***·BD·Nouveau !

Les 5 terres #11-12

 BD de David Chauvel, Jerome Lereculey et collectif.
Delcourt (2024), 56p., série en cours, 2 cycle achevés.
Série prévue en 5×6 tomes.

Attention Spoiler!

Le Sistre est en deuil… a nouveau! Dans sa fuite en avant pour reprendre le contrôle de la pègre d’Alyssandra, Alissa est tombée dans un piège. Alors que sa famille doute de plus en plus de sa capacité à garder le contrôle, au Palais Keona commet une folie en envoyant un message diplomatique à Angleon…

Ces deux derniers tomes sont marqués par des ruptures pour l’essentiel des personnages et arcs secondaires. Ainsi de nombreuses morts pour des personnages dont on ne comprenait pas encore tout à fait l’utilité, des choix majeurs comme celui du frère Tashen qui tire les conséquences de l’attitude dictatoriale et impitoyable de sa sœur ou de Shin qui découvre que ses valeurs de justice ne sont pas applicables dans la Capitale et décide de basculer du côté obscure…

En confirmant l’aspect remplissage d’un certain nombre d’intrigues annexes (schéma inévitable des constructions de séries TV) et les pistes laissées tout à fait ouvertes malgré la conclusion du cycle, on se demande bien comment certains fils encore bien mystérieux vont pouvoir se relier avec leurs homologues des autres cycles. Les scénaristes semblent en effet maintenir une atmosphère toujours incertaine où la cohérence d’un cycle ne signifie en rien la juxtaposition, pour preuve l’évènement majeur qui nous raccroche heureusement à Angleon lorsque l’Armada des félins débarque pour une session diplomatique fort tendue avant que ne surgissent les Ours du prochain cycle (à débuter cet été).

Je note que les textes de background de fin d’album deviennent eux aussi un peu optionnels en passant du statut d’enrichissement indispensable à celui de pousse-café pour les plus accro. Globalement, si la mécanique scénaristique de ce cycle est globalement irréprochable malgré un refus de l’action, il aura manqué tout le long une étincelle, un rythme, un manque flagrant de sympathie pour des personnages qui auront peiné à attirer notre intérêt du fait d’une froideur omniprésente. Il en est de même pour les intrigues secondaires, aussi passionnantes que les manigances royales à Angleon et ici poussives en ne trouvant pour la plupart leur semi-résolution qu’au dernier ou avant-dernier tome.

On pourra apprécier ce cycle pour ce qu’il est, être patients, mais avec pas mal de concurrence ces dernières années en matière d’intrigues monarchiques en pays anthropomorphe (Le Royaume sans nom, L‘Ogre lion,…) j’espère sincèrement que les auteurs sont conscients du risque de lassitude et ne visent pas uniquement les plus fidèles lectures sur le modèle des interminables séries Soleil. Les 5 Terres méritent mieux que cela et un sursaut (a priori confirmé sur la chute) est indispensable car la hype d’Angleon ne tiendra pas un cycle d’attente de plus. En attendant, débute une série parallèle de spin-off one-shot entre les arcs (qui a pris du retard mais devrait se recaler rapidement sur la publication des cycles des 5 Terres), dont le Demeus Lore dessiné par Sylvain Guinebaud et qui sort cette semaine.

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Nëcromants

Série en 2 volumes, écrite par Olivier Gay, et dessinée par Tina Valentino. Parution chez Drakoo en 2021 et 2024.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La mort lui va si bien

Les Nëcromants sont un type bien particulier de magicien. Ces derniers ont la possibilité d’utiliser les facultés et compétence spéciales des fantômes auxquels ils sont liés. Cela ouvre donc la voie, vous vous en doutez, à une féroce compétition pour savoir quel Nëcromant obtiendra le meilleur sorcier, le meilleur combattant, afin de prévaloir contre ses ennemis.

Cependant, si l’on peut estimer que les Nëcromants utilisent les morts, l’inverse est aussi vrai, puisque chaque sorcier est une opportunité pour le fantôme de revenir à la vie, l’espace de quelques instants. Et certains esprits malveillants pourraient bien se saisir de cette opportunité pour prendre leur revanche et régler quelques comptes !

Lorsque Morla est posédée par un défunt Archimage nommé Boph-Et, c’est le chaos qui va s’installer dans le royaume. Son frère Acher va donc devoir utiliser ses compétences pour la sauver. Mais que peut-il faire alors qu’il est un des pires Nëcromants du pays, et que les seuls fantômes à son service étaient eux-mêmes incompétents de leur vivant (ce qui est d’ailleurs la cause de leur mort), voire inutiles ?

Désormais installé chez Drakoo, Olivier Gay reprend du service après Démonistes, Toutes pour un, ou encore Les Maléfices du Danthrakon, en poursuivant la mode des titres en un mot décrivant la fonction des protagonistes (on en trouve aussi une floppée chez Soleil avec Nains, Elfes, Orcs & Gobelins, Mages, etc).

Comme on pouvait le craindre lors des précédentes sorties, l’auteur reprend une formule déjà éprouvée, en reprenant un à un les ingrédients de base, sans nécessairement chercher à les détourner ni à les transcender. A la louche, on trouve: le Héros, quelque peu naïf, incompétent ou maladroit, en tout cas clairement pas taillé pour la mission qui lui est confiée (on repense nécessairement à Lanfeust, mais aussi à Aether dans Toutes pour Un); Puis, l’inévitable triangle amoureux (Lanfeust/Cixi/C’ian; et encore une fois, Aether/Tatianna/Meeri dans Toutes pour Un). On pourrait également considérer les touches omniprésentes d’humour comme un autre ingrédient de la recette arlestonienne, mais il est préférable d’accorder le bénéfice du doute à l’auteur en lui attribuant ce trait.

Le concept en lui-même des Nëcromants demeure intéressant, et permet tout un éventail de possibilités qui sont ingénieusement exploitées au fil des deux albums.

L’atout principal du diptyque tient en sa qualité graphique, assurée par Tina Valentino, dont le style tirant vers le comics, associé à une mise en couleurs dynamique, donne de très belles planches.

En résumé, Nëcromants fonctionne sur une recette déjà vue, mais après tout, aucun plat n’est moins bon parce qu’on en a décelé tous les ingrédients. Deux Calvin pour l’histoire, un supplémentaire pour le dessin.

***·Comics·East & West·Rapidos

DIE #2: Scission

Second tome de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Stéphanie Hans. Parution chez Panini Comics le 12/11/2020.

Pourtant quelqu’un m’a DIE

Alors qu’ils étaient adolescents, Ash, Angela, Isabelle, Matt, Chuck et Solomon se sont retrouvés littéralement piégés dans une partie de jeu de rôle initiée par Solomon, et ont disparu durant deux ans dans le monde d’Aléa dans la peau de leurs personnages respectifs.

Ash est la Dictatrice, capable de manipuler les émotions des gens, Angela est une Néo, hybride entre humain et machine, Chuck est le Fou qui mise tout sur sa chance et sa stupidité, Matt est le chevalier triste et Isabelle la dresseuse de dieux, tandis que Sol était le maître de jeu, chargé de les guider à travers la partie. Juste avant de disparaître, chacun d’eux reçut un dé (DIE en anglais) spécifique symbolisant son rôle dans la partie.

Deux ans après, le groupe ressurgit dans notre monde, sans Solomon. Mais le jeu n’en a pas fini avec eux et les rappelle vingt-cinq ans après. Nos héros pourront-ils terminer cette partie-là ?

Après un premier tome réussi, Kieron Gillen et Stéphanie Hans poursuivent l’exploration du monde pas-si imaginaire dans lequel sont piégés leurs héros. Une fois les enjeux installés, Gillen embraye et passe la vitesse supérieure au niveau du rythme, abreuvant le lecteur de nouvelles informations sur ce monde complexe. Les coups de théâtre et les révélations ne sont pas en reste non plus, ce qui a de quoi tenir en haleine sur le fond et la forme. Grâce à ça, l’ensemble du casting gagne en profondeur, ce qui est un avantage certain pour la seconde moitié de l’histoire à venir.

L’auteur n’en oublie pas non plus d’exploiter son concept, à savoir le parallèle avec les jeux de rôle, et injecte des références autant dans la mise en scène que dans la structure même du récit et de ses ramification

On en vient même à se sentir un peu bête lorsque l’auteur nous fait comprendre qu’il s’est inspiré directement de travaux méconnus de Charlotte Brontë, ce qui oriente visiblement l’intrigue du côté méta littéraire et vous contraindra à faire une petite recherche google, pour être sûr. Pour ceux qui ont sombré dans l’érudition littéraire de l’auteur sur Once and Future ce ne sera pas une surprise…

La mayonnaise prend donc avec ce second tome, ce qui confirme les 3 Calvin !

***·BD·Comics·East & West

Die #1 : Mortelle fantasy

Premier volume de 134 pages, de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Stéphanie Hans. Parution en France chez Panini Comics le 02/09/2020.

Alea Jumanji Est

Pour fêter ses 16 ans, Ash aurait pu choisir la voie classique et se soûler à grands renforts de bière avec des copains. Mais, étant un adepte des jeux de rôle, il se laisse embarquer par son meilleur ami Solomon dans un jeu de sa création, intitulé Die.

Accompagné de sa sœur Angela, de ses amis Matt, Chuck et Isabelle, Ash débute la partie, dirigée par Sol. Comme le veut la coutume, chacun d’entre eux crée son personnage, et reçoit en contrepartie un dé unique à utiliser durant la partie.

Seulement voilà, Die n’est pas un jeu ordinaire. À peine la partie lancée, le groupe d’adolescents est aspiré à l’intérieur du D20 de Sol et se réveille en plein jeu, transformés en leurs personnages. Pour en sortir, ils vont devoir finir la partie!

Après une disparition de deux ans, le groupe refait surface à quelques kilomètres de la chambre de Sol, où la partie avait débuté. Cependant, il manque un bras à Angela et Sol est aux abonnés absents. Pire encore, les adolescents traumatisés semblent incapables de parler de ce qu’il leur est arrivé durant leur absence. La vie suit son cours, si bien que 25 ans plus tard, chacun d’eux a entamé sa vie d’adulte, fondé une famille et mené une carrière, le tout avec plus ou moins de succès, et toujours marqué par le traumatisme de Die.

Tout va basculer une seconde fois pour Ash, Angela, Matt, Chuck et Isabelle lorsqu’ils vont être aspirés de nouveau dans le jeu. Le monde cruel auquel ils ont échappé il y a 25 ans les a rattrapés, et pour en sortir vivants, ils vont devoir terminer la partie pour de bon.

On connaît Kieron Gillen pour des séries telles que The Wicked + The Divine, ou plus récemment Eternals et sa suite A.X.E, Avengers X-Men-Eternals.

Il est donc notoire que le scénariste préfère manier des concepts de haute volée plutôt que de l’action pure. Avec cette série parue en 2020, on découvre aussi qu’il est féru de jeux de rôles, à tel point qu’il a créé un jeu directement en lien avec cette série (disponible à l’époque sur Kickstarter). De ce premier tome, on retiendra l’intrigue minutieuse et l’ambiance teenage wasteland, le cas des adolescents piégés dans un jeu plus vrai que nature rappelant fortement le film culte Jumanji et les manga Isekai.

Cependant, ici, point de franche rigolade ni d’univers décalé, mais plutôt un dédale mortel dans un monde fourre-tout où tout peut arriver. La dépression qui guette les héros durant les 25 ans de deuil qui précèdent leur retour dans le jeu s’insinue à travers les pages, grâce au talent explosif de la dessinatrice française Stéphanie Hans. Ce premier volume installe adroitement les enjeux grâce à ses premiers coups de théâtre et ses révélations internes savamment orchestrées.

L’attachement aux personnages est aussi de la partie, si vous me permettez le jeu de mots, malgré le peu d’informations distillées par l’auteur à ce stade. Les personnalités, rôles et interactions sont attribués à chacun par l’auteur avec une efficience qui démontre ici toute l’expérience acquise par l’auteur.

Le déroulement de l’intrigue en lui-même contient bien évidemment des références au monde du JDR, mais reste heureusement accessible aux non-initiés, qui pourront se contenter de suivre les aventures des protagonistes sans forcément avoir eu à jouer une partie dans leur vie.

Première accroche efficace, Die tient ses promesses sur ce volume 1, reste à voir ce que donne la suite.

**·BD·Service Presse

La Venise des Louves

BD d’Aurélie Wellenstein et Emanuele Contarini
Drakoo (2024), 48p., One-shot.

bsic journalism Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

Dans une Venise fictive surviennent d’étranges attentats depuis qu’une des iles se retrouve inaccessible. Victime d’un d’une de ces attaques « surréalistes », Renzo a réuni autour de lui quatre jeunes femmes elles-aussi mutilées et depuis dotées d’étranges pouvoirs. Ils sont bien décidés à se venger de ces Gondoliers noirs et à percer le mystère des attaques aveugles qui ensanglantent l’ancienne quiétude de Venise…

La recette initiale de Drakoo étant plutôt efficace, l’éditeur continue à faire appel à des romanciers fantasy pour apporter leur science de la construction d’univers et de personnages. Pour son deuxième album après une adaptation de son roman, Aurélie Wellenstein se lance cette-fois en compagnie de l’italien Emanuele Contarini sur une nouvelle création dans une atmosphère de la Venise classique du XVI° siècle.

Démarrant son histoire sans perdre de temps, on se retrouve embarqué avec ces cinq « louves », ce pianiste virtuose qui a perdu sa main dans une attaque et ses quatre comparses et amantes, chacune dotée de capacité tout à fait intéressantes. Car c’est la grande force du concept de la scénariste (plus que l’univers de cape et d’épée vénitien, finalement assez absent) que ces bombes « surréalistes » dont le seul nom suffit à titiller notre curiosité. Il s’agit en fait d’explosions qui modifient la réalité avec des effets permanents redoutables: l’un a vu sa main littéralement oblitérée, deux autres partagent le même esprit, comme deux super-jumelles, une autre voit sa conscience coincée entre le présent et le futur immédiat, quand la dernière cache un terrible secret… Si l’adversité manque cruellement à force de mystère sur l’origine des attaques, cet album nous intéressera jusqu’au bout et sa conclusion lovecraftienne intellectuellement très enthousiasmante.

Le problème c’est que ce qui aurait sans difficulté nécessité trois albums afin de pouvoir mettre en place les personnages, une résolution progressive et l’utilisation d’un riche univers… doit se présenter en un format classique de 48 pages! C’est absolument incompréhensible et totalement suicidaire narrativement parlant, d’autant que les planches du dessinateur sont vraiment agréables et dégagent une énergie organique qui rappelle le travail récent de Créty sur Gueule de Cuir, chez le même éditeur.

Ainsi il est compliqué de chroniquer un album qui ne peut avoir aucune structure correcte dans un tel format. Les auteurs n’ont rien à se reprocher, les dialogues sont percutants, les interactions et pouvoirs des personnages très agréables et novateurs dans une sorte d’esprit X-men de la Renaissance et même la résolution en tant que telle est plutôt réussie. Mais l’album semble juxtaposer des séquences qui ne tiennent pas dans le format et laissent l’impression d’avoir lu une très grosse plaquette de promotion d’un album à venir. Autant on pouvait reprocher à Pierre Pevel d’avoir du mal à gérer le hors champ de son univers d’Ambremer dans un format BD limité, autant ici c’est bien le format BD qui pose problème. Très agaçant car on serait volontiers parti sur une série qui disposait d’un sérieux potentiel. Les mystères éditoriaux sont décidément bien impénétrables…

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La guerre des amazones

BD de Stéphane Piatzszek et Guillermo Gonzalez Escalada

Soleil (2023), 48p. , one-shot.

Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

L’empire de Carolus Magnus s’étend sur l’Europe. En Bohême, la fille du roi Krok tente de résister à l’inexorable avancée des francs et de leur Dieu qui menacent une culture et un lien avec la Nature. La fougue de la princesse est écartelée entre une attirance irrépressible pour une de ses belles guerrière et son devoir militaire pour protéger son peuple et son royaume…

Triste album qui nous vient en ce début janvier. Il y a presque dix ans sortait un miracle, Le chevalier à la licorne, du même duo, qui faisait exploser le talent brut de l’espagnol Guillermo Gonzalez Escalada dans un sublime et tragique poème graphique médiéval. Malheureusement l’annonce de ce second album s’accompagna rapidement de celle du décès de l’artiste en 2021. Seules quelques pages manquaient sur le scénario de Stephane Piatzszek, que deux dessinateur complétèrent dans le respect du style original.

Les histoires païennes sont légion. Le titre pouvait être trompeur et si l’album se centre bien sur l’itinéraire de la princesse Libussa, figure légendaire du peuple tchèque que l’on rattache à une armée de résistantes amazones, c’est plutôt l’histoire d’amour de cette héritière farouche avec une de ses guerrières alors que le danger qui menace son peuple est immense, qui intéresse le scénariste. Malheureusement le récit est incertain, comme si l’auteur n’avais su où mettre la focale et surtout par abus de suggestion. Il y a peu de textes et l’enchaînement des séquences n’est guère expliqué, ce qui rend la lecture par moment confuse.

Le dessin de son comparse est toujours aussi brillant mais l’aspect fruste de ses visages médiévaux n’aide pas à la compréhension en rendant parfois peu lisible la distinction entre ces personnages. Le style de Guillermo Gonzalez Escalada, si fort dans l’action et les visions oniriques, ne compense pas le manque de précision du scénario. De même, les quelques surgissements fantastiques, graphiquement puissants, ne semblent pas servir

l’histoire où la sœur mystique de l’héroïne est totalement muette et trop peu en interaction pour que l’on puisse s’y intéresser vraiment.

Oubliant de nous proposer de belles batailles épiques grand public, tiraillé entre sa Légende, un amour féminin impossible, le devoir dynastique et l’oppression chrétienne sur les anciennes traditions Stephane Piatzszek se contente d’admirer les sublimes compositions du dessinateur espagnol et échoue à nous emporter dans ce drame amoureux mal défini. L’album regorge pourtant de très belles scènes de banquet, de poursuites ou de complots, mais le tout reste mal monté par un récit trop suggestif.

Le duo n’aura donc pas réussi à rééditer le coup de maître de leur premier album. Il restera à admirer l’art si organique du défunt pour regretter, plus que l’album lui-même, la perte d’un très grand artiste.

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***·BD·Jeunesse·Nouveau !·Service Presse

Léonarde: La Barbe du Houéran

Récit complet en 80 pages, avec Isabelle Bauthian au scénario, AnneCatherine Ott au dessin, Tanja Wenish à la couleur. Parution chez Drakoo le 10/01/24.

Plus Bête(s), tu meurs

Léonarde est une intrépide jeune guerrière, formée au combat depuis le berceau par son père, Maître d’Armes du Château et ami proche du Roi. Malgré son tempéramment tout feu tout flamme, Léonarde ne pense pas comme tout le monde, notamment au sujet des Bêtes, les habitants de la Forêt qui enclave le Château.

Parmi ces animaux anthropomorphes, on trouve les Leus, le peuple loup, ainsi que les Goupils, le peuple renard, et aucun de ces peuples ne parvient à se comprendre, la faute à des langages radicalement différents. Au milieu de ces guerres de clans, certains croient encore en la légende du Houéran, géant gardien de la Fôret, dont il vaut mieux ne pas réveiller la colère en dégradant la forêt, et qui explique presque à lui seul la paix précaire qui règne depuis quelques années.

Lassée des escarmouches et de la crainte, Léonarde tente un rituel, supposé l’aider à parler aux Bêtes, qu’elle a volé dans la bibliothèque du prince Ogier. Ce rituel la transforme à son corps défendant en Goupile. Le seul souci, c’est qu’elle parle désormais le Goupil et plus l’humain ! Personne ne la reconnaît, pas même sa meilleure amie la princesse Eldorise. Chassée du château, Léonarde se retrouve prisonnière des Leus, ce qui sera le début de pérégrinations rocambolesques avec pour enjeu rien de moins que la paix du royaume.

Isabelle Bauthian est un nom connu, puisque nous l’avions déjà croisée chez Drakoo avec Dragon & Poisons, puis dans l’anthologie Midnight Order, et avant cela dans la collection Sirenes et Vikings.

L’auteure se saisit encore une fois d’un concept enlevé, inspiré d’une légende vosgienne et reprenant les codes de la Tour de Babel. Avec un soupçon de naïveté, l’intrigue instille l’idée que de l’incompréhension mutuelle naîssent nécessairement l’anathème et la guerre, ce à quoi l’héroïne tente justement de remédier.

Ce thème de la traductrice universelle en temps de guerre rappelle clairement la Malinche, personnage historique controversée dont Celle qui Parle retraçait justement la vie, en version jeunesse bien évidemment.

Ce concept de peuples qui s’affrontent sans se comprendre est justement mis en scène par l’auteure, qui alterne les points de vue lors d’une même scène pour figurer les différences de langages et la façon dont elles sont perçues. L’action et les péripéties, si elles ne sont pas follement originales, demeurent rythmées et ficelées par le thème central, le tout réhaussé par un humour à la Lanfeust, qui est désormais, on le sait, un humour à la Drakoo (en moins gaulois, il va sans dire).

On parlait plus haut de naïveté, mais il serait sans doute plus juste de parler d’optimisme ou de légèreté d’esprit, l’affilitation jeunesse de l’album éloignant nécessairement toute conclusion trop sombre ou trop réaliste. Nos chers jeunes lecteurs y trouveront donc un message inspirant, ainsi que des personnages allant à rebours des clichés sans trop en faire pour autant. On en veut pour exemple la protagoniste, qui allie vivacité d’esprit et talents de guerrière, ou la princesse Eldorise et son frère Ogier, qui apportent tous deux des nuances bienvenues à leurs archétypes réspectifs.

Coté graphique, Anne-Catherine Ott s’en sort avec les honneurs avec un dessin dynamique, des personnages expressifs mais également un découpage clair et aéré.

Léonarde réussit à mêler un thème sérieux et universel (les conflits, la haine entre les peuples) aux codes du récit jeunesse, le tout dans un univers dynamique et attrayant.

*****·Manga·Rapidos·Service Presse

Radiant #18

 
Manga de Tony Valente,
Ankama (2023) – 192 p., coul+ nb, 18 tomes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Ankama pour leur confiance.

Attention spoilers!

Tout à sa passion et à son imagination débordante, Tony Valente fonce et les lecteurs lui courent derrière, découvrant de nouveaux personnages à chaque tome, augmentant d’autant la galerie et les éléments narratifs. Grand scénariste il sait aussi qu’il faut faire des pauses et ce dix-huitième tome est une accalmie sagement posée qui va nous permettre de reprendre notre souffle et de balancer quelques (petites) révélations.

Protégés par l’univers magique de Hurla, Seth et ses amis vont ainsi découvrir le grand projet de cette dernière (la restauration du Petit peuple) pendant que Doc s’entraine à devenir un véritable chevalier et que Melie apprend à domestiquer son Nemesis. Entre deux grosses séquences d’action (faut quand-même pas s’endormir, on est dans un tome de Radiant!) la marche vers la confrontation finale semble inéluctable quand l’Inquisition proclame la Loi Martiale, établissant une dictature de fait sur Bôme…

Comme nous l’avons vu au précédent tome, l’auteur semble estimer que les révélations majeures permettent désormais d’évoluer progressivement vers la résolution (d’ici deux ou trois arcs quand-même selon le Toum-Stak!) et cet épisode sonne comme un des premiers où le scénario est apaisé. Cela ne signifie en rien que le tome est ennuyeux, le rythme des séquences et la richesse des informations maintiennent Radiant dans le firmament des mangas en cours. Simplement on n’était pas habitué à ces moments de pause qui font du bien pour se remettre les idées en place et commencer à se souvenir de l’ensemble des personnages, liens et objectifs (jusqu’à nous rappeler le destin final de Seth que l’on aurait tendance à oublier: la localisation du Radiant…).

Avec ses dessins qui donne envie de suivre chaque personnage sur sa série solo, avec son humour qui fait toujours mouche, avec un écosystème imaginaire piochant dans une infinité de viviers de la littérature à l’urban culture, Radiant est tome après tome un miracle que l’on voudrait ne jamais voir s’arrêter… Merci Tony!

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****·BD·Nouveau !

Les Chevaliers Ténèbres #1: Les Sigils du Chaos

Premier tome de 54 pages, écrit par Éric Corbeyran, dessiné par Leno Carvalho et mis en couleurs par Giulia Priori. Parution chez Kamiti le 20/10/2023.

Merci aux éditions Kamiti pour leur confiance.

Dans le sillage de la Mort

Les provinces du Dodensland sont un pays froid, âpre et inhospitalier, où chaque seigneur vit retranché dans ses fortifications, au coeur d’une nuit et d’un hiver quasi éternels. Comme si cela ne suffisait pas, elles sont écumées par les Chevaliers Ténèbres, quatre énigmatiques cavaliers, d’invincibles guerriers qui mettent à sac tous les chateaux qui se dressent sur leur chemin.

Nimbés de mystère, les Chevaliers Ténèbres ne mettent leur force surnaturelle au service d’aucune cause ni aucun étendard, leurs motivations sont connues d’eux seuls. Lorsqu’il entend son haruspice prononcer leur nom et prophétiser leur venue prochaine, le seigneur Freghon sent un frisson glacial lui parcourir l’échine. Il n’a d’autre choix que d’ordonner à son capitaine, le vaillant Thernal, de mettre les troupes en ordre de bataille afin de préparer le siège prochain du chateau. Mais une pathétique petite armée et quelques murs suffiront-ils à stopper cette tétrade en armure enfantée par l’Enfer ? Il y a fort à parier que non, mais le salut de Freghon ne réside peut-être pas dans tant dans ses fortifications que dans le coeur de sa fille Girhui, qui fait fortuitement la rencontre des fameux Chevaliers.

Une nouvelle bonne surprise chez Kamiti, grace à la magie du financement participatif. Après Gihef, c’est désormais le grand Corbeyran qui fuit les grandes maisons d’éditions auxquelles il est désormais habitué, pour truster les catalogues d’éditeurs à l’envergure plus modeste.

Bien avant cette fuite des cerveaux, Kamiti jouissait déjà d’une ligne éditorial qualitative et éclectique, ce que l’arrivée impromptue des pontes de la BD ne fait que confirmer. Corbeyran se lance dans une histoire sombre de Fantasy, et nous plonge, avec l’expérience qu’on lui connaît, dans un monde crépusculaire qui emprunte autant à des références classiques comme Le Seigneur des Anneaux qu’à des entrées plus modernes comme Dark Souls ou Bloodborne. La sauce prend très rapidement, malgré une narration qui reste avare en informations à ce stade du récit.

Cette efficience permet de donner à l’intrigue un moteur significatif, car le lecteur se trouve emporté vers l’avant par ses propres questionnements et théories sur la nature véritable des Chevaliers. Si l’on devait faire un reproche à l’auteur, ce serait celui d’oublier quelque peu la règle cardinale du « Show, Don’t Tell » au profit d’un martelage balourd sur la dangerosité et l’invincibilité des chevaliers éponymes. Beaucoup de personnages parlent à voix haute pour rappeler à quel point ils sont dangereux et puissants, mais il aurait été peut-être plus impactant de montrer de façon plus précise les suites et répercussions des carnages qu’ils provoquent. On peut certes défendre l’auteur en citant la séquence d’ouverture, mais elle manque d’impact car elle s’avère être partie intégrante de la vision de l’haruspice, et pas le point de vue d’une victime, par exemple.

Malgré ce bémol, Éric Corbeyran nous a tout de même hameçonnés, il ne lui reste plus qu’à poursuivre dans la même veine pour nous tenir en haleine sur la mission véritable de ses Quatre-Cavaliers-Qui-Ne-Sont-Pas-Du-Tout-Une-Référence-Biblique. [Simple pronostic de ma part pour la suite, mais je sens venir une version Fantasy de Hidden, pour ceux qui connaissent].

Sur la partie graphique, on retrouve le talentueux Leno Carvalho, principalement connu pour ses prestations sur Crusaders et Prométhée chez Soleil. Son trait réaliste est impeccable et colle parfaitement à l’ambiance Dark Fantasy, un véritable régal graphique.

Ce premier tome des Chevaliers Ténèbres est un très bon début de série, qu’il serait dommage de manquer. On frôle les 5 Calvin !

***·East & West·Manga·Nouveau !·Service Presse

Clevatess #4-5-6

 Manga de Yuji Iwahara
Ki-oon (2022), série en cours, 6/6 tomes parus

bsic journalismMerci aux éditions Ki-oon pour leur fidélité.

Après la défaite de Dorel les Puissances se réunissent pour conclure un pacte lié au passé légendaire de ce territoire, des Héros et des rois-démons. Des agents infiltrés sont alors envoyés dans la plus grande Ecole de magie pour enquêter…

Alors que la quatrième tome conclut le premier arc (joliment signifié par un changement de maquette des volumes à partir du tome cinq), Clevatess s’oriente vers un schéma Harry Potter avec la classique découverte d’une Ecole de type anglo-saxone et les regroupements d’élèves qui ont tous quelque chose à cacher. Si la conclusion tonitruante de l’affrontement guerrier avec un général Dorel d’une puissance folle et manifestement allié à une puissance démoniaque s’avère remarquablement efficace, la transition avec le nouvel arc fait un peu retomber la tension et fait craindre que la série ne sombre dans un shonen vu mille fois.

Rassurez-vous, si l’auteur se laisse aller à quelques facilités dans la mise en place de son nouveau décors, la noirceur et la complexité des manigances politiques reviennent assez vite avec des idées assez brillantes qui tardent à se dévoiler. Cela illustre ce qu’on ressent depuis le début: un décorum parfaitement balisé, des figures archétypales…. mais une rigueur pour déconstruite les mythes et schémas tout à fait remarquable. Je reconnais que l’idée de l’école de magie n’est pas la meilleure que Yuji Iwahara ait eu puisque l’on quitte assez franchement la Dark Fantasy nihiliste qui marquait le premier arc. Le risque reste grand de transformer son Roi-démon Clevatess en gentil héros cynique. Pour le moment le mangaka semble conscient de la nécessité d’isoler ce tout puissant personnage en le mettant aux prises avec ses homologues dans une assez amusante partie de faux-semblants avec force marionnettes et illusions. On sait désormais que l’un des Rois-Démons fomente quelque complot menaçant l’équilibre des terres démoniaques et que les humains ne sont que des marionnettes dans un Grand Jeu secret.

Le wordlbuilding de la série est un effort constant avec des fiches univers qui reviennent en fin d’album sur des éléments abordés dans le volume et une origine des Héros et des rois-démons que l’on va semble-t’il révéler progressivement avec des découvertes qu’il faut attendre brutales.

En conclusion, le passage au nouvel arc change beaucoup de choses, des tonalités aux personnages en présence et pourra lasser les amateurs des premiers tomes. Les qualités de l’auteur et le potentiel de la série restent pour autant remarquables et justifient de faire de Clevatess une série, si ce n’est majeure, du moins à suivre.

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