Sixième tome de la série écrite par Franck Thilliez et dessinée par Yomgui Dumont, avec Drac aux couleurs. Parution le 15/09/2022 aux éditions Jungle, collection Frissons.


Circulez, Ariane à voir
Après les évènements du tome 5, la Clinique du sommeil du Professeur Albert Angus a fermé ses portes. La technologie expérimentale créée par les époux Angus a été pillée par l’armée, mais pas avant que le professeur, aidé de son fils Tristan, de son ami Esteban ainsi que de Sarah, la première patiente qui a rejoint l’équipe, ne l’aident à libérer son épouse Alice, qui était piégée depuis des années dans l’esprit torturé d’un ancien patient nommé Léonard.
Contraints de faire table rase du passé, Alice et Albert en profitent pour se lancer dans de nouvelles recherches. Mettant leurs génies en commun, ils créent une fois encore une technologie révolutionnaire, sensiblement différente de la précédente. Plutôt que d’explorer physiquement les rêves de leurs patients endormis, les membres de la Brigade vont cette fois plonger littéralement dans les souvenirs de jeunes gens tourmentés, afin de les aider à surmonter leurs traumatismes.

Cependant, cette nouvelle machine, si elle offre des possibilités médicales sans précédent, reste encore expérimentale, et ses règles, encore floues. Tristan, Sarah et Esteban devront faire preuve de la plus grande circonspection lorsqu’ils entreront dans l’esprit d’Ariane, meilleure amie et crush de Tristan, pour la guérir d’un traumatisme qui lui gâche la vie depuis deux ans.
Pour cette première mission d’un genre nouveau, les dissenssions entre les époux Angus risquent de causer des difficultés supplémentaires, chacun ayant des convictions différentes quant à l’utilisation de la machine et la façon d’en protéger le secret.
Après un premier arc narratif pour le moins haletant, la Brigade revient avec une mission similaire, mais des méthodes différentes. L’auteur a donc changé de direction et centre son récit sur un autre concept phare, celui d’explorer les souvenirs. Là où la Brigade donnait la part belle à l’onirisme des espaces explorés, l’accent sera mis ici sur l’opacité des souvenirs, particulièrement sur leur caractère fallacieux et intrinsèquement subjectif.
Le thème du traumatisme et de sa capacité à passer de génération en génération dans une famille, de façon inconsciente, est une idée forte qui donne tout son intérêt à cette résurgence de la Brigade des Cauchemars, qui cette fois, mériterait plus le titre de Brigade des Traumas (en effet, la Brigade des Souvenirs existe déjà, sur un thème tout aussi fort en émotion mais plus terre à terre). Ce point rappelle une franchise comme Assassin’s Creed, qui utilise peu ou prou la même idée, celle d’explorer des souvenirs hérités d’ancêtres. Assez étrangement, on se rapproche encore plus ici de la prémisse d’Inception, ou en tous cas de certains de ses rouages scénaristiques, dans le sens où l’auteur met bien en place le fait qu’intéragir avec les souvenirs peut radicalement les modifier et ainsi altérer la perception du patient de certains événements de sa vie.

Au regard de la mise en scène, Yomgui Dumont fait encore des merveilles, et retranscrit avec beaucoup de pertinence le dédale de l’inconscient, auquel la fameuse machine confère une tangibilité. On ne peut s’empêcher de noter, à ce titre, l’ironie d’explorer l’esprit d’Ariane, qui prend la forme d’un Labyrinthe dans lequel il est aisé de s’égarer.
S’il fallait chercher des points de frictions dans ce sixième tome, on pourrait relever l’imprécision des nouvelles règles relatives à l’exploration des souvenirs, et de ce que cela induit chez notre couple de savants fous. En effet, on peut imaginer qu’après avoir traversé tous les évènements des cinq précédents tomes, le Professeur Angus se montrerait plus prudent ou en tous cas plus réticent à plonger son fils et deux autres ados dans une machine dont il semble ignorer le fonctionnement exact.
On sait bien que la sérendipité a souvent fait avancer la science, toutefois, tant de témérité de la part des deux savants peut laisser perplexe un lecteur trop incrédule. Un autre point susceptible de chiffoner les lecteurs pointilleux, est le traitement superficiel de certains personnages principaux. J’en reviens ici à une critique que j’avais faite sur le précédent tome, concernant Esteban, dont tout le monde semble avoir oublié, ou passé sous silence, le fait qu’il est un être artificiel issu de la machine, son « modèle » réel étant décédé dans le vrai monde. Ce vertige existentiel ne semble plus le perturber outre-mesure, en tous cas il n’est plus mentionné nulle part. On aurait aimé en savoir davantage sur sa nature véritable, sa composition moléculaire, ou encore, les intéractions imprévues qui pourraient résulter d’un contact entre un rêve matérialisé et la psyché d’Ariane.
Vous l’aurez compris, pour trouver des défauts à la Brigade des Cauchemars, il faut se creuser la tête, et pas qu’un peu !