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Banana sioule #2/3

BD de Michaël Sanlaville
Glénat (2023), 208p., série en cours, 2/3 tomes parus.

Les bonnes impressions ressenties à la lecture du premier tome l’an dernier se confirment amplement sur cette suite qui ne perd pas de temps en palabres puisque la série est prévue en seulement trois tomes. Généreux, Michael Sanlaville propose ici un gros changement de modalité sans se prendre les pieds dans le tapis puisque tout le volume est centré sur la formation d’Helena et sa découverte d’autres très talentueux compétiteurs, dont cet étonnant Soni, gringalet aussi rapide qu’intelligent et qui lui dame le pion comme star de l’Ecole.

Entrant de plein pied dans la force Shonen qu’il voulait régaler, l’auteur n’oublie pas d’équilibrer son récit par de courtes incursions de la bande à Helena et les affres d’un amour impossible, quand il ne rappelle pas périodiquement le décidément très mystérieux paternel. Adoptant tous les codes du récit sportif mais en vernis BiggerthanLife, Sanlaville se fait plaisir et nous fait plaisir en parvenant à nous surprendre avec ce sport totalement barré où les super-pouvoirs ne sont jamais loin. Le rôle de l’émotion est joué par les copains de l’héroïne qui cartonnent en tronches de cartoon. La maîtrise des subtilités des niveaux de gris et des ombres est remarquable en donnant par moment une sacrée esthétique avec deux coups de crayons suggérés.

Pour ceux qui connaissent le travail de l’auteur lyonnais la technique de l’animation se reconnait à chaque instant avec ce sens du mouvement que génère une touffe de cheveu, une onde de choc ou un cadrage. Avec une économie de moyens, le dessinateur nous en met plein la vue dans ce blockbuster dont on attend la suite avec impatience. Un nouvel exemple que « manga » ou « BD » importent peu, les auteurs talentueux savent depuis longtemps briser les lignes et prendre ce qu’il y a de meilleur dans tous les genres pour proposer des albums populaires et redoutablement efficaces.

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13 heures 17 dans la vie de Jonathan Lassiter

Récit complet en 104 pages écrit et dessiné par Eric Stalner. Parution aux éditions Grand Angle le 31 mai 2023.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

La Loi de Meurs, Phi.

Jonathan Lassiter est un jeune homme introverti, sage, et pour tout dire, un peu ennuyeux. Il tente tant bien que mal de se faire une place dans le cabinet d’assurance où il vient d’être embauché, afin d’offrir à sa belle Helen la sécurité matérielle qu’elle exige.

Pour cela, Jonathan est prêt à supporter les clients insupportables, un patron tyrannique ainsi que les incessantes brimades de ses collègues. Seulement voilà: le chaos surgit toujours de façon imprévisible, malgré les efforts que l’on peut faire pour l’endiguer.

En l’espace d’un heure, Jonathan va perdre son job, être plaqué par sa fiancée, et se retrouver avec une plainte pour coups et blessures sur le dos après avoir rendu la monnaie de sa pièce à son insupportable collègue de bureau. Ces pertes successives ne vont pas s’arrêter là, car lorsque notre pauvre hère prend le chemin du bar le plus proche pour noyer son chagrin, il s’aperçoit bien vite, au moment de régler la note, qu’un pickpocket l’a dépouillé de son portefeuille.

Le jeune homme récemment célibataire va être sorti de la panade par Edward, un quincagénaire cynique et nihiliste, qui tient le comptoir en débitant ses diatribes sur l’insanité de la vie. Edward paie la note de Jonathan, mais il a un service à lui demander en retour: le raccompagner chez lui dans sa cadillac rouge. Se sentant redevable, Jonathan accepte, sans savoir que les prochaines 13 heures et 17 minutes vont représenter un pivot décisif dans son existence…

Nous avions déjà croisé Eric Stalner sur Le Bossu de Montfaucon, où il officiait en tant que dessinateur. Il règne ici en tant qu’artiste complet, et nous embarque, en même temps que son ingénu protagoniste, dans une folle équipée centrée sur les rencontres improbables.

L’histoire est menée par un duo atypique de héros, qui sont bien évidemment opposés en tous points. Cette dynamique de buddy cop movie se marie bien avec l’aspect road trip, puisque chaque étape de ce voyage initiatique sera l’occasion pour nos deux compères de tisser des liens et de mettre en lumière leurs oppositions et leurs point communs inattendus.

L’auteur semble s’amuser réellement avec l’ambiance sixties américaine, notamment en jouant avec une bichromie subtile et un trait semi-réaliste. Le récit s’enchaîne d’une traite et nous tient en haleine jusqu’à sa résolution, les enjeux étant finalement aussi élevés pour Jonathan qu’ils ne le sont pour Edward.

Ces 13 heures 17 minutes dans la vie de Jonathan Lassiter sont une bonne surprise, dans laquelle Eric Stalner peut montrer l’étendue de son expérience et de sa maîtrise de la narration visuelle.

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Arsène Lupin contre Sherlock Holmes 2/2

Second volume du diptyque écrit par Jérôme Félix et dessiné par Alain Janolle. Parution chez Grand Angle le 31 mai 2023.

Ça va te coûter Sherlock

Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, et Sherlock Holmes, le plus grand détective du monde, se livrent depuis des années une guerre sans merci. Leur rivalité a culminé lors d’une nuit décisive durant laquelle Holmes, déterminé à appréhender le seul homme capable de le surpasser, tua par accident Raymonde, l’épouse de Lupin.

Quelques années plus tard, alors que le détective de Baker Street s’est retiré du monde, Lupin met de côté ses cambriolages pour percer le secret d’un vieil alchimiste, qui avant de mourir, aurait découvert le secret de la transmutation du plomb en or. L’as du déguisement se fait alors passer pour un Holmes sous couverture pour mener son enquête auprès des deux filles de l’alchimiste, sans ignorer toutefois que ce secret va attirer bien des convoitises, sans compter sur la revanche de Holmes lui-même.

Après quelques aléas de caractérisation dans le premier volume, les deux légendes sont de retour dans la conclusion du duel. Cette fois moins de fausses notes, l’auteur se concentrant sur la rivalité entre les deux adversaires et sur leurs motivations. La conclusion de l’enquête s’avère assez satisfaisante, de même que la fin de l’affrontement entre Holmes et Lupin, qui contient son lot d’émotion et une belle leçon sur le prix de la rancune.

Dans la continuité du précédent volume, et pris dans son ensemble le diptyque affiche une bonne qualité et se lit agréablement, ce qui va en faveur d’un 3 Calvin.

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Celle qui fit le bonheur des insectes

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BD de Zidrou et Paul Salomone
Daniel Maghen (2022), 81p. One shot.

Il était une fois dans un luxuriant royaume indien, une reine à qui tout devait sourire et qui se trouva submergée de malheur. Au lieu du chant de vie des oiseaux elle préféra bientôt le cliquetis lugubre des insectes. Son deuil devint national, jusqu’à en oublier ceux qui restent…

Dans le magnifique et très spacieux écrin des éditions Maghen, le prolifique Zidrou propose au dessinateur de L’homme qui n’aimait pas les armes à feu un conte classique et cruel sur le deuil qui rend fou et l’autoritarisme des puissants. A travers l’histoire de cette reine qui vient de perdre son mari et reporte toute son affection sur ses deux enfants il interroge le drame personnel qui prend une dimension nationale lorsque le chagrin la fait sombrer dans la folie, jusqu’à ordonner la suppression de tous les oiseaux du pays.

Alternant le drame et l’absurde en restant toujours dans l’esprit du conte pour jeunes, le scénariste de Lydie laisse son lecteur interpréter comme il l’entend cette histoire qui semble sortie des mille et une nuits mais offre surtout à son acolyte une superbe occasion de montrer la brillance de ses couleurs. En plans larges, sur des encrages subtiles, Paul Salomone fait éclater les couleurs des plumages, l’orfèvrerie des palais indiens et chatoyer les étoffes d’orient. La lecture de Celle qui fit le bonheur des insectes est un émerveillement constant qui sait lâcher quelques touches d’espoir pour une conclusion qui se veut malgré tout dédiée à l’amour.

Comme tout conte, l’album refermé peut interroger sur la portée du propos et du scénario (simple par essence). Pourtant les auteurs offrent aux amateurs de belles images une plongée en orient qui coche toutes les cases du genre. Les amateurs seront ravis, les autres passeront néanmoins un agréable moment graphique.

A noter qu’une édition NB a été éditée, mais qui laisse dubitatif sur l’intérêt dans un tel projet…

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PUNCH! saison#2: Coriandre et Estragon

BD  de Anaïs Maamar
Kinaye (2023), 40p., one-shot. Collection Punch!, saison 2.

image-13Merci aux éditions Kinaye pour leur confiance

Coriandre lapin et Estragon le dragon tiennent une taverne où passent tous les aventuriers en quête de donjons et de trésors. Mais un jour une vieille connaissance vient menacer l’ancien paladin et met en péril le cadre de vie qu’il a installé pour lui et le jeune dragon qu’il a adopté jadis…

Alors que se profile en juin le quatrième et dernier épisode de cette seconde saison de l’anthologie fantastique PUNCH!, les éditions Kinaye dénichent une nouvelle pépite en la personne d’Anaïs Maamar, jeune autrice venue du cinéma d’animation et dont c’est la première publication. Et pour une première on peut dire sans hésiter que techniquement ça dépoté! Sous la schéma d’une historiette de fantasy autour de l’adoption et de la différence (un ex-paladin-lapin adopte un bébé dragon qui ne sais pas dans quelles conditions il est venu au monde), l’autrice assume un format compact concentrant pratiquement son récit en unité de temps et d’action, simplement aéré par un récit du passé du lapin. Cela permet de ne pas se disperser et de développer l’univers visuel avec cette très chouette maison qui semble conçue comme dans un jeu vidéo (point commun avec plusieurs artistes de la collection Punch!) et un chara-design où Anaïs Maamar se fait plaisir. Dans le même esprit graphique que le précédent épisode de Valentin Seiche, Coriandre et Estragon est autrement plus lisible et jouit d’une colorisation simple mais terriblement efficace.

Il est toujours aussi agréable de découvrir de jeunes talents pour lesquels Kinaye apparaît désormais comme une pépinière reconnue et mérite toute l’attention des amoureux du dessin. Avec une coloration plus fantasy et plus classique que la précédente saison, Punch! propose toujours des plaisir de lecture simple avec l’envie de suivre ces auteurs dans leurs prochains projets. Et il est certain qu’Anaïs Maamar fait partie des talents qui risquent d’exploser dans les prochaines années.

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Rescapé.e.s, carnet de sauvetages en méditerranée

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Album de Lucas Vallerie et Michael Bunel

La Boite à bulles (2023), 160p., one-shot. Comprend une préface et une post-face de MSF, ainsi que les courtes biographies des auteurs.

Merci aux éditions La Boite à Bulle pour leur confiance.


Depuis le tristement célèbre naufrage de Lampedusa en 2013, la société civile s’est substituée aux Etats réticents à assumer leur rôle légal de sauvetage en mer par crainte d’alimenter les tensions xénophobes concernant une « submersion migratoire ». Medecins sans Frontières fait partie de ces grandes ONG qui arment des navires. Convaincue que la communication est une arme redoutable pour contraindre les gouvernements, si ce n’est à les aider, du moins à les laisser réaliser leur mission, MSF a proposé à l’éditeur La boite à bulle d’embarquer deux artistes-témoins pour raconter une mission de l’été 2022.

Une des conséquences des hypermédias est de nous habituer aux drames, à la banalité de la perte de vies humaines. L’immense mérite de ce carnet de sauvetage est de nous mettre face à face avec ces sauveteurs, ces migrants, ces êtres humains, dans une urgence qui obère toute velléité de réflexion sur les « appels d’air », sur l' »irresponsabilité », sur l’entretien d’une vague migratoire que certains dénoncent. Jamais il n’est question ici de politique mais simplement d’humanité, de ces valeurs universelles qui proclament dans le Droit de la mer l’obligation de secourir les personnes en danger prioritairement à toute autre mission.

Nous suivons ainsi la mission du Geo Barents au travers des yeux du photographe Michael Bunel et du dessinateur Lucas Vallerie, au travers d’un code couleur qui nous permet de suivre les textes que ce dernier a publié au cours des deux semaines de navigation sur son compte Instagram. Reprenant ainsi le très réussi jonglage des frères Lepage entre photographie et dessin sur leur expédition en Antarctique, cet album utilise la force de chaque média pour décrire de façon expressive (sur le dessin) et en prise sur le vif.

Truffé d’informations documentaires sur le fonctionnement des sauvetages, sur l’intérieur du navire autant que de rencontres avec les membres de la mission, Rescapé.e.s surprend par l’émotion qui nous submerge alors que survient la première embarcation à la dérive. Car contrairement à un froid papier de presse on saisit le ressenti des auteurs dans une vérité crue, celle de gens perdus sur l’immensité, pour qui l’arrivé du Géo Barents est la fin d’un cauchemar. Ils savent que la suite, après débarquement, ne sera pas une partie de plaisir mais ces difficultés paraissent dérisoires face à la peur permanente depuis qu’ils ont quitté leur maison dans les mains des passeurs. Sans s’appesantir sur le contexte politique qui verra les néo-fascistes revenir au pouvoir en septembre 2022, on sent à la fois l’existence d’un droit que les autorités sont contraintes d’appliquer, et le système sécuritaire européen se mettre en place dès les migrants débarqués à port.

Constamment pressé par le temps, le dessinateur alterne croquis rapides et dessins plus travaillés lorsqu’il a quelques heures devant lui. Témoignage directe d’une réalité que la plupart ne veulent pas voir, cet immense cimetière invisible qu’est la méditerranée, documentaire passionnant sur l’organisation et le professionnalisme impressionnants de ces humanitaires dévoués à une évidence, Rescapé.e.s est un album précieux et susceptible de sortir nos populations de leur torpeur et des infâmes concurrences répressives des politiques de droite.

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Kleos

BD Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse.
Grand Angle (2023), 132p.

image-5Merci aux éditions Grand Angle pour cette découverte.

En plein Age classique grec, un jeune pécheur rêve de gloire comme tous les gens de son âge, écoutant à longueur de journée les récits homériques des aèdes. Lorsque des pirates pillent son île, il décide de partir sur la mer pour rassembler des forces capables de mettre un terme aux exactions et forger sa légende. Mais entre les épopées d’Ulysse et d’Achille et la rudesse du monde des hommes il y a un monde…

Aussitôt paru cet album a fait parler de lui pour des raisons toutes autres qu’artistiques. Dans ce qui ressemble fort à un gros couac éditorial, les éditions Grand Angle ont opté pour une parution en deux albums (dont le premier est sorti en janvier dernier et auréolé de très bons échos) avant de faire machine arrière et de publier cette intégrale au lieu du second volume attendu. Un certain nombre de lecteurs s’en sont émus, craignant de devoir racheter le premier tome pour pouvoir lire la fin. Comme les éditions Delcourt l’avaient fait il y a quelques temps pour la publication tardive de l’intégrale de l’Histoire de Siloë, l’éditeur a pourtant proposé un remboursement du premier tome à l’achat de l’intégrale. Pas de malhonnêteté donc pour le coup mais une fort mauvaise pub dans une décision assez incompréhensible malgré le texte d’explication du scénariste qui ressemble plus à une rustine qu’à une vraie stratégie. Passons.

Le scénariste Mark Eacersall a fait une entrée en matière remarquée dans le neuvième art en utilisant sa grande technique narrative acquise dans l’audiovisuel pour proposer deux excellents policiers (Gost111 et Cristal 417) et le primé Tananarive. Comme souvent il s’associe à un co-scénariste, pour l’occasion un spécialiste de la Grèce antique, pour proposer un étonnant récit d’apprentissage dont les dessins doux d’Amélie Causse pour son second album ne cachent pas la rudesse de l’itinéraire. Car si ce n’est pas une descente aux enfers qui nous est narrée, c’est tout de même un sacré mur de la réalité contre lequel s’écrase le jeune Philoklès. Apparaissant très sur de lui, jusqu’à tenir tête à des nobles de sa communauté, son odyssée (pour laquelle les auteurs s’amusent à tisser des références plus ou moins évidentes avec les récits d’Homère) va le ramener au quotidien violent et très

terre à terre des grecs du cinquième siècle avant JC. Blessé, mis en esclavage, il va devoir tester ses talents de conteurs pour atteindre le statut qu’il visait. Mais son destin sera cruel, comme les mythes de l’Olympe.

Au travers de ce personnage plus passif que sympathique, les auteurs cherchent à déconstruire les mythes, ceux d’un Age d’or où les humains étaient finalement logés à la même enseigne que leurs homologues des siècles précédents et suivants: cultiver la terre, éviter les bandits, se fondre dans un ordre social immuable. Bien peu glamour pour celui qui a la tête dans les récits épiques. En suivant un fil que l’on n’attend pas, Eacersall et ses comparses parviennent à entourer cette froide réalité par un pont entre les mondes: celui des légendes narrées par les aèdes et qui propulsent un pécheur sur les flots, celui des rois pirates qui ne pourront échapper à leur destin mortel que par le récit de leurs exploits. Une fiction sur le pouvoir du récit dans un univers terrestre qui fait peu rêver. Une jolie mise en abyme pour une BD élégante et intelligemment bâtie.

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BD·Service Presse·Rétro·Rapidos·La trouvaille du vendredi·Un auteur...·***

Dead Charlie

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BD de Thierry Labrosse
Auto édition (2027), 48p. One shot.

badge numeriqueLe Québécois Thierry Labrosse est un dessinateur trop rare! Apparu à l’orée des années 2000, en pleine gloire des éditions Soleil, la série Moréa qu’il a dessiné cinq tomes proposait une SF d’une technicité et d’une élégance rare pour un artiste autodidacte. Après ce partenariat avec Arleston il a tenté l’aventure solo chez Glénat où il a publié l’intéressant Ab Irato avant de continuer son émancipation des carcans de l’édition en auto-éditant pour les salons les trois tomes de sa série d’humour absurde Dead Charlie.

Thierry Labrosse, Dead Charlie - Péché Mignon - Œuvre originaleInspiré d’une tradition toute américaine dont le coquinou Frank Cho fut le parangon avec son Liberty Meadows, Labrosse met ainsi en scène un crane complètement barré (le fameux Charlie) qui cumule les catastrophes dans sa recherche d’amusement et de jolies filles, sous les regards mi-désabusés mi courroucés de sa femme, la sublime Baronne. Vous l’aurez compris, on nage bien en absurdie totale dans ces quelques pages NB qui font honneur au dessin et aux formes féminines dans des séquences en pleine page qui n’ont ni queue ni tête. L’auteur propose néanmoins dans ce troisième volume une simili histoire de confrontation spatiale « so-pulp » pour récupérer le chéri prisonnier d’amazones de Venus bien entendu d’une sexualité dévorante et extrêmement sexy.

Disponible en stock très limité, espérons que l’auteur propose prochainement des versions PDF pour permettre au plus grand nombre de profiter de son talent, en attendant, peut-être un nouveau projet BD un de ces quatre.

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Au-delà des montagnes / Le calcul du papillon

La BD!
BD collectif
Delcourt (2023), 80p. environ, one shots, Collection « Les futurs de Liu Cixin » #11 et #12

bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur fidélité.

Pour une collection express on peut dire que « Les futurs de Liu Cixin » aura fait dans le rapide, avec pas moins de quinze albums d’artistes du monde entier pour illustres des nouvelles d’un des auteurs majeurs de la littérature SF mondiale. Pas franchement complétiste et plus attaché à des auteurs pour voir ce qu’ils peuvent apporter à des idées SF parfois excellentes, parfois très banales, je termine mes lectures de cette collection par ces deux albums réalisés par deux auteurs espagnols et un américain… qui malheureusement ne figureront pas parmi les meilleures adaptations du chinois.

  • Au-delà des montagnes

Les futurs de Liu Cixin - Au-delà des montagnes de Eduard Torrents, Ruben  Pellejero - BDfugue.comL’intrigue commence comme beaucoup d’apocalypses en science-fiction et chez Liu Cixin, par l’arrivée d’un astre extra-terrestre dont la gravitation provoque l’aspiration d’une colonne d’eau plus haute que l’Everest, que va entreprendre de « grimper » un géologue-alpiniste traumatisé par l’accident qui a coûté la vie à sa cordée. Mais c’est bien au-delà du pitch classique que l’intérêt de l’album se trouve puisque une fois arrivé en haut, le personnage principal va se voir relater la fantastique odyssée d’une civilisation d’androides auto-créés dans un univers minéral fermé. Commence alors un très intéressant récit d’une hypothèse de l’Evolution dans un paradigme totalement différent du notre et qui permet une réflexion profonde sur le type de Développement exotique qui pourrait avoir lieu ailleurs dans l’univers. Tout à son approche scientiste, Liu Cixin imagine ainsi que des charges électriques pourraient allumer des entités minérales semblables à nos amibes primitives, que le Plein peut développer une certaine forme de raisonnement à l’opposé d’un environnement libre ou nous rappelle que la science progresse en réaction à son environnement physique et non sur de seules hypothèses. Tout cela est parfaitement attrayant même si la très grande linéarité de l’album (qui consiste ainsi pour l’essentiel en un récit directe) et l’inadaptation du trait de Ruben Pellejo à ce type d’univers laissent la coquille de l’album assez pauvre. C’est dommage mais montre que la cohérence entre trait et histoire restent centrales en BD.

  • Le calcul du papillon:

Les Futurs de Liu Cixin (tome 12) - (Dan Panosian) - Science-fiction  [LIBRAIRIE BDNET NATION, une librairie du réseau Canal BD]J’avais bien accroché au trait de l’américain Dan Panosian sur Slots et voulais voir ce qu’il aurait pu proposer sur cette adaptation qui fait référence à la théorie du chaos. Malheureusement son album nous laisse face à une intrigue sans orientation ni fin, avec un dialogue conclusif qui semble avoir laissé pas mal de monde sur le carreau. Assez nihiliste, l’intrigue suit un scientifique yougoslave qui poursuit des points mobiles sur le Globe, dont l’activation (selon sa théorie) devrait provoquer un brouillard empêchant toute poursuite de la guerre de l’ancienne République de Tito. L’idée est classique et le contexte aurait dû être original, sans que cette dernière guerre de la Guerre Froide n’apporte grand chose à l’idée SF. Pire, on ne comprend pas le lien entre cet aspect géopolitique de fond et ce quichotisme d’un personnage que l’on n’a pas eu le temps de comprendre. On lis donc cet album passivement, en attendant une évolution pour ne voir que drame et progression sans fin. On reste donc sur le carreau, pas vraiment dans la SF, pas vraiment dans la politique historique ni le drame, avec trop peu de clés pour pénétrer le projet de Panosian. L’inverse de ce que proposait l’excellent Ere des anges.

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***·BD·Nouveau !

Shibumi

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BD de Pat Perna et Jean-Baptiste Hostache..
Les Arènes (2022), 224 p. One shot.

Pays-Basque, années soixante-dix. Une jeune femme pourchassée par les assassins de la Mother Company vient chercher l’aide de Nicholaï Hel, assassin imparable et maître de Go. En passant sa porte elle ramène à celui qui avait réussi à se faire oublier toute l’âme noire de l’Amérique de l’après-guerre. Un conflit stratégique, moral et personnel…

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH999/shib3-63d68.jpg?1664017880Adepte des récits historiques sur les personnages sombres Pat Perna ne choisit pas la facilité en adaptant l’inclassable roman Shibumi qui raconte autant l’action malfaisante et immorale des Etats-Unis de la Guerre Froide que l’itinéraire spirituel d’un assassin mystique. Adaptant visiblement avec fidélité l’ouvrage, le scénariste prend le risque de ne pas compenser le refus de l’action qui semble émaner de la source.

S’ouvrant comme une tonitruante histoire d’espionnage dystopique avec une scène introductive de massacre à l’aéroport de Rome, Shibumi nous présente immédiatement le contexte et l’adversaire: une tentaculaire World company avant l’heure qui synthétise tout le conspirationnisme issu des actions de la CIA pendant la Guerre Froide et l’essence capitaliste de la nation dont les intérêts économiques priment sur tout autre. Organisme tout puissant, la Mother company va jusqu’à contrer l’alliance idéologique historique des Etats-Unis avec Israël en acceptant d’éliminer le commando Kidon chargé par l’Etat juif de venger les victimes de Munich, afin de conserver les conditions pétrolières favorable de la part des Etats arabes. Sous le trait hyper-dynamique de Jean-Baptiste Hostache (que je découvre dans un style qui rappelle furieusement le Blain de Quai d’Orsay), l’album est découpé en trois parties à l’intérêt inégal mais aux planches toujours cinématographiques et élégantes.

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH990/shib5-0dd23.jpg?1664017879La frustration vient d’une volonté d’intime qui coupe l’action et l’épique chaque fois qu’ils doivent survenir, proposant ainsi un surprenant ton à l’humour très efficace dans un habillage de James Bond. Beaucoup d’attendus seront alors déçus une fois le premier chapitre passé: la critique des barbouseries américaines ou la terrible vengeance du héros invincible laisseront ainsi la place à une séance de spéléologie ou à une soirée décalée dans le château de Hel. Déstabilisant mais pas ennuyeux pour autant, Shibumi se veut comme son personnage: iconoclaste, zen et décalé.

Très bien écrit et porté par des dessins qui font beaucoup au plaisir de lecture et donnent furieusement envie de découvrir les travaux précédents de Hostache, l’album ne donnera en revanche pas forcément envie de lire le roman dont il est issu malgré le très visible « adapté de… » en couverture, hormis pour les curieux. Des difficultés des adaptations qui posent toujours la question du degré de fidélité nécessaire. Shibumi au format BD reste cependant un intéressante surprise qui vous sortira des sentiers battus.

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