****·BD·Nouveau !·Rapidos

Banana sioule #2/3

BD de Michaël Sanlaville
Glénat (2023), 208p., série en cours, 2/3 tomes parus.

Les bonnes impressions ressenties à la lecture du premier tome l’an dernier se confirment amplement sur cette suite qui ne perd pas de temps en palabres puisque la série est prévue en seulement trois tomes. Généreux, Michael Sanlaville propose ici un gros changement de modalité sans se prendre les pieds dans le tapis puisque tout le volume est centré sur la formation d’Helena et sa découverte d’autres très talentueux compétiteurs, dont cet étonnant Soni, gringalet aussi rapide qu’intelligent et qui lui dame le pion comme star de l’Ecole.

Entrant de plein pied dans la force Shonen qu’il voulait régaler, l’auteur n’oublie pas d’équilibrer son récit par de courtes incursions de la bande à Helena et les affres d’un amour impossible, quand il ne rappelle pas périodiquement le décidément très mystérieux paternel. Adoptant tous les codes du récit sportif mais en vernis BiggerthanLife, Sanlaville se fait plaisir et nous fait plaisir en parvenant à nous surprendre avec ce sport totalement barré où les super-pouvoirs ne sont jamais loin. Le rôle de l’émotion est joué par les copains de l’héroïne qui cartonnent en tronches de cartoon. La maîtrise des subtilités des niveaux de gris et des ombres est remarquable en donnant par moment une sacrée esthétique avec deux coups de crayons suggérés.

Pour ceux qui connaissent le travail de l’auteur lyonnais la technique de l’animation se reconnait à chaque instant avec ce sens du mouvement que génère une touffe de cheveu, une onde de choc ou un cadrage. Avec une économie de moyens, le dessinateur nous en met plein la vue dans ce blockbuster dont on attend la suite avec impatience. Un nouvel exemple que « manga » ou « BD » importent peu, les auteurs talentueux savent depuis longtemps briser les lignes et prendre ce qu’il y a de meilleur dans tous les genres pour proposer des albums populaires et redoutablement efficaces.

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Manga·Service Presse·Nouveau !·Rapidos·East & West·****

Fool night #4

Manga de Kasumi Yasuda
Glénat (2022), série en cours, 4/6 tomes parus

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur fidélité.

Attention spoilers!

Plein de mangaka ont publié de grandes séries sur leurs débuts, aussi il n’est pas totalement incongru de voir Yasuda construire un projet d’une grande ambition et d’une maîtrise très assurée pour sa première œuvre. Sans revenir sur les excellents dessins, à cheval entre le manga et la franco-belge (ou plutôt le style italien) et qui installent une atsmosphère de polar redoutable dans les ombres et lumières, ce tome marque une forme de pause permettant le développement après la grande violence et l’action du précédent.

Le meurtrier disparu, l’équipe de l’Institut de transfloraison semble éliminer ses querelles pour affronter les conséquences des évènements: mis au pas par les forces de police, ils vont devoir enquêter pour comprendre qui était cet enfant devenu sanctiflore animé, ce qui va les amener à explorer l’univers des transflorés qui restait en coulisses jusqu’ici. Étirant un peu les relations entre Toshiro et Yomiko, l’auteur installe une situation insurrectionnelle alors que les anti-transfloraison multiplient les manifestations et agressions contre les tenants du système. Pas vraiment d’intrigue politique mais une tension qui élargit la focale qui restait jusqu’ici un peu interne au héros et à l’Institut. Et c’est une excellente chose qui donne une respiration en nous faisant voir du pays et de nouveaux protagonistes en généralisant des problématiques plus complexes que ce que l’Etat veut bien montrer.

Franchement novateur, ce manga s’installe comme une valeur sure de SF sociale tirant sur le polar. Kasumi Yasuda semble avoir énormément de choses à dire et à montrer dans sa besace et il est fort probable que l’on ne soit qu’au début d’une grande saga tant les potentialités ouvertes par son hypothèse sont grandes. Une des séries majeures à suivre actuellement, mon petit doigt me dit que cette série restera marquante…

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***·BD·Nouveau !·Rapidos

Celle qui fit le bonheur des insectes

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BD de Zidrou et Paul Salomone
Daniel Maghen (2022), 81p. One shot.

Il était une fois dans un luxuriant royaume indien, une reine à qui tout devait sourire et qui se trouva submergée de malheur. Au lieu du chant de vie des oiseaux elle préféra bientôt le cliquetis lugubre des insectes. Son deuil devint national, jusqu’à en oublier ceux qui restent…

Dans le magnifique et très spacieux écrin des éditions Maghen, le prolifique Zidrou propose au dessinateur de L’homme qui n’aimait pas les armes à feu un conte classique et cruel sur le deuil qui rend fou et l’autoritarisme des puissants. A travers l’histoire de cette reine qui vient de perdre son mari et reporte toute son affection sur ses deux enfants il interroge le drame personnel qui prend une dimension nationale lorsque le chagrin la fait sombrer dans la folie, jusqu’à ordonner la suppression de tous les oiseaux du pays.

Alternant le drame et l’absurde en restant toujours dans l’esprit du conte pour jeunes, le scénariste de Lydie laisse son lecteur interpréter comme il l’entend cette histoire qui semble sortie des mille et une nuits mais offre surtout à son acolyte une superbe occasion de montrer la brillance de ses couleurs. En plans larges, sur des encrages subtiles, Paul Salomone fait éclater les couleurs des plumages, l’orfèvrerie des palais indiens et chatoyer les étoffes d’orient. La lecture de Celle qui fit le bonheur des insectes est un émerveillement constant qui sait lâcher quelques touches d’espoir pour une conclusion qui se veut malgré tout dédiée à l’amour.

Comme tout conte, l’album refermé peut interroger sur la portée du propos et du scénario (simple par essence). Pourtant les auteurs offrent aux amateurs de belles images une plongée en orient qui coche toutes les cases du genre. Les amateurs seront ravis, les autres passeront néanmoins un agréable moment graphique.

A noter qu’une édition NB a été éditée, mais qui laisse dubitatif sur l’intérêt dans un tel projet…

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Tsugumi project #6

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Manga de Ippatu
Ki-oon (2023) – 192p./volume, 6/7 tomes parus.

 image-5Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

En ressortant du centre de recherches dont les trouvailles vont permettre à l’érudite Tama de comprendre le destin du Japon post-apocalyptique l’équipée est mal en point: Léon gravement irradié, Dudu blessé, voilà l’armée du fourbe Omoikane qui fond sur eux, accompagnés des deux gigantesques monstres Gongen et L’Egaré! Une formidable bataille s’engage…

A l’approche de la fin de la série (l’auteur confirme sur ce tome que le septième sera le dernier) on sent que Ippatu est en pleine ferveur pour son monde dont il déroule l’histoire avec de plus en plus de fluidité et de facilité. Il est un peu triste de se dire qu’après quatre tomes de mise en place progressive et par moment assez contemplatives sur le début, l’action se précipite de cette manière comme pour rattraper le temps perdu.

Car ce sixième volume d’une des toutes meilleures séries de l’éditeur est un concentré d’action de bout en bout qui arrive à proposer de furieuses séquences de bataille entrecoupées d’un design de créatures et de décors totalement fou sans oublier de nous faire franchement rire avec ces intrusions de cartoon absurdes aux visages grotesques et aux vannes très bien traduites. Le traitement se simplifie pour évoluer vers un esprit shonen. On notera que l’auteur semble avoir fait le tour de son histoire à la fin du volume, l’intrigue se hachant par des retours et révélations un peu brutalement envoyés et quelques séquences qui si elles sont très sympathiques ressemblent presque à des bonus. Car une fois refermé le tome on nous aura expliqué très simplement l’ensemble des mystères et de l’origine des personnages, ce qui leste un confortable dernier volume pour refermer joliment cette odyssée d’une grande originalité.

Marquant des points sur tous les plans, ce tome est donc un coup de cour… qui frôle les cinq Calvin en raison d’un problème éditorial déjà soulevé mais qui saute ici aux yeux: l’auteur travaillant manifestement en numérique sur de très grands formats permettant une finesse de trait et de décors sidérante, on s’arrache littéralement les yeux de frustration sur ce format manga classique. C’est assez incompréhensible car Ki-oon propose plusieurs formats dans ses collections (récemment sur Leviathan ou Soloist in a cage) et sait innover comme sur l’exceptionnelle collection Lovecraft. Un gros manque de clairvoyance qui justifierait absolument une édition Deluxe une fois la série terminée et que la très grande qualité de Tsugumi project mériterait amplement comme mise en avant.

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Soloist in a cage #2/3

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BD de Shiro Moriya
Ki-oon (2023) – 2018, 208p./volume, 2/3 tomes parus.

 image-5Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Avec une première série qui aura vu ses trois volumes parus la même année (le dernier est annoncé pour octobre), l’éditeur Ki-oon propose un format court qui sait assumer les possibilités et les limites de la brièveté. Avec une intrigue très concise basée sur une simple évasion, la maitrise narrative est remarquable puisque si le premier se concentrait sur le prologue et le retour de l’héroïne, la césure d’une dizaine d’années permet une multitude de potentialités concernant le destin du petit frère recherché. Fort différent du précédent, ce tome nous présente une fratrie travaillant sur un mystérieux projets tout en veillant sur leur père très malade. On comprend rapidement qu’ils œuvrent pour une sorte d’Eglise dont les Inquisiteurs sont de redoutables combattants qui s’entraînent sur les terribles robots-gardiens.

Le long passage un peu mièvre avec les frangins inquiète sur l’orientation de la série mais construit aussi un très intéressant faux-semblant lorsqu’on se met à la place de Chloé qui se demande à chaque jeune garçon rencontré s’il est possible qu’il s’agisse de son frère perdu nourrisson… Torturée par les visions d’une sorte de démon qui la ramène à sa condition de surin, la jeune femme se rattache à cette humanité qui surprend dans le chaos de la cité-prison. La simplicité de l’objectif n’autorise cependant pas de trop grandes digressions et nous voilà vite ramenés à des scènes de combats où l’autrice brille par sa mise en scène.

Doté de dessins et d’une atmosphère tout à fait fascinants, Soloist in a cage frustre principalement par la brièveté du format qui interdit de développer sérieusement les antagonistes ou les organisations. Avec ces limites, la trilogie réussit pratiquement tout ce qu’elle présente dans une édition toujours élégante.

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PUNCH! saison#2: Coriandre et Estragon

BD  de Anaïs Maamar
Kinaye (2023), 40p., one-shot. Collection Punch!, saison 2.

image-13Merci aux éditions Kinaye pour leur confiance

Coriandre lapin et Estragon le dragon tiennent une taverne où passent tous les aventuriers en quête de donjons et de trésors. Mais un jour une vieille connaissance vient menacer l’ancien paladin et met en péril le cadre de vie qu’il a installé pour lui et le jeune dragon qu’il a adopté jadis…

Alors que se profile en juin le quatrième et dernier épisode de cette seconde saison de l’anthologie fantastique PUNCH!, les éditions Kinaye dénichent une nouvelle pépite en la personne d’Anaïs Maamar, jeune autrice venue du cinéma d’animation et dont c’est la première publication. Et pour une première on peut dire sans hésiter que techniquement ça dépoté! Sous la schéma d’une historiette de fantasy autour de l’adoption et de la différence (un ex-paladin-lapin adopte un bébé dragon qui ne sais pas dans quelles conditions il est venu au monde), l’autrice assume un format compact concentrant pratiquement son récit en unité de temps et d’action, simplement aéré par un récit du passé du lapin. Cela permet de ne pas se disperser et de développer l’univers visuel avec cette très chouette maison qui semble conçue comme dans un jeu vidéo (point commun avec plusieurs artistes de la collection Punch!) et un chara-design où Anaïs Maamar se fait plaisir. Dans le même esprit graphique que le précédent épisode de Valentin Seiche, Coriandre et Estragon est autrement plus lisible et jouit d’une colorisation simple mais terriblement efficace.

Il est toujours aussi agréable de découvrir de jeunes talents pour lesquels Kinaye apparaît désormais comme une pépinière reconnue et mérite toute l’attention des amoureux du dessin. Avec une coloration plus fantasy et plus classique que la précédente saison, Punch! propose toujours des plaisir de lecture simple avec l’envie de suivre ces auteurs dans leurs prochains projets. Et il est certain qu’Anaïs Maamar fait partie des talents qui risquent d’exploser dans les prochaines années.

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Rescapé.e.s, carnet de sauvetages en méditerranée

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Album de Lucas Vallerie et Michael Bunel

La Boite à bulles (2023), 160p., one-shot. Comprend une préface et une post-face de MSF, ainsi que les courtes biographies des auteurs.

Merci aux éditions La Boite à Bulle pour leur confiance.


Depuis le tristement célèbre naufrage de Lampedusa en 2013, la société civile s’est substituée aux Etats réticents à assumer leur rôle légal de sauvetage en mer par crainte d’alimenter les tensions xénophobes concernant une « submersion migratoire ». Medecins sans Frontières fait partie de ces grandes ONG qui arment des navires. Convaincue que la communication est une arme redoutable pour contraindre les gouvernements, si ce n’est à les aider, du moins à les laisser réaliser leur mission, MSF a proposé à l’éditeur La boite à bulle d’embarquer deux artistes-témoins pour raconter une mission de l’été 2022.

Une des conséquences des hypermédias est de nous habituer aux drames, à la banalité de la perte de vies humaines. L’immense mérite de ce carnet de sauvetage est de nous mettre face à face avec ces sauveteurs, ces migrants, ces êtres humains, dans une urgence qui obère toute velléité de réflexion sur les « appels d’air », sur l' »irresponsabilité », sur l’entretien d’une vague migratoire que certains dénoncent. Jamais il n’est question ici de politique mais simplement d’humanité, de ces valeurs universelles qui proclament dans le Droit de la mer l’obligation de secourir les personnes en danger prioritairement à toute autre mission.

Nous suivons ainsi la mission du Geo Barents au travers des yeux du photographe Michael Bunel et du dessinateur Lucas Vallerie, au travers d’un code couleur qui nous permet de suivre les textes que ce dernier a publié au cours des deux semaines de navigation sur son compte Instagram. Reprenant ainsi le très réussi jonglage des frères Lepage entre photographie et dessin sur leur expédition en Antarctique, cet album utilise la force de chaque média pour décrire de façon expressive (sur le dessin) et en prise sur le vif.

Truffé d’informations documentaires sur le fonctionnement des sauvetages, sur l’intérieur du navire autant que de rencontres avec les membres de la mission, Rescapé.e.s surprend par l’émotion qui nous submerge alors que survient la première embarcation à la dérive. Car contrairement à un froid papier de presse on saisit le ressenti des auteurs dans une vérité crue, celle de gens perdus sur l’immensité, pour qui l’arrivé du Géo Barents est la fin d’un cauchemar. Ils savent que la suite, après débarquement, ne sera pas une partie de plaisir mais ces difficultés paraissent dérisoires face à la peur permanente depuis qu’ils ont quitté leur maison dans les mains des passeurs. Sans s’appesantir sur le contexte politique qui verra les néo-fascistes revenir au pouvoir en septembre 2022, on sent à la fois l’existence d’un droit que les autorités sont contraintes d’appliquer, et le système sécuritaire européen se mettre en place dès les migrants débarqués à port.

Constamment pressé par le temps, le dessinateur alterne croquis rapides et dessins plus travaillés lorsqu’il a quelques heures devant lui. Témoignage directe d’une réalité que la plupart ne veulent pas voir, cet immense cimetière invisible qu’est la méditerranée, documentaire passionnant sur l’organisation et le professionnalisme impressionnants de ces humanitaires dévoués à une évidence, Rescapé.e.s est un album précieux et susceptible de sortir nos populations de leur torpeur et des infâmes concurrences répressives des politiques de droite.

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Dr. Stone #24 – Ender Geister #3 – Shangri-La Frontier #8

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Retour des fournées manga avec aujourd’hui une salve Glénat très grand public!

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

  • Dr. Stone #24 (Boichi, Inagaki/Glénat) – 2023, 208p.

dr_stone_-_tome_24_-_gl_natA deux tomes de la conclusion (qui laisse de plus en plus anticiper un prochain cycle…) on accélère puisque la société scientifique parcourt le monde pendant dix ans afin de récolter les matières premières nécessaires à la fabrication d’une fusée et à ce qui permettra à un équipage de se poser sur la Lune. Gros changement d’échelle puisque jusqu’ici, malgré des voyages trans-pacifique les auteurs n’étaient jamais rentré dans le détail du déroulement du temps.  Probablement pressés par la nécessité de conclure, Inagaki et Boichi avancent donc à un rythme inhabituel avec un saut technologique très important qui nous fait réaliser que malgré les incroyables inventions recréées jusque là on en était resté au stade du bricolage.

Du coup on se perd un peu (pour les moins scientifiques des lecteurs) avec des explications vaguement absconses sur les étapes de la réalisation d’un ordinateur, même si les auteurs évitent de multiplier les digressions qui auraient fini de nous perdre. Le volume n’en garde pas moins l’aspect d’un tome de transition qui n’a pas même abordé la question du scaphandre spatial. On remarquera au passage une nouvelle fois le scientisme bien peu écologique (et pour le coup assez hors sol à notre époque) qui promeut une science productiviste où il suffit d’engraisser la terre pour produire intensivement du riz sans que quiconque n’y trouve à redire. On objectera que dans le Monde de pierre la pression humaine a disparu mais pour un shonen de vulgarisation scientifique le message peut déranger… En attendant, on patiente jusqu’aux deux volumes de conclusion qu’on espère aussi bien huilés que le reste de la série.

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    • Ender Geister#3 (Yomoyama/Glénat) – 2023, 192p., 3/10 tomes parus.

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Après deux premiers volumes sortis simultanément et permettant de bien rentrer dans une « intrigue » fortement axée action, on part dans ce troisième tome pour un gros flashback destiné à nous expliquer un peu mieux qui est cet étonnant anti-héros imbattable au corps à corps mais qui a la fâcheuse manie de se métamorphoser en un démon mortel lorsqu’il… meurt. n part donc pour une plongée lovecraftienn dans les entrailles de l’Afrique au sein d’une sorte de temple maléfique qui va autoriser l’auteur à dessiner des soldats bad-ass et des bastons épiques, intérêt principal de la série.

Je reconnais que si en matière de gros boss, de combats hyper-dynamiques et de pépées aérées on est servi, on se demande comment l’auteur va tenir ce rythme pendant plus de dix tomes sans tomber dans les défauts d’un Dragonball aux combats éternels. Il y a pourtant jusqu’ici du style, un héros mystérieux et une approche série B de loisir totalement assumé qui fait plaisir à lire. Avec un peu plus d’application dans les dessins et un soupçon d’intrigue on a de très bonnes bases pour une excellente série inattendue.

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  • Shangri-la Frontier #8 (Katarina-Fuji/Glénat) – 2023, 192p., 8/13 volumes parus.

shangri-la_frontier_-_tome_08_-_glenatEpisode qui risque de marquer la fin de l’aventure pour moi avec un sur-place plaçant le héros dans une perspective de leveling qui montre que le manga tourne désormais en circuit fermé en oubliant ce qui a permis un plaisir de lecture jusqu’ici: une fuite en avant axée sur la découverte et extraordinairement lisible. Ce huitième volume perd les deux à la fois: la lisibilité avec cet affrontement contre les scorpions de quartz assez pauvres visuellement et la découverte qui se résume à quelques pages en fin d’album où l’on retrouve l’archéo-forgeronne qui va permettre à Sunraku d’arborer des artefacts de l’ère des Dieux. Au lieu de poursuivre cette unique révélation, voici le personnage qui quitte Shanfro pour se faire une petite escapade sur un jeu de Mechas. Aucun intérêt autre que de voir le dessinateur se faire plaisir sur de jolis designs SF. Si la technique reste de très bon niveau, on est clairement à l’étape où seuls les fans de jeux vidéo trouveront un sens à continuer leur lecture. DOmmage, Shangri-la Frontier aura tout de même été une sacrée surprise!

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***·BD·Nouveau !·Service Presse

Kleos

BD Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse.
Grand Angle (2023), 132p.

image-5Merci aux éditions Grand Angle pour cette découverte.

En plein Age classique grec, un jeune pécheur rêve de gloire comme tous les gens de son âge, écoutant à longueur de journée les récits homériques des aèdes. Lorsque des pirates pillent son île, il décide de partir sur la mer pour rassembler des forces capables de mettre un terme aux exactions et forger sa légende. Mais entre les épopées d’Ulysse et d’Achille et la rudesse du monde des hommes il y a un monde…

Aussitôt paru cet album a fait parler de lui pour des raisons toutes autres qu’artistiques. Dans ce qui ressemble fort à un gros couac éditorial, les éditions Grand Angle ont opté pour une parution en deux albums (dont le premier est sorti en janvier dernier et auréolé de très bons échos) avant de faire machine arrière et de publier cette intégrale au lieu du second volume attendu. Un certain nombre de lecteurs s’en sont émus, craignant de devoir racheter le premier tome pour pouvoir lire la fin. Comme les éditions Delcourt l’avaient fait il y a quelques temps pour la publication tardive de l’intégrale de l’Histoire de Siloë, l’éditeur a pourtant proposé un remboursement du premier tome à l’achat de l’intégrale. Pas de malhonnêteté donc pour le coup mais une fort mauvaise pub dans une décision assez incompréhensible malgré le texte d’explication du scénariste qui ressemble plus à une rustine qu’à une vraie stratégie. Passons.

Le scénariste Mark Eacersall a fait une entrée en matière remarquée dans le neuvième art en utilisant sa grande technique narrative acquise dans l’audiovisuel pour proposer deux excellents policiers (Gost111 et Cristal 417) et le primé Tananarive. Comme souvent il s’associe à un co-scénariste, pour l’occasion un spécialiste de la Grèce antique, pour proposer un étonnant récit d’apprentissage dont les dessins doux d’Amélie Causse pour son second album ne cachent pas la rudesse de l’itinéraire. Car si ce n’est pas une descente aux enfers qui nous est narrée, c’est tout de même un sacré mur de la réalité contre lequel s’écrase le jeune Philoklès. Apparaissant très sur de lui, jusqu’à tenir tête à des nobles de sa communauté, son odyssée (pour laquelle les auteurs s’amusent à tisser des références plus ou moins évidentes avec les récits d’Homère) va le ramener au quotidien violent et très

terre à terre des grecs du cinquième siècle avant JC. Blessé, mis en esclavage, il va devoir tester ses talents de conteurs pour atteindre le statut qu’il visait. Mais son destin sera cruel, comme les mythes de l’Olympe.

Au travers de ce personnage plus passif que sympathique, les auteurs cherchent à déconstruire les mythes, ceux d’un Age d’or où les humains étaient finalement logés à la même enseigne que leurs homologues des siècles précédents et suivants: cultiver la terre, éviter les bandits, se fondre dans un ordre social immuable. Bien peu glamour pour celui qui a la tête dans les récits épiques. En suivant un fil que l’on n’attend pas, Eacersall et ses comparses parviennent à entourer cette froide réalité par un pont entre les mondes: celui des légendes narrées par les aèdes et qui propulsent un pécheur sur les flots, celui des rois pirates qui ne pourront échapper à leur destin mortel que par le récit de leurs exploits. Une fiction sur le pouvoir du récit dans un univers terrestre qui fait peu rêver. Une jolie mise en abyme pour une BD élégante et intelligemment bâtie.

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Les spectaculaires font leur cirque chez Jules Verne.

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BD de Régis Hautière et Arnaud Poitevin, couleurs de Christophe Bouchard.
Rue de sèvres (2023), série en cours les Spectaculaires , vol. 6., 54 p. par volume.

bsic journalismMerci à Rue de Sèvres pour leur confiance.

Alors qu’il travaille avec ses amis sur leur prochain spectacle, le professeur Pipolet reçoit un courrier de son ami Jules Verne qui lui demande de venir sans délai à Amiens. Problème: l’écrivain est mort depuis six ans… Voilà les Spectaculaires partis pour une enquête aux frontières de la science pour découvrir qui est le mystérieux auteur de cet appel…

En arrivant à six tomes on peut qualifier Les Spectaculaires de série classique de la BD franco-belge. Avec une qualité moyenne remarquable et deux excellents dernières aventures, voilà nos héros partis sur les traces de Jules Verne dans une enquête plutôt sage en gags et poursuites. C’est peut-être l’habitude qui demande toujours plus de renouvellement mais si les personnages et passages obligés sont toujours drôles, l’histoire en elle-même sur un schéma « whodonit » est un peu découse en reposant sur les explications attendues aux phénomènes paranormaux. En dressant une galerie de personnage importante dans une pension qui nous fait attendre un Cluedo, les auteurs utilisent finalement peu ce qu’ils mettent en place et ce déplacement géographique permanent empêche la linéarité nécessaire à la légèreté d’une aventure d’humour populaire. Ainsi le jumeau du Seraphin Lampion d’Hergé reste inutilisé après être apparu et nos héros, même s’ils ne sont pas des génies, n’ont jamais une piste à suivre avant que survienne l’action de résolution.Une aventure des spectaculaires, tome 6 -Régis Hautière et Arnaud Poitevin  - Les lectures de Stémilou

On referme donc l’album un peu déçu par une aventure qui semble s’être un peu trop occupé de l’habillage Jules Verne et ses gadgets en perdant de vue l’utilisation pertinente des personnages. Dans cet album les Spectaculaires tournent ainsi en circuit fermé transposable d’une histoire à l’autre. Un problème qu’il faudra penser à résoudre puisque l’on constate depuis maintenant trois tomes que les personnages récurrents créés en restent à l’état de possibilité tout occupés que sont Hautière et Poitevin à garder un format one-shot. Les grandes séries tissent des liens entre albums et il est temps pour les Spectaculaires d’assumer cette maturité pour grandir. La sixième aventure de nos bras cassés préférés reste d’une lecture agréable sur des planches toujours sympa de finesse mais ne restera pas comme le meilleur album de la série.

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