**·BD·Nouveau !·Service Presse

L’espion d’Orient

BD Danièle Masse et Alexis Vitrebert
Delcourt (2024), 149p.,  one-shot.

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Johann Ludwig Burckhardt, s’il ne laissa pas son nom dans l’Histoire, fut un des premiers orientalistes, adoptant les coutumes des locaux, apprenant leur langue et celui qui découvrira la cité de Petra et le premier occidental à effectuer le Haj vers la Mecq. Voici les chroniques de ses voyages…

Alexis Vitrebert est apparu dans le champ de la BD il y a cinq ans sur le très remarqué Château de mon père et confirme sa maitrise narrative et illustrative sur ce gros volume qui retranscrit le journal de l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt. Pour sa seconde BD (après un docu sur Gisèle Halimi) la chercheuse Danièle Masse oublie en revanche de nous raconter une histoire en restant trop près de ses sources. L’album prend ainsi la forme assez plate d’une succession de plans, de séquences d’attente répétitives. La réalité des récits de Burckhardt ne doit pas faire oublier qu’une histoire se doit de comporter des personnages, une tension dramatique, des surprises… choses absentes de cette sorte de journal illustré qu’est L’espion d’Orient.

L’album commence pourtant plutôt bien avec ces superbes dessins croquant le jeune suisse errant dans une Londres pluvieuse à la recherche d’un emploi sur recommandation. Finalement embauché par l’African association qui finance des explorations en lien avec le ministère des Affaires Etrangères, il débarque à Malte puis en Jordanie où il se crée le personnage de Cheikh Ibrahim qui lui permettra de passer inaperçu dans ses itinérances moyen-orientales, cette poudrière incontrôlée où brigands, tribus bédouines et chefs de guerre rendent les chemins si aventureux en pleine concurrence avec l’empire napoléonien. Prenant le temps d’apprendre la culture et la langue arabe, Burckhardt navigue entre transmission des notes qui intéresseront vivement les Renseignements britanniques, longues attentes d’un financement ou d’une caravane et rencontre avec puissants diplomates ou chefs locaux.

Le scenario part donc très bien jusqu’à son arrivée au Moyen-Orient où le rythme se trouve brisé par une alternance de scènes sans grands repères temporels, redondantes, qui finissent par ennuyer la lecture. Est-ce une volonté narrative de reproduire l’ennui de l’aventurier ou simplement la confusion entre une histoire à raconter et un Journal à illustrer? Toujours est-il qu’on arrive vite frustré à la lecture de ce long album sans grand souffle, malgré l’aspect Bigger than life du personnage. Hormis quelques interactions fugaces avec des Figures historiques que seuls les plus érudits reconnaîtront, on a tout le long le sentiment que l’universitaire déroule son descriptif historique un peu pros proche de ses notes en oubliant de faire vivre ses personnages. En tant que documentaire l’album pourra trouver un certain public. Les lecteurs classiques se contenteront eux d’admirer les très belles planches…

note-calvin1
note-calvin1
*****·Edition·Graphismes·Guide de lecture·Nouveau !·Un auteur...

Le château des étoiles – L’univers en 1875

Art-book de Alex Alice.
Rue de sèvres – Caurette (2023), 224p.

L’ouvrage édité par les éditions Rue de sèvres (éditeur de la série de BD Le Château des étoiles) parait en librairie, en même temps que « Prototypes« , un livre de making of de la série (comprenant 224p.) disponible sur commande chez le distributeur du célèbre éditeur de beaux-livres Caurette. Votre serviteur a participé à un financement participatif sur Kickstarter, proposant les deux volumes en fourreau accompagné des traditionnels bonus liés à ce type de financement. Le billet qui suit va détailler l’incommensurable bonheur de l’ensemble de ce travail, des illustrations jusqu’à la fabrication d’orfèvre.

Alex Alice, autodidacte, surgit dans le monde de la BD en 1997 en compagnie d’un certain Xavier Dorison (depuis auteur d’Undertaker, Le Chateau des animaux ou encore Long John Silver…) sur la tétralogie du Troisième testament, donnant naissance au genre de la BD historique-ésotérique. Il enchainera seul sur la magnifique trilogie Siegfried, dont les éditions collector constituent encore un modèle de making of et montrent que l’auteur aime déjà développer un univers global avec un esprit artisanal perfectionniste. Lorsqu’il lance en 2014 le Chateau des Etoiles, c’est le début d’un inattendu et incroyable succès qui réussit le pari de transposer pour le grand public l’univers steampunk de la SF vernienne dans une série au long court publiée simultanément en épisodes de Gazettes, en albums reliés classiques, albums grand-format et multiples éditions spéciales. L’univers élargissant la BD et développé dans les gazettes par le scénariste Alex Nicolavitch est repris ici dans un écrin somptueux à la fois de par les illustrations originales de Alice et par une édition rarement vue sur une sortie librairie.

Il y a donc deux projets très différents dans ce fourreau et disons le tout net, Prototypes est le plus intéressant en nous plongeant dans la véritable création de l’auteur. On ne pourra pas vraiment parler de making-of car il n’y a pas de démarche d’explication pas-à-pas et les texte explicatifs sont volontairement de taille modeste pour laisser la place à de très nombreux croquis préparatoires. Je dirais donc plutôt qu’il s’agit d’un carnet, à l’image des cahiers bonus que l’on voit parfois en fin d’albums, mais ici en très grand format. La lecture est passionnante et démontre s’il le fallait la profondeur des études sur les engins, équipements et lieux afin d’être le plus crédible possible dans le développement d’un monde par définition désuet (on parle de conquête spatiale au XIX° siècle!) et dont le réalisme technique (à l’image des écrits de Jules Verne) doit permettre d’immerger néanmoins le lecteur. Si la lecture de ce volume reste frustrante tant on aimerait en savoir plus sur la genèse et les étapes de la création, on reste fasciné par la puissance du travail scénaristique qui sait puiser dans des influences majeures pour les réinventer sans fausse modestie et en y apportant la touche nécessaire à créer la nouveauté. Ainsi on confirme l’influence des Mystérieuses cités d’or dans la création des personnages, on imagine le vaisseau d’Albator dans les Ethernefs de la série et des dizaines d’autres influences littéraires. Alex Alice réalise avec le Chateau des Etoiles un syncrétisme entre la littérature fantastique du XIX° siècle et l’animation japonaise. Et c’est brillant!

Sur le plan du dessin, on remarquera les très nombreux essais-couleur qui permettent à l’auteur de préparer la couleur directe qu’il placera sur ses crayonnés et qui ne donnent pas droit à l’erreur. Technique plus rapide (et économique) que le traditionnel encrage (sur lequel Alice est pourtant très fort cf. Siegfried) mais qui demande donc plus d’anticipation. Également un nombre conséquent de maquettes et objets créés à sa demande par des professionnels et qui outre l’exploitation en expositions, l’aidera (comme un modèle 3D) à structurer le réalisme technique de son monde. Soyons honnête, une telle richesse mériterait plusieurs volumes de cette qualité et il serait difficile d’en demander plus pour ce prix (… même si la redondance des essais-couleur aurait permis de varier un peu plus les visuels).

L’autre volume, que vous trouverez en librairie édité par l’éditeur de la BD, est très différent en ce qu’il condense le travail rédactionnel d’Alex Nikolavitch sur la gazette. Si vous suivez le blog vous savez combien cette publication très grand format journal est pour moi ce qui se fait de plus riche dans l’édition BD franco-belge depuis très longtemps. L‘univers en 1875 est donc bien un reportage fictif sur les évènements

autour de la BD et la fameuse exposition interplanétaire de Paris, dernier évènement marquant de la série. L’immersion est magnifique mais, complémentaire de Prototypes, ce livre vaudra surtout pour la mise en valeur somptueuse et quasi-exhaustive des créations d’Alice autour de la série. Les gazettes ont en effet donné lieu à de superbes affiches originales (19 feuilletons à ce jour + 3 nouvelles sorties depuis janvier 2023 dédiés à la série spin-off Les chimères de Venus) que l’on retrouve en intégralité dans l’ouvrage. Avec la liste de l’ensemble des parutions, expositions et globalement tout ce qui a été créé dans cet univers, on peut affirmer que L’univers est un must-have surtout si vous n’avez pas suivi les gazettes, qu’il remplacera avantageusement. D’autant que la finesse de chaque page de titre, éléments graphiques, jaquette légèrement gaufrée et jusqu’au fourreau magnifique font de ces travaux éditoriaux de petits bijoux réalisés avec amour.

Pour finir, quelques mots sur l’exposition qui se termine le 4 novembre à la galerie Maghen à Paris et que j’ai eu la chance de visiter. Le nombre de planches et affiches de tout format proposé à la vente (hors de portée de pas mal de bourses malheureusement…) est impressionnant et on réalise alors bien plus encore qu’avec le livre l’immensité et la richesse du travail d’Alice et ses associés.

Sans savoir à l’heure actuelle jusqu’où veut nous emmener ce magnifique créateur et amoureux de l’imaginaire, un nouveau cycle des Chevaliers de l’Ether sur Venus est attendu fort logiquement, sans doute une fois les Chimères de Venus achevé. Aucune annonce de parution pour le moment et tant que les gazettes se concentrent sur les Chimères on ne peut que guetter nos librairies dans l’espoir d’une lumière (pour rappel Alice n’a rien publié depuis deux ans)…

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1

**·Documentaire·East & West·Manga·Nouveau !·Service Presse

Ludwig Van Beethoven, le parcours d’un génie.

Le Docu BD

ludwig_van_beethoven_kurokawa

Manga de Akira Hirano, Yuki Kamatani et Ruia Shimakage.
Kurokawa (2022), 160p., nb & couleur, one-shot. Inclut un dossier documentaire.

Comme pour tous les volumes de la collection, l’édition est très riche (orientée scolaire), esthétique, pédagogique.

bsic journalismMerci aux éditions Kurokawa pour leur confiance!

L’excellente collection Kurosavoir revient pour un nouveau documentaire en manga. La sous-série biographique a réhaussé fortement la qualité de la collection avec un niveau d’exigence graphique et documentaire très intéressant, faisant de chaque nouvelle sortie une attente réelle. Malheureusement cet Ludwig Van Beethoven, manga chez Kurokawa de Hirano, Kamataniopus sur Beethoven n’atteint pas la qualité des dernières parutions du fait d’une sans doute trop grande technicité et plus simplement d’un manque d’intérêt de ce personnage. La notoriété de l’œuvre ne rend pas nécessairement le personnage passionnant et c’est ce que l’on ressent à la lecture de ce manga. Après les destins romantiques incroyables des Cléopâtre, Elisabeth 1ere ou Marie-Antoinette, l’histoire de ce jeune provincial précocement atteint de surdité  accroche bien peu le lecteur. Oubliant de contextualiser et parlant trop de technique musicale au risque de perdre les béotiens en musicologie, les auteurs rendent cette histoire assez banale faute de disposer de la playlist adaptée pour écouter en cours de lecture toutes les pièces du compositeur citées dans le manga.

On retiendra néanmoins (une découverte pour moi!) la rencontre avec Mozart, son ainé et au faîte de sa gloire lorsqu’il voit en Beethoven un jeune homme de talent. C’est sans doute le principal intérêt de ce manga documentaire qui réussit au final assez peu comme manga et comme documentaire. A réserver aux musiciens et aux fans.

A partie de 13 ans.

note-calvin1note-calvin1

****·BD·Nouveau !·Service Presse

Le sang des cerises 2/2

image-5
couv_457547
BD de François Bourgeon
Delcourt (2022), Série Les passagers du vent complète en 3 cycles de 9 tomes.

image-5Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

Les passagers du vent est une des séries les plus iconiques de la BD franco-belge, quarante-ans de BD qui s’achèvent avec ce dernier volume du troisième cycle ou plutôt de la seconde époque, dédiée à Zabo, la petite-fille de l’héroïne apparue dans les pages de la revue (A suivre) en 1980. Pour les lecteurs qui découvrent cette série à l’imagerie datée, c’est un peu comme de voir s’achever Corto Maltese ou DragonBall…

https://www.ligneclaire.info/wp-content/uploads/2022/11/PASSAGERS_DU_VENT09_11-scaled.jpgLa narration de François Bourgeon, sans doute un des auteurs les plus entiers et exigeants de ce média, a toujours été complexe, non linéaire et à la chronologie variable. Il en est de même sur cet ultime volume qui a tendance à s’étirer un tantinet dans le journal des années de déportation de Zabo (rebaptisée Clara pour des raisons que vous découvrirez dans la lecture) en Nouvelle Calédonie. S’ouvrant un instant après la clôture du premier tome du Sang des cerises, l’album suit le récit par Clara à Klervi de son histoire américaine en Louisiane (les deux tomes de La petite-fille bois-caïman) jusqu’à leur rencontre à l’enterrement de Jules Vallès. Les trois-quart de la BD suivent donc ce récit dense, détaillé, émouvant et dur, avant d’ouvrir des perspectives sur la vie retrouvée des deux femmes liées par le destin. Si Bourgeon est un très grand dialoguiste et scénariste, ses choix de construction ne facilitent pas le suivi qui nous basculent vingt ans d’un côté et vingt de l’autre, ce qui incite vivement à réviser le tome précédent, voir l’ensemble des aventures de Zabo.

Le cœur de ce récit porte donc sur les crimes des versaillais et la féroce répression bourgeoise sur les communards qui accompagne la naissance de l’empire colonial de la République, dont la crudité connue de Bourgeon n’oublie pas de nous rappeler en ces temps de nostalgie réactionnaire combien il s’est agit avant tout de formidables débouchés financiers pour le capitalisme napoléonien et d’un moyen de répression pour les prisonniers politiques comme d’assouvissements primaires de domination raciste pour une armée biberonnée tout au cours du XX° siècle. En se contentant de séquences décousues l’auteur montre de façon un peu erratique combien Zabo a vécu dans sa chair les exactions sur ordre de la soldatesque versaillaise qui n’a pas hésité à passer par la baïonnette femmes et enfants. Perdant le même jour son mari et son bébé, la jeune femme se voit déportée en compagnie de Louise Michel après de nombreux mois en détention chez les bonnes sœurs. Ayant perdu le gout de vivre, il lui faudra tout le soutien de cette figure historique, toute l’humanité de ses sœurs de combat et tout l’amour de Lukaz qui viendra la sauver aux antipodes après l’amnistie générale. On découvre ainsi une longue chronique de cet enfermement, des débats philosophique de haut niveau des déportés, comme la réalité des colonies où vaincus algériens rencontrent vaincus parisiens.

D’un construction étrange, cet album nous touche surtout sur les séquences « récentes » autour du duo Clara/Klervi, l’auteur reformant son duo de toujours, la blonde et la brune, dans un amour des femmes qui semblent les seules capables de dépasser l’animalité du genre humain. Cherchant à boucler la boucle de sa saga, il retourne en Bretagne, pays qu’il connaît si bien, dont il aime tant dessiner les landes (tellement qu’il confond par moments les paysages calédoniens et ceux de sa terre d’adoption), dans une fort réussie pirouette où l’amour (simple) triomphe. Un optimisme après tant d’horreurs, qui fait de cette conclusion une semi-réussite qui ne comblera pas l’incertitude de cette seconde époque où Bourgeon aura dessiné au gré du vent sans toujours de ligne directrice semble t’il, mais toujours avec une immense science de la BD. Les passagers du vent s’achèvent donc en demi-teinte, en constatant qu’ils auraient pu en rester à la vie d’Isa mais qu’il aurait été dommage de se priver de la vision de ce maître sur une période fondatrice de notre histoire républicaine que tout un chacun devrait prendre le temps d’étudier.

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

 

****·BD·Nouveau !·Rapidos

Shi #5: Black Friday

image-23
couv_440028
BD de Zidrou et Homs
Dargaud (2022), 56 p., Second cycle.

Jay et Kita sont les ennemis publics numéro 1 de l’Empire. Après les évènements des docks que tout le monde semble pressé d’oublier, elles ont entrepris un militantisme radical (que la bourgeoisie victorienne appelle Terrorisme), bâtissant une organisation clandestine appuyée sur les gamins des rues. Mais la police de l’Impératrice n’a pas dit son dernier mot…

Black Friday (par Zidrou et José Homs) Tome 5 de la série ShiRetour de la grande série socio-politique avec un second cycle que l’on découvre, surpris, annoncé en deux albums seulement. Reprenant la construction temporelle complexe juxtaposant les époques sans véritables liens, Zidrou bascule ensuite dans un récit plus linéaire et accessible où l’on voit l’affrontement entre la naissance du mouvement des Suffragettes  et la société bourgeoise qui ne peut tolérer cette contestation de l’Ordre moral qui étouffe le royaume. Les lecteurs de la série retrouveront ainsi les séquences connues, à la fois radicales, intimistes, sexy et violentes. Et toujours ces planches sublimes où Josep Homs montre son art des visages.

L’itinéraire de Jay et Kita se croise donc avec un échange épistolaire original à travers les années avec la fille de Jay, sorte de fil rouge très ténu qui court depuis le début sans que l’on sache sur quoi il va déboucher. L’écho contemporain bascule cette fois dans les années soixante (on suppose) où un policier enquête sur une disparition qui le mène sur la piste des Mères en colère. Pas plus d’incidence que précédemment mais l’idée est bien de rappeler que les évènements du XIX° siècle débouchent sur un combat concret à travers les époques.

Avec la même élégance textuelle comme graphique, Shi continue son chemin avec brio et sans faiblir. On patiente jusqu’au prochain avec gourmandise!

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

****·BD·Nouveau !·Service Presse

Enfer pour aube #1/2

La BD!
BD de Philippe Pelaez et Tiburce Oger
Soleil (2022), 54p., bichromie, 1/2 tomes parus.

couv_443656

Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

Janvier 1903. Alors que Paris est à nouveau éventrée par un chantier pharaonique, celui du métropolitain, des notables se retrouvent pris pour cible d’un mystérieux voltigeur à écharpe rouge. Dans cette III° République bourgeoise triomphante, l’élite veut oublier ces classes laborieuses si dangereuses pour leurs profits et chassée au-delà des murs, dans la Zone. Car la révolution rouge de 1871 est encore dans toutes les têtes…

Aube de Sang L'Enfer pour Aube, planche du tome 1 © Soleil / Oger / Pelaez  Paris, janvier 1903. Des avenues sont éventrées pour permettre la poursuite  de ma construction de nouvelles lignes du Métropolitain. Le conseiller du  Ministre des Travaux Publics ...Philippe Pelaez est l’un des auteurs BD qui monte. Depuis ma découverte de son très bon Alter en compagnie de son comparse qui revient sur le tout neuf Furioso) j’ai pu apprécier la qualité de ses textes, qui explosent ici sous une plume particulièrement inspirée. A cheval entre les mythes littéraires, la grande Histoire et celle plus triviale des hommes qui la font, l’auteur réunionnais se définit par une exigence créative très relevée, qui s’inscrit ici dans la tradition feuilletonnante du XIX° siècle.  Dans cette intrigue qui nous fait passer du chasseur (un policier incorruptible) au chassé (le tueur à écharpe rouge) on a nos chapitres entrecoupés par de fausses unes de gazette qui habillent joliment l’ensemble et densifient le background.

Si le récit est relativement linéaire, l’ensemble du propos, passablement énervé, porte sur ce peuple opprimé dont la violence physique n’est que le pendant de la violence économique et matérielle qu’il subit depuis la répression sanglante de la Commune de Paris par les troupes versaillaises. En s’inscrivant dans la tradition des auteurs parisiens populaires qui cultivent cette culture « apache » des faubourgs si particulière, Pelaez nous fait pénétrer un monde peu abordé en BD, tout en assumant un propos politique avec un parallèle évident sur notre société à l’argent si L'Enfer pour Aube (tome 1) - (Tiburce Oger / Philippe Pelaez) - Historique  [DERNIER REMPART, une librairie du réseau Canal BD]clinquant.

L’aventure endiablée et pleine d’action (l’histoire se termine en deux volumes, il n’est pas temps de traîner) respire par de nombreux aparté rappelant ce que dut subir le peuple parisien sous ces régimes bourgeois en attendant le Front populaire. Comme sur les gazettes du Château, l’album se conclut par un joli cahier de faux articles de presse agrémentés de jolies illustration, originales cette fois-ci. Il est simplement dommage que la partie graphique ne soit pas aussi ciselée que le texte, ce qui fait passer l’album à côté d’un coup de cœur. Malgré sa grande popularité je n’ai jamais été grand fan du style de Tiburce Oger qui compense un dessin parfois un peu rapide par un joli sépia agrémenté de touches de rouge bienvenues. L’ensemble reste très regardable et fort bien mis en scène, pour une lecture très agréable et qui nous sort de l’ordinaire.

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

*****·BD·Rapidos·Service Presse

Dans la tête de Sherlock Holmes 2/2

La BD!
BD de Cyril Liéron et Benoit Dahan
Ankama (2021), 47 p., 2/2 volumes parus.

couv_432029

bsic journalism Merci aux éditions Ankama pour leur confiance.

L’affaire du ticket a mis en lumière l’enlèvement de représentants de toutes les classes sociales de la société britannique impériale. Poursuivant leur enquête, Holmes et Watson dénichent enfin un indice crucial…

Coup de coeur! (1)Il y a deux ans Liéron et Dahan marquaient un grand coup dans le paysage éditorial avec la sortie du premier tome de Dans la tête de Sherlock Holmes. Véritable album-concept, à cheval entre le livre-jeu et la BD, l’ouvrage alliait la forme (avec cette fameuse couverture trouvée reproduite dans ce second volume) et le fonds, à savoir une véritable enquête tortueuse du plus grand détective. En utilisant le visuel pour nous guider au cours de l’enquête, les auteurs produisaient un redoutable effet d’immersion du lecteur et un plaisir de lecture total!

Affaire du ticket scandaleux (L') (par Benoît Dahan et Cyril Lieron) Tome 2Reprenant immédiatement à la fin du premier volume, ce tome conclusif reprend bien évidemment la recette avec fort logiquement un peu plus d’action à l’approche de la fin et de la confrontation finale avec le gang à l’origine de l’affaire. La générosité des auteurs est tout bonnement prodigieuse et on comprend qu’il ait fallu deux ans pour réaliser cette orfèvrerie sur papier. Chaque page regorge de détails, qu’ils soient de décors ou d’éléments utiles à l’enquête. On se plait ainsi à passer du temps à savourer chaque détail, l’hypermnésie sensorielle de Sherlock le poussant à analyser et relever chaque détail de son environnement, et nous avec! Et le miracle c’est que cette foule de détails s’agencent logiquement à l’aide du dessin. Si le style un peu brute du dessin m’avait laissé un peu sur ma faim au premier volume, on apprend à apprécier le travail ciselé, la précision des détails et la charge des pages, pas un centimètre-carré étant exempt de hachures. Cela donne une atmosphère tamisée, feutrée, qui nous envoie dans le cabinet mental de Holmes et l’ambiance cosy de la Londres victorienne.

Passons sur le concept dont j’avais déj parlé pour revenir à l’intrigue qui se dévoile enfin ici. Sans spoiler, il est intéressant que les auteurs profitent de ce projet ludique pour interroger les incidences impérialistes des britanniques et le comportement brutal déjà largement décrit dans la saga Shi par exemple. Ainsi on surprend une complexité dans le propos en se demandant si tout à ses préoccupations de résoudre ses enquêtes, une morale viendrait in fine à Holmes ou si tout cela restera un simple exercice. Il est en effet plus simple d’affronter un Moriarty que des problématiques issues des injustices du Régime et la conclusion, à la forme là encore surprenante, laisse penser que les auteurs ne se contentent pas de l’exercice de style et de leur marionnette. De là à penser que le succès (inévitable!) de ce diptyque les poussera à prolonger l’exercice il n’y a qu’un pas que je franchis avec envie…

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

**·***·Manga·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

Manga en vrac #18: Toilet Bound Hanako-Kun #3 – Elio le fugitif #2 et 3 – La guerre des mondes #2

esat-west

 

  • Toilet-Bound Hanako-Kun #3 (Aidalro/Pika) – 2021 série en cours, 3/15 tomes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Pika pour leur confiance.

toilet-bound-hana-kun-3-pikaLa chronique des deux premiers volumes se trouve ici.

J’avais été comme mes camarades de blog assez enjoué par ma découverte des deux premiers volumes sortis cet été. En entamant ce troisième tome je découvre que contrairement aux précédents le mystère des archives de 16h s’étale sur plusieurs chapitres qui forment l’intégralité de ce volume, ce qui change pas mal la donne en matière de rythme. Ce qui était présenté comme des histoires courtes avec rotation rapide de l’action et des personnages s’installe plus dans la durée, avec approfondissement notamment dans la recherches qu’entreprend Nene sur son maître-allié Hanako. Ce jeune esprit qui nous est décrit ici comme ni plus ni moins que le chef des Mystères de l’école est depuis le début fort mystérieux et on va ainsi se retrouver dans son passé pour comprendre comment il est devenu un esprit. Les pages du volumes sont toujours très agréables dans leur mise en scène destructurée et fourmillant de détails. L’humour et l’action sont en revanche un peu en retrait et j’ai découvert cette intrigue un peu moins enthousiaste, je dois le reconnaître. La difficulté de ce format était dès le début de parvenir à s’inscrire dans la longueur car autant on a regretté le format très court d’un Tetsu & Doberman autant pour Toilet Bound une tomaison sur les doigts de la main aurais sans doute suffi. Je dis cela alors qu’aucune intrigue au long court n’a eu le temps de se mettre en place, aussi il faudra voir (je rappelle que la série compte déjà quinze volumes au japon, ce qui laisse à Pika le temps de développer sa licence)

note-calvin1note-calvin1note-calvin1

 

  • Elio le fugitif #2-3 (Hosokawa/Glénat) – 2021, série en 5 volumes, terminée au Japon

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

elio-fugitif-2-glenatImpression mitigée et assez tranchée sur les deux volumes, qui recoupent au final le sentiment du premier volume. Le second tome est très faible (du niveau d’un calvin) même s’il met enfin en place une véritable intrigue liée à des vengeances dynastiques. Ce qui était attendu jusqu’ici s’étoffe donc un peu avec un descriptif politique de l’époque qui habille un peu une fuite tout à fait linéaire et que les quelques combats très hachés et coins d’humour shonen ne suffisent pas à rythmer. On attendait soit un récit historique à la Vinland Saga soit un prétexte en mode baston avec des personnages de jeux vidéo… on est au final entre deux et ce n’est guère satisfaisant, d’autant que les dessins juste correctes ne relèvent pas vraiment l’intérêt. Le personnage d’Elio dont le second degré touchait plutôt juste (un jeune gamin hyper-fort qui semble à peine réaliser dans quelles situations il est et s’en sort toujours haut la main) est ici plutôt effacé.

Sur le troisième volume on reprend de l’intérêt avec une histoire qui devient beaucoup plus structurée, simple mais cohérente avec une progression, des flashback sur les personnages et un final qui prépare un affrontement d’arène que l’on imagine aboutir la série sur les deux prochaine volumes. Si du coup le manga se laisse lire plus agréablement, les combats tout à fait rageurs, exagérés (les personnages sont presque aussi forts que dans Dragon ball!) souffrent d’un montage très haché et peu lisible, le lecteur devant fréquemment revenir en arrière avec l’impression d’avoir manqué des cases. Il ressort de tout cela l’impression d’une série de grande consommation destinée à ravir les boulimiques en attendant un prochain tome de Vinland Saga mais sans aucune ambition particulière.

note-calvin1note-calvin1

 

  • La guerre des Mondes (Ihara-Yokoshima/Ki_oon) – 2021, 170p., 2/3 tomes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Ki_oon pour leur confiance.

guerre_des_mondes_2_ki-oonLa chronique du premier volume (détallant notamment la très jolie édition) est ici.

Ce second tome continue sur la même tonalité que le premier à savoir une course du personnage principal (témoin-photographe) parmi les populations fuyant devant l’avancée meurtrière des martiens. L’intrigue est donc tout à fait linéaire et construite autour des destructions terrifiantes et des quelques lueurs d’espoir qui surgissent avant d’être étouffées. Quelques morceaux de bravoure humaines (un peu désespérées) viennent donc pimenter ce qui pourrait devenir redondant et on enchaîne ces cent-soixante-dix pages à grande vitesse et un plaisir non feint. Les dessins, pas virtuoses mais très correctes et portés par des cardages  qui appuient le désespoir et le drame absolu portent ainsi bien ce récit qui confirme sa qualité et intrigue (pour qui ne se souviendrait pas par cœur du récit original) quand à son dénouement…

note-calvin1note-calvin1note-calvin1

*****·BD·Nouveau !

Le château des étoiles (Gazette) #17-18-19

La BD!

BD d’Alex Alice
Rue de sèvres (2021), cycle III, volume 2.

Après le dernier album relié je reprend la série en format Gazette sur ce qui constituera le dernier volume de ce cycle. Consultez le précédent billet pour une explication sur le montage compliqué des dernières gazettes, le #19 revenant à l’édition classique avec plus de pages du Château après la fin des Chimères de Vénus.

Sept mois se sont écoulés depuis la rencontre avec l’Empereur et l’incarcération de Séraphin… Alors que l’Exposition interplanétaire de Paris s’ouvre, les Chevaliers de l’Ether ont mis en place un plan pour contraindre les dirigeants européens à intervenir pour le sort des populations martiales…

LE CHÂTEAU DES ÉTOILES – TOME 6 | Rue de SèvresCes trois derniers épisodes confirment le sentiment précédent: en revenant sur Terre les Chevaliers de l’Ether renouent avec ce qui avait tant plu sur le premier cycle lunaire! Les intrigues techno-coloniales colorées de rivalités historiques entre Prusse et France, l’aspect uchronique et steampunk avec ce paradigme ethérique qui en bouleversant les bases physiques permet une infinité de séquences originales. Appuyé sur une grande galerie de personnages tout relativement complexes, Alex Alice arrive à ne pas se diluer en restant concentré sur une intrigue relativement simple et linéaire qui prend la forme d’un braquage.

Le contexte de l’exposition universelle parisienne donne lieu à des panorama gigantesques et incroyablement précis où l’auteur se régale à recréer la ville lumière dans son nouveau monde. L’abolition du problème de la gravité installe des escouades de dragons « volants » aux quatre coins des pages en oubliant de rendre ces soldats d’élite de Napoléon III idiots. Du coup les séquences d’action sont particulièrement dynamiques et tendues. A ce titre, contrairement à nombre de BD où le temps ne semble jamais avoir d’effets sur les organismes, Seraphin semble ici devenu presque adulte, déployant sa musculature devant une Sophie vaguement impressionnée et n’hésite pas à affronter à l’épée ses adversaires coriaces.

Le château des étoiles : Gazette N° 17.... de Alex Alice - Album - Livre -  DecitreArticulé autour de trois groupes (Sophie et Loïc le breton gueulard – la journaliste et l’officier prussien – Seraphin), l’opération de libération de la princesse martiale (en notant un nouveau jeu de langue d’Alice qui refuse de parler de « martien » comme pour confirmer la spécificité de son uchronie) se retrouve tout à fait épique et prenante. L’exotisme des paysages martiens trouve son pendant dans celui des technologies mises en œuvre par les forces impériales et colorent avantageusement la résolution de l’intrigue.

Le fait de voir réapparaître l’impératrice d’Autriche qui souhaite retrouver son roi Ludwig permet de retisser des liens avec les débuts de la série. Alors que la conclusion et les textes annexes commencent à évoquer Mercure et Jupiter, l’on réalise que la conquête du système solaire par les empires du XIX° siècle ne fait que commencer. Ce cycle est l’un des tous meilleurs de la saga en revenant à une simplicité scénaristique qui allie aventure, géopolitique et SF ambitieuse. Les équilibres entre personnages sont encore bien mobiles, permettant d’envisager encore bien des épisodes, tant Alex Alice semble se passionner pour cet univers, même s’il doit y passer encore une partie de sa carrière. Avec autant de panache et un héritage vernien si brillamment endossé on ne peut que dire oui!

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

***·East & West·Littérature·Manga·Nouveau !·Service Presse

La guerre des mondes #1/3

esat-west

Manga de Daisuke Hihara et Hitotsu Yokoshima
Ki-oon (2021-),  200p./volumes, Série en 3 tomes, 1 vol. paru en France.

Ki-oon continue sa politique d’éditions de qualité à la suite de sa collection Lovecraft, avec cette édition reliée (mais sans pelliculage, donc assez fragile). L’édition comporte un sommaire et un joli cahier graphique de cinq pages qui permet de voir les intéressantes pistes visuelles pour les tripodes. L’album est classé Seinen. Je le qualifierais de Seinen pour jeune public (disons entre 9 et 16 ans) selon les habitudes de lecture.

Le siècle vient à peine de commencer lorsqu’une étrange météorite frappe la campagne de la petite ville de Maybury. C’est le commencement d’une guerre de colonisation… ou plutôt d’extermination de l’humanité…

La guerre des mondes fait partie des grands classiques que beaucoup (comme moi) n’ont probablement jamais lu mais que le nombre d’adaptation dans tout type de format rend totalement familier. Si Spielberg avait choisi une modernisation du récit, cette version manga se veut fidèle et rejoint la grande mode des adaptations de classiques de la littérature par les auteurs japonais.

L’histoire suit un photographe témoin de ce Premier contact, cet atterrissage du premier martien qui va très rapidement se transformer en génocide. Croisant comme dans tout bon récit de guerre les évènements généraux et les mésaventures d’un groupe de témoins (la petite histoire et la Grande Histoire), le manga a le mérite d’entrer très vite dans le vif du sujet avec ce qui intéresse bien entendu le lecteur: la trombine des vilains martiens belliqueux et de leurs monumentaux tripodes.

Le récit est techniquement très bien fait avec une introduction apocalyptique avant de revenir aux évènements qui ont généré cette Guerre des mondes. Avec le témoin-photographe, des scientifiques nous expliquent tout de suite les lois physiques qui s’imposent aux envahisseurs (notamment la gravité bien plus importante sur Terre) avant que les inévitables militaires et leur mentalité obtue croient pouvoir mater cette irruption d’outre-espace à coups de canons. Bien entendu la supériorité technologique martienne est incommensurablement supérieure et les évènements s’orientent vite vers la situation d’un enfant écrasant des fourmis…

Graphiquement on est dans du classique semi-réaliste avec décors simplistes aux bâtiments rectilignes mais la lecture reste agréable et fluide, surtout pour le public ciblé. Comme adaptation illustrative, l’ambition de ce manga n’est donc pas de revisiter l’ouvrage de H.G. Wells mais plutôt de proposer une lecture graphique fidèle et ludique à des pré-ado et ado. Sur ce plan c’est plutôt réussi avec malgré tout quelques visions assez dures (des corps démembrés) et une guerre qui s’affiche crument.