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Le dieu-fauve

BD Fabien Vehlmann et Roger
Dargaud (2024), 102p., One-shot.

L’empire Océanide est moribond. La dynastie régnante s’éteint, rallumant les convoitises dans les clans. Parmi eux une famille dénigrée pense son heure venue. Elle emmène ses gens, esclaves comme combattants dans une course vers la capitale Alti-Antea pour s’approprier le symbole du pouvoir qui lui donnera sa splendeur perdue. Pourtant parmi eux certains s’inquiètent, car le Dieu-fauve s’est échappé. Cet outil de mort parfait, ciselé par la haine et la violence rode quelque part, voué à restituer à ses bourreaux ce qu’ils ont semé…

Cet album a beau avoir fait l’objet d’une très discrète communication (comme son dessinateur), il était attendu comme un des évènements de 2024. Fidèle à son habitude, le puissant éditeur Dargaud attire à lui la fine fleur des artistes BD, à commencer par Roger Ibanez, le dessinateur de la fabuleuse série Jazz Maynard et un des chefs de file de la si brillante école hispanique. Rare, l’espagnol rappelle combien le projet proposé par Fabien Vehlmann a permis de le ramener à une motivation que son brillant perfectionnisme doit épuiser à chaque album. Cinq ans après la conclusion de Jazz, le voilà sur un gros one-shot où il peut laisser libre court à son talent brut.

Car c’est très clairement l’énorme atout de cet album, cette légende racontée à la voix narrative, cette histoire du tréfond des âges, cette histoire des hommes, de leur violence et de leur avidité. Le très peu de bulles laisse une grande liberté de mise en scène pour le dessinateur qui montre un design tribal rappelant par moment la qualité du travail de Bourgier sur Servitude ou plus récemment de Henninot sur sa Horde du Contrevent. Roger montre sa science des encrages (peut-être les plus impressionnants de toute la planète BD), la facilité avec laquelle il transforme une ombre en mouvement, avec laquelle un simple trait suggère un hors champ où jamais l’on n’est perdu, où l’immersion est totale, élégante, majestueuse. D’un trait il fait une montagne d’une finesse incroyable avant d’enchainer sur de simples taches aussi évocatrices que la cité qui vient, aux mille détails et matériaux. Jouant ses cadrages tantôt très serrés tantôt larges, il anime ses planches en permanence, proposant la même élégance à une silhouette éclairée par le feu qu’à la hargne des forçats qui trainent le navire royal. Comme sur ses précédents albums, comme pour un Ronan Toulhoat et tous les grands encreurs, on pourra regretter l’usage d’aplats de couleur pour habiller un dessin qui n’en a jamais besoin (et je conseille aux plus patients et amateurs d’attendre une très probable édition NB qui ne tardera pas d’être proposée par l’éditeur en fonction d’un succès commercial pour le Dieu-Fauve, dont je ne doute pas).

Pour ne pas être injuste avec le très bon scénariste Fabien Vehlmann (de tous les bons coups, récemment avec le retour de Jean-Baptiste Andreae) reconnaissons la grande qualité de textes inspirés, mélancoliques au travers de plusieurs vois narratives qui malheureusement n’aident pas à fluidifier le récit. En proposant une construction en cinq chapitres sans jamais préciser qui est le narrateur (pourtant omniprésent tout au long des cent pages), il flatte certes nos oreilles mais n’aide pas à lire l’album, cet univers incertain, non daté, non localisé. La focale reste très serrée sur des personnages dont la dresseuse qui restera un long moment le cœur du récit et le plus intéressant. Vehlmann boucle sa narration entre une ouverture rappelant celle de 2001 l’Odyssée de l’Espace et un épilogue qui dénoue certes les fils mais laisse un sentiment de frustration portée par un nihilisme qui ne surprendra pas les lecteurs de Seuls. Si la construction peut se justifier (c’est du reste l’absolue liberté de l’auteur), la quasi absence de bulles et donc de dialogues crée une sorte de surplace qui donne presque par moment l’impression d’un livre d’images, heureusement animé par son collègue via son découpage redoutable. On sait que le cœur d’un récit est ses personnages. En changeant régulièrement le viseur, en empêchant leurs interactions verbales, Vehlmann crée certes une atmosphère recherchée mais laisse son lecteur un peu à quai. Il est difficile de reprocher à un auteur son ambition mais celle-ci a malheureusement l’obligation de faire mouche dans la dure jungle de la création imaginaire. Le Dieu-fauve rate donc un peu le coche mais reste un très élégant ouvrage et espérons le, un retour régulier de l’immense Roger Ibanez… qui gagne un quatrième Calvin à lui tout seul.

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Bon voyage ?

Récit complet en 80 pages, écrit par Jack Manini et dessiné par Michel Chevereau. Parution le 02/05/2024 chez Grand Angle.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Lost in Paradise

Alors que le monde se remet lentement des ravages de la Seconde guerre mondiale, un groupe de 44 chanceux s’aprête à quitter Paris pour un extraordinaire voyage en Latécoère, le plus grand et le plus luxueux hydravion français jamais construit.

A son bord, Marceau, Paul et Alice, trois amis vétérans qui ont vécu l’enfer de la guerre, et qui n’ont plus en eux assez d’optimisme pour penser à autre chose qu’à l’imminence d’une troisième guerre mondiale. Quant aux autres passagers, ils embarquent après avoir rempli un mystérieux formulaire glissé dans leur boîte-à-lettres , qui leur a fait gagner un étonnant voyage tous frais payés dans les Caraïbes.

N’écoutant que leur désir de voyage et de liberté, Colette, Constance, Rose, Augustin et bien d’autres bouclent leurs valises et embarquent dans ce paquebot volant. Mais à l’arrivée, pas de Latécoère. L’avion, et tous ses passagers avec, s’est perdu quelque part dans l’Atlantique. Qu’est-il arrivé à l’hydravion, à son équipage et à ses passagers ? Ont-ils connu un sort funeste, ou se pourrait-il au contraire qu’ils aient finalement atteint la destination de leurs rêves ?

Voici un pitch intriguant comme on les aime, qui semble convoquer à la fois Lost et Seul au monde. Il est vrai qu’en fiction, les avions ont un taux de crash plutôt inquiétant, mais il faut avouer que ne pas arriver à destination est, en fiction il s’entend, ce qui peut arriver de plus intéressant à un avion sur le plan narratif.

Que nous réserve donc ce Bon Voyage ? A première vue, plutôt un récit tourné vers les tranches de vie, puisque l’auteur se concentre sur un groupe restreint de protagonistes, dont il déroule la vie avant le crash de l’avion, sous forme de compte à rebours supposé nous faire craindre l’issue fatale.

Le casting réunit pas l’auteur est dans l’ensemble plutôt attachant, et illustre une sorte de lutte des classes unilatérale, des prolétaires et petites gens œuvrant de concert pour le bien de tous. Outre l’aspect tranches de vie, l’auteur construit son histoire autour d’une intrigue qui contient bien sûr son lot de rebondissements et de révélations, comme vous vous en doutez.

On suit donc avec intérêt les péripéties de ce singulier équipage, sûrement mû par le désir de connaître le fin mot et la destinée finale des passagers. Le final a une saveur poétique à ne pas négliger, sans doute à mettre sur le compte du scénariste Jack Manini en la matière.

Sur le plan graphique, rien à redire, si ce n’est une mise en couleur quelque peu monotone. Des couleurs plus tranchées auraient sans doute permis aux planches de se détacher d’un certain classicisme, qui est toutefois la marque de fabrique de Grand Angle.

Ce Bon Voyage ? vous réservera donc quelques surprises, entre destins croisés et désirs de liberté.

***·BD·Documentaire·Nouveau !·Service Presse

Lettres de Taipei

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BD de Fish Wu

Rue de l’Echiquier(2024), 172 p., one-shot.

Merci aux éditions Rue de l’Échiquier pour leur confiance.

1948: les soldats de la révolution socialiste arrivent dans les villages de la Chine profonde et proclament les nouvelles lois de réquisition et de collectivisation. Les frères Shen, lettrés, refusent se proclamer leur allégeance à un régime autoritaire porté sur place par des idiots revanchards. Cela va marquer le début de la déchéance une famille bientôt séparée entre le continent et l’île de Taïwan. 70 ans après, alors que la grand-mère est la dernière mémoire familiale de cette époque, son petit fils entreprend de raconter cette chronique familiale, reflet des errements d’une Révolution communiste…

L’éditeur militant Rue de l’Échiquier me permet au travers de cette première traduction de l’auteur chinois en exil Fish Wu de découvrir tout à la fois un pan de l’histoire Chinoise et un artiste au style minutieux et ancré dans la tradition graphique des BD chinoises. Après l’ouvrage sur la révolution Hong-kongaise manquée et la formidable série sur la lutte syndicale contre Carrefour en Corée, l’éditeur met sa focale sur la réalité socio-politique de l’Asie et nous ouvre sur des situations malheureusement trop peu chroniquées dans la presse occidentale.

Dans un style graphique étonnant de minutie (la BD chinoise historique est connue pour son immense qualité technique) et que l’on imagine plus impressionnant encore en simples crayonnés, Wu propose un scénario très fluide qui passe l’essentiel de l’album sur les conséquences de la Révolution dans le petit village de sa famille, avant de narrer les retrouvailles quarante ans après avec l’oncle de sa grand-mère, parti se réfugier avec la nationalistes sur l’île de Taïwan. Des lettres évoquées dans le titre il n’en sera fait mention qu’en fin de récit, laissant le lecteur interrogatif sur le choix du titre.

Ce qui est le plus intéressant dans cet album, outre le caractère émouvant de ce récit familial intime et véridique, c’est l’immersion dans des phénomènes malheureusement bien connus, la faiblesse morale des foules qui se précipitent du côté de l’oppresseur dès lors que survient un changement de direction. Les nouvelles lois prévoient en effet la spoliation des propriétaires, ce qui autorise dans des campagnes où une poignée d’arrivistes voient le vent tourner, tous les abus: cette fratrie de lettrés est vue par les nouveaux commissaires politiques comme du côté des propriétaires quand bien même ils ne détiennent que leur maison. Par simple vengeance face à la morgue des intellectuels les chefaillons lancent la curée qui voit les voisins les plus intimes dépouiller les biens de cette famille et jusqu’à leur interdire l’accès à leur maison. En regard de ces drames révolutionnaires observés partout dans l’Histoire, le retour de l’oncle taïwanais montre que si la Chine communiste s’est modernisé et civilisée, le bourrage de crâne idéologique commence dès l’école primaire afin de fabriquer de bons camarades.

La minutie et le pointillisme du dessin font qu’il est parfois compliqué de comprendre qui est qui, au travers des décennies, pourtant les textes sont remarquables de lisibilité et on parvient à suivre aisément les évènements et le contexte, grâce notamment aux références renvoyées en dernière page du volume. Sur la dernière partie quelques planches particulièrement poussées, notamment au niveau des visages des vieillards se retrouvant, montrent une virtuosité que l’auteur laisse un peu de côté sur le gros de l’album, sans doute par économie de temps au vu de la pagination et de la générosité des dessins.

S’il ne rentre jamais dans l’analyse profonde du régime chinois, l’auteur qui vit depuis plusieurs années hors de son pays dénonce factuellement les oppressions du début de la Révolution en les rattachant plus à la bassesse de ceux qui se rangent par opportunisme du bon côté du canon qu’en critiquant la bascule du système de propriété. Adoptant le ton d’une chronique familiale factuelle et incontestable, Lettres de Taipei a la force des faits, qui rappelle que l’Histoire est le meilleur vecteur pour dénoncer les dictatures d’aujourd’hui.

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BD·Jeunesse·Service Presse·Nouveau !·****

Mekka Nikki #1

Premier volume de 224 pages noir et blanc de la série écrite par Exaheva et dessinée par Félix Laurent. Réédition en France chez les Humanoïdes Associés le 03/04/2024.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Nikki est une adolescente débrouillarde et inventive, qui vit dans un monde dévasté par une guerre des siècles auparavant. Déambulant dans une forêt parsemée d’épaves de vaisseaux spatiaux, Nikki joue les aventurières, juchée sur des jambes mécaniques de sa création.

Dans son village, un mal frappe les habitants de façon aléatoire, les transformants en statues de pierre. Nikki n’a qu’un désir, traverser la forêt, puis gravir la montagne en quête d’un remède. Son père, Lukka, a déjà tenté la traversée dix ans auparavant, visiblement sans succès puisqu’il n’est jamais revenu de son périple. Il faut dire aussi que la forêt est pleine de dangers, sous la forme d’une bête féroce qui traque et tue tous les intrus.

Alors que le fléau progresse, Nikki prend une grande décision, celle de se mettre en route, accompagnée de son petit robot Perko. En chemin, elle fait la rencontre de Naoe, qui va la guider à travers les dangers de la forêts, dans un monde dont elle ne sait finalement pas grand chose…

Mekka Nikki possède une histoire éditoriale tout à fait singulière, puisque la série a débuté via le fanzinat, puis l’autoédition, et chez Vide Cocagne. La série connaît un second souffle chez les Humanos, qui promettent un second tome dès le mois de juin 2024.

Il est à noter que la série bénéficie également d’une adaptation animée par les studios Dada et Squarefish, ce qui laisse entendre un certain potentiel pour une extension de l’univers des deux auteurs belges.

A l’ouverture de l’album, il sera aisé pour les lecteurs de l’Étagère (enfin, ceux qui suivent nos recommandations de lecture, bien entendu 😉 ) de déceler des similitudes, dans le style, avec la série Les Sauroctones de Erwann Surcouf.

L’aventure épisodique a ici du bon puisqu’elle insuffle un élan tout particulier au récit et permet de développer tranquillement les personnages qui composent le casting de cette quête initiatique.

Malgré l’aspect apparemment décalé de l’histoire, le ton demeure paradoxalement plutôt sérieux et grave, mené par des thématiques sous-jacentes qui augmentent les enjeux sans trop laisser la place à la déconnade.

Les amateurs-trices d’aventure rythmée apprécieront néanmoins, ceux et celles qui désespéraient de voir enfin un peu d’artisanat revenir sur le devant de la scène en seront ravis !

****·BD·Nouveau !·Service Presse

Gen war

BD de Mo/CDM
Fluide Glacial (2024), 56p., série en cours, 2 tomes parus

Merci aux éditions Fluide Glacial pour leur confiance.

Le monde que nous connaissons est tombé. Lors de la crise des trottinettes en libre-accès la civilisation a chuté et laissé place à une guerre impitoyable entre les Vieux et les Jeunes. Aucun camp ne veut laisser la moindre once de terrain et multiplie les initiatives tant pour sa survie que pour éliminer l’engeance adverse…

Mo/CDM (alias « chieur de mondes », tout un poème!) est un pur produit de l’école Fluide glacial, avec une patte graphique et de coloriste dans le haut du panier dans le genre humour. De quoi être dans d’excellentes dispositions pour aborder cette série semi-nouveauté qui prévoit 3 tomes dont deux publiés en simultané ce mois de mai (avant paraît-il une série Neflix Avec Brad Pitt et Angelina Jolie avec 130 millions de dollars de budget…). Car cette Gen War est une reprise du Geek War publié en 2013 (et bien sur issu du magazine), désormais prolongé de nouveaux sketch. La cohérence graphique entre les deux volumes parus à 10 ans d’écart est étonnante et on si le second volume développe un peu plus le camp des Jeunes, on reste grosso modo dans les mêmes délires absurdes.

Il n’est jamais évident de lire des albums à sketch tant la lassitude peut facilement arriver. La brièveté est de mise et surtout l’énergie comique du n’importe quoi. La grande force de ces séquences est ce transposer les clichés de conflit générationnel (et surtout les caricatures des deux âges) dans une atmosphère post-apo où sont repris tous les codes de la survie et du cataclysme zombie. L’auteur se concentre pas mal sur le camp des vieux avec leurs contraintes horaires, leurs mots croisés et leurs déambulateurs. On n’oublie pas d’allumer les jeunes qui ne se lavent pas, craignent les légumes comme les vampire l’ail et ne savent pas lire…

Tout ça permet de bon gros délires qui maintiennent les zygomatiques tendus de bout en bout avec quelques fulgurances vraiment poilantes. L’esprit Fluide c’est quand même quelque chose et on ne boude pas son plaisir devant un tel talent comique!

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Opportune

Récit complet en 64 pages, écrit par Isabelle Bauthian et dessiné par Nicoletta Migaldi. Sortie le 02/05/24 chez Drakoo.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La Bête et le Beau

Dans un monde de nuages où la magie mêle science et sentiments, des nefs volantes évoluent entre paisibles cumulus et terribles orages. Au sol, la monarchie a été renversée et ses fidèles, transformés en monstres bestiaux évoluant dans un univers tribal aux mains des plus ambitieux. Opportune, pirate des cieux, traque Épigone, ancien officier dont la transformation en bête n’a fait qu’attiser la soif de vengeance.

Mais Opportune sait que seul le baiser d’une personne l’aimant sincèrement rendra à Épigone son apparence humaine. Tandis que, sur leurs bateaux, l’on complote et l’on se déchire, se noue entre la Bête et sa Belle geôlière une étrange relation…

Isabelle Bauthian n’en est pas à sa première publication chez Drakoo. En début d’année, elle nous avait déjà entraînés dans un monde où les personnages pouvaient se voir transformés en animaux anthropomorphes, sur fond de magie empathique et plus tôt elle avait proposé un surprenant diptyque aux personnages forts.

Elle reprend donc ici ces ingrédients qui lui semblent chers, pour concocter un récit qui, selon toute vraisemblance, reprend la structure du conte de la Belle et la Bête, en inversant les rôles et les attributs.

Il y a quelques temps de ça, nous avions déjà évoqué la structure quasi universelle qui sous-tend ce conte, notamment par la façon dont il dicte aux jeunes femmes la façon dont elles étaient supposées se comporter et sur les critères recherchés dans la sélection d’un partenaire.

Ainsi, Belle, ou en tous cas sa version classique, est une jeune femme réservée et introvertie, loyale à son vieux père, qui va rencontrer un Prince (soit un homme de haut statut affichant une abondance de ressources) dont la nature arrogante a littéralement pris forme sur lui, et dont elle sera le catalyseur de la rédemption grâce au pouvoir transcendant et transformateur de l’amour.

Dans Opportune, l’héroïne est donc tout l’inverse, soit bravache, aventureuse, indomptable et loyale seulement envers elle-même. Révolutionnaire, elle porte en horreur les valeurs patriarcales et dominatrices de la monarchie, ne prospérant que dans le chaos qui a succédé à la Révolution.

Loin de son homologue classique, Épigone semble être un personnage romantique dans le sens littéraire du terme, acquis à une cause perdue et porté par des valeurs désuètes.

Le premier écueil dans lequel s’engouffre l’autrice, est celui de délaisser la dynamique de geôlier-captive, qu’elle n’inverse pas puisqu’à aucun moment la Bête n’est prisonnière de la Belle, tout au plus sont-ils contraints de s’entraider car perdus dans un territoire hostile.

L’autrice préfère utiliser cette nomenclature pas-si inversée pour explorer les thèmes de l’admiration, du désir et de l’amour, et la façon dont ces trois sentiments peuvent se mélanger ou se confondre.

Le second écueil concerne le worldbuilding, surtout au regard de la façon imprécise dont est traitée la magie. L’idée d’une monde de piraterie aérien était également fort alléchant mais hormis une double page expliquant le contexte on sent que le décorum n’intéresse pas tellement les auteurs, à l’image de la dessinatrice qui propose de fort beaux personnages bien enluminés mais abandonne complètement son arrière-plan. Le contexte politique est mieux développé, mais la fin, si elle conclut bien l’intrigue, n’est pas aussi satisfaisante qu’elle aurait pu l’être, car elle ne répond que partiellement au questionnement dramatique et aux enjeux posés au début de l’histoire.

En revanche, il faut reconnaitre à Isabelle Bauthian un talent certain pour l’écriture des dialogues, dont l’éloquence réussit à masquer les faiblesses d’un scénario aux étonnantes ellipses qui semblent vouloir éviter toute action continue. On se retrouve ainsi dans une inégale lecture dont les joutes verbales maintiennent un intérêt que la structure générale ne porte pas. Un rendez-vous manqué plein de promesses peu tenues…

Billet rédigé à 4 mains par Dahaka et Blondin.
***·BD·Nouveau !·Service Presse

Fidji

BD de Jean-Luc Cano, Pierre-Denis Goux et Julia Pinchuk (coul.)
Delcourt (2024), 160p., One-shot.

Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

Vincent traine son mal-être que sa compagne ne parvient pas à éponger. Alors que se profile une installation du couple dans la durée il ne parvient pas à maitriser cette colère qu’il porte en lui. Et voilà que surgit Sam, son ami d’enfance, son frère d’âme et de conneries, qui l’embarque pour un road-trip purificateur, le dernier dit-il. Embarqué sur les routes de France, Vincent se demande si cette immaturité nostalgique dans laquelle le traine son pote n’est pas l’erreur de sa vie, peut-il vraiment tout lâcher?

Fidji est un album sur le passage à l’âge adulte, et marque dans le petit monde de l’édition un étonnant transfert de deux auteurs incubés aux séries Soleil et qui passent sur la branche Delcourt pour un one-shot ambitieux sur un thème plus sérieux, plus « adulte »… Avec une couverture très réussie et un titre fort intriguant, l’album met les petits plats dans les grands en assumant une pagination très généreuse pour des planches qui le sont tout autant dans leur aération et leur découpage. Pierre-Denis Goux garde quelques tics graphiques de son style « Soleil » avec un abus des reflets ainsi que quelques lacunes techniques dans l’anatomie de ses personnages, mais la colorisation élégante de Julia Pinchuk et un encrage qui peut être très intéressant lorsqu’il assume son dessin détaillé rendent la partie visuelle plutôt réussie. Passer de la Fantasy épique à un récit contemporain ne doit pas être simple, reconnaissons-le. L’emballage éditorial et le découpage en chapitres avec pages de gardes achèvent de convaincre sur la qualité esthétique générale du projet.

Il est compliqué de parler de l’intrigue sans déflorer l’idée originale aussi je vais surtout parler de l’atmosphère et de la construction globale de l’album. Je dois reconnaitre que j’ai eu un peu de mal à m’identifier à ce personnage de trentenaire dépressif qui passe une bonne partie de l’album à s’appesantir sur son sort en jetant tous ceux qui veulent l’aider, à commencer par sa charmante compagne. Le scénario nous place intelligemment dans un inconfort qui fait même se demander si nous n’avons pas affaire à deux auteurs masculinistes dans un pamphlet sur la perte de la liberté des mecs… Patience, le tout est habillement ficelé pour nous faire passer par plusieurs étapes à compter de l’arrivée du pote qui incarne la part sombre, le démon intérieur en même temps que le Vincent d’autrefois qu’il ne veut pas voir perdre, sans doute terrifié devant les responsabilités de la vie d’adulte.

Dans un déroulé classique du genre qui passe par diverses conneries en mode « lâcher-prise », les auteurs insèrent des visions graphiques allégoriques qui titillent le sens des cases et la destination d’une relations qui parait de plus en plus toxique. Emmenant Vincent dans des actions de délinquant tout comme il pointe du doigt la responsabilité première du personnage dans ses actes et ses choix, Sam intrigue autant qu’il agace. Avec toujours en mire ce fameux titre, Fidji, ces iles où le pote semble avoir passé quelques années. Car le mystère reste épais sur ce personnage qui semble si proche, qui connait très bien l’entourage de Vincent et nous laisse divaguer sur mille hypothèses…

Album dérangeant, élégant dans sa forme et agréable à lire, Fidji est une bonne surprise qui parvient à compenser les quelques failles graphiques du dessinateur et montre que la mise en danger d’auteurs de BD qui savent sortir de leurs habitudes ne peut qu’être bénéfiques. Quoi qu’on pense des BD industrielles Soleil ce travail est hautement formateur et peut permettre l’émergence de véritables auteurs pour peu qu’ils sachent changer de style et éviter leur propre routine.

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BD·Service Presse·Nouveau !·Documentaire·**

Dans les oubliettes de la République

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BD de Pierre Carles et Malo Kerfriden

Delcourt (2024), 162p., one-shot.

Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

En 1982, dans le cadre de l’invasion du Liban par Israël, un groupe révolutionnaire communiste assassine à Paris un agent du Mossad et un agent de la CIA. Georges Ibrahim Abdallah est arrêté en 1984 et condamné en 1986 après de fortes pressions américaines sur la Justice française. Depuis 40 ans il est le plus ancien détenu d’Europe, considéré par ses défenseurs comme un prisonnier politique dans un contexte de Guerre froide et du conflit Israël/Palestine.

Toujours féru des documentaire de la très riche collection Encrages de Delcourt (qui est mine de rien un des éditeurs les plus réguliers dans le genre) je profite de cet album pour approfondir le sujet George Ibrahim Abdallah, nom qui revient régulièrement dans le militantisme de gauche mais dont je ne savais pas grande chose. Le documentariste Pierre Carles s’associe au très bon dessinateur-militant Malo Kerfriden (qui nous avait proposé le monumental Res Publica sur le premier quinquennat Macron) pour nous expliquer la cause de l’incarcération du révolutionnaire et surtout pourquoi il est toujours en prison avec un record dans les démocraties. Pour résumer la thèse à charge de Carles, Abdallah fut bien membre de l’organisation qui a assassiné les deux espions à Paris mais pour des raisons mêlant manipulation politique, amateurisme journalistique et intérêt diplomatique, la France fit porter le chapeau à Abdallah et ses frères résidant au Liban. Avec un client docile assumant la lutte armée depuis sa prison les gouvernements qui se succèdent depuis plusieurs décennies n’ont pas vraiment de raison de chercher à libérer ce prisonnier et de risquer de voir rouvert le dossier.

L’intérêt de ce volume est principalement son aspect historique, l’enquête elle-même qui voit le documentariste échanger avec des acteurs de premier plan des évènements de l’époque et nous expliquer l’intervention ferme (voir autoritaire) de la diplomatie américaine pour voir le condamné purger une peine à perpétuité ou la faute majeure d’Edwy Plenel, alors au Monde et responsable selon Pierre Carles de la cabale à sens unique des médias et du monde politique contre Georges Ibrahim Abdallah. L’info a du piquant pour celui qui vient de quitter la direction du plus puissant contre-pouvoir journalistique de notre pays et semble déranger aux entournures en constatant que même Mediapart a très peu abordé le cas Abdallah.

Le soucis c’est que pour un documentaire le récit est bien peu sourcé et ne nous explique pas tellement les causes des décisions. Pourquoi les Etats-Unis s’acharneraient-ils ainsi contre un homme qui ne semble pas être autre-chose qu’un symbole? Pourquoi les gouvernements de droite comme de gauche se seraient-ils aussi facilement couché devant le grand-frère américain? Ce qui dérange dans cet album c’est que si l’auteur suggère que le coupable n’est pas coupable, ce dernier a toujours revendiqué l’action violente de son groupe et le fait que cela s’inscrive dans un contexte de guerre ne permet en rien de justifier l’assassinat, fut-ce d’agents du Mossad ou de la CIA. L’auteur est ambigu sur ce point alors que le vrai sujet qui mériterait certainement débat est celui, purement juridique, de la perpétuité réelle et de la non application par la Justice française de ses propres règles de libération malgré de nombreux avis positifs des juges d’application des peines. Ce qui renforce le caractère de prisonnier politique dans un pays qui se veut une grande démocratie.

L’autre grosse énigme est traitée dans la dernière partie lorsque faisant le tour des personnalités journalistiques de la télé comme des médias critiques (type Arrêt sur image) Pierre Carles constate que personne ne souhaite s’intéresser au dossier Abdallah qui par son seul record devrait susciter la curiosité de nombre de poils à gratter du journalisme hexagonal. Et le fin mot de l’histoire est donné par Pierre Haski (fondateur de Rue89) qui explique simplement que personne n’a envie de prendre des coups en n’ayant rien à gagner dans un dossier qui n’intéresse pas la population avec son étiquette terroriste. Ce qu’on appelle une oubliette.

Alors que nous visons de très sombres heures du journalisme avec une « autocensure absolue » (selon les mots de Pierre Haski toujours) par crainte d’être accusé d’antisémitisme, gigantesque point Godwin du moment qui empêche toute réflexion, on retirera de ce fragile documentaire ces interrogations qui dérangent mais restent sans réponses et un peu loin du sujet annoncé.

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****·BD·Nouveau !·Service Presse

Une pour toutes

BD de Dominique Monféry
Rue de sèvres (2024), 120p., One-shot.
Adapté du roman de Jean-Laurent Del Scorro

Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

Julie de Maupin fut une bretteuse hors pair du Grand siècle, une toute aussi brillante débatteuse et elle conquit les opéras de sa voix. Un destin sans pareil qui semble trop flamboyant pour être vrai. Voici pourtant son histoire…

J’ai découvert Dominique Monféry sur le très intéressant Mortel imprévu qui s’inscrivait dans les pas de Jack London en une odyssée féministe sur les codes sociaux et moraux. Fidèles à sa ligne de publier peu mais bien, Rue de sèvres marque un sacré essai avec cette adaptation d’un roman dédié à un personnage bigger than life, une figure de femme puissante qui rappelle d’autres caractères plus récents comme celui croqué il y a peu par Hubert et Virginie Augustin. Que la forme soit romancée et truculente ne retire rien à l’aspect historique rappelé par une post-face qui revient sur les quelques libertés prises par les auteurs avec le personnage.

Que comptez-vous faire? – Tenter le diable évidemment…

Présenté comme un récit de capes et d’épées, ce gros volume qui se dévore avec un plaisir digne des meilleurs Dumas n’est pourtant pas un récit d’aventure à proprement parler. Si le décorum revêt bien des joutes d’épées autant que verbales (de nombreux échanges en alexandrins tout à fait savoureux sont insérés au sein des pages), si la Maupin nous emmène à travers la France, des ruelles de Paris au pont d’Avignon en passant par Versailles lui-même, la très grande originalité de l’album est de coller dans les pattes de notre héroïne rien d’autre que Mephistophelès, le fameux démon du myste de Faust annoncé ici comme rien de moins que le diable. Bien décidé à obtenir l’âme de cette virevoltante figure totalement caractérisée par sa liberté insoumise, le triste sire va la suivre tout le long, comme un compagnon de voyage mauvais joueur dont la belle sait très bien se méfier. Cette brillante idée permet d’alimenter une dynamique qui aurait pu lasser s’il ne s’était agi que de suivre les péripéties d’une aventurière du XVII° siècle.

Pardonnez-moi monsieur, je suis un peu farouche et en fin de combat vous demande si on couche!

Ainsi Julie de Maupin rebondit toujours sur les tentatives de son ombre plus canaille qu’inquiétant et joue avec lui sur le principe d’un être tout puissant et bien démuni face à la force de conviction de cette femme que rien ne semble vouloir arrêter, ni le lieutenant de police, ni le père jaloux décidé à venger l’affront d’un amour homosexuel, ni même le roi qui semble bien ennuyé devant les frasques de cette diablesse. Inarrêtable, la jeune femme fascine de modernité mais sans que l’auteur ne veuille la ramener à sa condition féminine pour en faire une véritable héroïne de roman, un double de D’artagnan. Et le Diable est bien contraint de reconnaitre sa presque admiration pour un être qu’il verrait bien au sein de sa troupe…

Mephisto, je ne sais comment vous procédez en enfer, mais ici on ne règle pas les choses ainsi

Jouant d’une langue tout à fait savoureuse, Dominique Monféry brille par sa mise en scène autant que par sa verve et propose de jolies planches malheureusement un peu écrasées par une colorisation d’ambiance mais qui affadit quelque peu le plaisir visuel. Tout à fait agréable à l’œil, Une pour toutes frôle ainsi de peu le coup de cœur du fait de sa partition graphique un peu en retrait de textes et de personnages pourtant magnifiques.

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****·BD·La trouvaille du vendredi·Rétro·Un auteur...

Requiem, chevalier vampire

BD de Pat Mills et Olivier Ledroit
Nickel – Glénat (2010/2024), 48p./album, 11 tomes parus.

La carrière d’Olivier Ledroit n’a pas été un long fleuve tranquille. Issu du monde du jeu de rôle, il rencontre très tôt François-Marcela Froideval, l’équivalent des années 1990-2000 de Jean-Luc Istin, à la tête de pléthore de séries développant l’univers de dark fantasy qu’il affectionne et partageant avec Ledroit un esprit Dark-metal que l’on retrouve dans Requiem. Ledroit et Froideval deviennent immédiatement célèbres avec les Chroniques de la Lune noire, où la progression graphique du dessinateur est fulgurante et s’arrête au troisième tome (sur vingt en un) bien qu’il continue d’illustrer l’intégralité des superbes couvertures qui ont fait sa renommée. Après le somptueux diptyque lovecraftien Xoco (sa meilleure œuvre jusqu’ici) Ledroit rencontre son scénariste de Requiem sur la très ambitieuse mais royalement bordélique Sha où l’on peut trouver le meilleur comme le pire de l’artiste, avant de tenter une aventure post-apo solo radicale dont les mauvaises ventes scelleront le sort. Sans doute frustrés du manque de soutien de l’éditeur, les deux compères décident de monter leur propre structure pour publier ce qu’ils savent être le plus casse gueule des projets BD depuis longtemps.

Car Requiem, plus longue série de Ledroit depuis le début de sa carrière, est une œuvre certes imparfaite (notamment du fait de textes semblant créés par un adolescent) mais totalement radicale, sans filet et où il met tout ce qui lui fait envie sans jamais de contrainte, au risque parfois d’un grand n’importe-quoi. Il faut songer que si le bonhomme a plutôt réussi sa trilogie solo Wika, l’absence de contrainte et de partenaire créatif peut l’amener au pire narratif comme sur sa série du Troisième oeil en cours de publication chez Glénat. Pour finir cette chronologie, Requiem s’est stoppé au onzième tome et il aura fallu dix ans et une variation beaucoup plus lumineuse (Wika donc) de sa démesure, avec une carte blanche laissée par l’ogre Glénat pour que la série soit rachetée, réeditée avec de nouvelles couvertures, avant la conclusion prévue en deux nouveaux tomes dès ce mois de mai. Il est amusant de voir que Ledroit revient au final à l’éditeur qui l’a lancé puisque les éditions Zenda (créatrices des Chroniques de la Lune noire) ont été reprises par Glénat, et que seul cet éditeur qui ne craint pas des pertes sur une série, pouvait se permettre de reprendre une création aussi radicale.

Car pour venir à la BD elle-même, Requiem repose sur un concept qui justifie toutes les outrances: l’Enfer est un espace-temps spécifique doté de ses dieux, son bestiaire et sa morale. Les perversions y ont toute leur place et le dessinateur peut laisser libre cour à toutes les orgies sexuelles, SM, d’éviscérations gores et autres tortures joyeuses. Cela ne surprendra pas les lecteurs de la première heure mais on peut dire que les Chroniques n’étaient qu’un amuse bouche et que Wika est le pendant graphique côté féérique. Outre la création d’un univers où Ledroit se permet un agglomérat de dark fantasy, de dark SF, d’ésotérisme et de pas mal de mauvais gout, Requiem est une véritable orgie graphique de la première à la dernière page et insère quelques idées sublimes comme cette reprise de Jerome Bosch au tome 7 en basculant les pages, jeu de composition qu’adore l’auteur.

L’intrigue suit Heinrich, un nazi assumé amoureux d’une juive qu’il va trahir et retrouver lors de son passage en Enfer. Mais dans l’écosystème de valeurs inversées, les plus affreux salauds se réincarnent ici en la caste la plus élevée, les Chevaliers vampires, quand les victimes se retrouvent en âmes errantes, condamnées à éliminer leurs premiers bourreaux afin d’échapper à ce monde dantesque. On retrouve ainsi du Roméo et Juliette avec un traitement cynique qui pourra en déranger certains à hauteur des outrances visuelles dont raffole le dessinateur. Ainsi, sans jamais justifier les horreurs nazies les auteurs tentent de rester cohérents avec leur univers en laissant leurs personnages se gorger d’abominations où les monstres gagnent souvent (de Torquemada aux nazi donc). Tentant de construire un monde inversé cohérent, le sadisme, l’antisémitisme, le masculinisme, l’antiféminisme qui peuvent transparaître dans le monde de Résurrection sont logiques et c’est ce qui est fascinant dans cette saga qui reste constamment sur le fil du mauvais gout, de l’immoralité créative, perturbante, sans jamais faire l’erreur de se vautrer dans l’abjection des personnages. Il y a un courage certain à ne pas redouter de rendre puissantes des ordures et faibles les victimes. La progression narrative laisse poindre si ce n’est un happy-end moral du moins un rééquilibrage vers plus de justice, et pourquoi pas in fine un triomphe de l’amour…

En suivant une intrigue simple et peu de personnages au sein d’un maelstrom de décorum pléthorique, on frise souvent l’overdose, chaque album semblant apporter son nouveau clan, son nouveau personnage (un peu comme dans les Chroniques…) mais la finesse de la trame (pendant que Requiem court après Rebecca, c’est la guerre sur Résurrection) permet au final de ne pas se perdre. Car la structure de la BD reste un caprice alternant les combats et batailles plus vite que l’on tourne les pages.

Ce trop plein pourrait lasser les plus fervent amoureux du travail de Ledroit si la série ne débordait de trouvailles visuelles, thématiques et parfois même de réflexion, qui feront passer les grosses lourdeurs très dispensables comme cette offensive de musiciens Metal totalement WTF, gratuite… et surtout inutile.

Cette chronique doit se terminer mais j’espère vous avoir convaincu de vous lancer dans l’aventure avec le luxe de pouvoir vous enfiler quasiment la totalité de la série maintenant que la conclusion est toute proche. L’expérience est unique!

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