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Opportune

Récit complet en 64 pages, écrit par Isabelle Bauthian et dessiné par Nicoletta Migaldi. Sortie le 02/05/24 chez Drakoo.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La Bête et le Beau

Dans un monde de nuages où la magie mêle science et sentiments, des nefs volantes évoluent entre paisibles cumulus et terribles orages. Au sol, la monarchie a été renversée et ses fidèles, transformés en monstres bestiaux évoluant dans un univers tribal aux mains des plus ambitieux. Opportune, pirate des cieux, traque Épigone, ancien officier dont la transformation en bête n’a fait qu’attiser la soif de vengeance.

Mais Opportune sait que seul le baiser d’une personne l’aimant sincèrement rendra à Épigone son apparence humaine. Tandis que, sur leurs bateaux, l’on complote et l’on se déchire, se noue entre la Bête et sa Belle geôlière une étrange relation…

Isabelle Bauthian n’en est pas à sa première publication chez Drakoo. En début d’année, elle nous avait déjà entraînés dans un monde où les personnages pouvaient se voir transformés en animaux anthropomorphes, sur fond de magie empathique et plus tôt elle avait proposé un surprenant diptyque aux personnages forts.

Elle reprend donc ici ces ingrédients qui lui semblent chers, pour concocter un récit qui, selon toute vraisemblance, reprend la structure du conte de la Belle et la Bête, en inversant les rôles et les attributs.

Il y a quelques temps de ça, nous avions déjà évoqué la structure quasi universelle qui sous-tend ce conte, notamment par la façon dont il dicte aux jeunes femmes la façon dont elles étaient supposées se comporter et sur les critères recherchés dans la sélection d’un partenaire.

Ainsi, Belle, ou en tous cas sa version classique, est une jeune femme réservée et introvertie, loyale à son vieux père, qui va rencontrer un Prince (soit un homme de haut statut affichant une abondance de ressources) dont la nature arrogante a littéralement pris forme sur lui, et dont elle sera le catalyseur de la rédemption grâce au pouvoir transcendant et transformateur de l’amour.

Dans Opportune, l’héroïne est donc tout l’inverse, soit bravache, aventureuse, indomptable et loyale seulement envers elle-même. Révolutionnaire, elle porte en horreur les valeurs patriarcales et dominatrices de la monarchie, ne prospérant que dans le chaos qui a succédé à la Révolution.

Loin de son homologue classique, Épigone semble être un personnage romantique dans le sens littéraire du terme, acquis à une cause perdue et porté par des valeurs désuètes.

Le premier écueil dans lequel s’engouffre l’autrice, est celui de délaisser la dynamique de geôlier-captive, qu’elle n’inverse pas puisqu’à aucun moment la Bête n’est prisonnière de la Belle, tout au plus sont-ils contraints de s’entraider car perdus dans un territoire hostile.

L’autrice préfère utiliser cette nomenclature pas-si inversée pour explorer les thèmes de l’admiration, du désir et de l’amour, et la façon dont ces trois sentiments peuvent se mélanger ou se confondre.

Le second écueil concerne le worldbuilding, surtout au regard de la façon imprécise dont est traitée la magie. L’idée d’une monde de piraterie aérien était également fort alléchant mais hormis une double page expliquant le contexte on sent que le décorum n’intéresse pas tellement les auteurs, à l’image de la dessinatrice qui propose de fort beaux personnages bien enluminés mais abandonne complètement son arrière-plan. Le contexte politique est mieux développé, mais la fin, si elle conclut bien l’intrigue, n’est pas aussi satisfaisante qu’elle aurait pu l’être, car elle ne répond que partiellement au questionnement dramatique et aux enjeux posés au début de l’histoire.

En revanche, il faut reconnaitre à Isabelle Bauthian un talent certain pour l’écriture des dialogues, dont l’éloquence réussit à masquer les faiblesses d’un scénario aux étonnantes ellipses qui semblent vouloir éviter toute action continue. On se retrouve ainsi dans une inégale lecture dont les joutes verbales maintiennent un intérêt que la structure générale ne porte pas. Un rendez-vous manqué plein de promesses peu tenues…

Billet rédigé à 4 mains par Dahaka et Blondin.
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Nëcromants

Série en 2 volumes, écrite par Olivier Gay, et dessinée par Tina Valentino. Parution chez Drakoo en 2021 et 2024.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La mort lui va si bien

Les Nëcromants sont un type bien particulier de magicien. Ces derniers ont la possibilité d’utiliser les facultés et compétence spéciales des fantômes auxquels ils sont liés. Cela ouvre donc la voie, vous vous en doutez, à une féroce compétition pour savoir quel Nëcromant obtiendra le meilleur sorcier, le meilleur combattant, afin de prévaloir contre ses ennemis.

Cependant, si l’on peut estimer que les Nëcromants utilisent les morts, l’inverse est aussi vrai, puisque chaque sorcier est une opportunité pour le fantôme de revenir à la vie, l’espace de quelques instants. Et certains esprits malveillants pourraient bien se saisir de cette opportunité pour prendre leur revanche et régler quelques comptes !

Lorsque Morla est posédée par un défunt Archimage nommé Boph-Et, c’est le chaos qui va s’installer dans le royaume. Son frère Acher va donc devoir utiliser ses compétences pour la sauver. Mais que peut-il faire alors qu’il est un des pires Nëcromants du pays, et que les seuls fantômes à son service étaient eux-mêmes incompétents de leur vivant (ce qui est d’ailleurs la cause de leur mort), voire inutiles ?

Désormais installé chez Drakoo, Olivier Gay reprend du service après Démonistes, Toutes pour un, ou encore Les Maléfices du Danthrakon, en poursuivant la mode des titres en un mot décrivant la fonction des protagonistes (on en trouve aussi une floppée chez Soleil avec Nains, Elfes, Orcs & Gobelins, Mages, etc).

Comme on pouvait le craindre lors des précédentes sorties, l’auteur reprend une formule déjà éprouvée, en reprenant un à un les ingrédients de base, sans nécessairement chercher à les détourner ni à les transcender. A la louche, on trouve: le Héros, quelque peu naïf, incompétent ou maladroit, en tout cas clairement pas taillé pour la mission qui lui est confiée (on repense nécessairement à Lanfeust, mais aussi à Aether dans Toutes pour Un); Puis, l’inévitable triangle amoureux (Lanfeust/Cixi/C’ian; et encore une fois, Aether/Tatianna/Meeri dans Toutes pour Un). On pourrait également considérer les touches omniprésentes d’humour comme un autre ingrédient de la recette arlestonienne, mais il est préférable d’accorder le bénéfice du doute à l’auteur en lui attribuant ce trait.

Le concept en lui-même des Nëcromants demeure intéressant, et permet tout un éventail de possibilités qui sont ingénieusement exploitées au fil des deux albums.

L’atout principal du diptyque tient en sa qualité graphique, assurée par Tina Valentino, dont le style tirant vers le comics, associé à une mise en couleurs dynamique, donne de très belles planches.

En résumé, Nëcromants fonctionne sur une recette déjà vue, mais après tout, aucun plat n’est moins bon parce qu’on en a décelé tous les ingrédients. Deux Calvin pour l’histoire, un supplémentaire pour le dessin.

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Damn Them All #1

Premier volume comprenant les six premiers chapitres de la série écrite par Simon Spurrier et dessinée par Charlie Adlard, avec une mise en couleur de Sofie Dodgson. Parution en France chez Delcourt le 14/02/24.

The Walking Damned

Aujourd’hui, Eleanor Hawthorne, dite Ellie, enterre son oncle Alfie, entourée d’une cohorte interlope de gens plus ou moins bien intentionnés. Il faut dire qu’Alfie n’était pas un homme ordinaire. Occultiste expérimenté, il pratiquait pour des personnes à la moralité élastique la magie et les invocations de démons, sa moralité à lui étant sans aucun doute la plus élastique de toutes.

Très jeune, Ellie a été formée par son oncle aux pratiques ésotériques, suffisamment bien pour subodorer une entourloupe dans le décès soudain de son mentor. Si des années de combats contre des démons et autres entités n’ont pas eu raison de lui, alors qui a bien pu causer la mort d’Alfie Hawthorne ?

Ellie ne tarde pas à avoir une piste probante. Lors de la veillée funèbre d’Alfie, un jeune gangster fait irruption et tente de supprimer Frankie Wax, un ponte de la pègre londonienne pour qui Alfie et Ellie ont géré quelques affaires. Mais il ne le fait pas avec les moyens qu’ont pourrait conventionnellement attribuer à un jeune gangster écervelé. En effet, il utilise une pièce magique dans laquelle est enfermé rien de moins qu’un démon, de ceux décrits dans l’Ars Goetia. En tant qu’occultiste professionnelle, Ellie sait très bien que si une invocation est possible avec le bon rituel et la bonne préparation, il est normalement impossible de garder un démon sur Terre. Ellie découvre que les 72 démons de la hiérarchie infernale ont été libérés des enfers et qu’ils peuvent être utilisés par n’importe qui. Quelqu’un va devoir remettre de l’ordre !

L’auteur Simon Spurrier nous a déjà émerveillés avec Coda, Alienated, la suite de Sandman ou encore Saison de Sang, même s’il a pu nous décevoir avec Suicide Squad: Blaze.

L’auteur reprend ici le célèbre personnage de John Constantine, crée par Alan Moore dans la série Swamp Thing. Le célèbre magicien slash arnaqueur londonien, cynique, porté sur la boisson et redoutablement manipulateur devient donc Alfie, sous la plume de Spurrier. Le scénariste détourne cependant sa reprise en faisant de la nièce du magicien la focale de l’histoire, ce qui apporte une touche de nouveauté à l’ensemble.

On peut dire qu’Ellie est une sorte d’amalgame entre Constantine et Jessica Jones, qui navigue dans un monde dangereux à grand renfort de substances psychoactives et d’incantations magiques. L’univers mis en place est accrocheur dès les premiers chapitres, principalement grâce à l’écriture de Simon Spurrier. Les règles, établies très tôt dans le récit, servent adroitement à la fois de cadre et de canva dans les aspérités duquel Ellie est capable de naviguer habilement, pour notre plus grand plaisir.

L’utilisation des démons est aussi le prétexte pour des scènes d’action franchement bien goupillées, même si le fameux « marteau rouillé » teasé sur la quatrième de couverture n’est pas si prépondérant, Ellie s’appuyant plus généralement sur son audace et ses connaissances approfondies des rituels d’invocation.

Parlons aussi rapidement de l’antagoniste principal, qui n’est pas un démon mais bel et bien un humain, dont les motivations se dégagent peu à peu dans ce premier tome et gagneront certainement en profondeur lors de la suite. L’auteur en profite pour subvertir nos attentes quant aux fameux démons, qui sont mis en scène de façon originale sur le plan graphique, grâce aux talents conjoints de Charlie Adlard (The Walking Dead) et Sophie Dodgson.

Encore une fois, Simon Spurrier fait mouche avec une série tout à fait originale bien qu’inspirée d’un classique des comics, immersive et grandement servie par le talent de Charlie Adlard. On invoque le Coup de Coeur sur l’Étagère !

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Thorgal saga #: Wendigo

BD de Fred Duval et Corentin Rouge
Le Lombard (2024), 120p., One-shot.

L’album est paru en deux éditions simultanées: la classique ici chroniquée et la Collector, de plus grand format, numérotée et incluant un cahier graphique.

De retour du Pays Qa, Thorgal, Aaricia et Jolan se voient contraints de se réfugier sur les côtes d’Amérique du Nord, avant d’avoir pu traverser la Grande Eau. Encore une fois les dieux semblent s’être ligués contre lui et sa famille et il va devoir affronter des puissances qu’il ne connaît pas au milieu d’une guerre fratricide entre deux peuples indiens…

Continuant sa destinée avec succès après le départ des auteurs historiques, Thorgal a bien succombé aux sirènes du commerce avec l’apparition de plusieurs séries dérivées mais qui visent avant tout à développer l’univers. La mode des spin-off et one-shots hommages reste très forte et Le Lombard a fini par ouvrir cette Thorgal Saga dont les annonces de volumes restent homéopathiques jusqu’ici et dont le premier opus sous les pinceaux de Robin Recht m’avais absolument conquis. Les noms des deux auteurs suivants m’ont fait acheter l’album les yeux fermés malgré une couverture que je trouve peu inspirée.

L’éditeur a mis les petits plats dans les grands sur cette collection qui se veut luxueuse, avec un titre doré, un papier épais et un format large, augmenté d’un tirage de tête pour chacun des albums. Pourtant, comme avec la Collection Signé, autrefois rare et gage de chefs d’œuvres, l’éditeur semble décidé à s’engager surtout dans une démarche très rentable en surfant sur les noms des prises, sachant que des dizaines d’immenses artistes se précipiteront pour avoir la chance de pouvoir proposer leur version du viking.

Le soucis c’est que si le précédent jouait de l’uchronie et proposait quelque chose de novateur avec un héros coupé définitivement de sa moitié, on revient déjà à du grand classique avec un Corentin Rouge qui malgré ses très grandes qualités reste dans un style très proche de Rosinski et une histoire totalement intégrée à la chronologie du héros. Les albums classiques proposant déjà mille et une aventures et on se demande assez rapidement pourquoi on s’est senti obligé de retourner dans le passé pour détailler une ellipse. D’autant que le prétexte tombe assez vite comme une évidence: Fred Duval voulait mettre en scène des indiens du canada et très rapidement le triple album prend la forme d’un mix entre Apocalypto et Le dernier des Mohicans.

Les cent-vingt pages devaient permettre un autre type de narration or Duval, tout génial scénariste qu’il est semble avoir trop de place pour raconter grosso-modo la même chose qu’une aventure type de l’Enfant des Etoiles: pour sauver Aaricia et Jolan (dont les apparitions semblent franchement inutiles à l’histoire) Thorgal va devoir cueillir une fleur perchée au sommet d’un gigantesque arbre-monde ; pour cela il va devoir s’allier avec une vinking rescapée du massacre de son village et un indien qui l’a recueilli, alors que le clan adverse, adepte du terrible Wendigo (sorte de Kaiju local) est déterminé à l’en empêcher. S’ensuit une chasse pleine d’action et de fureur dans la forêt et les banches de l’arbre… Si les séquences avec les deux démons qui s’affrontent sont très réussies, si les auteurs utilisent idéalement les cadrages et découpages généreux, l’histoire est assez vide d’émotion faute d’enjeu puisque sur ce nouveau monde et alors que Thorgal n’aspire (encore une fois…) qu’à retrouver les siens et rentrer, on n’a pas plus que lui l’envie de s’attarder auprès de ces peaux-rouges pourtant sympathiques. L’auteur de Rio, sorti de ses décors urbains et policiers semble peu à l’aise avec l’univers mythologique et ses planches malgré leur technique parfaite et quelques séquences percutantes peinent à nous immerger.

Il ressort de cette lecture luxueuse l’impression d’un Thorgal grand format mais bien peu original et qui peine à justifier le statut de collection d’excellence. L’annonce du tome suivant tout simplement développé par les auteurs des séries dérivées confirme malheureusement qu’aussitôt née cette très belle idée risque de s’embourber dans les mangroves de l’argent en se refermant sur les seuls complétistes. C’est fort dommage.

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***·Comics·East & West·Rapidos

DIE #2: Scission

Second tome de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Stéphanie Hans. Parution chez Panini Comics le 12/11/2020.

Pourtant quelqu’un m’a DIE

Alors qu’ils étaient adolescents, Ash, Angela, Isabelle, Matt, Chuck et Solomon se sont retrouvés littéralement piégés dans une partie de jeu de rôle initiée par Solomon, et ont disparu durant deux ans dans le monde d’Aléa dans la peau de leurs personnages respectifs.

Ash est la Dictatrice, capable de manipuler les émotions des gens, Angela est une Néo, hybride entre humain et machine, Chuck est le Fou qui mise tout sur sa chance et sa stupidité, Matt est le chevalier triste et Isabelle la dresseuse de dieux, tandis que Sol était le maître de jeu, chargé de les guider à travers la partie. Juste avant de disparaître, chacun d’eux reçut un dé (DIE en anglais) spécifique symbolisant son rôle dans la partie.

Deux ans après, le groupe ressurgit dans notre monde, sans Solomon. Mais le jeu n’en a pas fini avec eux et les rappelle vingt-cinq ans après. Nos héros pourront-ils terminer cette partie-là ?

Après un premier tome réussi, Kieron Gillen et Stéphanie Hans poursuivent l’exploration du monde pas-si imaginaire dans lequel sont piégés leurs héros. Une fois les enjeux installés, Gillen embraye et passe la vitesse supérieure au niveau du rythme, abreuvant le lecteur de nouvelles informations sur ce monde complexe. Les coups de théâtre et les révélations ne sont pas en reste non plus, ce qui a de quoi tenir en haleine sur le fond et la forme. Grâce à ça, l’ensemble du casting gagne en profondeur, ce qui est un avantage certain pour la seconde moitié de l’histoire à venir.

L’auteur n’en oublie pas non plus d’exploiter son concept, à savoir le parallèle avec les jeux de rôle, et injecte des références autant dans la mise en scène que dans la structure même du récit et de ses ramification

On en vient même à se sentir un peu bête lorsque l’auteur nous fait comprendre qu’il s’est inspiré directement de travaux méconnus de Charlotte Brontë, ce qui oriente visiblement l’intrigue du côté méta littéraire et vous contraindra à faire une petite recherche google, pour être sûr. Pour ceux qui ont sombré dans l’érudition littéraire de l’auteur sur Once and Future ce ne sera pas une surprise…

La mayonnaise prend donc avec ce second tome, ce qui confirme les 3 Calvin !

***·BD·Comics·East & West

Die #1 : Mortelle fantasy

Premier volume de 134 pages, de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Stéphanie Hans. Parution en France chez Panini Comics le 02/09/2020.

Alea Jumanji Est

Pour fêter ses 16 ans, Ash aurait pu choisir la voie classique et se soûler à grands renforts de bière avec des copains. Mais, étant un adepte des jeux de rôle, il se laisse embarquer par son meilleur ami Solomon dans un jeu de sa création, intitulé Die.

Accompagné de sa sœur Angela, de ses amis Matt, Chuck et Isabelle, Ash débute la partie, dirigée par Sol. Comme le veut la coutume, chacun d’entre eux crée son personnage, et reçoit en contrepartie un dé unique à utiliser durant la partie.

Seulement voilà, Die n’est pas un jeu ordinaire. À peine la partie lancée, le groupe d’adolescents est aspiré à l’intérieur du D20 de Sol et se réveille en plein jeu, transformés en leurs personnages. Pour en sortir, ils vont devoir finir la partie!

Après une disparition de deux ans, le groupe refait surface à quelques kilomètres de la chambre de Sol, où la partie avait débuté. Cependant, il manque un bras à Angela et Sol est aux abonnés absents. Pire encore, les adolescents traumatisés semblent incapables de parler de ce qu’il leur est arrivé durant leur absence. La vie suit son cours, si bien que 25 ans plus tard, chacun d’eux a entamé sa vie d’adulte, fondé une famille et mené une carrière, le tout avec plus ou moins de succès, et toujours marqué par le traumatisme de Die.

Tout va basculer une seconde fois pour Ash, Angela, Matt, Chuck et Isabelle lorsqu’ils vont être aspirés de nouveau dans le jeu. Le monde cruel auquel ils ont échappé il y a 25 ans les a rattrapés, et pour en sortir vivants, ils vont devoir terminer la partie pour de bon.

On connaît Kieron Gillen pour des séries telles que The Wicked + The Divine, ou plus récemment Eternals et sa suite A.X.E, Avengers X-Men-Eternals.

Il est donc notoire que le scénariste préfère manier des concepts de haute volée plutôt que de l’action pure. Avec cette série parue en 2020, on découvre aussi qu’il est féru de jeux de rôles, à tel point qu’il a créé un jeu directement en lien avec cette série (disponible à l’époque sur Kickstarter). De ce premier tome, on retiendra l’intrigue minutieuse et l’ambiance teenage wasteland, le cas des adolescents piégés dans un jeu plus vrai que nature rappelant fortement le film culte Jumanji et les manga Isekai.

Cependant, ici, point de franche rigolade ni d’univers décalé, mais plutôt un dédale mortel dans un monde fourre-tout où tout peut arriver. La dépression qui guette les héros durant les 25 ans de deuil qui précèdent leur retour dans le jeu s’insinue à travers les pages, grâce au talent explosif de la dessinatrice française Stéphanie Hans. Ce premier volume installe adroitement les enjeux grâce à ses premiers coups de théâtre et ses révélations internes savamment orchestrées.

L’attachement aux personnages est aussi de la partie, si vous me permettez le jeu de mots, malgré le peu d’informations distillées par l’auteur à ce stade. Les personnalités, rôles et interactions sont attribués à chacun par l’auteur avec une efficience qui démontre ici toute l’expérience acquise par l’auteur.

Le déroulement de l’intrigue en lui-même contient bien évidemment des références au monde du JDR, mais reste heureusement accessible aux non-initiés, qui pourront se contenter de suivre les aventures des protagonistes sans forcément avoir eu à jouer une partie dans leur vie.

Première accroche efficace, Die tient ses promesses sur ce volume 1, reste à voir ce que donne la suite.

****·Comics·Nouveau !·Service Presse

Batman Superman – World’s finest #1

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Comic de Mark Waid, Dan Mora et Tamra Bonvillain (coul.)
Urban (2023), 142p., 2/3 tomes parus, série en cours.

Cet album m’ennuie! Je vous rassure, il est bon. Très bon même. Mais justement… Sans être un fan de DC je commence à avoir pas mal de bouteille et mon expérience très souvent malheureuse, voir même désabusée sur les albums de sup DC m’avait convaincu d’abandonner tout ce qui n’était pas one-shot Black Label, Batman ou elsworld de Tom Taylor. Oui mais voilà, ce qui est fascinant dans cette mythologie en réinvention permanente, c’est que régulièrement un grand auteur parvient à créer l’improbable, même pour les plus sceptiques. Il y a quelques années un certain Jason Aaron nous livrait un des plus grandioses arcs sur un des personnages Marvel les plus délaissés (Thor – le massacreur de dieux) ou plus conceptuel, un Tradd Moore revisitait le Silver Surfer (avant son tout récent Dr. Strange que je m’apprête à chroniquer). Plus rare chez DC.

Mark Waid a commencé chez l’éditeur aux deux lettres avant de bourlinguer un peu partout (jusqu’à devenir maître créatif chez les Humanos) et est considéré comme un des plus fins connaisseurs de la mythologie DC, père qu’il est du mythique Kingdome Come. Et voilà t’y pas qu’on le charge (en compagnie du cador Dan Mora et sa complice coloriste tout de même) de repartir dans l’Age d’argent de DC remplis de slips assumés, de sourires de vendeurs de bagnoles et de l’immense naïveté qui faisaient les années soixante. Ne me demandez pas comment, mais ça marche, et plutôt bien même!

Car cette ouverture est un véritable cas d’école pour toute une génération de scénaristes (Scott Snyder?) qui nous assomment depuis des années dans des complexités noires enchevêtrant les récits, dialogues et pédigrée de dcologie exigé. World’s Finest (reprenant le titre d’un comic de l’époque) c’est MacDonalds aux commandes, c’est coloré, joyeux, on n’attend plus que les Bing-Paf-Whizz en surimpression. Rassurez-vous, les planches impériales de Dan Mora amènent un peu de classe à ce qui aurait pu virer au psyché-béat.

En avançant sur un rythme soutenu, Waid fait plaisir à son lectorat en envoyant des figures connues mais aussi des mal-aimés, cette Doom-Patrol sortie des tréfonds des placards DC et totalement dans l’esprit SF-rétro. Avec un grand méchant tout puissant et rien de moins qu’un diable (permettant l’artifice imparable de la prise de contrôle d’à peu près qui il veut, y compris Superman, oui-oui), on avait tout pour un gros truc débile. Mais l’expérience de monsieur Waid calibre le tout sans forcer, instillant ce qu’il faut où il faut de suspens, de retournements et surtout sans longueurs. Et l’on réalise que le rythme est très souvent ce qui manque dans des BD où reconnaissons-le on se contrefiche du bon goût, de la vraisemblance (Mmm, est-il bien crédible que Superman retrouve son chemin entre la Zone fantôme et notre temporalité?…).

BD plaisir, magnifiquement dessinée, bourrée d’action et de bons mots typiques, regorgeant de personnages sympathiques, World’s finest montre également qu’on peut toujours permettre une lecture à tout le monde, sans pré-requis et sans tirer en longueur. Adorateurs de la déprime batmanienne et dépités des histoires de l’homme d’Acier, foncez, cet album vous surprendra et vous montrera qu’il ne faut jamais dire jamais!

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Le Puits

Récit complet en 184 pages, écrit par Jacob Wyatt , et dessiné par Felicia Choo. Publication en France par Dargaud le 19/01/2024, dans la nouvelle collection Combo.

L’Histoire sans fond(s)

Li-Zhen, que tout le monde surnomme Lizzy, vit avec son grand-père sur un petit îlot, où elle survit grâce au commerce des chèvres et de leur fromage. La jeune femme porte malgré elle un important héritage, celui de ses parents et de sa grand-mère, qui, quelques années auparavant, se sacrifièrent pour sauver l’archipel du terrible Léviathan.

Un jour, alors que son grand-père la laisse faire la traversée seule jusqu’au grand marché pour vendre du fromage, Lizzy vole trois pièces dans le Puits Magique pour payer son trajet retour, car elle a dépensé l’essentiel de ses recettes pour se payer un nouveau manteau. Cependant, la gardienne du Puits ne l’entend pas de cette oreille. En effet, chaque pièce jetée dans les eaux du puits renferme non seulement des vœux, mais également les rêves et les espoirs de leurs propriétaires, qui formulent ces vœux pour supporter le monde froid et cruel dans lequel ils évoluent.

Ainsi, Lizzy va devoir payer sa transgression. Pour chacune des trois pièces subtilisées, elle sera contrainte de réaliser le vœux que son propriétaire a formulé en jetant la pièce, en un temps limité. Si elle échoue, Lizzy sera maudite et engloutie par le Puits. Elle se met donc en quête des trois habitants de l’archipel à qui elle doit ce service. Sera-t-elle à la hauteur ?

Janvier marque donc la suite du lancement du label Combo chez Dargaud. Comme pour Hana et Taru, les auteurs nous plongent dans un univers original et fantastique. Là où le précédent album pouvait aisément rappeler Avatar, cette nouvelle entrée du label mise davantage sur des récits d’aventure façon Waterworld (pour l’aspect post-apocalyptique et le cadre océanique).

L’autre point commun est bien évidemment la protagoniste féminine, bien que le propos central ne tourne pas autour de ça puisque Lizzy ne fait pas les frais d’un régime violent et patriarcal qui valorise la force ou qui l’opprimerait, mais fait face à une puissance magique qui cherche rétribution. Le message véhiculé par le récit est prenant et positif, tournant autour du deuil et de l’accomplissement de soi.

On peut néanmoins regretter que le bestiaire de cet univers ne soit pas davantage exploré, car hormis le fameux Léviathan et une pieuvre géante dans le premier acte, aucun autre monstre n’est montré, alors que le cahier graphique en fin d’album regorge de créatures très inspirées. Le style graphique en soi est plutôt épuré, et rappelle Les Sauroctones d’Erwann Surcouf, autre production Dargaud.

Le Puits, c’est donc une quête initiatique classique mais bien menée, qui attirera sans mal les amateurs d’univers originaux et empreints de magie. On statue sur 3 Calvin !

***·BD·Jeunesse·Nouveau !·Service Presse

Léonarde: La Barbe du Houéran

Récit complet en 80 pages, avec Isabelle Bauthian au scénario, AnneCatherine Ott au dessin, Tanja Wenish à la couleur. Parution chez Drakoo le 10/01/24.

Plus Bête(s), tu meurs

Léonarde est une intrépide jeune guerrière, formée au combat depuis le berceau par son père, Maître d’Armes du Château et ami proche du Roi. Malgré son tempéramment tout feu tout flamme, Léonarde ne pense pas comme tout le monde, notamment au sujet des Bêtes, les habitants de la Forêt qui enclave le Château.

Parmi ces animaux anthropomorphes, on trouve les Leus, le peuple loup, ainsi que les Goupils, le peuple renard, et aucun de ces peuples ne parvient à se comprendre, la faute à des langages radicalement différents. Au milieu de ces guerres de clans, certains croient encore en la légende du Houéran, géant gardien de la Fôret, dont il vaut mieux ne pas réveiller la colère en dégradant la forêt, et qui explique presque à lui seul la paix précaire qui règne depuis quelques années.

Lassée des escarmouches et de la crainte, Léonarde tente un rituel, supposé l’aider à parler aux Bêtes, qu’elle a volé dans la bibliothèque du prince Ogier. Ce rituel la transforme à son corps défendant en Goupile. Le seul souci, c’est qu’elle parle désormais le Goupil et plus l’humain ! Personne ne la reconnaît, pas même sa meilleure amie la princesse Eldorise. Chassée du château, Léonarde se retrouve prisonnière des Leus, ce qui sera le début de pérégrinations rocambolesques avec pour enjeu rien de moins que la paix du royaume.

Isabelle Bauthian est un nom connu, puisque nous l’avions déjà croisée chez Drakoo avec Dragon & Poisons, puis dans l’anthologie Midnight Order, et avant cela dans la collection Sirenes et Vikings.

L’auteure se saisit encore une fois d’un concept enlevé, inspiré d’une légende vosgienne et reprenant les codes de la Tour de Babel. Avec un soupçon de naïveté, l’intrigue instille l’idée que de l’incompréhension mutuelle naîssent nécessairement l’anathème et la guerre, ce à quoi l’héroïne tente justement de remédier.

Ce thème de la traductrice universelle en temps de guerre rappelle clairement la Malinche, personnage historique controversée dont Celle qui Parle retraçait justement la vie, en version jeunesse bien évidemment.

Ce concept de peuples qui s’affrontent sans se comprendre est justement mis en scène par l’auteure, qui alterne les points de vue lors d’une même scène pour figurer les différences de langages et la façon dont elles sont perçues. L’action et les péripéties, si elles ne sont pas follement originales, demeurent rythmées et ficelées par le thème central, le tout réhaussé par un humour à la Lanfeust, qui est désormais, on le sait, un humour à la Drakoo (en moins gaulois, il va sans dire).

On parlait plus haut de naïveté, mais il serait sans doute plus juste de parler d’optimisme ou de légèreté d’esprit, l’affilitation jeunesse de l’album éloignant nécessairement toute conclusion trop sombre ou trop réaliste. Nos chers jeunes lecteurs y trouveront donc un message inspirant, ainsi que des personnages allant à rebours des clichés sans trop en faire pour autant. On en veut pour exemple la protagoniste, qui allie vivacité d’esprit et talents de guerrière, ou la princesse Eldorise et son frère Ogier, qui apportent tous deux des nuances bienvenues à leurs archétypes réspectifs.

Coté graphique, Anne-Catherine Ott s’en sort avec les honneurs avec un dessin dynamique, des personnages expressifs mais également un découpage clair et aéré.

Léonarde réussit à mêler un thème sérieux et universel (les conflits, la haine entre les peuples) aux codes du récit jeunesse, le tout dans un univers dynamique et attrayant.

***·East & West·Manga·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

La danse du soleil et de la lune #5

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Manga de Daruma Matsuura
Ki-oon (2023), 192p./volume, nb, série en cours, 5/7 volumes parus.

image-5 Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Il va falloir vous armer de patience dans votre lecture de cette série puisque le rythme de 5-6 mois par volume est confirmé sur les parutions japonaises et Ki-oon ne semble pas décidé à en profiter pour raccourcir le retard entre la France et le pays du soleil levant. Si le niveau graphique reste toujours impressionnant, dans un genre qui ressemble plus à de la BD qu’à du manga, l’autrice abusant de grimaces et déformations morphologiques, ce cinquième tome est probablement le plus faible depuis le commencement…

Je ne reviendrais pas sur la structure narrative que Matsuura construit volontairement en créant un chaos dans le temps et dans l’espace. Après une entrée en matière inattendue et très vive il est temps de retrouver enfin la dulcinée kidnappée (on n’en est encore que très proche du début!) alors que l’on continue de découvrir les pouvoirs suggérés de différents protagonistes. Le précédent volume constituait un flashback nous narrant les origines du grand méchant, récit qui se termine aux premiers chapitres du présent tome. On retrouve ensuite notre anti-post-héros toujours aussi transparent, pour découvrir un nouvel antagoniste encore une fois très réussi tant dans sa présentation que dans son pouvoir, celui d’être touché par la Chance! L’occasion pour l’autrice de décrire un élément de la sociologie japonaise de l’époque au sein d’une maison de jeu et de joie… Les chapitres sont entre-coupés depuis le premier tome par des pages explicatives sur des éléments historiques repris dans le manga, avec bibliographies à la clé, indice qui pourrait expliquer l’importance du folklore dans ce manga.

Les deux-cent pages continuent bien à alimenter (un peu) la trame générale – où l’on apprend que des forces obscures menacent d’être libérées de leur prison – mais ressemble plus à un intermède sans action et sans scène choc où le déséquilibre entre le nouveau mutant et Konosuké qui ne sert décidément toujours à rien, devient gênant. Si le schéma de l’anti-héros peut avoir des vertus, il est plus que temps de le faire évoluer d’autant que l’on n’en sait toujours bien peu sur les raisons de l’enlèvement et l’irruption d’Aki dans sa vie. Une révélation tonitruante est toujours envisageable mais l’autrice commence à abuser sérieusement de notre patience. La qualité de son dessin et l’aisance d’écriture ne suffisent plus à nous tenir en haleine. Levons les masques, il est temps de passer la seconde!

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