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Jurassic League

Récit complet en 144 pages, écrit par Daniel Warren Johnson et dessiné par Juan Gedeon. Parution en France chez Urban Comics le 05/05/2023.

Paléo-Héros

Bien avant que l’Homme ne devienne l’espèce dominante sur Terre, la survie n’était conditionnée que par une seule règle, un mantra universel qu’aucune créature foulant le sol ne pouvait ignorer: manger ou être mangé. C’est un principe qui a guidé les dinosaures durant les millions d’années que dura leur règne. Alors que les primates sont finalement devenus des hommes, cette version de la Terre n’a pas fait disparaitre totalement les reptiles géants, bien au contraire: elle a permis à certains d’entre eux d’évoluer, pour adopter une forme bipède humanoïde.

Ainsi, un jeune Allosaure humanoïde voit un jour ses parents dévorés dans une allée sombre-excusez-moi, dans une sombre clairière de Gotham City, et décide de combattre la cruauté en devenant Bat-Dino. Sur son île, une jeune Tricératops décide d’endosser le costume de Wonderdon afin de défendre la paix, tandis que Supersaure défend les humains qui l’ont adopté. Ce trio va se réunir afin de défendre la planète de Darkyloseid, seigneur reptilien qui a déjà écrasé de nombreux mondes sous son talon.

Connu pour sa revisite de Wonder-Woman, Daniel Warren Johnson s’empare d’un pitch encore plus délirant avec ce Jurassic League. Vous l’aurez compris, chaque membre de la célèbre Ligue de Justice subit une transformation reptilienne en adéquation avec son caractère. Superman devient Supersaure, reflétant ainsi le pacifisme et la force tranquille des sauropodes. Le choix du Tricératops pour Wonder Woman est également bien réfléchi, ces derniers étant herbivores et donc plutôt pacifiques, mais capables d’en remontrer aux plus féroces prédateurs. Faire de Batman un allosaure peut sembler surprenant au premier abord, mais il faut savoir que ces derniers étaient parmi les plus agiles des théropodes et plutôt effrayant, ce qui sied plutôt bien à notre chauve-souris favorite. On peut également trouver une symbolique assez cohérente dans la transformation de Flash en vélociraptor, ou d’Aquaman en Baryonyx, un dinosaure amphibie.

En revanche, il ne faut pas chercher dans cette Jurassic League un semblant de vérité scientifique, étant donné que le récit fait cohabiter Dinosaures et Homo Sapiens. On peut néanmoins compter sur la patte toute particulière de Danniel Warren Johnson pour insuffler une coolitude absolue à un pitch qui aurait très facilement tomber dans le ridicule. Sans pour autant tourner son concept en dérision, l’auteur (secondé par le dessinateur au scénario), nous entraine dans une aventure courte et sans temps mort, emplie de diverses références.

Étant donné le contexte, le récit ne prend par contre pas la peine de faire dans la subtilité vis à vis de l’antagoniste, dont le portrait est rapidement brossé, avec manichéisme comme il est coutume dans ce type d’histoire.

Si Jurassic League se démarque, c’est aussi et surtout par sa qualité graphique. Juan Gedeon fait des débuts fracassants en livrant une performance brute et sans concession, très fun dans ses designs ainsi que dans le découpage des planches.On peut dire qu’on retrouve dans son dessin le même enthousiasme que dans ceux de Johnson, qui intervient quant à lui sur les couvertures. Malgré une fin un peu rapide, l’album se lit avec plaisir de bout en bout, et pourra être apprécié même si vous ne connaissez que vaguement la Justice League et que vous avez oublié votre encyclopédie des dinosaures.

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DC vs Vampires #1: Invasion

Mini-série en trois volumes, écrite par James Tynion IV et Matthew Rosenberg, dessinée par Otto Schmidt.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Mordez-les tous

Nous avions eu les zombies chez Marvel, puis les zombies chez DC, il y a maintenant les vampires chez DC, parce qu’après tout, pourquoi pas ?

Tout commence lorsque un étranger se présente aux portes du Hall de Justice. Accueilli par Green Lantern, l’homme s’avère être un vampire, venu avertir les héros d’un danger qui menace l’ensemble de l’Humanité, un danger qui a des crocs acérés et qui ne prospère qu’à la faveur de la nuit. Ainsi, Green Lantern apprend que les vampires, que l’on croyait relégués au rang de légendes, complotent contre les mortels et s’apprêtent à prendre le pouvoir. Pire encore, ils auraient infiltré les rangs des méta-humains. Chaque super-héros ou super-vilain est donc susceptible d’être un vampire, au service d’un mystérieux seigneur, qui prépare son arrivée au pouvoir. A qui se fier ? Qui parmi les héros a basculé dans le camp des suceurs de sang ?

Comme nous l’évoquions dans d’autres articles, les Elseworlds (l’équivalent des What If ? chez Marvel) sont l’occasion d’explorer des histoires au déroulement radical loin de la pression liée à la sacro-sainte continuité de l’univers principal. Ce procédé donne davantage de liberté aux auteurs, qui peuvent ainsi livrer leur version « définitive » de certains personnages ou de certains concepts, sans être entravé.

Ainsi dans les Elseworlds, on compte quelques histoires passionnantes comme Superman Red Son, Batman White Knight et ses suites, et plus généralement, l’ensemble des parutions du Black Label.

Ici, l’invasion des vampires peut paraitre absurde sur le papier, ou en tous cas digne d’une petite « levée des yeux au ciel ». Et pourtant, James Tynion parvient à s’emparer du concept (il faut lui reconnaitre une certaine maitrise du genre) pour livrer un scénario attractif, à un rythme très prenant.

En effet, dès l’introduction, on est happé par l’intrigue, qui s’inspire fortement de classiques du genre paranoïaque comme L’Invasion des Profanateurs, ou encore Secret Invasion. L’aspect whodunit et la tension croissante font donc tout l’intérêt de ce premier volume conspirationniste, pour le plus grand plaisir des fans. Bien évidemment, il est inutile d’être un lecteur assidu de DC pour apprécier cette mini-série, il faut simplement ne pas trop s’attacher aux personnages…

Bien sûr, on peut interroger certains éléments de l’intrigue, comme l’effet du vampirisme sur la personnalité des héros infectés. S’il est plus simple de saisir le concept avec la zombification, le vampirisme semble plus aléatoire, en tous cas ses effets sur la moralité. Par exemple, certains héros dont la volonté est la marque de fabrique cèdent instantanément à la corruption morale, tandis que d’autres héros plus borderline, semblent en capacité d’y résister. Qu’est-ce qui fait qu’un héros, qui a été du côté du bien durant toute sa vie, se dit soudainement, après avoir été mordu, que l’avenir appartient aux suceurs de sang, plutôt que d’être horrifié par ce qu’il est devenu ?

On aurait aimé que cette question soit davantage creusée, mais le plaisir de lecture est là malgré tout. Sur le plan graphique, Otto Schmidt donne à voir un trait anguleux et des couleurs dynamiques, qui tranchent avec l’ambiance paranoïaque et le côté « tout-le-monde-peut-mourir-à-tout-moment ».

La suite sera intitulée « All Out War« , il faudra donc troquer les soupçons et l’angoisse contre une bonne grosse baston à coups de pieux et d’eau bénite. Qui survivra ?

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Batman: Beyond the White knight

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Comic de Sean Murphy, Dave Stewart (coul.) et Simone Di Meo
Urban (2023) – DC (2022), One-shot.

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est image-5.pngMerci aux éditions Urban pour leur confiance.

L’album s’ouvre sur une introduction rappelant le contexte du Murphyverse incluant White Knight, Curse of the White knight et White knight – Harley Quinn, puis les huit chapitres additionnés de deux intermèdes dessinés par Simone di Meo (illustrateur de We only find them when they are dead) et se conclut par huit pages de planches NB de toute beauté. A noter que comme depuis l’album Harley Quinn (dessiné par Matteo Scalera) Sean Murphy se fait coloriser par l’autre monstre incontournable de la colo de comics, Dave Stewart.

Bruce Wayne a la soixantaine lorsqu’il se voit contraint de s’évader du pénitencier où il purge sa peine. Car depuis la fin de Batman Néo-Gotham a surgi des plans fous du magnat Derek Powers, transformée en une dystopie dictatoriale où l’abolition du crime s’est accompagné avec celle des libertés. Alors qu’un nouveau Batman doté d’un costume ultra-technologique apparaît, un Wayne torturé par des crises d’angoisses devra affronter rien de moins que l’ex- Bat famille pour trouver la signification de ce qu’était Batman…

Batman: Beyond the White Knight (2022) - BD, informations, cotesEst-ce que Sean Murphy avait déjà les plans pour trois Batman lorsqu’il a entamé White Knight et sa refondation essentielle de cet univers? Je dois dire que jusqu’ici aucun doute n’était permis quand à l’ouverture grandissante et la multiplication des projets dans ce monde. Et même pas une once de méfiance quand à un risque de prolongation commerciale… Si les trois précédents albums étaient parfaitement réussis (avec le luxe de transformer un spin-off sur Harley en un nouveau chapitre marquant), cet hommage à la série animée Batman Beyond ressemble à une fausse bonne idée du jeune Murphy qui aurait dû laisser cette part de nostalgie là où elle était.

Car il y clairement deux albums dans ce Beyond the White knight. L’idée de reprendre le concept d’un vieux Batman projeté dans une Gotham du futur pouvait apporter des évolutions intéressantes quand aux relations interpersonnelles des acteurs du Batverse et sur ce plan l’album est assez réussi. On se plait à retrouver une Barbara Gordon ayant succédé à son père à la tête de la police, les deux Robin avec dix ans de plus et des enfants ayant poussé par-ci par-là. Travaillant la psyché de Wayne comme jamais depuis le génial Harleen, Sean Murphy continue de faire de la psychiatre blonde la création la plus intéressante de tout DC. Si l’on pourra trouver lourdingue l’artifice pour ramener le Joker (décédé aux précédents épisodes) comme une sorte d’hologramme mental, encore une fois cela permet de travailler les trauma du héros, sa schizophrénie supposée (le Joker n’est-il pas qu’une vue de l’esprit fou de Batman?). La relation aux « jeunes » aborde également le complexe de paternité de Bruce Wayne, maintenant que la figure d’Alfred n’est plus et l’auteur se permet même une très osée proximité plus qu’amicale avec Harley.

Batman has a new suit. Joker approves. [Batman: Beyond the White Knight #3]  : r/comicbooksBref, toutes les thématiques adulte prolongeant ce qui a été mise en place depuis le premier tome avec des hypothèses plus gonflées qu’aucun auteur ne se l’était permis sont passionnantes à suivre, ce qui aurait sans doute couronné du même succès ce volume que les précédents. Mais se rajoute ce vernis Beyond qui semble réchauffé tout le long avec un méchant et un néo-Batman qui n’intéressent jamais Murphy et sont expédiés sans aucune classe, jusqu’à l’apparition du Bat-chien qui fait douter de la santé mentale de Sean Murphy dans le genre « était-ce bien nécessaire » (même si le concept vient de l’animé Beyond).

Ainsi abimé par un certain nombre de personnages et d’une histoire inutiles, la structure White knight perd de sa force et l’on regrette amèrement que l’auteur n’ait pas assumé son projet solo jusqu’au bout en restant sur des hommages graphiques à la filmographie et certaines fulgurances graphiques dont il a le secret (je pense à l’excellente idée des ombres reflétant le surmoi héroïque des personnages sans masques, jusqu’à cette projection qui reprend la couverture du Dark Knight returns de Frank Miller).

Graphiquement Sean Murphy reste un designer de folie et possède de réelles visions même lorsqu’il fait joujou avec son armée de bat-robots. Mais on ne cesse de se demander pourquoi il s’est embourbé dans cette greffe inutile et incohérente avec son projet qui n’en avait pas besoin. Dommage de finir sa trilogie sur cette fausse note et espérons que les prochains spin-off, plus libres, rétablirons la qualité de ce Murphyverse qui reste la meilleure chose qui soit arrivée à Batman depuis la Cour des Hiboux.

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Suicide Squad: Blaze

Histoire complète en 168 pages, écrite par Simon Spurrier et dessinée par Aaron Campbell, avec Jordie Bellaire aux couleurs. Publication en France chez Urban Comics le 17/02/2023 dans la collection Black Label.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance

Les pieds nique-les

Le Suicide Squad est, comme son nom l’indique, un escadron secret dédié aux missions suicide. Composé de divers super-criminels que l’on a contraint ou influencé, le groupe est envoyé sur le terrain pour mener des missions dangereuses, avec un collier électrique et une bombe implantée dans le corps, en guise de moyens de coercition.

Le taux de mortalité étant par nature très élevé, le casting change régulièrement, aucun de ses membres n’ayant la garantie de revenir vivant d’une mission. Ainsi, Peacemaker, Captain Boomerang, Harley Quinn et King Shark sont les seuls membres actifs de l’escadron lorsque survient une nouvelle menace. En effet, un méta-humain extrêmement puissant, du niveau de Superman, enlève puis massacre des innocents, quotidiennement et partout dans le monde. La Ligue de Justice, parangon de la puissance et du Bien, est évidemment dépassée et ne parvient pas à mettre la main sur ce tueur insaisissable.

Amanda Waller, directrice du programme, met donc en branle son équipe de psychopathes pour traquer discrètement cette menace. Pour augmenter ses chances de succès, Waller sort l’artillerie lourde, à savoir une arme secrète expérimentale nommée le Brasier, une sorte de composé qui octroie de formidables pouvoirs au prix d’une espérance de vie plus que limitée. Confrontée au refus de ses hommes de se prêter au jeu de l’expérience, Waller fait appel à d’autres cobayes sacrifiables, des prisonniers lambdas qui attendent dans le couloir de la mort de la prison de Belle Reve ou qui ont pris perpète.

Ainsi, Mike, le protagoniste, Lucille, Boris, Tanya et Xavi sont sélectionnés pour participer au programme et rejoindre le Suicide Squad. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il ne leur reste que 3 mois à vivre, et qu’il vont devoir affronter un monstre qui a sans doute déjà terrassé Superman. La cerise sur le gâteau, c’est qu’on ignore de quoi est fait le Brasier exactement, mais on sait qu’il a un lien avec le tueur.

A l’aise, Blaze

L’auteur Simon Spurrier nous a à ce jour régalés avec plusieurs pépites, telles que Coda, Sandman The Dreaming, ou encore Saison de Sang. Le voir s’attaquer au concept de Suicide Squad, dans le sillage du dernier film de James Gunn, avait donc tout du succès garanti. La déception est donc d’autant plus grande que ce n’est pas le cas ici.

Malgré un ton impertinent et une narration amèrement cynique, l’auteur ne parvient pas à nous émouvoir autant que sur ses précédentes productions, la faute sans doute à un casting maladroitement ficelé ou des thématiques trop absconses. Difficile en effet de sympathiser avec l’ensemble des nouveaux venus, dont le sort nous est finalement plutôt indifférent à la lecture, alors que l’argument de vente principal de Suicide Squad est de parvenir à nous attacher à des personnages antipathiques, des anti-héros, qui meurent en masse et souvent de façon abjecte.

Le contrat n’est donc pas rempli ici, puisqu’au fur et à mesure d’une traque emplie de longueurs, de facilités et d’invraisemblances, les personnages meurent sans impact émotionnel particulier. La relation entre les membres du Squad et les nouveaux venus n’est pas non plus source d’amusement ou de développement, alors que l’auteur tenait là une manne scénaristique intéressante.

Côté graphique, Aaron Campbell, qui nous avait montré toute sa maîtrise du genre horrifique avec Infidel, livre des planches avec son style photoréaliste très reconnaissable. Mais la qualité du trait ne fait pas tout, et la colorisation de Jordie Bellaire (vue aussi The Nice House on the Lake) peine à masquer la confusion qui règne dans les scènes d’action, qui sont, en majorité, franchement illisibles.

C’est donc l’accumulation de ces défauts qui fait descendre son Suicide Squad Blaze de son piédestal et c’est bien dommage.

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Flashpoint Beyond

Histoire complète de DC Comics en 216 pages, écrite par Geoff Johns et dessinée par Xermànico. Parution en France chez Urban Comics le 17/03/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Ça flash pour moi

Il y a quelques années, Barry Allen, plus connu sous le nom du héros ultra-rapide Flash, a tenté le tout pour le tout alors qu’il cherchait à sauver sa mère Nora, d’une mort horrible aux mains du NegaFlash. Utilisant ses pouvoirs à leur acmé, Flash a remonté le temps jusqu’à l’instant fatidique pour modifier le cours du temps.

Effet Papillon oblige, l’Histoire entière se réécrit autour de ces changements. Barry s’échoue alors dans un monde qui lui est étranger, dans lequel tout ce qu’il a connu, ses proches, les héros qu’il a cotoyés, les événements historiques, tout a été modifié de façon drastique. Dans cette nouvelle ligne temporelle, Barry n’est jamais devenu Flash, le monde est ravagé par une guerre totale entre le peuple de Wonder Woman, les Amazones, et celui d’Aquaman, les Atlantes, et, cerise cosmique sur le gateau de l’ironie, Superman n’a jamais fait d’apparition publique sur Terre. Barry se rend d’autant plus compte de la portée de son geste lorsqu’il découvre que le Batman de ce nouveau monde n’est pas Bruce Wayne, mais bien son père Thomas, leurs rôle ayant été échangés lors de la nuit fatidique dans Crime Alley. Loin de l’idéal de Justice poursuivi par Batman-Bruce, le Batman de Flashpoint est un justicier violent et cruel, qui n’agit que pour se venger, encore et encore, du crime qu’il a subi.

Néanmoins, Barry parvient à convaincre ce nouveau Batman de l’illégitimité de cette ligne temporelle et de la nécessité de la rectifier. Avec l’aide d’autres héros, et notamment de Batman qui tue Nega-Flash, Flash parvient à récupérer ses pouvoirs et revient une nouvelle fois dans le temps pour corriger son erreur, fusionnant avec son lui plus jeune, et donnant ainsi naissance à un nouvel univers DC, que l’on découvre dans les New 52.

Il est plus tard révélé que l’entité qui est à l’origine de certaines modifications qui ont permis à ces événements de se produire n’est autre que le Docteur Manhattan (oui, celui de Watchmen), corrompu par une entité qui lui encore supérieure, les Grandes Ténèbres. Le Batman de Flashpoint, quant à lui, n’a pas complètement disparu, car on le revoit ensuite dans la Justice League Incarnate, qui lutte justement contre la crise multiverselle provoquée par les Grandes Ténèbres. Désintégré par Darkseid à l’issue de la saga, Thomas Wayne /Batman se réveille néanmoins en vie, de retour dans la ligne temporelle aberrante qu’il avait contribué à effacer. Comment s’est-il retrouvé là ? S’il est bien en vie, alors qu’est-il advenu de la ligne originelle, celle qui abrite le fils pour qui il a tout sacrifié ?

Geoff Johns revient une nouvelle fois sur le devant de la scène DC Comics pour prolonger le récit qui lui avait à l’époque permis de rebooter l’univers, en le liant à la crise qui occupe actuellement les esprits. Flashpoint Beyond débute en mettant de coté le paradoxe moral et philospohique qui était posé dans la série initiale. En effet, dans Flashpoint, on apprenait donc que la ligne temporelle pouvait supporter qu’un antagoniste (Nega-Flash) puisse modifier son cours en tuant une personne innocente (Nora Allen), sans conséquence particulière pour lui ni pour l’univers, tandis qu’elle s’effondre complètement si un héros tente de réparer ce tort. L’univers DC était donc en faveur du Nega-Flash ! Cela dit, cette morale ambigue permet à Barry Allen de comprendre qu’il ne peut pas employer les mêmes méthodes que son ennemi juré et s’attendre à des résultats différents sous couvert de ses bonnes intentions.

C’est sans doute pour cela que le récit est centré autour de Thomas-Batman, et de sa volonté de tout sacrifier à nouveau afin de restaurer l’univers une seconde fois. La thématique du regret et d’une ligne temporelle apocalyptique issue de l’incapacité d’une personne à faire son deuil rappelle directement l’excellente série Dark, ce qui ajoute un niveau de profondeur à l’univers de Flashpoint.

Et c’est là que la morale de fin est également rendue ambigue par l’auteur, car là où Thomas-Batman refusait d’accepter la perte de Bruce et sacrifiait un univers entier pour permettre à son fils de vivre, Bruce-Batman s’accroche également au souvenir d’un père hypothétique (qui est devenu l’antithèse de ce qu’il défend, il est utile de le mentionner) et prend des risques anormalement élevés afin de le préserver à son tour…

Néanmoins, la fin offerte par ce Flashpoint Beyond demeure satisfaisante sur le plan émotionnel, et ouvre des pistes suffisamment inquiétantes pour suscier l’intérêt du lecteur quant à la suite. Il faut admettre que Johns sait ménager ses effets et le rythme de ses révélations tout au long des sept chapitres de la mini-série, permettant une lecture haletante, à l’action bien dosée.

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Catwoman: Lonely City

Histoire complète en 224 pages, écrite, dessinée et mise en couleur par Cliff Chiang. Parution en France chez Urban Comics, collection Black Label, le 10/02/2023.

Merci à Urban pour leur confiance.

Le retour du Chat

Selina Kyle, alias Catwoman, sort du pénitentier hautement sécurisé de Blackgate après une peine de dix ans. Il y a dix ans, Selina n’a cependant pas perdu que sa liberté. Durant ce que les journaux auront plus tard baptisé la Nuit du Fou, elle a perdu l’amour de sa vie, le milliardaire orphelin Bruce Wayne, plus connu sous son identité de Batman.

Lors d’un énième affrontement contre son ennemi juré, le Joker, Batman, ainsi que son ami le commissaire Gordon et son allié Nigthwing, sont morts, laissant Gotham endeuillée, et Catwoman brisée. Heureusement, rien ne dure éternellement, pas même la prison, aussi notre féline anti-héroïne finti-elle pas retrouver sa liberté, quelque peu usée et amère, mais toujours vivante.

La compagne de Batman retrouve donc Gotham, sans toutefois la reconnaître. En dix ans, beaucoup de choses ont changé, comme par exemple le fait que plus aucun personnage costumé, qu’il soit héroïque ou criminel, n’a fait d’apparition depuis la Nuit du Fou. Harvey Dent, que tous connaissaient sous son tristement célèbre sobriquet de Double-Face, s’est rangé et est devenu maire de la ville, instaurant une sorte de municipalité policière, grâce à une armée de Bat-Cops peu frileux quant à la brutalité de leurs méthodes.

Sous le mandat de Dent, les inégalités qui frappaient Gotham et généraient le crime n’ont fait que s’aggraver, menant à la gentrification de certains quartier et à l’abandon de beaucoup d’autres. En parlant de crime, il est une invariable statistique en criminologie, stipulant que les quelques semaines qui succèdent une sortie de prison sont les plus susceptibles de voir l’ancien criminel replonger.

Qu’adviendra-t-il alors de Selina ? Renouera-t-elle avec son passé criminel dans cette nouvelle Gotham, ou demeurera-t-elle fidèle à la dernière promesse qu’elle fit à Batman ?

Depuis maintenant trois ans, Urban exploite les titres du DC Black Label, une collection hors-continuité dont la liberté de ton permet des revisites très pertinentes de personnages connus. Ainsi, Wonder-Woman, Batman, encore Batman, et encore encore Batman, et encore et toujours Batman, ont eu droit à leur récits alternatifs. Ce Lonely city sorti fin 2021 était très attendu et repoussé plusieurs fois par l’éditeur français. Hâte de voir si le Black Label allait continuer son quasi sans-faute…

Catwoman, héroïne ambivalente, mérite elle aussi son spotlight, et il faut bien admettre que Cliff Chiang s’y prend diablement bien. Au premier abord, difficile cependant de ne pas avoir en tête le Dark Knight Returns de Frank Miller, mettant en scène le retour d’un héros vieillissant dans une ville qu’il ne reconnaît plus.

Le pitch est sans aucun doute similaire, mais là où Miller laissait transpirer ses opinions droitisantes, voire fascisantes, Chiang livre un propos plus moderne, et sans doute aussi, plus démocrate. La diatribe politique n’étant clairement pas l’objectif de l’oeuvre, l’auteur se concentre néanmoins sur le développement de son personnage, au travers du deuil de Selina, et comme on s’en doute, de la vie de l’une qui continue après la mort de l’autre.

Quant à l’intrigue, il n’y a pour ainsi dire pas grand chose à reprocher à l’auteur. Ce dernier utilise à bon escient tous les élements du film de casse, à savoir:

  • Une structure ternaire rassemblement de l’équipe / préparation / exécution
  • Un objectif illégal qui nécessite d’investir une place forte, à savoir s’introduire dans la Batcave, surveillée par les autorités.
  • Un plan, qui consiste à s’y introduire durant la nuit des élections.
  • Des étapes du plan où interviennent des complications progressives, forçant les héros à improviser.
  • Il est d’ailleurs intéressant de noter, à titre informatif, qu’en fiction, plus un plan est connu et limpide, plus ses chances de succès sont minces, alors qu’un plan qui est établi à l’insu du lecteur aura un succès quasi garanti.

Tout cela fonctionne donc à merveille, surtout si l’on ajoute le mystère du contenu véritable de la Batcave, dont on se doute qu’elle ne contient pas seulement la Batmobile et quelques gadgets mineurs. Entre histoire de braquage et contemplation amère du temps qui passe, Catwoman Lonely City est une nouvelle réussite du Black Label de DC. Et un nouveau coup de coeur !

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Batman Le Film 1989

Histoire complète en 60 pages, adaptation du film éponyme de 1989 réalisé par Tim Burton. Dennis O’Neil au scénario, Jerry Ordway au dessin. Parution chez Urban Comics le 10/11/22.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Avec le Diable au clair de lune

Vue d’en haut, la ville de Gotham City a tout d’une ville magnificente, une métropole gothique qui porte en elle les germes de la modernité. Mais si vous plongez un peu plus profond, si vous vous risquez à explorer ses entrailles, ses rues sombles et malfamées, vous vous apercevrez qu’elle n’est en réalité qu’un cloaque suintant, une cour des miracles où les gorges se tranchent aussi vite que les réputations se font et se défont.

Bruce Wayne le sait bien. Cette ville l’a vu naître, dans une position privilégiée, mais elle lui a aussi tout pris, lors d’une nuit tragique où ses parents ont trouvé la mort, de façon aussi banale que tragique. Depuis lors, l’orphelin héritier n’a plus montré en public qu’une vaine façade de lui-même, celle d’un play-boy inconséquent dont les quelques accès de prodigalité philanthrope ne visait qu’à soulager sa conscience.

Ce que la ville ignore cependant, c’est que Bruce Wayne n’a pas remisé son traumatisme dans les tréfonds de sa conscience, ni dans les affres d’une vie dissolue, au contraire. Il ne vit désormais plus que pour venger ses parents, et tous les autres parents morts à cause du crime et de la corruption. Poussé par sa soif de vengeance, Bruce a crée le personnage de Batman, un justicier sombre et invincible qui hante les rues de Gotham pour y traquer les criminels. Et il y a de quoi faire à Gotham City…

Durant sa croisade contre le crime, Bruce va faire la rencontre de Jack Napier, un dangereux criminel, dont la psychose explosera au grand jour après sa première rencontre avec Batman. Ce sera le début d’une lutte sans merci entre le héros chauve-souris et celui qui se fait désormais appeller le Joker.

Il est indéniable que le film Batman de 1989, réalisé par Tim Burton, s’est hissé au rang de film culte, un immense succès commercial et culturel de l’époque. Bien que Tim Burton soit revenu depuis sur la hype provoquée par son oeuvre, le film est resté l’une des meilleures adaptations audiovisuelles du personnage (surtout si l’on prend en considération d’autres entrées ultérieures, comme Batman & Robin).

L’adaptation par O’Neil et Ordway, parue à l’époque du film, opte pour la fidélité totale envers le script original. On y retrouve donc l’ensemble des séquences, jusqu’aux dialogues. Graphiquement, Ordway s’inspire bien sûr des fameux décors du film, qui empruntaient à des classiques comme Brazil et Métropolis, et imprime les visages bien connus, et donc bien reconnaissables, des acteurs.

Tout est donc fait pour reproduire l’ambiance et le succès du support audiovisuel. Le récit en lui-même est plutôt condensé, mais les 60 pages du comic sont suivies des 60 pages de crayonné du dessinateur, elles-mêmes agrémentées des recherches préparatoires. Si un cahier graphique est toujours un bonus très appréciable pour une BD, la pertinence de l’ajout de l’intégralité des crayonnés ne me paraît pas si évidente, puisqu’elle double la pagination pour offrir une redite, en V.O., ce qui peut rebuter les lecteurs non anglophones. Le prix de l’album a du aussi en pâtir, ce qui, du point de vue éditorial, peut relever du faux-pas.

Il n’en demeure pas moins que Batman Le Film est une bonne adaptation, certes datée mais qui bénéficie du capital nostalgie dont le métrage jouit encore. La preuve par l’exemple, Michael Keaton est supposé reprendre le rôle dans le prochain film The Flash, qui traitera du Multivers. Côté comics, l’univers créé par Tim Burton a aussi eu droit à une continuation en 2021, avec la mini-série Batman ’89, écrite par Sam Hamm et illustrée par Joe Quinones, pas encore disponible en VF.

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Paul Jenkins présente: Hellblazer #1

Premier volume de l’intégrale de la série écrite par Paul Jenkins et dessinée par Sean Philips. 512 pages, parution chez Urban Comics le 25/11/2022.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Bad trip et bonne magie

On retrouve John Constantine, le célèbre mage-escroc, loin de son Angleterre natale. Le fripon est allé s’acoquiner avec une tribu aborigène afin de plonger dans le Tjukurrtjanu, un espace mi-onirique mi-spirituel dans lequel il espère rencontrer le Serpent Arc-en-Ciel dont il espère tirer profit pour le compte de ses amis locaux, dont la terre est menacée d’expropriation.

Une fois cette histoire réglée, Constantine retrouve ses pénates, ainsi que ses amis d’enfance punks, et comme à son habitude, va se retrouver mêlé à diverses histoires impliquant d’arnaquer un démon ou deux, voire de se confronter à Lucifer en personne.

John Constantine, personnage inventé par Alan Moore lorsqu’il officiait sur Swamp Thing en 1985, est la figure typique de l’anti-héros. Imperméable douteux, cigarette constamment pendue à la commissure des lèvres, un accent (en V.O.) à couper au couteau mêlé à un sens de la répartie aussi flexible que sa morale, le fameux Hellblazer avait tout pour plaire.

En 1995, Paul Jenkins, auteur anglais alors peu connu sur la scène comics internationale, s’attaque au personnage en y injectant poésie fantasmagorique et chronique sociale comme seuls les auteurs anglais de l’époque pouvaient en proposer, marqués qu’ils étaient par le règne de Thatcher. Une grande partie de cette intégrale est composée d’histoires courtes pouvant être lues de façon indépendante, sans avoir à se soucier nécessairement de la continuité, ce qui donne l’impression d’assister à une ballade intemporelle, une chronique amusée du monde parfois cruel dans lequel évolue notre magicien anti-héros.

Coté graphique, c’est à Sean Philips que l’on doit les planches. On s’aperçoit qu’en 1995 déjà, le dessinateur avait un trait tout aussi saisissant que celui des œuvres ultérieures qui le firent connaître. A lire si vous appréciez le personnage et son univers !

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Batman: Shadow War

Récit complet en 280 pages, écrit par Joshua Williamson et dessiné par Howard Porter. Parution en France Chez Urban Comics le 18/11/22.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Dead Al Ghul

Ra’s Al Ghul, le maître séculaire de la Ligue des Ombres, assasin immortel et éco-terroriste malthusien à ses heures, a fait ce qu’aucune personne de plus de 80 ans n’avait fait avant lui: il a changé d’avis.

Après des siècles passés à assassiner, à recruter des assassins, à former des assassins, à enfanter des assassins, à assassiner des assassins, Ra’s s’est aperçu que ses méthodes ne l’avaient pas mené bien loin et que le monde ne se portait pas mieux. En dépit de ce temps passé à oeuvrer avec acharnement dans l’ombre, l’immortel décide de se livrer à la Justice, en offrant par la même occasion le secret qu’il gardait jalousement depuis l’aube des temps, à savoir les Puits de Lazare, qui lui donnent sa longévité.

Bien évidemment, comme cela peut s’envisager dans tout entreprise de taille aussi respectable que celle de la Ligue des Ombres, ce revirement unilatéral n’est pas du goût de tout le monde. Parmi les réfractaires, il y a bien sûr Talia Al Ghul, sa fille, qui se voyait bien reprendre les rênes de papa pour faire les choses à sa sauce. Mais qu’à celà ne tienne, Talia accepte le deal et se livre avec son immortel de père repentant.

Batman, quant à lui, observe les évènements de loin. Longtemps considéré par Ra’s Al Ghul comme son digne héritier, Le Chevalier Noir a même été piégé par l’immortel pour engendrer avec sa fille un assassin parfait, nommé Damian, qui a entre temps adopté le code moral strict de son père en devenant le nouveau Robin.

Alors que Ra’s et Talia organisent leur reddition en public, Ra’s est assassiné d’une balle en pleine tête, et son corps détruit afin d’empêcher toute resurrection via le Puit de Lazare. Le tireur se révèle être Deathstroke, super assassin capable de donner du fil à retordre à Batman. Le malandrin s’enfuit après avoir revendiqué son forfait, ouvrant ainsi les hostilités entre les partisans de Deathstroke, qui crie à l’imposture, et la Ligue des Ombres. De nouveau réunis après plusieurs années de schisme, Batman et Robin vont devoir entrer en action afin d’éviter un bain de sang, et, tout aussi important, faire la lumière sur ces évènements.

Pour cette fois, pas de saga épique mais un bat-crossover comme on les aime, qui fait graviter autour du Croisé à la Cape les personnages secondaires de la licence, au cours d’une enquête/course-poursuite. Attention, si certains personnages comme Robin, Deathstroke ou encore Black Canary sont incontournables dans l’univers DC, d’autres pourront paraître plus obscurs, et demanderont une certaine connaissance des parutions récentes de DC, ou quelques recherches Gooooooooooooooooogle.

Le rythme ne diminue pas tout au long de l’album, même lorsqu’il se divise en plusieurs lignes narratives, centrées respectivement autour du duo Batman/Robin et de Deathstroke et ses enfants. Le parallèle entre les deux ennemis, accompagnés de leur progéniture est d’ailleurs une idée intéressante à mettre en scène, puisqu’on constate que chacun des deux antagonistes cherche finalement la rédemption à travers ses enfants, et que l’investissement paternel n’est pas quelque chose d’inné mais d’acquis et de conscient.

L’autre thématique est bien évidemment celle de la vengeance, puisque le faux-Deathstroke est mû par cette intemporelle motivation. A ce propos, son identité risque d’en surprendre quelques-uns, surtout si ce sont des lecteurs récents, car ses raisons d’agir remontent à très loin (expliciter ce point pourrait revenir à divulgâcher, mais sachez seulement qu’il y est question d’un certain Judas et d’un Contrat).

L’idée que rétribution immédiate et définitive s’oppose au concept même de rédemption est un thème intéressant à développer, il ne me semble pas l’avoir vu abordé sous cet angle auparavant (en effet, on a plus souvent droit au fameux « si tu le tues, tu deviens comme lui, John !« ).

A la fois rythmé et ancré dans la continuité, Batman: Shadow War est un récit divertissant, dont les conséquences seront vues en partie dans Dark Crisis on Infinite Earths, du même scénariste.

****·Comics·East & West

Supergirl: woman of tomorow

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Comic de Tom Taylor, Bilquis Evely et Mateus Lopez (coul.)
Urban (2022), 224 p., one-shot.

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Kara, cousine de Superman connue sous le nom de Supergirl, se cherche un rôle dans l’ombre de Kal-El. Arrivée à vingt-et un ans elle s’exile sur une planète à soleil rouge afin de pouvoir s’enivrer sans la puissance de ses pouvoirs divins. C’est alors qu’elle rencontre une étonnante jeune fille qui souhaite l’engager pour venger son père. Commence une odyssée à travers les galaxies où les deux filles vont apprendre à se connaître l’une l’autre et se connaître soi-même…

REVIEW - A satisfying end from SUPERGIRL: WOMAN OF TOMORROW #8 — Comics  BookcaseCeux qui suivent ce blog savent que si Dahaka est un spécialiste des chronologies Marvel et DC, je goute personnellement assez peu les excentricités désuètes de la firme aux deux lettres dont je ne sauve que la brillance des aventures de l’homme chauve-souris. Superman qui plus est a beaucoup de mal à m’intéresser hors dystopies (Red son) ou uchronies (Injustice). Alors il était peu probable de me voir me plonger dans une aventure de Supergirl, son super-chien Krypto et son super-cheval capé Comète… Pourtant, un auteur aussi brillant que Tom King qui arrive depuis quelques années à utiliser la substantifique moelle des personnages DC (sur Mister Miracle ou Strange Adventures par exemple), associé à l’incroyable étoile montante des dessinateurs latino a suffit à me convaincre de tenter l’expérience… confirmant comme chaque fois que le Black Label est une garantie quasi absolue de must-read!

Supergirl – Woman of Tomorrow #1 (of 8) (2021) | Read All Comics OnlineCommençons par les planches, juste sublimes de bout en bout et folles de détails. Dans une technique toute européenne, la brésilienne Bilquis Evely (qui a déjà sublimé la reprise de Sandman) nous subjugue dans une alchimie parfaite avec son coloriste Mateus Lopez. Alors que je constate une mode peu convaincante pour des colo criardes dans les comics, le duo reste très tradi avec des planches peu encrées mais fourmillant de détails, jusqu’à cet épisode final qui décroche la mâchoire. L’inspiration issue de Jean-Claude Mezière et ses galaxies foisonnantes est évidente, mais l’on peut également trouver du Lauffray, voir du Moebius dans ces décors extra-terrestres parcourus laborieusement dans des cars galactiques pourris et autres auberges orbitales puantes. Abusant de traits de mouvement et de perspectives, l’artiste n’est jamais avare de créativité et de contenu, donnant à ses deux voyageuses une élégance qu’accompagne un texte inspiré.

Everything here is just as everything's always been." (Supergirl: Woman of  Tomorrow #3) : r/comicbooksComme sur sa récente analyse du héros américain Adam Strange, King utilise le récit narratif dès la première page, nous annonçant la lecture a posteriori du journal de la jeune héroïne. Car si l’album est titré Supergirl, comme précédemment l’on aurait très bien pu se dispenser de cet habillage DC pour proposer un récit identique dans la veine des productions de Bergara et Spurrier. C’est un récit initiatique au long cours qui nous est livré ici avec par moment un sentiment de séquences non liées qui peuvent finir par ennuyer. C’est là la principale limite à cet album par ailleurs magnifique: si la conclusion justifie amplement cette forme saccadée, il faut se convaincre du lien entre ces étapes de voyages.

Comics] Supergirl, woman of tomorrow : une superbe fable pop à découvrir  d'urgence (Urban Comics)Cette forme vernie de morale et surtout de l’étonnant verbe ampoulé de Ruthye permet aux auteurs, comme dans un Valérian, d’explorer des mondes exotiques, des sociétés aliens étranges, voir d’expérimenter très librement des dangers improbables pour la cousine de Superman. Le manque d’antagoniste que l’on ne voit qu’au début et à la fin) peut créer ce déséquilibre qui n’est compensé « que » par l’héroïsme graphique de Bilquis Evely et la facilité d’écriture d’un scénariste en pleine forme. Dans un album l’un des auteurs prends souvent le dessus sur l’autre. Rien de cela ici et l’on savoure franchement autant le texte que le crayon.

Avec ce petit sous-rythme qui l’empêche de peu d’attraper les cinq Calvin, ce one-shot est encore un carton d’un des plus intéressants scénaristes en activité qui transforme le plomb en or et commence à attirer à lui la crème des artistes mondiaux en permettant de lire à peu près tout et n’importe quoi dans un traitement de qualité. Faites abstraction de l’habillage « Super » et laissez vous emporter dans ce magnifique et touchant voyage qui chez Tome King revêt toujours ce salutaire supplément de fond philosophique.

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