, son rôle est clair: il doit empêcher quiconque de libérer le mal enfoui dans cette montagne, quel qu’en soit le coût. Mais l’itinéraire des deux ennemis va, par la force du contexte, prendre des détours inattendus, car d’autres personnes convoitent le pouvoir de la créature, en premier lieu le Cadi, oncle de Nero et dirigeant du dernier bastion qui s’apprête à tomber aux mains des chrétiens, et qui aurait bien besoin d’un petit coup de pouce magique pour sauver sa citadelle.

Nero est une série italienne créée en 2021. Elle donne la part belle au grand spectacle et à l’action, sur fond de croisades et de rituels magiques. L’ambiance fait clairement penser au premier Assassin’s Creed, en premier lieu car les deux récits prennent place durant les Croisades en se plaçant du coté arabe, et en second lieu car les deux franchises mettent en scène un héros charismatique qui paie le prix de son arrogance et de son impétuosité tandis qu’il cherche la source d’un pouvoir magique qui pourrait modifier le cours du conflit.

Nero ajoute cependant un ressort différent, celui de la collaboration forcée entre deux personnages que tout oppose. Ce premier volume est divisé en deux actes comprenant leus lot de péripéties, menées tambours battants. Il est à noter que les deux actes sont dessinés par deux artistes différents, qui parviennent à homogénéiser leur style de façon plutôt remarquable.

Un lore fascinant dans un contexte historique qui l’est tout autant, un personnage charismatique et de l’action à foison, Nero aura tout pour plaire aux amateurs de récits fantastico-historiques. Et c’est un coup de coeur !

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T’Zée, une tragédie africaine

Récit complet en 144 pages, écrit par Apollo, dessiné par Brüno et mis en couleurs par Laurence Croix. Parution chez Dargaud le 06/05/22.

Le retour du Roi

Après des années passées à l’étranger, Hippolyte revient dans son pays natal, en proie à une grave crise. Son père, T’Zée, tyran cruel depuis des décennies, a été destitué par les rebelles, et il est présumé mort. Retranché à Gbado, dans l’extravagant palais construit par T’Zée au fond de la jungle, l’introverti et flegmatique Hippolyte pondère son avenir, alors que les rebelles se rapprochent pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’héritage du despote.

Pendant ce temps, Bobbi, la jeune épouse de T’Zée, ne sait plus comment taire les sentiments qu’elle nourrit envers Hippolyte, alors même que le seul obstacle qui se dressait entre eux est désormais écarté. Durant toutes ces années, Bobbi s’est évertuée à jouer un rôle, celui de la marâtre insupportable, afin de parfaire sa mascarade. La jeune femme n’a donc que faire que les fondations du pays volent en éclats, ou que sa vie soit menacée par les rebelles. Tout ce qu’elle souhaite, c’est retrouver Hippolyte pour lui avouer enfin ce qu’elle ressent pour lui. Mais le destin permettra-t-il à un amour si coupable de s’épanouir ?

T’Zée s’inspire de la tragédie Phèdre de Jean Racine. Métamorphosant le contexte pour le resituer dans l’Afrique post-coloniale, l’auteur se joue du mythe pour mieux se le réapproprier. Car si la tragédie en tant que genre, suppose des personnages bernés par le destin et mis face à des choix impossibles qui précipitent leur chute, alors l’Afrique est bien une des grandes tragédies de l’Histoire contemporaine.

Si la Phèdre de Racine était dévorée par la jalousie et le ressentiment, Bobbi, elle, n’est finalement pas tant le jouet de ses pulsions que le produit d’une ère post-coloniale, qui a ouvert la voie à des guerres civiles, des administrations ad hoc, corrompues et impropres à diriger des pays laissés exsangues par l’Occident.

Dans cette nouvelle version, il est d’ailleurs difficile de savoir qui, de Bobbi ou Hippolyte, tient lieu de protagoniste, tant les deux sont ballottés par les événements et par cette crise politique et humaine qui rend incertain l’avenir du pays. Bobbi semble cependant tirer son épingle du jeu, en tenant les rênes de ce qu’il reste du régime de T’Zée, tandis qu’Hippolyte tient lieu de protagoniste beaucoup plus passif, car longtemps tenu à l’écart des affaires familiales par un père autoritaire qui le jugeait faible.

Au-délà de l’adaptation de la pièce de Racine, on voit donc bien que c’est le contexte africain qui tenait à cœur les auteurs, comme nous l’explique finalement la post-face du scénariste. La conjugaison de l’écriture d’Apollo et du dessin de Brüno fonctionne parfaitement, ce qui laisse transparaître dans chaque planche une ambiance crépusculaire et une amertume lancinante, qui mène cette tragédie moderne jusqu’à sa conclusion logique.

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Thorgal saga #1: Adieu Aaricia

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BD de Robin Recht
Le Lombard(2023), 104p., One-shot.

L’album est paru en deux éditions simultanées: la classique ici chroniquée et la Collector, de plus grand format, numérotée et incluant un cahier graphique.

Aaricia n’est plus. L’âme sœur du héros le laisse telle une coquille vide dans un monde obscure. Tout à sa peine, Thorgal est abordé par son ennemi de toujours, le serpent Niddhog, qui lui propose d’utiliser son anneau Ouroboros pour retourner dans le passé afin d’y revoir sa dulcinée. Au bord de son existence le héros doute…

https://www.ligneclaire.info/wp-content/uploads/2023/02/Thorgal-Saga-6.jpegJe me faisais la réflexion que comme au cinéma, plus grand chose d’intéressant à se mettre sous la dent en Franco-belge depuis quelques temps hormis les nouveaux tomes de séries. Phénomène classique, évolution attendue qui n’exclut pas des pépites de temps à autre. Thorgal a toujours été pour moi la plus grande série, un miracle indépassable de la série (presque) parfaite et qui aurait sans doute dû s’arrêter il y a quelques années avec un peu de courage éditorial pour suivre les idées qu’a très certainement eu Jean Van Hamme pour finir en beauté. Bref, si vous avez lu les différents guides de lecture de la série parus sur le blog vous connaissez mon opinion. Je parlais de courage éditorial, on ne peut pas dire que l’idée d’une série de spin-off one-shot attribuée à de grands auteurs regorge de créativité. Aucun doute en revanche que l’éditeur saura attirer de très grands auteurs biberonnés aux aventures de l’enfant des Etoiles. On annonce déjà Fred Duval et Corentin Rouge sur le prochain titre, deux valeurs sures pour un probable chef d’œuvre.

Ce qui surprend le plus sur ce gros double-album, une fois passé le prologue magnifique et touchant, c’est le classicisme du récit, tant et si bien que l’on se prend à penser que l’on est en cours de lecture d’un album de la série mère. Car les voyages temporels ne sont pas totalement une nouveauté pour Thoral (le Maître des montagnes, la couronne d’Ogotaï,…). Robin Recht alimente ce classicisme jusque dans des dessins à la proximité troublante avec Rosinski, ce qui faut de Adieu Aaricia plus un hommage vibrant qu’une réinterprétation artistique. Certains pourront trouver que c’est un peu court pour justifier une nouvelle Thorgal : Adieu Aaricia, une saga qui débute brillamment -Comixtripaventure. Pour ma part, connaissant le travail d’une grande variété et très exigeant de Robin Recht j’ai su apprécier sa proposition comme un très bel album de Thorgal teinté dans sa seconde partie d’un surprenant soupçon de Mathieu Lauffray. Car la séquence barbare nous rapproche beaucoup de l’univers si reconnaissable de l’auteur de Long John Silver, dont Recht est un disciple.

Empruntant à des films sauvages tels que le 13° Guerrier ou le récent Northman, Adieu Aaricia sait créer d’intéressants personnages dont l’interaction nous frustre par sa brièveté. N’apportant au final rien de très nouveau aux chroniques de Thorgal Aegirson qui a tant vécu d’aventures, on ne sait si la conclusion bien sombre laisse présager des liens avec les séries principales (Thorgal se déclinant désormais en plusieurs trames) ou juste un tombé de rideau mélancolique. Si on imagine ce qu’un scénariste chevronné aurait pu tirer de la rencontre entre le jeune et le vieux Thorgal, Robin Recht propose donc un album graphiquement irréprochable, qui nous offre un pouce-café bienvenu pour tout nostalgique de l’ère Rosinski et nous ferait presque oublier l’origine commerciale du projet.

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Hoka Hey !

Histoire complète en 222 pages, écrite, dessinée et mise en couleurs par Neyef. Parution au Label 619 le 26/10/2022.

So long, cowboy

Comme chacun sait, le prix pour à payer pour bâtir une nation est élevé, surtout s’il s’agit d’une nation blanche érigée au détriment des autres peuples. L’une des nations les plus récentes du globe, mais aussi la plus puissante, ne doit en effet son existence qu’à l’oppression et à l’extermination de peuples indigènes et/ou réduits en esclavage.

Après les guerres indiennes, à l’issue desquelles plus de 90% des peuples amérindiens ont disparu, les survivants étaient soit parqués dans des réserves, soit assimilés de force dans la culture dominante. Ce fut le cas du jeune Georges, qui fut arraché enfant à sa tribu Lakota pour être évangélisé par le Révérend Clemente, qui le considérait tout au plus comme une ouaille tolérable plutôt que comme un fils adoptif.

Alors qu’il sert encore une fois de faire-valoir au révérend en récitant des évangiles devant sa nouvelle conquête, Georges est interrompu par un trio de bandits, des hors-la-loi recherchés qui mènent à leur façon les prolongations des guerres indiennes. Little Knife, No Moon et Sully interrogent le révérend à propos d’évènements tragiques du passé et sur la localisation d’un homme, dont le jeune garçon n’a jamais entendu parler.

Une fois l’affaire réglée, Little Knife, ucléré de voir un Lakota ainsi fourvoyé par des blancs et désireux de ne laisser aucun témoin, s’apprête à abattre Georges. Mais No Moon s’interpose, suppliant son ami de ne pas abattre l’un des leurs. Bien malgré lui, voilà que Little Knife, guerrier Lakota redouté dans toutes les plaines de l’Ouest, à l’origine d’exactions punitives qui lui ont valu une belle mise à prix, se retrouve à jouer les nounous-précepteurs pour ce petit homme qui l’agace autant qu’il lui rappelle sa propre enfance.

Que cherche vraiment le gange de Little Knife ? Georges survivra-t-il à sa chevauchée forcée aux côtés de ce dangereux trio ?

Jusque-là, le Label 619 avait exploré tous les genres, et toutes les cultures, mais conservait une appétence pour le rêve américain et ses travers. Le genre du Western ne leur est donc pas étranger, et c’est au tour de Neyef, de s’interroger sur le devenir des amérindiens dans un pays qui n’est plus le leur. Le dernier western que j’avais en tête venant du Label 619 était Horseback 1861, qui ne brillait ni par l’originalité de l’histoire, ni par son exécution. On change carrément la donne ici avec Hoka Hey ! et ce à plusieurs égards.

En premier lieu, la pagination généreuse, qui permet d’installer une histoire complète sur le long cours, ce qui inclut des personnages écrits avec maturité plutôt qu’à l’emporte-pièce. Tout en conservant un ton crépusculaire, amer, Neyef parvient à insuffler un ton humaniste dans un univers très dur, voire cruel. La thématique du refus de l’assimilation et l’attachement à une culture d’origine, bien qu’elle ne soit pas universelle, est néanmoins transposable à d’autres cultures et d’autres histoires, donnant à Hoka Hey ! une allure de parabole. Comme dans la majorité des westerns, on n’échappe pas à la sempiternelle quête de vengeance, mais l’auteur insiste bien quant à la vacuité d’une telle poursuite, car tout personnage a toujours davantage à y perdre que ce qu’il croit. L’intrigue en elle-même reste simple. Malgré la longue pagination, elle ne fait pas de détour inutile ni ne donne de sensation de longueur ni de remplissage.

En second lieu, on se doit de mettre en avant la qualité graphique de l’album, le grand format aidant l’auteur à installer des décors somptueux où la nature sauvage reprend tous ses droits.

Odyssée périlleuse, ôde somptueuse à la liberté, mise en garde contre le fiel dévorant de la vengeance, mise en exergue du sort des amérindiens dont les ossements gisent dans les fondations des USA, Hoka Hey ! est tout ceci à la fois, et ce serait criminel de ne pas y attribuer un 5 Calvin. Bang ! Bang !

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La compagnie rouge

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BD de Simon Treins et Jean-Michel Ponzio

Delcourt (2023), 128p., one-shot.

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image-5Depuis des siècles les guerres ont laissé place à des conflits commerciaux où des compagnies de mercenaires s’affrontent par robots interposés. Pourtant dans cette économie du combat certains désaccords politiques continuent d’employer des Condotta pour départager les différents. La Compagnie rouge est la plus ancienne de ces compagnies de soldats…

C’est peu de dire que cet album s’est fait attendre, depuis la diffusion il y a bientôt un an de la sublime couverture et des premiers visuels fort alléchants et promettant un acme du space-opera militaire. Après moultes reports voici donc arriver ce gros volume équivalent à trois tomes de BD et qui malgré l’absence de tomaison s’annonce bien comme une série au vu de la conclusion.

LA COMPAGNIE ROUGE t.1 (Jean-Pierre Pécau / Jean-Michel Ponzio) - Delcourt  - SanctuaryCommençons par ce qui fâche: le style de l’auteur, Jean-Michel Ponzio. Conscient de sa maîtrise numérique, le dessinateur ouvre sa série sur des planches qui font baver tout amateur de SF, avec un design et une mise en scène diablement efficaces et qui n’ont rien à envier aux plus grands films spatiaux. Accordons-lui également la qualité des textures sur un aspect qui montre souvent des définitions grossières, pixélisées ou floues. Malheureusement aussitôt les personnages humains apparus on tombe de sa chaise et dans un véritable roman-photo qui détricote rapidement toute la puissance des objets techniques. Je ne cache pas que ce problème est ancien et commun à à peu près tous les auteurs qui travaillent en photo-réalisme à partir de photos d’acteurs. D’immenses artistes en subissent les affres comme Alex Ross et récemment j’ai pu constater à la fois le talent artistique d’un Looky et l’immense différence entre son travail numérique (sur Hercule) et un autre plus traditionnel (Shaolin, dont le troisième tome vient de sortie et très bientôt chroniqué sur le blog). Mais outre le côté figé des expressions et mouvements, Ponzio ajoute des costumes kitschissimes qui semblent nous renvoyer à de vieux sérials SF des années cinquante ou aux premiers jeux-vidéos filmés des années quatre-vingt-dix. Cet aspect semble tragiquement recherché puisque le bonhomme sait parfaitement redessiner ses formes et la différence entre le plaisir des combats spatiaux et les séquences avec personnages s’avère assez rude.

LA COMPAGNIE ROUGE t.1 (Jean-Pierre Pécau / Jean-Michel Ponzio) - Delcourt  - SanctuarySur le plan de l’intrigue on est dans du très classique (une compagnie de mercenaires recherchant des contrats et victimes de manigances) avec des personnages fort fonctionnels (le chef de guerre fun, la sage capitaine mais réussis, le novice qui permet de faire avancer l’histoire et notre connaissance de l’univers,…) et les pérégrinations d’un équipage sur le même modèle que le récent Prima Spatia. Le récit passe beaucoup par des dialogues très dynamiques que l’on a paradoxalement plaisir à suivre en faisant abstraction des « photos ». On excusera un découpage parfois brutal dans les sauts temporels et on ralentit le rythme sur les concept-arts grandioses de trous de ver, de stations spatiales et de croiseurs de guerre au design fort inspiré si ce n’est des hommages un peu trop appuyés à Star Wars.

On se retrouve ainsi avec une BD bipolaire qui nous enchante par son aspect technique et un univers hard-science franchement attrayant et une façade de roman-photo kitsch qui fait rapidement sortir du récit. Si vous parvenez à dissocier ces deux aspects vous pourrez passer un excellent moment à bord de l’Argos, mais pour les allergiques à ce type de dessins il vaut mieux passer votre chemin. Très grosse déception…

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TMNT #18: New-York, ville en guerre, 1ere partie

Dix-huitième volume de la série, par Tom Waltz, Kevin Eastman et Dave Wachter. Sortie le 07/12/2022 aux éditions HiComics.

Merci aux éditions Hicomics pour leur confiance.

Peur sur la ville

Dans le tome précédent, les quatre frères ninja faisaient face à la Force de Protection de la Terre, menée par le redoutable et retors Agent Bishop, qui a lancé un assaut d’ampleur sur l’île de Burnow, où étaient réfugiés les derniers Utrom ainsi que les Tricératons et les Mutanimaux. Bishop disposait alors d’un atout de taille, à savoir le contrôle total du mutant Slash, ami des Tortues et membre des Mutanimaux.

Après une bataille sans merci, Slash s’est sacrifié pour sauver ses amis, dans un dernier moment de lucidité. La poussière étant à peine retombée, il est temps pour les mutants et leurs alliés de panser leurs plaies et d’entamer le deuil de leur ami. Mais le répit est un luxe que les braves ne peuvent s’accorder, surtout avec des ennemis de la trempe de Bishop.

Pourtant, un calme relatif règne à New York, surtout depuis que Maître Splinter a repris les rênes du Clan Foot. Loin de la tyrannie sanguinaire de Shredder, Splinter a su imposer un status quo en négociant avec les clans mafieux et le crime organisé, usant d’intimidation tout en limitant au maximum le recours à la violence.

Malheureusement pour nos héros, Oroku Karai, la petite-fille de Shredder, revient réclamer son dû, à savoir le contrôle du Clan Foot. La tenir à distance ne sera pas chose aisée, surtout que les TMNT doivent toujours gérer la menace de la FPT, et de bien d’autres ennemis qui trament leurs propres machinations dans l’ombre. Seront-ils de taille face à cet ultime défi ?

Que dire, si ce n’est que la tension monte crescendo dans ce 18e volume de TMNT. Après une bataille épique contre la FPT, voilà que toutes les lignes convergent vers les quatre frères mutants, qui doivent se battre sur plusieurs fronts à la fois. La guerre entre Karai et Splinter pour le contrôle des Foot est le noeud central de l’intrigue, à quoi vient s’ajouter le conflit contre Bishop, ce qui donne un rythme effréné et des situations de plus en plus tendues.

Les combats et les courses-poursuites désespérées pour sauver des amis n’empêchent pas la caractérisation des personnages de se poursuivre, on sent bien l’implication des auteurs dans le devenir de leurs petits poulains mutants. Attention toutefois, il est conseillé, pour apprécier cet arc final de la série, d’avoir une connaissance sinon intégrale, du moins suffisamment fournie du reste de la série, sous peine de se sentir un tant soit peu perdu. Vous serez prévenus !

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Gurvan

Histoire complète en 120 pages, écrite par Mathieu Mariolle, d’après le roman éponyme de PJ Hérault. Livia Pastore au dessin, parution le 05/01/2023 chez les Humanoïdes Associés, en partenariat avec les éditions Critic.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Bienvenue à War-Tacca

Gurvan est un jeune homme ambitieux, qui rêve de fuir son quotidien pour mener enfin la vie dont il rêve. Gurvan ne rêve ni de gloire ni de richesse, il aspire en fait à une vie simple, sur une lointaine planète que l’on nomme la Terre, berceau légendaire du peuple dont il est issu. Gurvan n’est pas un humain classique, il est né dans un Materédu, un complexe enfoui profondément sous le sol d’une planète hostile, dans lequel naissent artificiellement les soldats comme lui. Notre jeune héros est un pilote, conçu dans le but de participer à une guerre spatiale séculaire, si ancienne que les belligérants en ont oublié les raisons.

A l’issue de son entraînement, Gurvan sera appelé à quitter son Materédu pour prendre part aux combats, espérant survivre assez longtemps pour gagner son droit à la retraite. Mais ce qu’il va découvrir sur lui-même et sur son ennemi au coeur de la bataille va ébranler ses convictions et le forcer à revoir ses plans.

En effet, cet ennemi qu’on lui a appris à haïr ne semble pas si différent de lui, et, comme souvent dans les guerres, la frontière qui sépare le bien et le mal s’obscurcit. Gurvan va donc devoir naviguer en eaux troubles, entre une hiérarchie qui utilise son engeance à ses propres fins et un adversaire redoutable mais loin des clichés véhiculés par la propagande.

Une fois de plus, les Humanos s’associent avec les éditions Critic pour proposer l’adaptation BD d’un roman de SF. On avait ainsi pu lire Peaux-épaisses, Le Sang des immortels, ou encore Sapiens Impérium, qui développaient des thématiques différentes mais toujours sous un habillage space-opéra.

Dans Gurvan, on adopte le point du vue du protagoniste naïf, qui se lance dans un conflit qui le dépasse et qui va broyer ses illusions. Il est intéressant de voir que le scénariste parvient à nuancer les rôles des belligérants pour éviter le manichéisme, et ainsi initier sa réflexion sur la guerre et ses affres. Ce que nous dit finalement l’auteur, c’est que les hommes n’ont pas vraiment besoin d’une raison valable pour s’entretuer en masse, et que le cloisonnement des esprits et de l’information représente le meilleur moyen d’influence. Sur un autre thème, Mathieu Mariolle nous sert une sauce plus optimiste, en nous montrant que le déterminisme génétique n’est rien face au libre-arbitre et à la volonté individuelle.

En effet, le moteur de l’histoire réside dans l’opposition entre la nature de Gurvan, créé artificiellement puis conditionné pour être un pilote dévoué et obéissant, et sa volonté de faire éclater la vérité. On a aussi droit au conflit entre institution et individu, ce qui renforce le capital sympathie du héros.

Graphiquement, Livia Pastore livre de très belles planches, qui se distinguent par une mise en couleur soignée. On peut s’interroger toutefois sur la qualité de la mise en scène en ce qui concerne les batailles spatiales, le dynamisme de tels combats étant délicat à retranscrire en dessin. Il en résulte des affrontements quelque peu répétitifs qui ne sont clairement pas le point fort de l’album.

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La Chevaleresse

Récit complet d’Elsa Bordier (scénario), et Titouan Beaulin (dessin). Parution le 15/09/22 aux éditions Jungle, collection Ramdam.

Mulan en côte de mailles

La vie n’est pas simple pour Héloïse. Ou du moins, la vie d’Héloïse n’est pas tout à fait ce dont elle rêve. Si son quotidien ne reflète ni ses impétueuses aspirations ni son caractère de feu, c’est principalement à cause de la société patricarcale et belliqueuse dans laquelle elle vit.

Car oui, chers lecteurs de l’Etagère: le Moyen-Âge, ce ne sont que des ponts-levis, des troubadours et la Peste Noire. C’est aussi une hiérarchie sociétale verticale, qui impose aux individus une place prédéterminée qui ne peut souffrir aucune exception.

Pour Héloïse, cela se manifeste par la désapprobation de ses parents, qui ne souhaient pour elle qu’un mariage avantageux afin qu’elle perpétue la noble lignée. Ce qui signifie que plutôt que d’apprendre à se battre, comme elle le souhaite si ardemment, elle doit se contenter de la broderie et d’autres activités insignifiantes à ses yeux mais normalement dévolues aux femmes. Qu’à celà ne tienne, notre jeune fille en mal d’aventures va apprendre à se battre, par mimétisme, en observant les garçons lors de leurs entrainements. Quelques temps plus tard, c’est le Maître d’Armes en personne qui l’entraînera, en secret, bien sûr, jusqu’à faire d’Héloise une combattante virtuose.

Un jour, alors que la nécessité du mariage pèse de plus en plus lourd sur ses épaules, Héloise fait la rencontre d’Armand, noble comme elle, avec qui elle partage le sentiment d’être étouffée par la société. Armand n’aime ni la violence des combats, ni les armures que son père espère lui faire porter, et préfèrerait passer son temps à parfaire son art du dessin. Alors Héloïse a une idée: s’ils se fiancent, ils pourront alors s’associer pour donner satisfaction à leur deux familles, au prix d’une supercherie très simple.

Héloise n’a qu’à se faire passer pour Armand en revêtant son armure lors des entrainements et des joutes, lui épargnant ainsi l’harassement qu’il redoute tout en permettant à la jeune femme de croiser le fer comme elle l’a toujours voulu. Bien vite, la réputation d’Armand s’étend rapidement, si bien qu’un jour, un émissaire du Roi vient au chateau, pour le recruter dans sa campagne militaire contre un Baron rebelle. Armand n’a pas le choix: il doit partir faire la guerre, lui qui n’a jamais tenu une épée de sa vie.

Héloise s’en veut terriblement: elle a provoqué la perte de son meilleur ami, par pur égoïsme. Pour le sauver, il ne lui reste plus qu’à fausser compagnie à ses parents et rattraper la garnison, pour enfiler une nouvelle fois l’armure et faire parler ses talents. Mais le chemin sera long et semé d’embûches pour le petite comtesse qui n’a jamais mis les pieds hors de son château !

Comme le laisse deviner son titre, La Chevaleresse est un album féministe, mettant en scène une héroïne impétueuse face aux carcans patriarcaux qui veulent la cantonner à une place bien précise sans lui laisser l’opportunité d’exploiter son potentiel.

Malgré le contexte médiéval, on peut dire sans se tromper que le message véhiculé par Elsa Bordier porte une marque intemporelle, puisqu’elle parle d’accomplissement personnel, d’amitié, et d’amour. Il est donc aisé de transposer les difficultés vécues par Héloise au monde moderne, ce qui ajoute à l’accessibilité de l’intrigue. L’idée de base rappelle d’ailleurs d’autres oeuvres comme Mulan, lorsque la jeune fille s’entraîne par mimétisme, ou encore Wonder Woman (le film) lorsque le jeune Diana est entrainée en secret par sa tante à l’insu de sa mère autoritaire. Si on cherche bien, on peut même faire le parralèle avec Patrocle, le cousin d’Achilles, qui revêt son armure pour aller se battre à sa place lors de la Guerre de Troie.

La scénariste ne se contente pas d’un récit féministe qui mettrait en avant la bravoure et le courage féminins, elle habille également son récit d’une réflexion sur la guerre et la violence, ce qui est souvent le cas dans ce type d’oeuvre. En effet, lorsque l’on veut mettre en avant les qualités intrinsèques du Féminin , il n’y a rien de plus aisé que de le placer en contraste avec les défauts notoires du Masculin, à savoir la violence. L’auteure parvient à faire exister ses personnages tour à tour sans déséquilibre, créant des relations engageantes et crédibles.

Coté graphique, la trait de Titouan Beaulin, dont c’est le premier album, rest naïf, avec un côté hésitant, mais il sied bien au contexte médiéval et au ton de l’album.

J’ai néanmoins une réserve sur la résolution de l’intrigue [ATTENTION SPOILER !]

Une fois la fameuse bataille terminée, Héloise, blessée, retrouve sa compagne Isaure et Armand. Héloise a sauvé le Roi d’une mort certaine, mais a pu constater que son désir d’aventures était assez éloigné des réalités de la guerre. Armand, quant à lui, décide qu’on doit lui couper un pouce, afin de maintenir la mascarade et être certain d’être renvoyé chez lui.

Une fois la besogne accomplie, Armand revient au camp, et constate que le départ précipité du Roi a laissé l’armée en pleine débâcle, et que beaucoup de soldats sont rentrés chez eux. Il est lui-même remercié, ce qui à mon sens, rend le sacrifice du pouce totalement inutile, puisqu’Armand aurait de toute façon été renvoyé… A moins qu’Armand ait vu sur le long terme et qu’il ait souhaité s’assurer qu’on ne lui demanderait plus jamais de porter une épée, auquel cas il lui aurait suffit de simuler une claudication…

Il n’en demeure pas moins que la Chevaleresse est un bel album jeunesse, traitant de sujets d’actualité par le prisme médiéval.

***·BD·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Batman: Shadow War

Récit complet en 280 pages, écrit par Joshua Williamson et dessiné par Howard Porter. Parution en France Chez Urban Comics le 18/11/22.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Dead Al Ghul

Ra’s Al Ghul, le maître séculaire de la Ligue des Ombres, assasin immortel et éco-terroriste malthusien à ses heures, a fait ce qu’aucune personne de plus de 80 ans n’avait fait avant lui: il a changé d’avis.

Après des siècles passés à assassiner, à recruter des assassins, à former des assassins, à enfanter des assassins, à assassiner des assassins, Ra’s s’est aperçu que ses méthodes ne l’avaient pas mené bien loin et que le monde ne se portait pas mieux. En dépit de ce temps passé à oeuvrer avec acharnement dans l’ombre, l’immortel décide de se livrer à la Justice, en offrant par la même occasion le secret qu’il gardait jalousement depuis l’aube des temps, à savoir les Puits de Lazare, qui lui donnent sa longévité.

Bien évidemment, comme cela peut s’envisager dans tout entreprise de taille aussi respectable que celle de la Ligue des Ombres, ce revirement unilatéral n’est pas du goût de tout le monde. Parmi les réfractaires, il y a bien sûr Talia Al Ghul, sa fille, qui se voyait bien reprendre les rênes de papa pour faire les choses à sa sauce. Mais qu’à celà ne tienne, Talia accepte le deal et se livre avec son immortel de père repentant.

Batman, quant à lui, observe les évènements de loin. Longtemps considéré par Ra’s Al Ghul comme son digne héritier, Le Chevalier Noir a même été piégé par l’immortel pour engendrer avec sa fille un assassin parfait, nommé Damian, qui a entre temps adopté le code moral strict de son père en devenant le nouveau Robin.

Alors que Ra’s et Talia organisent leur reddition en public, Ra’s est assassiné d’une balle en pleine tête, et son corps détruit afin d’empêcher toute resurrection via le Puit de Lazare. Le tireur se révèle être Deathstroke, super assassin capable de donner du fil à retordre à Batman. Le malandrin s’enfuit après avoir revendiqué son forfait, ouvrant ainsi les hostilités entre les partisans de Deathstroke, qui crie à l’imposture, et la Ligue des Ombres. De nouveau réunis après plusieurs années de schisme, Batman et Robin vont devoir entrer en action afin d’éviter un bain de sang, et, tout aussi important, faire la lumière sur ces évènements.

Pour cette fois, pas de saga épique mais un bat-crossover comme on les aime, qui fait graviter autour du Croisé à la Cape les personnages secondaires de la licence, au cours d’une enquête/course-poursuite. Attention, si certains personnages comme Robin, Deathstroke ou encore Black Canary sont incontournables dans l’univers DC, d’autres pourront paraître plus obscurs, et demanderont une certaine connaissance des parutions récentes de DC, ou quelques recherches Gooooooooooooooooogle.

Le rythme ne diminue pas tout au long de l’album, même lorsqu’il se divise en plusieurs lignes narratives, centrées respectivement autour du duo Batman/Robin et de Deathstroke et ses enfants. Le parallèle entre les deux ennemis, accompagnés de leur progéniture est d’ailleurs une idée intéressante à mettre en scène, puisqu’on constate que chacun des deux antagonistes cherche finalement la rédemption à travers ses enfants, et que l’investissement paternel n’est pas quelque chose d’inné mais d’acquis et de conscient.

L’autre thématique est bien évidemment celle de la vengeance, puisque le faux-Deathstroke est mû par cette intemporelle motivation. A ce propos, son identité risque d’en surprendre quelques-uns, surtout si ce sont des lecteurs récents, car ses raisons d’agir remontent à très loin (expliciter ce point pourrait revenir à divulgâcher, mais sachez seulement qu’il y est question d’un certain Judas et d’un Contrat).

L’idée que rétribution immédiate et définitive s’oppose au concept même de rédemption est un thème intéressant à développer, il ne me semble pas l’avoir vu abordé sous cet angle auparavant (en effet, on a plus souvent droit au fameux « si tu le tues, tu deviens comme lui, John !« ).

A la fois rythmé et ancré dans la continuité, Batman: Shadow War est un récit divertissant, dont les conséquences seront vues en partie dans Dark Crisis on Infinite Earths, du même scénariste.