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Batman : L’Aventure continue #1

Premier volume de la série qui fait suite à aux séries Batman Aventures, et Batman Les Nouvelles Aventures. Alan Brunett et Paul Dini au scénario, Ty Templeton au dessin. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Nostalgie gothamienne

La mythologie autour du personnage de Batman s’est construite sur plusieurs médias, qui ont, pour le meilleur ou pour le pire, appris l’un de l’autre et sont mutuellement influencés au fil des itérations. Quand on pense à Batman aujourd’hui, on n’a pas seulement en tête les bandes dessinées qui l’ont vu naître, mais également les nombreux films, séries télévisées, séries animées et jeux vidéos dans lesquels il est apparu.

L’un des pans essentiels du folklore de l’Homme Chauve-Souris s’avère être Batman: The Animated Series, qui jouit pour beaucoup de fans d’une aura immarcescible à laquelle peu d’autres œuvres peuvent se comparer. Diffusée entre 1992 et 1999, la série animée est vue aujourd’hui comme un paragon de ce que doit être le Chevalier Noir, une série à la fois orientée vers l’action mais également vers la psychologie de ses personnages.

En effet, la série écrite par Paul Dini, Alan Burnett, Bruce Timm et Eric Radomsky a défini en profondeur la psyché de personnages jusque-là secondaires et caricaturaux, comme par exemple Mr Freeze ou Gueule d’Argile. Misant sur l’aspect tragique et torturé d’une galerie de méchants hauts en couleurs, les auteurs ont frappé l’imagination de tout un public dans les années 90, ouvrant la voie à une génération d’auteurs dans les années 2000. L’autre fait d’armes principal de la série animée Batman est qu’elle a créé des personnages qui ont par la suite été canonisés dans la bande dessinée, comme par exemple la célèbre Harley Quinn, qui sera plus tard interprêtée par Margot Robbie et prochainement par Lady Gaga.

Sachant cela, y avait-il un intérêt réel à poursuivre en BD les aventures animées et délicieusement gothiques du Chevalier Noir ?

La série reprend sur un statu quo habituel à Gotham, à savoir Batman, aidé de ses deux protégés Robin et Batgirl, luttant contre le crime. Le trio va être confronté en premier lieu à Lex Luthor et à ses manigances, avant de tomber sur un os en la personne de Deathstroke.

Le mercenaire, célèbre dans l’univers DC, fait ici sa première apparition dans l’univers « animé », avec dans l’idée de priver Batman de ses acolytes afin de mieux l’affaiblir. Il épie donc les faits et gestes du justicier afin de trouver une faille à exploiter. Cependant, ce que Deathstroke ignore, c’est qu’un autre joueur vient d’intégrer la partie, et que ce dernier pourrait être mieux armé pour déstabiliser l’inébranlable Batman.

Ce qui va suivre pourra faire office de SPOILER dans l’hypothèse où vous n’avez jamais ouvert un comics Batman ces dernières années. Prenez-donc garde !

Le coeur de l’intrigue se concentrera sur Jason Todd, le deuxième Robin dans la continuité classique, qui n’avait jamais été mentionné dans la série animée. Personnage assez peu populaire, il avait été éliminé après un vote du public, massacré par le Joker. En plus de débarasser l’éditorial DC d’un personnage encombrant, cet événement avait pour avantage non négligeable de fournir aux auteurs du Chevalier Noir un nouveau traumatisme sur lequel s’appuyer dans l’écriture du héros. Après avoir perdu ses parents, Bruce Wayne devait maintenant faire le deuil d’un fils putatif, mort dans une croisade qu’il a lui-même initiée. Deuil, culpabilité, regret, sont de formidables moteurs scénaristiques que les auteurs ne se sont par la suite pas privés d’exploiter.

Cependant, au millieu des années 2000, Jason Todd fait un grand retour dans l’univers DC, pas sous les traits de Robin, dont le rôle fut entre temps repris par Tim Drake, mais sous le masque de Red Hood. Devenu un justicier expéditif et ultra-violent, Todd cherche à se venger du Joker en lui rendant la monnaie de sa pièce, ce que Batman ne peut pas tolérer au vu de son code moral strict.

La saga de Red Hood, qui est étrangement similaire à celle du Winter Soldier chez Marvel, est aujourd’hui un classique de la continuité du Batman, si bien que Paul Dini et Alan Burnett ont souhaité l’intégrer dans la continuation de l’univers animé. Le duo ne s’est pas arrêté là puisqu’il emprunte également à d’autres grandes sagas du personnage comme Knightfall, durant laquelle Batman, le dos brisé par Bane, avait du être remplacé par Jean-Paul Valley alias Azraël.

On constate donc qu’après avoir influencé la série principale en créant des personnages, la série animée opère le processus inverse, en assimilant la continuité principale dans son propre prolongement, quitte à user de retcon (continuité rétroactive). Ce phénomène aurait représenté un intérêt certain si la série animée était restée animée, mais en BD, les lecteurs aguerris ressentiront une sorte d’effet homéopathique en voyant des sagas emblématiques, s’étalant sur plusieurs tomes, diluées, parfois vidées de leur substance pour n’occuper que quelques épisodes.

Cependant, les lecteurs non-initiés, ou les jeunes lecteurs à qui l’on voudrait faire découvrir l’univers de Batman tout en leur épargnant ses périodes les plus sombres, y trouveront une intrigue prenante. Les vieux lecteurs, quant à eux, pourront toujours s’y délecter d’une dose de nostalgie, avec en tête les voix françaises du dessin animé.

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Superman Lost

Mini-série en 248 pages, écrite par Chrisopher Priest et dessinée par Carlo Pagulayan. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Lost & Found

Clark Kent, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, n’est pas seulement le journaliste introverti originaire du Kansas. C’est aussi le dernier fils de Krypton, une planète disparue dont la civilisation avancée n’a pu empêcher sa propre fin. Envoyé sur Terre par ses parents avant l’explosion de leur monde, Clark Kent, né Kal-El, a développé d’incroyables super-pouvoirs à la faveur de notre Soleil Jaune, et, sculpté par la morale de ses parents adoptifs, les a mis au service de l’Humanité.

Devenant Superman, l’Homme d’Acier, Clark a forgé une sorte d’idéal, vers lequel tendent tous les autres super-héros de son monde. Doté d’un charisme naturel, Superman dirige la Ligue de Justice, et sauve régulièrement le monde de la destruction, tout en menant une vie normale en tant que Clark Kent. Filant le parfait amour avec l’intrépide journaliste Lois Lane, on peut dire que Superman a une vie plus ou moins stable.

Cependant, lors d’une mission de routine, Superman rentre chez lui avec quelques heures de retard. Loin d’être inquiète, Lois s’agace même de ce retard inhabituel chez son surhumain de mari.

Clark, prostré au milieu du salon, n’est plus vraiment lui-même. Le regard dans le vague, il murmure à son épouse: « Je suis parti 20 ans… »

Aspiré par une singularité, le héros s’est perdu aux confins de l’univers, privé de ses pouvoirs. Comment a-t-il survécu ? Qu’at-il du sacrifier pour rentrer chez lui ?

Lois Lane va, à sa façon, soutenir son mari traumatisé tout en tentant de trouver un moyen de le sortir de sa torpeur.

Héros le plus emblématique du monde des comics, Superman est connu de toutes et tous, sans pour autant que les récits qui composent son histoire ne soient connus du grand public. Néanmoins, pour les lecteurs assidus, il sera clair que les meilleures histoires de l’Homme d’Acier sont celles qui font un pas de côté par rapport à l’icone du héros invincible, pour se permettre une analyse en miroir de la nature humaine, vue au travers du prisme surhumain.

En d’autres termes, Superman n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il est vulnérable. On en veut d’ailleurs pour preuve le fait que son comic le plus vendu est celui mettant en scène sa mort dans les années 90. Certains auteurs rivalisent donc d’ingéniosité pour trouver un moyen de priver le héros de sa force phénoménale. Ici, Christopher Priest met Superman face aux règles qui régissent l’Univers lui-même, à savoir les distances infranchissables qui séparent les étoiles, et la relativité du Temps.

Que peut donc faire l’Homme d’Acier face aux lois de la Physique ? Rien d’autre que s’adapter, autant qu’il le peut, impuissant face au défilement des années. S’en suit une odyssée au sens mythique du terme, durant laquelle Clark fera tout ce qu’il peut pour franchir un océan d’étoiles afin de regagner son foyer, tout en sachant que la femme qu’il aime n’est pas éternelle et qu’elle pourrait ne pas vivre suffisamment longtemps pour l’accueillir à son retour.

Pas de cyclope dans cette odyssée cependant, mais peut-être bien des sirènes, qui, au fil des années, pourraient dissuader Clark de rentrer chez lui. L’auteur met également le héros face à un reflet à peine déformé de la planète Terre, auquel il souhaite transposer sa vision du protectorat.

Les questions dramatiques de Superman Lost (un héros omnipotent peut-il s’affranchir des lois de la physique ? Peut-il encore être un héros si personne ne veut être sauvé ?) sont donc de celles qui produisent de bonnes histoires, d’autant plus si elles sont couplées à une partie graphique de qualité.

Malgré une intrigue qualitative et calibrée pour l’Homme d’Acier, on doit tout de même reconnaître que les intrigues secondaires, à savoir les machinations politiques sur la planète sur laquelle échoue Clark et les investigations journalistiques de Lois, alourdissent le propos sans forcément y apporter une plus-value.

Récit hors continuité, Superman Lost conviendra, pour toutes les raisons citées plus haut, à un large panel de lecteurs et pas nécessairement aux afficionados de la cape rouge.

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Batman Superman – World’s finest #1

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Comic de Mark Waid, Dan Mora et Tamra Bonvillain (coul.)
Urban (2023), 142p., 2/3 tomes parus, série en cours.

Cet album m’ennuie! Je vous rassure, il est bon. Très bon même. Mais justement… Sans être un fan de DC je commence à avoir pas mal de bouteille et mon expérience très souvent malheureuse, voir même désabusée sur les albums de sup DC m’avait convaincu d’abandonner tout ce qui n’était pas one-shot Black Label, Batman ou elsworld de Tom Taylor. Oui mais voilà, ce qui est fascinant dans cette mythologie en réinvention permanente, c’est que régulièrement un grand auteur parvient à créer l’improbable, même pour les plus sceptiques. Il y a quelques années un certain Jason Aaron nous livrait un des plus grandioses arcs sur un des personnages Marvel les plus délaissés (Thor – le massacreur de dieux) ou plus conceptuel, un Tradd Moore revisitait le Silver Surfer (avant son tout récent Dr. Strange que je m’apprête à chroniquer). Plus rare chez DC.

Mark Waid a commencé chez l’éditeur aux deux lettres avant de bourlinguer un peu partout (jusqu’à devenir maître créatif chez les Humanos) et est considéré comme un des plus fins connaisseurs de la mythologie DC, père qu’il est du mythique Kingdome Come. Et voilà t’y pas qu’on le charge (en compagnie du cador Dan Mora et sa complice coloriste tout de même) de repartir dans l’Age d’argent de DC remplis de slips assumés, de sourires de vendeurs de bagnoles et de l’immense naïveté qui faisaient les années soixante. Ne me demandez pas comment, mais ça marche, et plutôt bien même!

Car cette ouverture est un véritable cas d’école pour toute une génération de scénaristes (Scott Snyder?) qui nous assomment depuis des années dans des complexités noires enchevêtrant les récits, dialogues et pédigrée de dcologie exigé. World’s Finest (reprenant le titre d’un comic de l’époque) c’est MacDonalds aux commandes, c’est coloré, joyeux, on n’attend plus que les Bing-Paf-Whizz en surimpression. Rassurez-vous, les planches impériales de Dan Mora amènent un peu de classe à ce qui aurait pu virer au psyché-béat.

En avançant sur un rythme soutenu, Waid fait plaisir à son lectorat en envoyant des figures connues mais aussi des mal-aimés, cette Doom-Patrol sortie des tréfonds des placards DC et totalement dans l’esprit SF-rétro. Avec un grand méchant tout puissant et rien de moins qu’un diable (permettant l’artifice imparable de la prise de contrôle d’à peu près qui il veut, y compris Superman, oui-oui), on avait tout pour un gros truc débile. Mais l’expérience de monsieur Waid calibre le tout sans forcer, instillant ce qu’il faut où il faut de suspens, de retournements et surtout sans longueurs. Et l’on réalise que le rythme est très souvent ce qui manque dans des BD où reconnaissons-le on se contrefiche du bon goût, de la vraisemblance (Mmm, est-il bien crédible que Superman retrouve son chemin entre la Zone fantôme et notre temporalité?…).

BD plaisir, magnifiquement dessinée, bourrée d’action et de bons mots typiques, regorgeant de personnages sympathiques, World’s finest montre également qu’on peut toujours permettre une lecture à tout le monde, sans pré-requis et sans tirer en longueur. Adorateurs de la déprime batmanienne et dépités des histoires de l’homme d’Acier, foncez, cet album vous surprendra et vous montrera qu’il ne faut jamais dire jamais!

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Batman & Joker: deadly duo

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Comic de Marc Silvestri
Urban (2023) 208p. one-shot, collection Black Label.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Pour la première fois les deux adversaires de toujours vont devoir faire alliance pour sauver leurs proches! Le commissaire Gordon et Harley ont été enlevés par un mystérieux manipulateur, alors qu’une horde de créatures surnaturelles liées au Joker envahit Gotham et sème la mort dans la population…

Cela fait des éons que l’on n’a pas eu le loisir d’apprécier le boss d’Image comics aux dessins sur un album complet et je dois avouer que les récentes résurrection d’un Frank Miller par exemple ne m’incitaient pas à une grande confiance… Le créateur de Darkness et des mythiques éditions Top Cow a un style très marqué, proche d’un Jim Lee avec une vraie qualité de crayonné bien que parfois daté. Très bavard, Silvstri nous relate en préface l’origine du projet dans un texte assez narcissique qui montre qu’il n’y a pas que son dessin qui est vissé aux années 90.

Soyons beaux-joueurs, malgré des lacunes techniques qui éclatent autant que celles de grands ancêtres de la Franco-belge au regard des cadors actuels de l’industrie comics, l’album est visuellement très agréable, pour peu que l’on admette une plongée absolument nihiliste dans une Gotham proche des cimetières de Tim Burton. On ne pourra pas parler de faute de gout même si l’univers du créateur du Darnkess prend clairement le dessus sur celui du Chevalier Noir. Et c’est ce qui surprend le plus dans cet album qui semble finalement bien peu « batman style ». Ce n’est pas la première fois qu’un auteur majeur s’émancipe du carcan traditionnel du Bat-Univers, mais ce Deadly Duo laisse l’étrange gout en bouche d’un album de Marc Silvestri habillé de la cape de Batman.

Ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est en cause, artifice en forme de buddy-movie tout droit issu de Die Hard 3 où un mystérieux maître chanteur donne des missions impossible au plus improbable des duo. Cela permet de beaux morceaux de bravoure et surtout au dessinateur de se permettre une très inhabituelle violence cadavérique dans l’univers de Batman. Le problème vient surtout de la fausse bonne idée que la décence m’interdira de qualifier d’aberrante. Un autre que le grand éditeur aurait-il été laissé aux commandes d’un projet qui va a l’encontre de tout ce qui fait l’essence de Batman? Rien n’est moins sur. Comme s’il savait qu’il était scénaristiquement impossible de rendre cohérente cette collaboration entre Batman et le Joker, Silvestri balance d’ailleurs son excuse en quelques cases plus que légères, histoire de rapidement lancer son train.

Car une fois lancé, le rythme est rapide, plusieurs séquences sont très amusantes dès qu’il s’agit pour le Joker de balancer des punchlines absurdes qui fonctionnent très bien en décalage avec le sérieux impénétrable et ennuyeux du Dark Knight. Ainsi l’écriture de cet album Black Label est tout à fait correcte, de même qu’un dessin très organique voulu comme crayonné, primal, pour exprimer les racines noueuses d’une Gotham que l’on n’a jamais fini de découvrir. Mais sans doute trop porté sur un cadre de cinéma hollywoodien, l’auteur oublie qu’il est dans une BD avec ses contraintes et s’oublie progressivement dans des intrigues cachées un peu éculées jusqu’au grand-guignol final où l’univers souterrain justifie une pauvreté graphique triste à voir.

Démarrant plutôt bien, ce Deadly Duo progresse entre quelques séquences fun vers une conclusion brouillonne qui s’étire en longueur et fait craindre une envie de Silvestri-verse qui prolongerait plus que de raison ce qui devait n’être qu’une belle proposition.

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Human Target

Récit complet de 424 pages, réparties en douze chapitres, suivis d’un numéro spécial. Tom King à l’écriture, Greg Smallwood au dessin, et une parution en France chez Urban Comics le 27/10/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Tout le monde veut sa peau

Christopher Chance n’est pas un garde du corps comme les autres. Comme tous les bodyguards dignes de ce nom, il est prêt à prendre une balle pour ses clients, mais ce qui le distingue de la concurrence, c’est qu’il le fait, littéralement, et souvent avec un certain panache.

Chance ne fait pas que protéger ses clients, il prend leur place en adoptant leur apparence, afin de déjouer au mieux les tentatives d’assassinats. Ce commerce particulier lui vaut donc le sobriquet de Human Target, la Cible Humaine. Le destin de Christopher bascule lorsqu’un jour, alors qu’il personnifie rien de moins que Lex Luthor, il est la cible d’une attaque par arme à feu en plein meeting de Lexcorp. Cet événement en soi n’a rien de surprenant pour notre garde du corps, mais la balle en question révèle quelque chose de bien plus sinistre. Avant d’entrer en scène, Chance, sous l’apparence de Luthor, a bu un café qui s’est avéré empoisonné, et il n’a survécu que parce que l’impact du projectile sur son gilet en kevlar lui en a fait vomir une partie.

Désormais, Christopher Chance n’a plus que douze jours à vivre, et il va devoir résoudre son propre meurtre avant de passer l’arme à gauche. Petit problème cependant: comment faire lorsqu’il s’agit de déterminer qui voulait la peau de Lex Luthor, au point de l’empoisonner ? Et si le suspect se trouvait parmi les nombreux super-héros de l’univers DC qui en ont légitimement après lui ?

Pour la petite anecdote, cette mini-série Human Target a commencé comme une blague du coté de Tom King. Lors d’un tweet répondu à un fan, il a rapidement commenté comment il écrirait une série sur le personnage en question, quelque chose du genre: « Case 1: Human Target regarde la pluie. Case 2: Il se prend une balle, se dit qu’il aurait du la voir venir. Fin.« . Le même jour, il est contacté par un éditeur de DC comics lui proposant d’écrire une mini-série, ce que l’auteur n’a pas pris au sérieux avant de réaliser que l’offre était bien réelle.

Alors au fond, que donne cette mini-série, écrite par un auteur en vogue, sur un personnage on-ne-peut-plus obscur ?

En premier lieu, on citera les influences marquées du Film Noir, ou plutôt du Neo-Noir, pour être tout à fait précis. On y retrouve l’esthétique léchée des oeuvres de gangsters comme la série de romans Parker de Donald Westlake. Assez étonamment, le fait que l’intrigue se déroule au sein de l’univers DC n’a pas d’impact significatif sur l’intrigue, qui reste dans le fond un récit criminel et une enquête, avec son lot de rebondissements, fausses pistes et faux-semblants.

Le protagoniste Christopher Chance ne déroge pas à la règle, puisqu’il est lui aussi archétypal et représentatif du genre Neo-Noir et du détective hard-boiled: fatigué mais dur à cuire, cynique mais vif d’esprit, prospérant dans la zone floue entre bien et mal, porté sur la bouteille autant que sur les monologues internes, et, plus important encore, déterminé à résoudre l’affaire avant d’y rester.

Que dire également de la Femme Fatale, jouée ici par le personnage de Ice (super-héroïne assez mineure de la Justice League Internationale), qui, comme le veut son archétype, devient la confidente du héros tout en se montrant dangereuse et ayant des liens étroits avec les principaux suspects.

Comme à son habitude, Tom King met à profit les monologues intérieurs et les dialogues pour créer des personnages convaincants, à la psychologie percutante, et tisse une intrigue prenante dès les premières pages, jusqu’à un final satisfaisant, à la tonalité douce-amère, comme on peut en trouver dans les meilleurs films noirs.

En outre, il n’est pas nécessaire d’être versé dans la continuité de DC Comics, ni même d’être spécialement familier avec les super-héros qui sont mentionnés ou mis en scène, l’intrigue étant généralement auto-contenue et cantonnée à la résolution du mystère autour de la tentative d’assassinat.

Sur la partie graphique, il est peu de dire que Greg Smallwood fait des merveilles, que ce soit pour son trait semi-réaliste qui colle parfaitement à l’ambiance sixties, ou ses aplats de couleurs tous plus maîtrisés les uns que les autres, le tout sur plus de 400 pages.

En résumé, Tom King montre encore une fois qu’il peut faire de l’or avec à peu-près n’importe quoi, en l’occurence un personnage obscur et méconnu tel que Human Target. En plein dans le mille.

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Swamp Thing: Green Hell

Récit complet en 160 pages, écrit par Jeff Lemire et dessiné par Doug Mahnke. Parution chez Urban Comics dans la collection DC Black Label le 27/10/23.

Merci aux aditions Urban pour leur confiance.

L’Enfer, c’est Vert

Swamp Thing, créé en 1971 par Len Wein et Bernie Wrightson, est un personnage emblématique de DC Comics. Aussi connu sous le nom d’Alec Holland, il est souvent décrit comme un gardien de la Nature et un avatar de la Force Végétale, également nommée la Sève.

À l’origine, Alec Holland est un scientifique travaillant sur une formule révolutionnaire capable de régénérer les tissus végétaux. Cependant, un tragique accident de laboratoire le transforme en une créature mi-homme, mi-végétale. Abandonné et considéré comme une abomination, Alec trouve refuge dans les marais, où il devient Swamp Thing, la Chose des Marais.

Lorsque Alan Moore reprend les rênes de la série en 1983, les choses changent drastiquement pour Swamp Thing. En effet, l’auteur anglais étant encore peu connu à cette époque, il se voit confier pour ses premiers travaux américains une série en passe d’être annulée, et pour laquelle aucun contrôle exécutif ne fut exercé. C’est ce qui permit à Alan Moore de redéfinir en profondeur le personnage et son univers, entraînant un succès qui ne se démentira pas jusqu’à son départ de la série en 1987. Durant le run d’Alan Moore, Swamp Thing découvre qu’il n’a en réalité jamais été Alec Holland, mais plutôt une créature végétale persuadée de l’être. Tous les souvenirs du scientfique ne sont en fait que des copies qui ont imprégné la créature, son âme ayant été transportée au Paradis lors de l’explosion qui engendra Swamp Thing. Notre héros marécageux est en réalité l’Avatar de la Sève, une force primordiale représentant toute la vie végétale sur Terre, et dont la manifestation est un conclave nommé le Parlement des Arbres. On découvre ensuite dans la série l’existence du Sang, la manifestation de la vie biologique, ainsi que la Nécrose, qui représente la décomposition de toutes les formes de vie.

Il faut savoir que Swamp Thing est une pierre angulaire dans l’univers DC, et pas seulement du fait de son propos écologique. Si la série reste dans les mémoires, c’est notamment parcequ’elle a engendré le label Vertigo de DC, et que l’on y trouve les origines de John Constantine, alias Hellblazer, personnage populaire s’il en est.

Au fil des années, d’autres grands scénaristes de comics ont officié sur la série, parmi lesquels Grant Morrisson, Brian K. Vaughan, Mark Millar, Scott Snyder ou encore Charles Soule. C’est donc au tour de Jeff Lemire, prolifique et talentueux, de proposer sa version de la Chose des Marais, avec comme sceau d’approbation l’intégration de la mini-série au Black Label d’Urban Comics, déjà connu pour son panel généralement qualitatif.

Il est utile de rappeler que Jeff Lemire est déjà familier du personnage de Swamp Thing, pour avoir écrit la série Justice League Dark ainsi que la saga Rotworld en 2013, qui donnait la part belle au héros végétal. Dans Green Hell, nous débarquons dans un futur pas-si-futur-que-ça, dans lequel l’Humanité a été submergée par la montée des eaux, résultante de centaines d’années d’anthropocène destructrices. Donald fait partie des rares survivants, sur un des derniers ilots épargnés par la grande inondation. Avec sa fille Ronnie, il consacre ses journées à récupérer ce qu’il peut, tout ce qui peut permettre de tenir un jour de plus, sans perspective sérieuse d’avenir. Harcelée par des pillards, sa communauté oscille sans cesse au-dessus du précipice.

Ce que Donald ignore, c’est que la Sève, le Sang et la Nécrose se sont mis d’accord sur la nécessité de mettre un terme à l’agonie des derniers humains, afin de pouvoir recommencer un nouveau cycle de vie plus tard, avec n’importe quelle forme de vie qui s’extirperait des eaux dans quelques millions d’années. Les trois Parlements s’unissent donc pour créer un nouvel Avatar, afin d’exterminer les survivants. Bien évidemment, les humains ne sont pas de taille face à un tel monstre, qui ne pourrait être vaincu que par un être similaire. Mais le dernier Swamp Thing, Alec Holland, est mort il y a des décennies. Seulement, voilà, sur l’archipel, vit un ermite unique en son genre, un homme qui a connu Swamp Thing et qui serait à même de le ramener d’entre les morts une nouvelle fois, cette fois pour qu’il affronte la Sève au lieu de la servir aveuglément.

Ceux qui ont aimé les récits comme Old Man Logan (Mark Millar & Steve McNiven) ainsi que la frange horrifique de DC Comics trouveront leur compte dans cette nouvelle proposition de Jeff Lemire.

Outre l’aspect post-apocalyptique et crépusculaire, pour lequel l’auteur a développé un certain talent, on verse généreusement dans la thématique de la « Vengeance de Gaïa« , qui est encore plus pertinente aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque de la création du personnage.

Sur le plan dramatique, il est toujours utile lors d’une suite de rendre son personnage principal obsolète en le confrontant à une version augmentée de lui-même, comme le T-800 face au T-1000 dans Terminator 2, ou encore Cain dans Robocp 2. Ce mécanisme, en plus de servir l’action et la mise en scène, renforce la tension dramatique autour du succès du héros dans sa mission.

On peut également compter sur Jeff Lemire pour étoffer et explorer ses personnages, qui ont ici tous droit à un traitement efficace et approfondi. Sur le plan graphique, grosse surprise de retrouver Doug Mahnke, vieux briscard des comics, qui avait commencé sa carrière chez Image Comics avec The Mask et Stormwatch PHD. Son style réaliste se rapproche de celui de Gary Frank, et met en avant l’aspect gore et violent voulu par le scénariste.

Swamp Thing Green Hell mérite un bon 4 Calvin, et aurait pu prétendre à un 5 Calvin avec quelques chapitres en plus qui auraient permis d’étoffer encore davantage l’intrigue.

**·Comics·East & West·Nouveau !·Rapidos

Dceased #3: war of the undead gods

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Comic de Tom Taylor et Trévor Hairsine
Urban (2023) – (DC (2022), one-shot.

Troisième et dernier opus de la trilogue Dceased.

Il y a trois ans, l’auteur de Injustice dynamitait la Justice League dans un brillant elseworld casse gueule visant à placer du zombie chez les super-héros. Si les spin-off étaient tout à fait oubliables, le second volume maintenait un niveau de qualité très correcte malgré une dilution du principe. La crainte de voir le volume de trop est malheureusement confirmée puisque le seul et unique intérêt (réservé aux fanatiques de DC reconnaissons le) de la présente conclusion est de voir des affrontements d’entités cosmiques zombifiées…

Car une fois le vaccin trouvé dans le volume précédent on peut imaginer que la seule tension dramatique sera de savoir comment l’inoculer à un Superman-zombie ou aux Néo-dieux cannibales. La question mérite d’être posée mais hormis à multiplier les fausses surprises et les retournements foireux il n’y a pas vraiment de résolution possible une fois que l’on accepte que des dieux puissent être corrompus par l’équation d’anti-vie.

Alors Taylor continue de s’amuser à faire chuter des personnages de plus en plus puissants et à convoquer à peu près toute la galaxie vintage de DC (il ne manquera que Starro l’étoile de mer…). Mais bien que les planches de Hairsine soient toujours au top, les bastons galactiques deviennent soit lassantes, soit ridicules et passée la lecture sympathique et un effort finale pour conclure par une jolie idée la trilogie, on a vraiment le sentiment que Dceased aurait du n’être qu’un one-shot.

****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Gotham City Année Un

Mini-série en 200 pages, écrite par Tom King et dessinée par Phil Hester. Parution en France chez Urban Comics le 13/10/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Pêché Originel

Si Gotham City a été une bonne ville, c’était il y a bien longtemps. Depuis des décennies, cette ville est un cloaque sordide semblable à un étang, dans lequel nagent et se reproduisent des générations de criminels qu’un étrange atavisme semble pousser vers davantage de folie.

A tel point qu’elle a poussé Bruce Wayne, enfant issu de la dernière caste privilégiée de la ville, à consacrer sa vie à lutter contre son inhérente corruption sous l’identité de Batman. Mais qu’est-ce qui a pu faire basculer une ville entière dans la fange et la décadence ? Une population entière peut-elle être entraînée contre son gré vers le précipice ? L’inspecteur Slam Bradley, aujourd’hui sur son lit de mort, connaît sans doute la réponse, qu’il s’apprête à livrer au Chevalier Noir en personne.

Deux générations avant l’apparition de Batman, Gotham City était une ville prospère, loin du gouffre de désespoir que l’on connaît aujourd’hui. Ancien inspecteur de police, Slam Bradley s’est reconverti en détective privé, occupant ses journées avec des affaires banales d’adultères et des menus fretins. Comme dans tous les bons polars, sa tranquilité routinère est bouleversée par l’arrivée dans son bureau d’une jeune femme en apparence innocente, qui débarque avec une enveloppe et la promesse d’un billet facile. En échange de 100 dollars, celle qui se fait appeler Sue lui demande de porter l’enveloppe scellée au manoir de Richard et Constance Wayne, dont la réputation est entachée par des rumeurs depuis quelques semaines, au motif que personne n’a plus aperçu en public leur fille Helen. Il ne faudra pas longtemps au détective pour découvrir que le bébé, surnommée « la Princesse de Gotham », a été enlevée et qu’une rançon a été exigée aux parents. Sans le savoir, Slam Bradley vient de mettre le doigt dans un engrenage corrompu qui risque de coûter à la ville son âme et son optimisme.

Le brillant scénariste Tom King s’attaque aux origines du Mal à Gotham, que beaucoup d’auteurs et de lecteurs ont pris pour acquis au fil des décennies. L’auteur tente de répondre nerveusement à une question lancinante: l’âme d’une ville peut-elle être corrompue par ses habitants ? Peut-on retracer sa lente descente aux enfers jusqu’à un seul événement fatidique, un pêché originel dont découlera ensuite toute la détresse d’une population ?

La réponse du détective, et par son prisme celle de l’auteur, semble mitigée. Si la corruption morale des Wayne (abordée dans un nombre croissant d’oeuvres, la plus récente étant The Batman de Matt Reeves) semble bien être la clé de voûte de la déchéance de Gotham, le scénariste ne prend pas de gant pour démontrer que le contexte utopique n’était pas si loin d’une simple façade. En effet, Slam nous rappelle bien durant son enquête que la prospérité des uns n’a pu se faire qu’au détriment de celle des autres. En explorant ainsi la ségrégation raciale sur laquelle était bâtie la ville, King nous donne la recette du désastre social et de l’embrasement dont la folie des Wayne ne fut que le catalyseur. Pas de fumée, sans feu, pas de feu sans allumette.

Sur le plan narratif, King fait un usage approprié des mécanismes propres au courant néo-noir, Chinatown et Sunset Boulevard en tête. Comme dans les films cultes de Polanski et Wilder, l’enquête qui se déroule sous nos yeux met en jeu rien de moins que l’âme et la raison d’être de la ville, décrite et éprouvée comme une entité à part entière.

Le scénariste/ancien espion de la CIA explore comme à son habitude la psyché de ses personnages avec maîtrise et sagacité, tandis que son binôme dessinateur livre des planches tranchées et sombres, son style évoluant en symbiose avec le chaos qui rampe depuis les entrailles de la ville.

****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Batman: Killing Time

Mini-série en 192 pages, écrite par Tom King et dessinée par David Marquez. Parution en France chez Urban Comics le 13/10/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Braquage à la Gothamiène

Le 04 mars à 16h46, la Banque Centrale de Gotham City devient le point d’orgue d’une série d’événements, qui iront de l’anecdotique au tragique, en passant par l’incongru et le regrettable. Le 04 mars à 16h46, l’un des plus ingénieux braquages de l’histoire de la ville a lieu.

L’Homme Mystère, Catwoman et le Pingouin se sont associés pour pénétrer dans un coffre tout particulier, afin d’y dérober un objet qui l’est bien plus encore, et s’enrichir comme il n’est pas permis d’espérer. Ce qui est sûr, c’est que ces trois malfrats ont l’audace chevillée au corps, et pas simplement à cause de leurs accoutrements: ce qu’ils s’apprêtent à voler appartient à nul autre que Bruce Wayne en personne.

Décidément très prolifique, Tom King est à l’honneur en octobre chez Urban. Le scénariste, qui reprend les rênes du Bat-Univers à la suite de Scott Snyder, s’octroye ici une Bat-Parenthèse centrée autour d’un récit de braquage, qui convoque toutes, ou presque, les références du genre.

Les amateurs y trouveront donc de quoi étancher leur soif. En premier lieu, les personnages pittoresques et hauts en couleurs, un indispensable dès que l’on parle de Batman. En second lieu, une narration en accordéon que ne renierait pas Guy Ritchie lui-même, avec des tics de narration et des dialogues punchy et savoureux. En troisième lieu, un récit choral où tous les coups sont permis, les trahisons et coups de théâtre parsemant le récit comme des foulards rouges un jour de Féria.

Enfin, un mystérieux McGuffin que l’on pourrait croire tout droit sorti de Pulp Fiction, auquel l’auteur ajoute une origine qui vient s’intercaler entre les déjà nombreuses lignes narratives en lui conférant une portée symbolique que l’on peut retrouver dans l’excellent Inside Man de Spike Lee. Attention cependant à la révélation finale, qui peut, selon l’exigence et les attentes nourries par le lecteur au fil des chapitres, peut retomber comme un soufflet, pour peu que ses attentes aient été prises à rebours par l’auteur.

S’il se veut ingénieux et décalé, ce Killing Time de King ne s’affuble toutefois pas de la portée psychologique qui sert désormais de signature à l’ancien agent de la CIA reconverti en scénariste. Il n’est pas non plus utile d’être totalement versé dans la continuité de la série principale Batman pour apprécier ce récit, qui peut se consommer comme un film de gangsters classique sans porter à conséquence.

Au dessin, David Marquez se montre ingénieux dans ses cadrages et sa mise en scène, aidé en celà par son style semi-réaliste qui colle tout à fait à l’univers de King. Un album hors-continuité réussi, qui se lit sans conséquence sans pourtant y perdre en intérêt ni en plaisir de lecture.

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Batman One bad day : Gueule d’argile

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 Comic de Collin Kelly, Jackson Lanzing et Xermanico
Urban (2023) 72 p. one-shot, série One bad day achevée en huit tomes.

Basil Karlo a quitté Gotham pour devenir acteur. Mais sa personnalité autoritaire ne supporte pas la contradiction et la réussite de ses amis. Afin de réussir son rêve le voilà qui s’enfonce dans une tragique descente aux enfers du crime…

Franchement enthousiasmé par mes lectures des One Bad Day dédiés à Mr. Freeze et au Sphinx me voilà sur l’ultime volume de cette série qui aura défrayé la chronique de par la pagination inhabituelle se rapprochant du format franco-belge. Et je suis au regret de vous annoncer que cet opus est franchement décevant… Gueule d’argile est un des personnages les moins exploités du Batman-verse et aurait mérité une créativité forte des auteurs pour lui offrir un point de départ équivalent au Killing Joke dont se réclame la série OBD. Malheureusement le scénario se contente de reprendre les bribes d’origine connus sur la trame facile d’un acteur qui utilise ses dons de métamorphe pour parvenir à ses fins et emmener dans sa folie ses partenaires et ses amis. Le concept OBD rend logique la mise de côté de Batman et pourquoi pas de Gotham. Pourtant la normalité du contexte (Hollywood) nous éloigne encore un peu plus de cet univers et rend assez banale cette histoire seulement rehaussée par une construction qui veut brouiller les lignes entre scénario et réalité. On comprend que c’est là tout le concept des scénaristes qui en restent là dans un déroulement linéaire autour d’un personnage ni vraiment effrayant ni vraiment intéressant.

Sur un découpage fort classique qui insère des passages de scénario entre les bulles, Xermanico propose des dessins assez élégants mais qui n’offrent pas vraiment de point d’accroche ni de séquence marquante hormis les quelques irruptions d’argile. On a vu plus original. Le principe du métamorphe permet pourtant de belles paranoïa en mode thriller, ce qu’oublient totalement Kelly et Lanzing en se contentant de suivre leur personnage, dans une lecture qui parviendrait presque à être longuette. Sacré coup de force pour un format extraordinairement court. Peut-être mal à l’aise hors du cadre des épisodes classiques des comics, les scénaristes ne semblent rien avoir à nous dire au-delà de leur fausse bonne idée de départ qui se conclut certes joliment. Mais c’est franchement tardif pour compenser l’atonie de l’ensemble. On a donc au final un album qu’il vaut mieux éviter et qui décroche gentiment deux Calvin pour les dessins. Une éventuelle intégrale des huit tomes sera bien suffisante pour prendre connaissance de cette historiette.

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