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Arsène Lupin contre Sherlock Holmes 2/2

Second volume du diptyque écrit par Jérôme Félix et dessiné par Alain Janolle. Parution chez Grand Angle le 31 mai 2023.

Ça va te coûter Sherlock

Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, et Sherlock Holmes, le plus grand détective du monde, se livrent depuis des années une guerre sans merci. Leur rivalité a culminé lors d’une nuit décisive durant laquelle Holmes, déterminé à appréhender le seul homme capable de le surpasser, tua par accident Raymonde, l’épouse de Lupin.

Quelques années plus tard, alors que le détective de Baker Street s’est retiré du monde, Lupin met de côté ses cambriolages pour percer le secret d’un vieil alchimiste, qui avant de mourir, aurait découvert le secret de la transmutation du plomb en or. L’as du déguisement se fait alors passer pour un Holmes sous couverture pour mener son enquête auprès des deux filles de l’alchimiste, sans ignorer toutefois que ce secret va attirer bien des convoitises, sans compter sur la revanche de Holmes lui-même.

Après quelques aléas de caractérisation dans le premier volume, les deux légendes sont de retour dans la conclusion du duel. Cette fois moins de fausses notes, l’auteur se concentrant sur la rivalité entre les deux adversaires et sur leurs motivations. La conclusion de l’enquête s’avère assez satisfaisante, de même que la fin de l’affrontement entre Holmes et Lupin, qui contient son lot d’émotion et une belle leçon sur le prix de la rancune.

Dans la continuité du précédent volume, et pris dans son ensemble le diptyque affiche une bonne qualité et se lit agréablement, ce qui va en faveur d’un 3 Calvin.

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Dans l’ombre

Récit complet en 88 pages, adapté du roman de Gilles Boyer et d’Edouard Philippe. Philippe Pelaez signe le scénario, Cédrick Le Bihan les dessins. Parution chez Grand Angle, en partenariat avec les éditions JC Lattès, le 05/04/23.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Cinquante Nuances d’éminence grise

Les arcanes du monde politique nourrissent bien souvent des fantasmes et des suspicions, d’autant plus aujourd’hui à cause de la défiance du peuple envers la classe politique. Perçue comme une élite qui se reproduit, cette dernière a engrangé suffisamment de scandales pour ternir durablement son image auprès des citoyens, si bien que de sauveurs providentiels, les hommes politiques se sont progressivement mûs en opportunistes magouilleurs, au mieux sournois et arrogants, au pire, corrompus et avides.

Quoi de mieux dans ce cas que deux hommes politiques pour livrer un aperçu des manœuvres et des enjeux de ce monde opaque ? C’est ce qu’ont fait Edouard Philippe, ancien Premier Ministre, et Gilles Boyer, député Européen, dans leur roman intitulé Dans l’Ombre, adapté ici dans l’art séquentiel que nous affectionnons.

Le protagoniste de cette histoire, dont le nom ne sera jamais révélé, est ce qu’on surnomme un « apparatchik », un agent au service exclusif d’un homme politique, en l’espèce un favori que l’on connaîtra simplement comme « Le Patron ». Chargé des basses besognes, des affaires courantes comme de la rédaction des discours ou l’organisation des meetings, l’apparatchik pave le chemin de son Patron vers la gloire, à savoir le Graal du fauteuil présidentiel.

Mais avant cela, le Patron a besoin de passer le premier obstacle de la Primaire du Parti, à l’issue de laquelle le candidat à la présidentielle sera désigné. Alors comme un petit écuyer avec son chevalier, notre héros s’agite dans tous les sens pour remplir les objectifs de son supérieur, qui en récolte ensuite les lauriers. Cependant, après sa victoire à la Primaire, l’apparatchik reçoit un mystérieux message qui laisse penser que l’élection aurait été truquée. Le danger potentiel représenté par cette information pousse notre agent de l’ombre à enquêter et activer son réseau pour protéger la carrière politique du Patron, tandis que l’élection présidentielle approche à grands pas. Ce faisant, il va naviguer parmi les requins, voler parmi les vautours, dans l’espoir de contrecarrer les plans de ses rivaux politiques.

Le premier constat que l’on peut faire après la lecture de Dans l’Ombre, est que les auteurs sont parvenus à dépeindre le milieu décrié de la politique, à le romancer sans le caricaturer. Évitant de verser dans le manichéisme, les personnages, bien que réduits à leur fonction, sont bien campés et illustrent adéquatement la thématique centrale, celle des compromis qu’exige l’ambition politique. L’intrigue ne se contente pas de singer les manœuvres politiques et injecte une dose de thriller, qui dépasse légèrement du cadre habituel des scandales politiques, sans tomber non plus dans l’invraisemblable.

L’absence de noms pour le protagoniste et son « Patron » laisse penser que les deux auteurs se seraient inspirés de personnages existants sans pouvoir se permettre de l’avouer, ou bien qu’ils ont souhaité que le lecteur puisse y coller le nom réel qui leur semblait le plus pertinent…

Côté graphique Cédrick Le Bihan, plutôt connu pour être de l’école Fluide Glacial, change ici sa proposition graphique et se met au service du scénario de Philippe Pelaez en adoptant un style très épuré.

Dans l’Ombre, dont l’adaptation en série TV devrait suivre prochainement, satisfera les amateurs d’intrigues politiques, et plus généralement, ceux qui sont curieux de connaître les coulisses du pouvoir en France.

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Le Roy des Ribauds – Livre IV

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BD de Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat
Akileos (2015-2017), série Le Roy des Ribauds, 4/5 volumes parus (cycle2).

Avec la profusion d’albums publiés par le duo Toulhoat/Brugeas on finit par ne plus trop savoir quelle série est finie ou en cours. Souvent échaudé par des retours pas au niveau de leurs attentes, ce couple artistique très qualitatif mais aussi exigeant envers son public semble avoir du mal à assumer des séries dont l’aspect original peut dissuader au-delà des curieux et ratent le statut de blockbuster. Le magnifique Republique du crâne sorti l’an dernier a reçu d’excellents avis critiques, tout comme le Roy et dans une moindre mesure Ira Dei. Pas assez pour permettre des séries au long cours vis à vis de l’éditeur Dargaud. Peut-être serait-il temps à ces deux auteurs de reconnaître que les BD historiques, fussent elles très bien écrites et dessinées ne sont pas forcément calibrées pour devenir des Best-sellers. On ne fait pas le Troisième Testament tous les jours. Une discussion avec les auteurs à Angoulême autour de la possibilité de conclure un jour Chaos Team m’avait surpris quand à une frustration remarquable, non en terme de ventes mais en terme de réception critique. Quand l’égo est touché la création est compliquée.

Le roy des Ribauds -4- Livre IVLe troisième volume du Roy m’avait un peu déçu en n’étant qu’un bon album concluant un premier cycle de haute volée. Je n’attendais pas de suite et ce quatrième qui ouvre un cycle un peu forcé et se conclura définitivement au cinquième volume. Alors que l’équilibre des forces était renouvelé de façon satisfaisante et logique au précédent tome, nous voici transporté dans une étrange enquête autour du meurtre rituel de jeunes femmes à Paris alors que le roi est occupé au siège de Chateau Gauillard en Normandie et que l’absence du Triste sire dans la capitale laisse son fils spirituel chargé de faire régner l’ordre dans les bas-fonds.

Bien que les dessins baissent d’un ton à l’économie et avec une passion qui semble moindre chez Ronan Toulhoat, la technique scénaristique est en revanche toujours là, parfaitement huilée, faisant décidément de Vincent Brugeas un des plus efficaces scribes de la BD franco-belge. Le soucis sur ce tome c’est justement la rupture d’équilibre qui élimine tous les personnages charismatiques qui faisaient beaucoup pour l’intérêt de la série, comme une sorte de « next-generation ». L’idée du renouvellement est honorable et aurait pu être intéressante mais on perd assez vite la hype et l’aspect démesuré qui fait le talent des auteurs. Si l’on comprend bien le drame qui se joue dans les solidarités « familiales », l’ensemble est trop passif jusqu’au sursaut final pour nous emporter comme précédemment. Ainsi l’on lit avec plaisir ces pages de rues médiévales poisseuses et ces dialogues qui font la part belle à l’héritage mais la tension dramatique arrive un peu tard pour vraiment passionner.

Encore une fois on ne pourra pas reprocher à Vincent Brugeas de s’être contenté d’une reproduction de la recette et espérons que si la machine a tardé à démarrer elle tourne à plein sur un tome de conclusion pour lequel les auteurs ont toutes les cartes pour proposer une magnifique apothéose.

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Ange Leca

Histoire complète en 72 pages, coécrite par Tom Graffin et Jérôme Ropert, dessinée par Victor Lepointe. Parution chez Grand Angle le 01/03/23.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Seine de crime(s)

Paris, en 1910, vous auriez dû voir ça ! En pleine crue, la Seine déversa des milliers de mètres cubes d’eau dans les rues de la capitale. Les pieds mouillés, les citadins n’ont eu d’autre choix que de s’adapter, en circulant en barque ou sur des pontons improvisés.

Pour couronner le tout, la crue historique fit remonter tous les rats qui prospéraient dans les égouts et les canivaux, attirés par les ordures et les immondices flottant au grès des courants. Ange Leca, quant à lui, mène sa vie dissolue sans trop se soucier du niveau des eaux. Ce qui lui importe, c’est surtout le niveau d’alcool dans son verre. Ce reporter à la manque noie ses démons dans l’absinthe, et s’oublie dans les bras d’Emma, sa maîtresse. Le seul hic, c’est qu’Emma est l’épouse d’Alfred, propriétaire du journal dans lequel Ange publie ses articles.

Prisonnier de ses addictions, exilé de sa Corse natale, empêtré dans une relation sans avenir, Ange est embourbé dans une stagnation mortifère dont il ne sortira rien de bon. Sa routine éthylique est cependant bousculée lorsqu’un cadavre démembré et mutilé est retrouvé dans les rues inondées, sans doute refoulé par la crue. Il s’agit d’un tronc de femme, dont les bras, les jambes, la tête et les seins ont été coupés, impossible à identifier. Leca va se lancer avec zèle dans une enquête qui va virer à l’obsession. Les sens embrumés par les vapeurs d’absinthe, ce qu’il trouvera va remettre en question ce qu’il pensait savoir de l’amour et de la vie parisienne.

Enquête dans le Paris des années folles, cela aurait pu avoir un air de déjà-vu, il faut bien l’admettre. Cependant, l’idée des scénaristes, de situer l’enquête durant une crue historique, permet à la fois d’ancrer le récit dans une réalité palpable et de lui donner un cadre original.

En cherchant bien, on pourrait voir Ange Leca comme une version trash de Tintin: un reporter intrépide accompagné de son fidèle chien. Alors que Tintin combat des trafiquants d’opium (les Cigares du Pharaon), Ange Leca est un ancien opiomane; la chasteté légendaire du fils d’Hergé pâlit face à la concupiscence d’Ange dans les bras d’Emma, tandis que les aventures pittoresques ont cédé la place à des meurtres sordides.

La partie relative à l’enquête est très bien documentée par les auteurs, qui s’appuient sur les balbutiements de la criminologie de l’époque pour orienter les opinions de leurs enquêteurs, dont certains ne sont pas fictifs. L’album se conclut par un dossier bref et plutôt dense sur le contexte historique, qui nous éclaire adéquatement sur la typologie du crime du début XXe.

Le dessin, assuré par Victor Lepointe, permet de poser l’ambiance, et de faire revivre l’époque en lui apportant des couleurs qui tranchent avec l’idée finalement assez commune de la Belle Epoque, colorée et foisonnante. Ici, pas d’ambiance délurée à la Baz Luhrmann mais des teintes plus proches du réel et un goût certain pour les détails architecturaux.

Ange Leca entraînera le lecteur dans les bas-fonds parisiens pour une enquête romanesque et sordide à la fois.

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Newburn #1: Ils savent qui je suis

Premier tome de 168 pages, contenant les 8 premiers chapitres de la série écrite par Chip Zdarsky et dessinée par Jacob Phillips. Parution le 24/02/23 chez Urban Comics, collection Indies.

Le crime, c’est mal. Et quand il est organisé, c’est encore pire. Des organisations tentaculaires, menées de main de fer par une perfide hiérarchie et un sens implacable des affaires, mènent la vie dure à la police, qui peine à résoudre les différentes affaires en lien avec ces familles mafieuses.

Le crime étant ce qu’il est, les différents clans mafieux sont eux aussi prêts à se sauter à la gorge, poussés soit par l’avidité, soit par une volonté de venger les affronts commis par leurs rivaux. Ce dernier point est la raison d’être d’Easton Newburn. Ancien flic devenu détective privé, Newburn est employé par le conglomérat des mafias pour résoudre les crimes qui les impliquent. Un bandit exécuté dans une chambre d’hôtel, un parrain assassiné chez lui, voilà le genre de cas qui intéresse Newburn.

Ce poste lui offre une certaine immunité, puisque son action permet d’apaiser les tensions et de maintenir l’équilibre entre les familles. Même la police a conscience des enjeux, aussi le laisse-t-elle, avec réticence néanmoins, accéder sans entrave aux scènes de crime et aux conclusions scientifiques.

Newburn bénéficie d’une aura et d’une réputation qui lui permettent de naviguer dans ce monde extrêmement dangereux, mais rares sont ceux qui semblent connaître la vérité sur cet énigmatique personnage, son passé et ses véritables intentions.

Connu pour son run sur la série Daredevil, ou encore la série The Wicked + The Divine, ou encore Sex Criminals (en tant que dessinateur) Chip Zdarsky décide de refaire une plongée dans le monde du polar pour cette nouvelle série en creator-owned (un système de publication aux US grâce auquel les auteurs gardent 100% des droits de leurs œuvres, contrairement à ce qui se fait chez les gros éditeurs-Marvel et DC en tête-qui dépossèdent systématiquement les auteurs).

Ambiguïté morale, crimes sanglants, personnages torturés, tous les ingrédients du polar sont là, jusqu’au protagoniste quelque peu cliché du détective privé ancien flic. Néanmoins, l’auteur apporte une touche d’originalité en faisant de son héros une sorte d’arbitre entre les mafias, un rôle à la fois avantageux et très dangereux. Les enquêtes en elles-mêmes ne sont pas hyper-compliquées et rapidement résolues, et montrent un Newburn presque toujours en maîtrise de son univers. Pour augmenter les enchères lors du second tome, il conviendra de renverser la vapeur, et montrer comment notre héros imperturbable réagit lorsque le sol se dérobe sous ses pieds.

Du reste, la galerie de personnages et leurs interactions sont crédibles au fil des huit chapitres, qui sont construits comme une série policière, chaque numéro étant une enquête distincte avec un fil rouge qui se dessine peu à peu. Le tout rappelle quand même fortement les grandes heures d’Ed Brubaker.

En conclusion, Newburn réussit l’exercice délicat du début de série (du pilote, pour filer la métaphore) et, malgré une exécution plutôt classique, nous donne envie d’en savoir davantage.

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Fées des Sixties #1: Les disparitions d’Imbolc

Premier tome d’une série dirigée par Gihef, avec Jul Maroh au scénario et Giulio Macaione au dessin. 56 pages, parution chez les Humanoïdes le 01/02/2023.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Shériff Fée moi peur

Le Londres des « Swinging Sixites » bat son plein. Partout en ville, les tenues colorées et les messages de paix fleurissent, là où régnaient autrefois l’austérité et la bienséance. Le flegme britannique n’est donc plus tout à fait ce qu’il était, mais ce n’est pas un mal puisque cela permet l’essor de la révolution culturelle. Ailith est une jeune écossaise venue à Londres pour y débuter une carrière de journaliste. Elle espère tirer parti de ses aptitudes journalistiques pour lever le mystère sur la disparition de sa mère quelques années plus tôt.

Ailtih impute la disparition à des créatures que tout le monde connaît bien au Royaume-Uni, les Fées. Oui, vous avez bien entendu, les Fées, ces petits êtres magiques qui vivent dans la forêt et jouent parfois des tours au humains. Ces dernières se sont révélées au monde entier depuis quelques années déjà, lassées de vivre dans l’anonymat esseulé des forêts anglaises. Cependant, la cohabitation entre humains et fées connaît quelques remous, notamment à cause d’une série de disparitions récentes d’humains.

Beaucoup de gens accusent les Fées, parmi lesquels Ailith et son ami d’enfance Elliot, policier anti-fées opérant à Londres. Afin de conserver son poste au journal et se prouver qu’elle a raison, la jeune reporter va débuter son enquête pour résoudre les kidnappings. Mais les rencontres qu’elle fera viendront bouleverser ses certitudes et la forcer à se remettre profondément en question.

Le pitch de Fées des Sixties est en apparence assez simple: en plein dans la décennie des Swinging Sixties, des fées vivent parmi les humains. Cette prémisse, à peu de choses près, est familière à ceux qui auront vu les récents Carnival Row et Bright, qui mêlent différentes ambiances, à savoir l’époque victorienne et le Los Angeles gangsta, au monde si particulier des fées et des créatures folkloriques anglosaxonnes.

De la même manière que Carnival Row, FDS mise sur une histoire d’amour entre fée et humain, le tout tournant autour d’un mystère dont la résolution est finalement assez simple. L’intérêt principal ne se trouve donc pas dans l’intrigue en elle-même, qui bien qu’elle contienne son lot imposé de rebondissements, mais plutôt dans l’allégorie qu’elle propose sur le racisme, la transphobie et l’homophobie.

En effet, comme on peut vite le constater, le settting de Fées des Sixties est propice à faire passer un message assez clair sur l’altérité et le rejet qu’elle provoque chez l’homo sapiens moyen. Le souci, c’est que là non plus, l’originalité n’est pas au rendez-vous, puisque ce thème et ce procédé ont déjà été utilisés à l’envi, ne serait-ce que par les deux exemples cités plus haut.

Néanmoins, on poursuit la lecture de l’album avec un certain intérêt, ne serait-ce que pour voir quelles implications les auteurs (Jul Maroh, scénariste de l’album, et Gihef, créateur du concept et de la série) ont implémenté dans leur uchronie fantastique. On note quelques bonnes idées, comme du trafic de poudre d’ailes de fées, ou autres entreprises sordides et illégales liées à l’exploitation de ces pauvres créatures.

En conclusion, il faut souligner l’initiative de cette série, visant à taiter du thème de l’inclusion et des discriminations, à la frontière de la fantasy et du thriller.

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November #1: La fille sur le toit

Premier volume de 124 pages de la série écrite par Matt Fraction et dessinée par Elsa Charretier, avec Matt Hollingsworth aux couleurs. Parution le 01/06/2022 aux éditions Sarbacane.

Polar Givré

Un beau matin, alors qu’elle est occupée à gâcher sa vie, Dee est accostée par un homme à l’allure débonnaire, qui se présente comme étant un certain M. Mann.Ce dernier semble l’avoir préalablement observée et étudiée, et il a une proposition à lui faire. Contre une rémunération conséquente, Dee accepte de traduire un code secret puis d’en diffuser le résultat sur une radio à fréquence courte, et ce quotidiennement.

Bien que son quotidien ait de quoi s’améliorer, Dee ne saisit toutefois pas la balle au bond et reste vautrée dans ses vieilles addictions, jusqu’au jour où aucun code secret ne lui parvient….

De son côté, Kowalski, reléguée au centre d’appels du 911, fuit une vie de couple morose en enchaînant les heures sup’. Sa routine sera bousculée lors d’une nuit fatidique durant laquelle la ville va plonger dans le chaos. Quel rapport entre ces deux histoires ? Quels liens unissent ces deux parcours chaotiques ? Existe-t-il une conspiration pouvant donner sens à tout ça ?

Sur l’Etagère, on connaît Matt Fraction pour son travail chez Marvel (Fear Itself, Hawkeye, Iron Fist,) mais aussi en indépendant, comme Sex Criminals. Ici, l’auteur plonge dans le polar sombre et opte pour un récit choral, moyen idéal de brouiller les pistes tout en semant des indices ça et là. Comme dans tout polar qui souhaite se distinguer dans cette catégorie, le récit commence par un mystère, qui une fois détricoté mènera les personnages et les lecteurs à une conspiration qu’on devine déjà vaste et tentaculaire.

Néanmoins, il faut vous attendre à ce que le scénariste ne vous prenne pas par la main pour vous conduire jusqu’à sa conclusion. Il faudra rester attentif-ve, et parfois même revenir sur vos pages pour relire certains passages afin de reconstituer vous-même le puzzle. Certains éléments de mise en scène peuvent donc paraître opaques au premier abord, voire abscons, d’où le constat que ce premier volume est une lecture exigeante. La structure chorale renforce encore ce constat, avec plusieurs protagonistes féminines dont les destins vont se croiser de façon tragique ou inattendue.

Il faudra attendre le second tome, paru en novembre, pour pouvoir juger cette intrigue à tiroirs dans son ensemble.

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Batman: Shadow War

Récit complet en 280 pages, écrit par Joshua Williamson et dessiné par Howard Porter. Parution en France Chez Urban Comics le 18/11/22.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Dead Al Ghul

Ra’s Al Ghul, le maître séculaire de la Ligue des Ombres, assasin immortel et éco-terroriste malthusien à ses heures, a fait ce qu’aucune personne de plus de 80 ans n’avait fait avant lui: il a changé d’avis.

Après des siècles passés à assassiner, à recruter des assassins, à former des assassins, à enfanter des assassins, à assassiner des assassins, Ra’s s’est aperçu que ses méthodes ne l’avaient pas mené bien loin et que le monde ne se portait pas mieux. En dépit de ce temps passé à oeuvrer avec acharnement dans l’ombre, l’immortel décide de se livrer à la Justice, en offrant par la même occasion le secret qu’il gardait jalousement depuis l’aube des temps, à savoir les Puits de Lazare, qui lui donnent sa longévité.

Bien évidemment, comme cela peut s’envisager dans tout entreprise de taille aussi respectable que celle de la Ligue des Ombres, ce revirement unilatéral n’est pas du goût de tout le monde. Parmi les réfractaires, il y a bien sûr Talia Al Ghul, sa fille, qui se voyait bien reprendre les rênes de papa pour faire les choses à sa sauce. Mais qu’à celà ne tienne, Talia accepte le deal et se livre avec son immortel de père repentant.

Batman, quant à lui, observe les évènements de loin. Longtemps considéré par Ra’s Al Ghul comme son digne héritier, Le Chevalier Noir a même été piégé par l’immortel pour engendrer avec sa fille un assassin parfait, nommé Damian, qui a entre temps adopté le code moral strict de son père en devenant le nouveau Robin.

Alors que Ra’s et Talia organisent leur reddition en public, Ra’s est assassiné d’une balle en pleine tête, et son corps détruit afin d’empêcher toute resurrection via le Puit de Lazare. Le tireur se révèle être Deathstroke, super assassin capable de donner du fil à retordre à Batman. Le malandrin s’enfuit après avoir revendiqué son forfait, ouvrant ainsi les hostilités entre les partisans de Deathstroke, qui crie à l’imposture, et la Ligue des Ombres. De nouveau réunis après plusieurs années de schisme, Batman et Robin vont devoir entrer en action afin d’éviter un bain de sang, et, tout aussi important, faire la lumière sur ces évènements.

Pour cette fois, pas de saga épique mais un bat-crossover comme on les aime, qui fait graviter autour du Croisé à la Cape les personnages secondaires de la licence, au cours d’une enquête/course-poursuite. Attention, si certains personnages comme Robin, Deathstroke ou encore Black Canary sont incontournables dans l’univers DC, d’autres pourront paraître plus obscurs, et demanderont une certaine connaissance des parutions récentes de DC, ou quelques recherches Gooooooooooooooooogle.

Le rythme ne diminue pas tout au long de l’album, même lorsqu’il se divise en plusieurs lignes narratives, centrées respectivement autour du duo Batman/Robin et de Deathstroke et ses enfants. Le parallèle entre les deux ennemis, accompagnés de leur progéniture est d’ailleurs une idée intéressante à mettre en scène, puisqu’on constate que chacun des deux antagonistes cherche finalement la rédemption à travers ses enfants, et que l’investissement paternel n’est pas quelque chose d’inné mais d’acquis et de conscient.

L’autre thématique est bien évidemment celle de la vengeance, puisque le faux-Deathstroke est mû par cette intemporelle motivation. A ce propos, son identité risque d’en surprendre quelques-uns, surtout si ce sont des lecteurs récents, car ses raisons d’agir remontent à très loin (expliciter ce point pourrait revenir à divulgâcher, mais sachez seulement qu’il y est question d’un certain Judas et d’un Contrat).

L’idée que rétribution immédiate et définitive s’oppose au concept même de rédemption est un thème intéressant à développer, il ne me semble pas l’avoir vu abordé sous cet angle auparavant (en effet, on a plus souvent droit au fameux « si tu le tues, tu deviens comme lui, John !« ).

A la fois rythmé et ancré dans la continuité, Batman: Shadow War est un récit divertissant, dont les conséquences seront vues en partie dans Dark Crisis on Infinite Earths, du même scénariste.

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Le Paris des merveilles #1

La BD!
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BD d’Etienne Willem, Pierre Pevel et Tanja Wenisch
Drakoo (2022), 46 p. 1/2 tomes parus.
Série Le paris des merveilles, adaptant en 3×2 tomes la trilogie des romans de Pierre Pevel.

bsic journalismMerci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

Dans le Paris de 1909 Louis Denizart Hyppomithe Griffont est un enquêteur privé. Mais pas n’importe quel enquêteur: dans ce Paris des Merveilles où la magie et les créatures féériques côtoient humains et machinerie steampunk il est un mage rattaché au Cyan, un des trois grandes Cercles de magie. Lorsqu’on vient lui demander de dévoiler les artifices d’un tricheur de cartes le voilà embarqué dans une redoutable machination mêlant barbouzes russes, intermédiaire véreux, aventurière mystérieuse… et forces de l’autre côté, le Royaume magique d’Ambremer…

Sorties parmi les premières publications Drakoo, la trilogie des Artilleuses fut une très bonne surprise d’aventure grand public qui savait se démarquer de l’encombrante ombre de Christophe Arleston. Profitant de la richesse de l’univers de la trilogie de romans parus chez Braguelonne, la série originale scénarisée par Pevel lui-même aura été une mise en bouche qui permet désormais au dessinateur Etienne Willem d’adapter directement les romans de Pevel avec ce dernier en accompagnement sur les (très bons) dialogues.

Le Paris des Merveilles - Les enchantements d'Ambremer 1/2 - Le Paris des  merveilles - vol.01 - Etienne Willem, Pierre Pevel - cartonné - Achat Livre  ou ebook | fnacNous voilà donc plongés à nouveau dans ce Paris des Merveilles, une poignée d’année avant l’intrigue des Artilleuses, cette fois dans une enquête à la Arsène Lupin en sein de jolis décors détaillés de cette Belle-Epoque Steampunk. Le héros, enquêteur de l’étrange est charismatique et suffisamment puissant pour permettre une adversité robuste. Au menu un général russe et un sorciers venu d’Ambremer sont lancés à la poursuite d’une mystérieuse aventurière acrobate… cette fine équipe laissant cadavres et carambolages avec le mage Griffont à leur poursuite. Bien plus touffue que celle de la précédente trilogie, l’intrigue nécessite de se concentrer, d’autant que Willem a choisi un rythme serré de presque une séquence par page afin de pouvoir dérouler une intrigue de trois-cent pages en deux albums BD classiques. Il en ressort une pourtant très fluide immersion dans ce monde, sans besoin d’avoir lu les aventures des trois cambrioleuses même si l’auteur s’amuse à placer ça et là quelques fils entre les deux histoires.

On ressort de cette lecture tout à fait conquis par une aventure grand public et remarquablement équilibrée entre l’envie de développer un background riche, le besoin d’une intrigue intéressante et la nécessité d’une action rocambolesque. Avec mille et une possibilités, le Paris des Merveilles a encore de beaux jours devant lui, sur les six tomes prévus avant sans doute de prolonger les romans par de nouvelles histoires originales.

A partir de 12 ans.

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Saint-Elme #3: le porteur de mauvaises nouvelles

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BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2022), 78p.,  série en cours, 3 tomes parus.

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Frank Sangaré est mal en point. Très. Laissé brulé et à l’article de la mort, le cadet des frangins enquêteurs tente de s’évader dans les tunnels de Saint-Elme alors que son ainé commence à suivre sa trace. Pendant ce temps le ménage se prépare dans la famille Sax…

Avec une sortie rapprochée de trois albums en deux ans on est totalement dans le rythme de série en mode bing-watching et la construction millimétrée de Serge Lehman colle parfaitement avec ce format: galerie de personnages hauts en couleur (ou en perversions), explosions de violence crue, sexe poisseux et dialogues percutants, on a tout ce qu’il faut pour rester addict aux mésaventures des frères Sangaré dans ce bas-fonds qu’est Saint-Elme. Utilisant savamment le hors-champ, les auteurs préparent l’arrivée du redoutable patriarche mafieux alors que le limier de la fratrie de détectives a enfin débarqué. Avec sa gueule sans pupille et son allure robotique, il ajoute une couche d’étrange alors que le scenario se positionne enfin sur le caractère anormal des évènements surnaturels auxquels on a assisté jusqu’ici.

Les deux premiers tomes nous avaient totalement conquis et s’il y a un peu moins de surprise sur ce troisième, plus linéaire, la maestria de Peeters et la force des personnages suffisent amplement à prolonger le plaisir sur cette série totalement inattendue et qui tranquillement est en train de se hisser au même niveau qu’un 5 Terres ou un Renaissance. Brillant et addictif!

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