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Radiant Black #2

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Comic collectif.
Delcourt (2023), Ed US Image comics (2021), 176p., 2/3 tomes parus.

Attention spoilers!

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Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance!

Alors que Marshall déchaîne sa vengeance contre le Radiant rouge qui a envoyé son meilleur ami à l’hôpital, surgit un nouvel être surpuissant qui exigera une alliance imprévue entre les quatre couleurs qui viennent tout juste de réaliser qu’ils ne sont pas seuls. Un combat qui va leur révéler un danger cosmique face auquel leurs combinaisons semblent bien dérisoires…

Radiant Black #10 Blacklight Edition | Image ComicsBonne surprise qui a rafraichi l’an dernier le récit superhéroïque, Radiant Black continue à casser les codes et les attendus dans ce second tome assez perturbant dans son déroulement. L’habillage « power rangers » du projet avait tout du produit formaté mais le scénariste rompait immédiatement ce schéma en changeant très tôt de porteur du radiant en ouvrant la possibilité d’une série centrée sur un héros pluriel plutôt que sur  une équipe de héros. Cette suite va confirmer cela puisque hormis la très énergique et fun première partie centrée sur la baston planétaire des quatre « couleurs » contre leur adversaire, on va suivre la version Marshall du Radiant black en continuant à visiter la vie des millenials et des réseaux sociaux (notamment sur le récit secondaire dédié à Rose et bien moins réussi que celui de Rouge).

Alors que l’on s’attend à voir se construire l’équipe, les personnages sont en réalité éparpillés assez rapidement en nous laissant voir Marshall tenter de sauver son ami et nous révéler une guerre galactique qui semble liée au Radiant et à l’antagoniste que les amis sont parvenus temporairement à contrer. On passe donc d’un premier tome plutôt original et intelligent dans l’histoire d’un auteur en dépression de page blanche à tout autre chose. Dans une grande liberté vis à vis de leur lecteur, les auteurs expérimentent ainsi des idées graphiques plutôt gonflées lorsque le héros se retrouve dans le monde du Radiant afin de sauver l’âme de son ami. D’un tempérament très différent de Nathan, Marshall va devoir assumer les conséquences des distorsions de l’espace-temps que semblent créer ses pouvoirs. Le lecteur continue d’assister à tout cela avec un grand mystère mais bien accroché pour tenter de comprendre l’origine de tout cela.

Ainsi bien plus proche du travail d’un Mark Waid que d’un produit formaté disneyien, Radiant Black maintient son originalité en proposant quelque chose que l’on n’attend pas, dans un équilibre solide entre introspection relationnelle et baston cosmique.

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The Nice House on the Lake #2

Deuxième tome de 190 pages, de la série de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno. Parution chez Urban Comics dans la collection Black Label le 31/03/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Les copains d’abord

La présente chronique risque de vous gâcher le plaisir de lecture si vous n’avez pas lu le premier tome. SPOILER A L’HORIZON !

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance de Walter, trentenaire dévoué qui emmenait ses amis en villégiature dans une sublime propriété au bord d’un lac dans le Wisconsin, avec quelques règles maisons dont il a le secret. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Bien vite, les vacances de rêve prennent une tournure cauchemardesque lorsque Walter révèle sa vraie nature: il n’est pas humain, et appartient à une civilisation extraterrestre dont le but est l’extermination de la vie sur Terre. Cependant, Walter avait pour mission de préserver un échantillon représentatif du genre humain, afin que ses supérieurs puissent juger de la valeur de notre espèce. Après des années vécues dans la peau d’un humain, ce sont ces dix personnes aux personnalités et aux rôles disparates que Walter a décidé de sauver de l’apocalypse.

Nos rescapés apprennent donc la terrible nouvelle: partout sur la planète, les flammes ravagent les villes et consument les gens, sans faire de distinction. Piégés dans cet endroit idyllique où tous leurs besoins et désirs peuvent être comblés, nos héros encaissent le choc de la nouvelle et se posent bien vite une question cruciale: doivent-ils se résigner à leur sort, victimes malgré eux de la bienveillance de Walter, où chercher un moyen de s’échapper ?

Le premier tome de TNHOTL était un coup de coeur immédiat, confirmé par ce second tome. L’écriture inventive de James Tynion IV permet de créer des situations originales et des rebondissements accrocheurs qui ne sont pas visibles à plusieurs kilomètres. Malgré la multiplicité des personnages, il demeure facile de s’y attacher, chacun d’entre eux ayant une personnalité distincte et reconnaissable. L’auteur a choisi un format plutôt singulier pour chacun de ses douze chapitres, qui s’ouvrent sur un flash-forward d’un futur apocalyptique (possiblement les ruines de la Maison) dans lequel un des personnages brise la quatrième mur pour nous narrer sa première rencontre avec Walter, avant de basculer sur un flash-back montrant un moment significatif du personnage avec Walter. Ce paradigme est finalement renversé dans le dernier chapitre, pour une raison qui apparaîtra à la lecture.

L’écriture est telle qu’il s’avèrest plutôt difficile de ne pas ressentir d’empathie envers le personnage de Walter malgré son statut d’antagoniste. Sincère dans ses émotions mais contraint de faire des choses qu’il réprouve, on le sent partagé entre son affection pour ses amis et l’inéluctabilité des actions entreprises par son espèce, ce qui renforce sa profondeur. Lors des flash-back, l’ironie dramatique bat son plein car chaque mot, chaque attitude de Walter peut prendre un double-sens et nous éclairer sur son dilemme.

La fin de ce second volume augure cependant un autre cycle, avec de nouveaux enjeux dramatiques et des perspectives de narration plus qu’intéressantes. Côté graphique, Alvaro Martinez Bueno nous cause encore une fois un décollement de rétine, son talent étant encore accentué par la mise en couleur tranchée de Jordie Bellaire.

The Nice House on the Lake est résolument une des meilleures séries de ce début d’année, à lire sans hésiter !

****·BD·Graphismes·Nouveau !

The Midnight Order

Anthologie de 272 pages, concoctée par Mathieu Bablet, Isabelle Bauthian, Claire Barbe, Sumi, Titouan Beaulin, Quentin Rigaud, Allanva, Thomas Rouzière, Prince Rours, Claire Fauvel et Daphné Collignon. Parution au Label 619 le 16/11/2022.

Merci aux éditions rue de sèvres pour leur confiance.

Mes sorcières bien cinglées

La figure populaire de la sorcière a inspiré bien des histoires, généré bien des peurs et provoqué bien des tueries au cours des siècles. La réalité est pourtant bien plus sombre et cruelle que ce qu’aucun conte sordide ne pourrait concevoir. Depuis des siècles, les sorcières-exclusivement féminines-représentent en fait le dernier rempart entre le monde matériel et son annihilation. Par-delà les dimensions, de sombres créatures démoniaques ourdissent de sombres projets, que seules les sorcières du monde entier, fédérées sous la bannière de l’Ordre de Minuit, sont capables de contrer.

Victimes de persécutions puis reléguées aux obscurs recoins de l’inconscient collectif, les Midnight Girls poursuivent leur combat contre les forces obscures. Le prix exigé par ces combats est élevé, mais l’enjeu l’est tout autant. Johnson et Sheridan, deux sorcières expérimentées, sont chargées depuis quelques années d’une mission toute particulière: identifier et appréhender un certain type de sorcières, celles dont les pouvoirs sont si grands qu’ils échappent immanquablement à tout contrôle. Si une telle sorcière s’éveille à ses pouvoirs et que son troisième Œil apparaît, c’est le sort du monde qui entre en jeu, ce que l’Ordre de Minuit ne peut pas permettre.

Johnson et Sheridan traquent donc leur semblables, avant de les livrer aux geôles de la Forteresse Blanche, où elles sont détenues sans autre forme de procès (ce qui est assez ironique pour une sorcière, avouons-le). Afin de les neutraliser, leurs mains, sources de pouvoirs puisqu’elles permettent de conjurer des sorts (à la Docteur Strange, ou encore Naruto) sont amputées. Cette mission pèse lourd sur la conscience de nos deux héroïnes, que l’on a vues officier à plusieurs reprises dans l’anthologie Midnight Tales, déjà chroniquée sur le blog.

Le format de l’anthologie, popularisé par le Label et plébiscité par le public, sert donc encore une fois de base à cet univers partagé dont Mathieu Bablet est à l’origine. A première vue, il ne semble pas nécessaire d’avoir lu les quatre précédents numéros de Midnight Tales pour pouvoir apprécier Midnight Order. Néanmoins, s’agissant d’une suite, il est préférable de les connaître, puisque un nombre important de personnages de MO est apparu dans MT. Je pense notamment au duo de sorcières, mais également aux sorcières emprisonnées et amputées, à certains personnages secondaires et à l’antagoniste principal.

Le niveau des dessin est globalement bon mais assez inégal selon les chapitres, avec parfois des disparités assez frappantes. L’intérêt principal de l’album est qu’il vient clôturer l’aventure des Midnight Girls, qui peut être vu comme le grand œuvre de Mathieu Bablet puisqu’il a initié la série.

L’intrigue fait des sauts dans le temps et montre les différentes missions du duo, dont certaines prennent une tournure très personnelle, ce qui va engendrer un inévitable schisme entre Johnson la pragmatique et Sheridan la sensible. La figure de la sorcière telle qu’on la connaît est devenue une figure de l’émancipation féminine, une dissidente oppressée par l’ordre patriarcal qui craint le pouvoir qu’elle détient. Mathieu Bablet semble l’avoir bien compris et file donc la métaphore en opposant ses sorcières à une institution devenue froide et insensible, qui oppresse et mutile des femmes sous prétexte qu’elles détiennent un pouvoir trop grand.

L’auteur insuffle aussi de l’émotion dans la chronique amère de cette amitié qui s’effiloche entre les deux sorcières, dont les points de vue diamétralement opposés nous questionnent à la fois sur la nature humaine et sur le poids de l’institution face à l’individu.

Sur le plan éditorial, la livre est aussi une œuvre d’art, dont la couverture bleu nuit ornée d’enluminures dorées peut suffire à lui seul à provoquer un achat. Rien d’étonnant la dedans, puisque le Label 619 s’illustre depuis sa création comme un véritable artisan du livre.

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The Nice House on the Lake #1

Premier tome de 184 pages, avec James Tynion IV au scénario, Alvaro Martinez Bueno au dessin. Parution chez Urban Comics le 03/02/2023, suite et fin prévue le 31/03/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Un ami qui vous veut du bien

Walter, trentenaire bienveillant et omniprésent pour ses amis, a convié son petit groupe en villégiature dans une magnifique maison au bord d’un lac, dans le Wisconsin. Ainsi, face à l’insistance enjouée de leur ami commun, Ryan, Norah, David, Molly, Veronica, Sam, Arturo, Sarah, Naya et Rick mettent chacun leurs activités de côté le temps d’une semaine, avec farniente au programme.

Une fois sur place, même les plus réticents tombent en pâmoison devant tant de luxe et de confort: piscine, salle de cinéma, bibliothèque… cette maison ressemble de près et de loin à la maison parfaite. Baigner dans tant d’opulence, et être entouré d’amis, ça se rapproche de la définition du Paradis.

Seulement, tout n’est pas parfait. Bien qu’ils soient tous amis avec Walter, certains le connaissent depuis plus longtemps que d’autres et sont habitués à ses frasques, tandis que d’autres sont encore dans l’expectative, sans compter le fait qu’ils ne se connaissent pas tous. Mais qu’à cela ne tienne, ce sera à Walter de faire le lien et de s’assurer de la cohésion de son groupe d’amis adorés. Pour ça, Walter a imaginé un petit délire, afin que chacun puisse mieux identifier les autres. Chaque participant se voit affubler d’un sobriquet le définissant, ainsi que d’un symbole propre. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Cependant, ces vacances idéales vont vite se muer en prison dorée, lorsque Walter révèlera sa vraie nature et ses véritables intentions. Nos invités ne vont pas seulement apprendre la vérité sur leur ami, ils vont aussi se découvrir eux-mêmes, sur ce qu’ils sont une fois le dos au mur.

Il est assez délicat de chroniquer cet album en profondeur sans le divulgâcher. La prémisse initiée par Tynion IV (je me demande si les trois précédents étaient aussi talentueux) est suffisamment mystérieuse pour provoquer l’envie de lecture, et les choses ne font que s’amplifier une fois passée l’introduction.

L’intérêt de l’intrigue tient à la fois aux conditions de huis-clos, comme dans bon nombre de récits d’horreur ou de tension psychologique, ainsi qu’aux révélations sur Walter. Ce second point, à savoir un homme qui réunit ses amis pour leur faire une abracadabrante révélation, m’a rappelé le film The Man From Earth, qui, sans être sur le même registre horrifique, offrait quand même une réflexion sur les relations et sur la crédulité humaines.

Il faut admettre que la pléthore de protagonistes n’aide pas à l’identification, même si l’auteur tente pour nous la simplification diégétique de ses personnages, réduits à des archétypes dont on ne soupçonne pas encore à ce stade la pertinence au sein du récit. Construit tout en flashback et allers-retours dans le temps, dans lesquels chaque personnage tentera de se remémorer un évènement marquant entourant Walter, le récit ne laisse pas de temps mort ni de baisse de tension. Au contraire, le moteur narratif tourne à plein régime, et pousse le lecteur à tenter (vainement) d’éclaircir ou d’anticiper sur les réelles motivations de Walter.

Sur le plan graphique, Alvaro Martinez Bueno casse littéralement la jolie baraque (mauvaise blague tout à fait intentionnelle), son trait et la mise en couleur s’associant de façon irréprochable pour créer de magnifiques planches, qui traduisent à la fois l’artificialité apparente de la maison éponyme, la tension vécue par les protagonistes ainsi que le flou psychique dans lequel ils se retrouvent plongés suite aux événements.

Pour rappel, James Tynion IV a déjà commis quelques excellents méfaits artistiques comme Department of Truth, Something is killing the children ou encore Wynd.

The Nice House on the Lake frappe donc très fort en ce début d’année, ce qui nous conduit à y attribuer un 5 Calvin !

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Coffee Moon #2 et 3

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Manga de Mochito Bota
Doki-Doki (2023), 176p., série en cours, 3/5 volumes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Doki-Doki pour leur confiance.

Le premier tome de Coffee-moon avait été une très bonne surprise… comme nombre de premier tomes je dirais. Le mystère total bien installé et quelques pistes lancées sur une possible société totalitaire avec ses résistants et sa réalité alternative, il n’y avait plus qu’à voir comment cet ambitieux projet allait tenir sur la durée… Paradoxalement les deux tomes suivants avancent plutôt vite, évitant la crainte d’un embourbement dans un ambiance qui aurait pu lasser et en montrant que les protagonistes ont des pouvoirs assez puissants, dont notre héroïne dotée de la capacité à contrôler le temps. Je vous laisse imaginer les extrapolations possibles à partir de là! En même temps on s’installe dans un style Shojo centré sur une bande de copines qui veulent passer du temps ensemble en faisant du shopping et en buvant des starbucks, cela juxtaposé à ce décors noir très inquiétant. L’auteur utilise malicieusement la boucle pour nous perdre dans les différentes itérations de cette journée sans prévenir, provoquant des répétitions de séquences que l’on peut voir utilisées dans certains anime.

RT!] Coffee Moon: It's a mystery manga about a girl in a very Victorian  looking city repeating the same day over and over. Also, it has some  god-tier art. : r/mangaToujours fort alléchant, Coffee moon abuse cependant un peu de ce procédé au risque de nous égarer complètement, notamment dans le troisième volume où perdu entre les boucles et un récit enchâssé non annoncé, nous voilà balancé en pleine baston que ne renierait pas Dragonball au milieu de créatures jamais vues jusque là. Si bien que l’on se prend à vérifier une éventuelle erreur d’impression pour comprendre cette explosion narrative. Sur le plan de l’atmosphère de perte de repères c’est très efficace et sacrément gonflé… pour peu que ce ne soit pas le simple fait d’une précipitation de Mochito Bota. Très déstabilisé par cette avancée on ne sait plus trop à quoi s’attendre alors que les explications sur l’essence de ce monde tardent à venir.

Alors que Doki-Doki a l’habitude des séries manga courtes, le fait de partir sur une nouvelle licence non achevée donne à la fois le temps de bâtir un univers exigeant ou de partir dans tous les sens. Tout dépend si l’auteur possède déjà la finalité de son objet ou s’il construit sa série au fur et à mesure, ce qui laisserait assez inquiet pour la cohérence de l’ensemble. Reste un objet esthétiquement toujours aussi chouette et disposant d’un vrai potentiel. Le lecteur, selon son niveau de patience, prolongera encore un peu ou s’arrêtera là. C’est le risque du mystère…

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****·BD·Jeunesse

Kodi

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Comic de Jared Cullum
Komics initiative (2021), 196p., one shot.

Katya est une jeune fille renfermée qui se trouve plus à l’aise dans ses lectures de comics et dans la vaste Nature de l’Alaska chez sa grand-mère. Lorsqu’elle rencontre l’Ours Kodi son monde se retrouve bouleversé! Bientôt contrainte de retourner en ville et d’abandonner son ami elle ne se doute pas que commence une odyssée croisée pour l’ours et la fillette…

Kodi, comics chez Komics Initiative de CullumRevenu au genre comics depuis peu j’ai pu constater combien le comics indépendant proposait depuis quelques années ce qui se fait de plus riche dans le monde du récit séquentiel. Longtemps étouffée par l’omnipotence des comics de super-héros, la BD américaine indé est désormais ouverte sur le monde, aux influences européennes comme asiatiques et alimentée par des artistes des quatre coins du monde. Ainsi, alors que les gros éditeurs trustent les blockbusters Marvel, Image et DC, on trouve régulièrement chez de petites structures des pépites qui nous font nous demander comment il est possible que ces artistes ne soient pas plus connus. Ce fut le cas pour Bill Presing sur Lucky Boy chez Ankama, pour Caitlyn Yarsky sur Coyotes chez Hicomics ou Shadow Planet de Gianluca Pagliarini chez Komics initiativ. Ce dernier éditeur monte mois après mois avec des propositions alléchantes entre la création originale (la suite de l’excellent Dessous) et des traductions infiltrées entre les mammouth du secteur, jusqu’à être aujourd’hui un acteur majeur du comics indé en France, tout simplement.

Kodi by Jared CullumKodi fait partie de ces pépites. Dans un très bel écrin au dos toilé, papier épais et cahier bonus passionnant pour moins de trente euros les deux-cent pages, le jeune Jared Cullum nous propose un magnifique conte qui s’adresse évidemment aux enfants mais touche aussi le cœur des adultes par une tendresse et une approche assez délirante qui voit cet ours se mêler aux humains sans que cela ne paraisse plus incongru que cela. La magie des histoires! Dans une technique de pastelles qui démontre toute sa précision sur les décors semi-impressionnistes l’auteur monte donc une narration croisée entre ces deux amis séparés par la ville et qui vont l’un et l’autre se rechercher dans l’immensité anonyme. Après de tendre séquences dans la nature Cullum se montre aussi à l’aise dans les passages dynamiques urbains avec une grande lisibilité et une économie de dialogues. Il introduit un personnage tiers pour renforcer son histoire et évite de se chercher un hypothétique méchant. Car dans son histoire simple ce sont les péripéties qui font le rythme et la dramaturgie, comme dans une bonne comédie américaine du cinéma classique.

Élevé à l’école Disney, l’américain nous surprend en citant ses influences franco-belges, de Pedrosa à Trondheim ou Juanjo, mais également pléthore de peintres classiques comme Manet, Morisot ou Gérôme pour finir, bien sur, avec Miyazaki. De belles références parmi lesquelles Cullum a tout à fait sa place tant son album se lit avec un immense plaisir et montre une maîtrise narrative et graphique impressionnantes pour une première œuvre. Une pépite disais-je!

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***·BD·Jeunesse·Nouveau !

La Chevaleresse

Récit complet d’Elsa Bordier (scénario), et Titouan Beaulin (dessin). Parution le 15/09/22 aux éditions Jungle, collection Ramdam.

Mulan en côte de mailles

La vie n’est pas simple pour Héloïse. Ou du moins, la vie d’Héloïse n’est pas tout à fait ce dont elle rêve. Si son quotidien ne reflète ni ses impétueuses aspirations ni son caractère de feu, c’est principalement à cause de la société patricarcale et belliqueuse dans laquelle elle vit.

Car oui, chers lecteurs de l’Etagère: le Moyen-Âge, ce ne sont que des ponts-levis, des troubadours et la Peste Noire. C’est aussi une hiérarchie sociétale verticale, qui impose aux individus une place prédéterminée qui ne peut souffrir aucune exception.

Pour Héloïse, cela se manifeste par la désapprobation de ses parents, qui ne souhaient pour elle qu’un mariage avantageux afin qu’elle perpétue la noble lignée. Ce qui signifie que plutôt que d’apprendre à se battre, comme elle le souhaite si ardemment, elle doit se contenter de la broderie et d’autres activités insignifiantes à ses yeux mais normalement dévolues aux femmes. Qu’à celà ne tienne, notre jeune fille en mal d’aventures va apprendre à se battre, par mimétisme, en observant les garçons lors de leurs entrainements. Quelques temps plus tard, c’est le Maître d’Armes en personne qui l’entraînera, en secret, bien sûr, jusqu’à faire d’Héloise une combattante virtuose.

Un jour, alors que la nécessité du mariage pèse de plus en plus lourd sur ses épaules, Héloise fait la rencontre d’Armand, noble comme elle, avec qui elle partage le sentiment d’être étouffée par la société. Armand n’aime ni la violence des combats, ni les armures que son père espère lui faire porter, et préfèrerait passer son temps à parfaire son art du dessin. Alors Héloïse a une idée: s’ils se fiancent, ils pourront alors s’associer pour donner satisfaction à leur deux familles, au prix d’une supercherie très simple.

Héloise n’a qu’à se faire passer pour Armand en revêtant son armure lors des entrainements et des joutes, lui épargnant ainsi l’harassement qu’il redoute tout en permettant à la jeune femme de croiser le fer comme elle l’a toujours voulu. Bien vite, la réputation d’Armand s’étend rapidement, si bien qu’un jour, un émissaire du Roi vient au chateau, pour le recruter dans sa campagne militaire contre un Baron rebelle. Armand n’a pas le choix: il doit partir faire la guerre, lui qui n’a jamais tenu une épée de sa vie.

Héloise s’en veut terriblement: elle a provoqué la perte de son meilleur ami, par pur égoïsme. Pour le sauver, il ne lui reste plus qu’à fausser compagnie à ses parents et rattraper la garnison, pour enfiler une nouvelle fois l’armure et faire parler ses talents. Mais le chemin sera long et semé d’embûches pour le petite comtesse qui n’a jamais mis les pieds hors de son château !

Comme le laisse deviner son titre, La Chevaleresse est un album féministe, mettant en scène une héroïne impétueuse face aux carcans patriarcaux qui veulent la cantonner à une place bien précise sans lui laisser l’opportunité d’exploiter son potentiel.

Malgré le contexte médiéval, on peut dire sans se tromper que le message véhiculé par Elsa Bordier porte une marque intemporelle, puisqu’elle parle d’accomplissement personnel, d’amitié, et d’amour. Il est donc aisé de transposer les difficultés vécues par Héloise au monde moderne, ce qui ajoute à l’accessibilité de l’intrigue. L’idée de base rappelle d’ailleurs d’autres oeuvres comme Mulan, lorsque la jeune fille s’entraîne par mimétisme, ou encore Wonder Woman (le film) lorsque le jeune Diana est entrainée en secret par sa tante à l’insu de sa mère autoritaire. Si on cherche bien, on peut même faire le parralèle avec Patrocle, le cousin d’Achilles, qui revêt son armure pour aller se battre à sa place lors de la Guerre de Troie.

La scénariste ne se contente pas d’un récit féministe qui mettrait en avant la bravoure et le courage féminins, elle habille également son récit d’une réflexion sur la guerre et la violence, ce qui est souvent le cas dans ce type d’oeuvre. En effet, lorsque l’on veut mettre en avant les qualités intrinsèques du Féminin , il n’y a rien de plus aisé que de le placer en contraste avec les défauts notoires du Masculin, à savoir la violence. L’auteure parvient à faire exister ses personnages tour à tour sans déséquilibre, créant des relations engageantes et crédibles.

Coté graphique, la trait de Titouan Beaulin, dont c’est le premier album, rest naïf, avec un côté hésitant, mais il sied bien au contexte médiéval et au ton de l’album.

J’ai néanmoins une réserve sur la résolution de l’intrigue [ATTENTION SPOILER !]

Une fois la fameuse bataille terminée, Héloise, blessée, retrouve sa compagne Isaure et Armand. Héloise a sauvé le Roi d’une mort certaine, mais a pu constater que son désir d’aventures était assez éloigné des réalités de la guerre. Armand, quant à lui, décide qu’on doit lui couper un pouce, afin de maintenir la mascarade et être certain d’être renvoyé chez lui.

Une fois la besogne accomplie, Armand revient au camp, et constate que le départ précipité du Roi a laissé l’armée en pleine débâcle, et que beaucoup de soldats sont rentrés chez eux. Il est lui-même remercié, ce qui à mon sens, rend le sacrifice du pouce totalement inutile, puisqu’Armand aurait de toute façon été renvoyé… A moins qu’Armand ait vu sur le long terme et qu’il ait souhaité s’assurer qu’on ne lui demanderait plus jamais de porter une épée, auquel cas il lui aurait suffit de simuler une claudication…

Il n’en demeure pas moins que la Chevaleresse est un bel album jeunesse, traitant de sujets d’actualité par le prisme médiéval.

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Avatar, le dernier maître de l’air #2: Recherche

Second volume de la série initiée en 2013 chez Dark Horse, publication en France chez Hachette le 17/08/2022. Gene Luen Yang au scénario, Gurihiru au dessin.

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Merci aux  éditions Robinson pour leur confiance.

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Après avoir œuvré pour la paix, Aang et Zuko partent à la recherche d’Ursa, la mère de Zuko qui a disparu de façon inexpliquée il y a des années. Dans le premier tome, le jeune seigneur de la Nation du Feu s’aperçut qu’un monarque ne peut régner correctement que s’il est équilibré, ce qui dans son cas signifie qu’il doit renouer avec ses racines et comprendre pourquoi sa mère a choisi l’exil.

Cependant, cette quête aura un prix pour Zuko: s’allier avec Azula, sa soeur sadique et psychotique, dont la cruauté n’a d’égale que sa dangerosité. Qu’à cela ne tienne, Zuko est déterminé, d’autant plus qu’il peut compter sur le soutien sans faille de son ami Aang, l’Avatar, ainsi que de Katara et Sokka.

Leur quête va les mener au cœur d’une forêt magique, au sein de laquelle les secrets de famille de Zuko seront peu à peu révélés.

Après un départ en grande pompe, le comic book adapté de la série animée poursuit son exploration des personnages, une nouvelle fois avec talent. Cette fois, l’intrigue sera plus intimiste, et moins centrée sur les conflits entre les quatre nations. Le focus sera donc naturellement mis sur Zuko, qui est, soit dit en passant, le personnage le mieux écrit de la série et qui bénéficie du meilleur arc narratif.

Le thème central est donc la famille, avec ce qu’elle porte de complications et de déchirements, mais aussi sur la sérénité et la force que l’on retire d’avoir une famille équilibrée et aimante, ce dont Zuko n’a malheureusement pas bénéficié mais qu’il peut atteindre s’il s’en donne la peine. Le tout est encore une fois très bien écrit, même si on aurait apprécié que l’auteur insiste davantage sur le fait que Zuko s’est aussi construit une famille sous le forme du clan Aang.

Le lien de Zuko avec sa sœur Azula est aussi au centre de l’intrigue, cette dernière nourrissant une forte rancœur envers son frère à cause des machinations de leur père. Là encore, cette relation houleuse est une illustration du thème central, en ce sens que l’un fait preuve de résilience et tente de se réconcilier avec son passé, tandis que l’autre blâme son frère et sa mère disparue de tous les maux qui frappent son existence.

En bref, ce second volume est à lire si vous avez aimé la série animée, car il en constitue la prolongation adéquate à de nombreux égards.

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Avatar, le dernier maître de l’air #1: La promesse

Intégrale de 216 pages, adaptée de la série animée du même nom. Gene Luen Yang au scénario, Gurihiru au dessin. Première publication en 2012 chez Dark Horse, parution en France le 01/09/2021 aux éditions Hachette.

Merci aux  éditions Robinson pour leur confiance.

Dans l’air du temps

Pour celles et ceux qui l’ignoreraient, Avatar, le dernier maître de l’air est une série animée produite par les studios Nickelodeon entre 2005 et 2008. Le phénoménal succès de la série est du en grande partie à ses qualités narratives, entre worldbuilding expert et arcs narratifs savamment orchestrés.

Le pitch: le monde est divisé en quatre peuples: la nation du Feu, les tribus de l’Eau, le royaume de la Terre et les nomades de l’Air. Comme leurs noms l’indiquent, chaque peuple a développé la maîtrise d’un de ces éléments. L’harmonie régnait jusqu’à ce que la belliqueuse nation du Feu n’entament une campagne de conquête et de domination des autres peuples.

Pendant des millénaires, l’équilibre était pourtant maintenu par l’Avatar, un être se réincarnant à chaque génération dans un peuple différent, capable de maîtriser les quatre éléments de façon simultanée. Protecteur de la paix tout autant qu’arme de dissuasion, l’Avatar a pourtant disparu avant la grande guerre, permettant à la nation du Feu d’instaurer son hégémonie. Jusqu’à ce qu’un jour, il refasse surface, presque par accident: extirpé d’un bloc de glace après 100 ans par Katara et Sokka, deux jeunes membres des tribus de l’Eau, le pas-si jeune Aang découvre un monde en guerre et constate qu’il a failli à sa mission et qu’il est bel et bien le dernier maître de l’Air.

S’engage alors pour le nouvel Avatar une quête pour la maîtrise des trois autres éléments, afin de rétablir la paix dans le monde. Se faisant, il se fera toute une ribambelle d’amis et d’ennemis, parfois les deux, comme en témoigne sa relation avec le prince héritier Zuko, de la nation du Feu.

Le comic book reprend précisément là où la série animée s’arrête, à savoir à la fin de la guerre. Le seigneur du Feu a été vaincu par Aang et remplacé par son fils Zuko. Cependant, après des années de conflit et de domination, il n’est pas évident d’envisager l’avenir et de faire germer l’idée de la paix entre les quatre peuples, surtout lorsque la rancœur est encore si fraîche. Cependant, il est temps pour nos héros de se retrousser les manches, car le plus dur rester à faire. En effet, Zuko, en tant que nouveau seigneur du Feu, doit décider du sort des colonies instaurées par ses aïeux dans les autres royaumes. Doit-il les démanteler et rapatrier tout le monde, où bien les conserver au risque de provoquer la colère des maîtres de la Terre ? Les choses vont d’autant plus se compliquer lorsqu’il constatera qu’annoncer à des gens qui vivent à un endroit depuis des générations qu’ils vont devoir rentrer dans un pays qu’ils ne connaissent pas n’est pas si évident que ça.

Divisé entre le devoir de veiller sur son peuple et la volonté de ne pas devenir comme son père, Zuko va devoir compter sur l’aide de ses amis pour l’aider à faire le bon choix.

Le constat ici est simple: Avatar le Dernier Maître de l’Air est une bonne franchise, quel que soit le média (je vous l’accorde, le film fait exception). Fort de personnages nuancés, le récit traite de thématiques sérieuses, politiques, sur un ton parfois décalé et adapté à tous les publics.

Le thème de l’ethnocentrisme, par exemple, est abordé avec clairvoyance et recul, et au service de l’intrigue. Plus encore, il fait même l’objet d’une déconstruction et fait écho à l’histoire contemporaine, en simplifiant sans pour autant verser dans le cliché. L’histoire tournant autour des colonies en est une bonne illustration, puisqu’elle rappelle des événements récents: on a en tête la décolonisation de l’Algérie en premier lieu, avec la question du retour des pieds-noirs, ce qui fait le lien entre fiction et histoire contemporaine. On ne peut non plus s’empêcher de penser à Hong Kong, le parallèle avec la colonie de Yu Dao étant assez clair.

L’album a aussi le mérite d’apporter une touche supplémentaire de réalisme dans le traitement, notamment vis à vis de la fin de la série animée. Sans toutefois en détourner le happy end, le comic nous montre que tout n’est pas aussi simple qu’on le souhaiterait à la fin d’une guerre, et que finalement, après avoir enterré la hache de guerre, il faut se mettre à reconstruire, et que cette partie est sans doute la plus délicate.

Outre les réflexions politico-philosophiques, on trouve aussi dans Avatar des relations interpersonnelles bien travaillées et intéressantes, qui s’appuient sur les années de continuité de la série animée. Elles peuvent donc échapper aux néophytes, mais son globalement simples à saisir: l’amitié entre Aang et Zuko, la promesse que ce dernier lui fait faire s’il devenait comme son père, la romance entre Katara et Aang, ou encore le lien spirituel entre Aang et les précédents avatars.

En résumé, ce premier volume d‘Avatar le dernier maître de l’Air est une suite très appropriée à la série animée, dotée des mêmes qualités, le risque étant qu’elle ne parle qu’aux amateurs du matériau d’origine.

*****·Comics·East & West·Nouveau !

Saison de sang

Titre original: Step by bloody step, écrit par Simon Spurrier et Matias Bergara, avec Mat Lopes aux couleurs. Parution aux US chez Image Comics, en France chez Dupuis le 17 juin 2022.

A chaque enfant son géant

Par un hiver glacial dans un monde inconnu, une enfant s’éveille. Elle est entre les mains d’un géant en armure, qui avance inexorablement en détruisant tous les obstacles qui se dressent sur leur route. Peu à peu, l’enfant grandit, et finit par quitter le cocon rassurant formé par les mains du géant pour marcher par elle-même, toujours dans le sillage de son protecteur.

Cependant, portée par la curiosité, l’enfant se laisse distraire et quitte le chemin. C’est alors que l’air s’anime autour d’elle pour former des créatures qui l’empêchent de quitter la route, des phénomènes contre lesquels même le puissant guerrier en armure ne peut rien. L’enfant doit donc avancer quoi qu’il arrive, et découvrira sur le chemin sa véritable destinée.

Aux US, Step by bloody step a fait une sortie remarquée chez Image Comics, et a atteint sa conclusion quelques semaines seulement avant sa publication française chez Dupuis. La particularité de ce roman graphique divisé en quatre chapitres est de ne contenir aucun dialogue.

En effet, on ne trouve en terme de texte, que de brèves introduction poétiques entre chaque partie, mais le corps de la BD en lui-même ne contient rien d’autre que les images, les quelques phylactères présents ne contenant de des glyphes inintelligibles. Le scénariste anglais Simon Spurrier, et le dessinateur uruguayen Matias Bergara , qui nous avait déjà bluffés avec Coda (voir aussi le nouveau Sandman pour Spurrier) font donc un pari osé, et relèvent ce défi narratif haut la main. L’auteur parvient en effet à immerger le lecteur sans user d’artifices littéraires, rien que par la force des images et des plans concoctés par l’artiste.

Les enjeux initiaux sont simples, puis gagnent progressivement en ampleur grâce à une caractérisation subtile des personnages principaux. Si vous consultez régulièrement le blog, alors vous aurez déjà entendu parler de la récurrence du duo enfant/badass en fiction, qui donne souvent la part belle aux histoires d’amitié, d’amour filial et de rédemption pour l’un ou l’autre membre du duo. Ici, avec le procédé choisi par l’auteur, le lecteur est tenu de se concentrer non plus sur les échanges verbaux mais sur les éléments de mise en scène, les regards et les actes des personnages, pour saisir la nature de leurs relations ainsi que leur évolution.

Si la partie narrative est impressionnante de maîtrise, la partie graphique est elle aussi à louer pour sa qualité. Matias Bergara fait preuve d’un talent incontestable de créateur d’univers. Les paysages sont tout simplement magnifiques et saisissants de beauté, la flore et la faune inventives, et les architectures, qui oscillent entre magie et technologie, rappellent Coda tout en se détachant néanmoins par un aspect plus brut.

La conclusion de l’album m’a rappelé celle du film mother! de Darren Aronofsky, en moins cruelle et plus poétique, évidemment, mais le parallèle allégorique et la thématique écologique et cyclique sont bel et bien communs.

Il résulte donc de la combinaison des savoir-faire de ces deux artisans de la narration un œuvre excellente, qui provoque des émotions authentiques par des procédés antédiluviens qui nous rappellent que la fiction et la narration sont au cœur de notre ADN humain. Et ça vaut bien 5 Calvin pour un candidat à l’album de l’année !