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BRZRKR #1

Premier tome de 103 pages, de la série créée par Keanu Reeves, co-écrite par Matt Kindt et dessinée par Ron Garney. Parution aux US chez BOOM! Studios, publication en France chez Delcourt le 15/03/2023.

Berzerker au grand Coeur

L’homme qui se fait appeler B. n’en est pas vraiment un. Doté depuis sa naissance de pouvoirs surhumains, il parcourt les âges, incapable de mourir et mû par une soif inextinguible de combats. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de boucheries, car lorsque Berzerker se bat, il laisse généralement dans son sillage des guerriers en confettis avec supplément hémoblogine.

« –Monsieur, qu’est-ce qui vous a traversé la tête au moment de mourir ? » « –Euh, comment vous dire... »

Lassé de cette vie de violence mais incapable de s’arrêter, B. a passé un marché avec le gouvernement américain. En échange de bons et brutaux services, l’Oncle Sam s’est engagé à trouver par tous moyens une méthode pour permettre à B. de mettre fin à son immortalité. Non pas que B. envisage nécessairement de mettre fin à ses jours, mais il souhaite au moins avoir la possibilité de mourir, un don qu’il juge précieux après ces milliers d’années passées à commettre des massacres.

Accompagné par une thérapeute, B. explore ses souvenirs, perdus dans les brumes du temps, afin de percer le secret de ses origines et de ses pouvoirs surnaturels.

….

Voilà, c’est à peu-près tout pour le moment.

Si vous vous êtes intéressé de près ou de loin à la pop-culture ces 25 dernières années, alors vous avez forcément entendu parler de Keanu Reeves. Ce comédien, connu notamment pour certains de ses rôles iconiques, est généralement très apprécié pour son humilité, son introversion et son altruisme. Après avoir fait une incursion dans le monde des jeux vidéos (Cyberpunk 2077), il s’essaie cette fois à la bande dessinée, épaulé par Matt Kindt, auteur prolifique et talentueux que l’on a déjà pu lire dans Black Badge, Folklords, Ether, ou encore Mind MGMT et Deparment H.

Après une campagne Kickstarter qui a marché du tonnerre, le duo s’est octroyé les services de Ron Garney pour créer cette histoire en douze chapitres, dont l’adaptation sur Netflix n’a pas tardé à être annoncée, avec Keanu Reeves dans le rôle-titre. C’est d’ailleurs l’acteur qui prête ses traits au personnage de la BD, faisant de cet album une sorte de mise en bouche ou de préquelle.

On ne va pas se mentir, BRZRKR, malgré son titre hyper-cool et stylisé, est un récit plutôt stéréotypé. Le personnage mystérieux, violent, invincible et légèrement oublieux de son passé ne peut que nous rappeler certains badass bien connus comme Wolverine, auquel B. emprunte même son pouvoir de régénération. L’immortel lassé de la vie est également un thème récurrent dans ce genre de récit, on pense notamment à The Old Guard, qui met également en scène des guerriers antédiluviens blasés par l’éternité (et une autre BD adaptée sur Netflix!), ou au Higlander qui ne veut plus de cette vie éternelle après avoir vu mourir tous ceux qu’il aimait.

L’intrigue n’en est encore qu’à ses balbutiements, si bien que la direction que va prendre le récit dans son deuxième tome est encore un peu floue à ce stade. Il n’en demeure pas moins que l’action est omniprésente. Les scènes de combat sont ultra-gores, avec têtes réduites en bouillie, machoires arrachées, bras et jambes qui volent dans tous les sens après avoir été séparés de leurs propriétaires. Néanmoins, elles s’avèrent répétitives, puisque malgré les flash-backs dans le passé du personnage, elles se résument toujours à la même chose, à ceci-près que les armes changent en fonction des époques. Le Berzerker n’ayant pas encore rencontré de défi physique à affronter, les combats qui se succèdent peuvent donc se révéler un peu ennuyeux, consistant uniquement en un sosie de notre Keanu adoré qui déchiquette des soldats anonymes en carton-pâte.

On demande donc à en voir davantage dans la suite, avec une attente particulière sur le développement émotionnel du protagoniste et les révélations sur ses origines, sans oublier, bien sûr, des scènes d’action un tantinnet plus originales. On met trois Calvin pour le capital sympathie de Keanu, le dessin de Ron Garney et le mystère autour de la résolution de l’histoire.

**·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Suicide Squad: Blaze

Histoire complète en 168 pages, écrite par Simon Spurrier et dessinée par Aaron Campbell, avec Jordie Bellaire aux couleurs. Publication en France chez Urban Comics le 17/02/2023 dans la collection Black Label.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance

Les pieds nique-les

Le Suicide Squad est, comme son nom l’indique, un escadron secret dédié aux missions suicide. Composé de divers super-criminels que l’on a contraint ou influencé, le groupe est envoyé sur le terrain pour mener des missions dangereuses, avec un collier électrique et une bombe implantée dans le corps, en guise de moyens de coercition.

Le taux de mortalité étant par nature très élevé, le casting change régulièrement, aucun de ses membres n’ayant la garantie de revenir vivant d’une mission. Ainsi, Peacemaker, Captain Boomerang, Harley Quinn et King Shark sont les seuls membres actifs de l’escadron lorsque survient une nouvelle menace. En effet, un méta-humain extrêmement puissant, du niveau de Superman, enlève puis massacre des innocents, quotidiennement et partout dans le monde. La Ligue de Justice, parangon de la puissance et du Bien, est évidemment dépassée et ne parvient pas à mettre la main sur ce tueur insaisissable.

Amanda Waller, directrice du programme, met donc en branle son équipe de psychopathes pour traquer discrètement cette menace. Pour augmenter ses chances de succès, Waller sort l’artillerie lourde, à savoir une arme secrète expérimentale nommée le Brasier, une sorte de composé qui octroie de formidables pouvoirs au prix d’une espérance de vie plus que limitée. Confrontée au refus de ses hommes de se prêter au jeu de l’expérience, Waller fait appel à d’autres cobayes sacrifiables, des prisonniers lambdas qui attendent dans le couloir de la mort de la prison de Belle Reve ou qui ont pris perpète.

Ainsi, Mike, le protagoniste, Lucille, Boris, Tanya et Xavi sont sélectionnés pour participer au programme et rejoindre le Suicide Squad. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il ne leur reste que 3 mois à vivre, et qu’il vont devoir affronter un monstre qui a sans doute déjà terrassé Superman. La cerise sur le gâteau, c’est qu’on ignore de quoi est fait le Brasier exactement, mais on sait qu’il a un lien avec le tueur.

A l’aise, Blaze

L’auteur Simon Spurrier nous a à ce jour régalés avec plusieurs pépites, telles que Coda, Sandman The Dreaming, ou encore Saison de Sang. Le voir s’attaquer au concept de Suicide Squad, dans le sillage du dernier film de James Gunn, avait donc tout du succès garanti. La déception est donc d’autant plus grande que ce n’est pas le cas ici.

Malgré un ton impertinent et une narration amèrement cynique, l’auteur ne parvient pas à nous émouvoir autant que sur ses précédentes productions, la faute sans doute à un casting maladroitement ficelé ou des thématiques trop absconses. Difficile en effet de sympathiser avec l’ensemble des nouveaux venus, dont le sort nous est finalement plutôt indifférent à la lecture, alors que l’argument de vente principal de Suicide Squad est de parvenir à nous attacher à des personnages antipathiques, des anti-héros, qui meurent en masse et souvent de façon abjecte.

Le contrat n’est donc pas rempli ici, puisqu’au fur et à mesure d’une traque emplie de longueurs, de facilités et d’invraisemblances, les personnages meurent sans impact émotionnel particulier. La relation entre les membres du Squad et les nouveaux venus n’est pas non plus source d’amusement ou de développement, alors que l’auteur tenait là une manne scénaristique intéressante.

Côté graphique, Aaron Campbell, qui nous avait montré toute sa maîtrise du genre horrifique avec Infidel, livre des planches avec son style photoréaliste très reconnaissable. Mais la qualité du trait ne fait pas tout, et la colorisation de Jordie Bellaire (vue aussi The Nice House on the Lake) peine à masquer la confusion qui règne dans les scènes d’action, qui sont, en majorité, franchement illisibles.

C’est donc l’accumulation de ces défauts qui fait descendre son Suicide Squad Blaze de son piédestal et c’est bien dommage.

*****·BD

Le Labeur du diable #1

Première partie du récit imaginé par Fathi Beddiar et dessiné par Babbyan et Geanes Holland. Parution le 21/09/22 aux éditions Glénat, avec la mention « Pour public averti« .

From Nobody to Nightmare

Webster Fehler n’en mène pas large dans la vie. Petit juriste sans envergure, plus tâcheron que ténor du barreau, il subit des avalanches de brimades et d’insultes à longueur de journée. Seul, écrasé par la vacuité de son existence, Webster se laisse porter par le mouvement et a abandonné tout espoir de mener une vie satisfaisante. La ville tentaculaire de Los Angeles n’arrange rien à ses tourments, et ne fait même que nourrir ses frustrations et ses pulsions morbides.

Cependant, le destin va offrir à Webster une occasion impromptue d’exister, sous la forme d’une sacoche trouvée sous un sordide tunnel, où il s’aventurait à la recherche d’une prostituée. Dans cette sacoche, se trouve un appel du destin, sous la forme d’une arme chargée, d’un couteau, de quelques liasses de billets et surtout, d’un badge de policier. Cette découverte va faire émerger une part sombre, très sombre de Webster, qui de quadragénaire frustré va se transformer progressivement en prédateur, et s’extirper avec violence de sa chrysalide de passivité.

L’émancipation de Webster va coûter cher à beaucoup de monde, la faune qui prospère dans la fange de Los Angeles n’a qu’à bien se tenir.

Le Labeur du Diable n’est pas là pour donner des leçons de morale, mais plutôt des généreuses mandales dans la tronche. Adoptant une ambiance noire dans une L.A corrompue et puante, l’auteur Fathi Beddiar nous emmène dans les tréfonds d’une entité froide et déshumanisante, dans laquelle le seul moyen de retrouver son humanité est de s’adonner aux instincts les plus vils.

En décrivant ainsi la trajectoire d’une personne insignifiante qui se transforme en cauchemar ambulant, le scénariste nous livre sans concession sa vision du genre humain, une vision pessimiste, d’autant plus dépriamnte qu’elle est cohérente. En effet, le monde réel nous montre tous les jours qu’un quidam respectueux des règles n’est qu’un prédateur qui s’ignore, où qui n’a pas encore trouvé les ressources nécessaires à la satisfaction de ses bas instincts. Sitôt ces ressources à portée de main, l’individu docile se rebiffera, et le plus souvent, fera payer au monde ses tourments antérieurs.

Les exemples en fiction sont légion: Joker, Chronicle, Breaking Bad ou encore Chute Libre, mettent également en scène un personage faible et lâche, qui va se métamorphoser en prédateur revanchard d’une société qui l’a bafoué. Ce type de récit a une valeur ajoutée amivalente, car il joue dans un premier temps sur la sympathie naturelle que le lecteur/spectateur ressentira pour les outsiders. Qui n’a pas déjà encouragé un personnage maltraité de prendre sa revanche contre ses oppresseurs ? Mieux encore, qui n’a pas déjà projeté dans ce type de personnage ses propres échecs ou son propre sentiment d’injustice ? C’est là que les auteurs subvertissent cet empathie envers les victimes, et Fathi Beddiar ne fait aucunement exception ici, en la transformant radicalement, jusqu’à la faire basculer à l’opposé du spectre moral. Vient alors chez le lecteur/spectateur un sentiment étrange, la culpabilité d’avoir soutenu cette victime devenue bourreau.

La culpabilité vient peut-être aussi du fait que l’on peut confortablement projeter son propre désir de revanche dans ce personnage, qui se défait de ses oripeaux de moralité pour se complaire dans la revanche. L’autre atout du Labeur du Diable, c’est aussi le contraste entre l’hyper-réalisme de la violence et de la décadence, et le doute quant à la nature réelle des pulsions violentes de Webster: à la fois surnaturelle et terre-à-terre, c’est sans doute ainsi que se décrit le mieux la corruption des hommes.

Le Labeur du Diable est une oeuvre coup de poing, très cinématique dans son traitement (le scénario était initialement destiné au cinéma, comme l’explique l’auteur dans le dossier très complet qui boucle l’album), un coup de coeur à ne pas mettre entre toutes les mains !

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In Memoriam #1: Manon

Premier tome de 72 pages de la série écrite par Mathieu Salvia et dessinée par Djet. Parution chez Dupuis le 20/01/2023.

Dirty Harry Potter

Arthur C. Clarke défendait l’idée selon laquelle « toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie« . Mais que dire de la vraie magie ? Celle qui distord la réalité et les lois de la physique, sous l’influence d’un habile sorcier ou d’un artéfact ? Dans le monde d’In Memoriam, la magie est présente au quotidien, elle est pratiquée par une frange de la population dont les activités sont régies par l’Ordre des Sorciers.

Paris, ville de lumière, ville des Lumières, rayonne également par ses prestigieuses institutions magiques, qui attirent pratiquants et touristes. La Magie ne fait pas qu’impressionner les quidams, elle a aussi des applications pratiques, comme celle d’agrandir artificiellement un logement, ou de faciliter la conception d’un enfant.

Manon, jeune policière impétueuse, essaie justement de concevoir un enfant avec sa compagne Mila, également fonctionnaire de police, en ayant recours à un sortilège. Alors qu’elles apprennent qu’elles vont devenir mamans, Manon et Mila sont prises, comme des milliers d’autres parisiens, dans la déflagration que l’on baptisera plus tard la Grande Déchirure, qui dispersa la grande majorité des énergies magiques et priva de leurs pouvoirs la totalité des sorciers. Cette catastrophe n’a pas épargné certains quartiers de la captiale, qui sont désormais irradiés et transformés en no-man’s-land dans lesquels règne le chaos.

Un an après la perte de leur bébé à naître, Manon et Mila vivent une vie de couple distendue et insatisfaisante, au bord de la rupture. Manon a rejoint la BAM, la Brigade Anti Magie, et traque les anciens mages qui revendent au marché noir le peu d’artéfacts épargnés par la catastrophe. Détestés par la population car considérés comme responsables de l’explosion, les sorciers se cachent et vivent pour la plupart dans la clandestinité.

Ce n’est pas le cas d’Adam, qui mène une vie en apparence normale rythmée par le quotidien de sa laverie. En arrière-boutique, cependant, Adam continue son activité de receleur et monnaie des informations à Manon pour la traque des autres mages. Alors que les tensions sociales sont de plus en plus fortes, Adam reçoit la visite d’un homme étrange qui recherche sa filleule, qu’il n’a pas revue depuis la catastrophe et qui a rejoint la redoutée Mafia des Chats. Ce serait une affaire de routine pour Adam, si la fillette n’était pas déjà traquée par deux assassins sadiques qui disposent encore de leurs pouvoirs magiques. Manon et Adam vont sans doute devoir s’associer pour résoudre cette affaire et empêcher une escalade de la violence.

Le duo Salvia/Djet, que l’on connaît pour la série à succès Croquemitaines, récidive avec une nouvelle série fantastique et policière. Comme on a pu le voir dans le récent Fées des Sixties, le scénariste mêle les archétypes du récit d’action et ceux de la fantasy, en faisant se cotoyer flics badass et sorciers mystérieux, comme pouvait le faire Bright.

Au regard de la caractérisation, on peut déplorer que l’auteur ne soit pas parvenu à trouver des voies alternatives pour rendre son héroïne à la fois badass et intéressante. En effet, Manon, malgré un aspect général sympathique, colle globalement au cliché du flic badass, qui fonce dans le tas, dit des gros-mots et boit beaucoup d’alcool. La cerise sur le gâteau est la relation de couple défectueuse marquée un événément tragique, comme on le voit dans ce type de récit, de Heat, à Criminal Squad en passant par Die Hard. Si l’Etagère Imaginaire aimait la controverse, nous pourrions alors relever sans trop de peine d’autres clichés de genre, comme le couple lesbien composé d’une femme girly, introvertie et décrite comme fragile/maladroite, et une femme tomboy, dotée des caractéristiques agressives et stéréotypées décrites plus haut.

Pour le reste, on peut dire que ce premier album prend son temps pour installer l’univers et les règles qui le régissent, s’agissant de l’impact de la magie sur la marche du monde et sur la vie des individus. Néanmoins, les enjeux ne sont pas encore clairement établis, l’auteur préférant sans doute garder des billes pour la suite de la série. C’est un pari plutôt risqué, car susceptible de perdre l’intérêt du lecteur qui pourrait ne pas savoir dans quoi il s’engage. On peut néanmoins supposer que la suite de l’intrigue révèlera en quoi la fille recherchée est importante, et quel est son lien avec la Grande Déchirure.

Pour ceux que cela intéresse, il y a dans l’album des premisses d’un univers partagé, avec Vermines, le prochain album du duo, à paraître en avril 2023 toujours chez Dupuis.

Si l’exposition que constitue ce premier tome nous laisse sur notre fin, il faut aussi reconnaître de bonnes idées de l’auteur s’agissant de l’exploitation de son concept de base, comme les quelques applications pratiques de la magie dans le quotidien de tout-un-chacun. On sent également une volonté du scénariste de faire un parallèle entre magie et science, ne serait-ce que par le contre-coup de l’explosion, qui file la métaphore de la bombe atomique (dévastation et quartiers irradiés), ou bien le débat sur la GPA au travers du projet familial de Manon et Mila (là encore, on peut regretter que l’auteur ait fait en sorte que ce soit Mila qui porte l’enfant, plutôt que Manon, encore un stéréotype qu’il aurait été utile de déjouer ou de subvertir en allant au-delà de nos biais de préconception), ou encore le racisme et les clivages sociaux moldus/sorciers (encore une fois comme Bright).

Graphiquement, Djet assure sa partie avec brio, grâce à un trait dynamique, des cadrages empruntés aux mangas et au cinéma d’action, de quoi réveiller la rétine.

En bref, un début de série intéressant mais non exempt de défauts scénaristiques, qui pourraient/devraient être corrigés dans la suite.

****·BD·Nouveau !·Service Presse

Feroce #2

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BD de Gregorio Murio Harriet, Alex Macho et Ekaitz Elizondo (coul.)
Glénat (2023), 56p., série en cours, série finie en deux tomes.

image-5Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Dans l’extrême-orient russe, au cœur de ces forêts enneigées loin de la civilisation, la loi et la morale sont des principes bien ténus. Dans ce paradis naturel une équipe de documentaristes arrive pour réaliser un film sur le Tigre de Sibérie. Entre l’animal sauvage, l’hostilité du climat et l’appétit des mafia sino-russes, qui est le plus dangereux?

Carnage (par Harriet Gregorio Muro, Alejandro Macho Andrès et EkaitzNous voici venir une nouvelle BD de l’autre eldorado de la BD, l’Espagne qui nous apporte quantité de talents rescapés de l’appel du comics. Avec Feroce (dont le premier tome a été chroniqué par Dahaka), le très talentueux Alex Macho propose avec ses collègues scénariste et coloristes (deux coloristes différents sur le diptyque, sans que cela se ressente, heureusement) un thriller naturaliste en deux temps. Alors que le premier volume sorti il y a dix-huit mois décrivait une affaire mafieuse parfois proche de l’univers de Tarantino, le second volume vire dans le survival brutal, à la limite du fantastique et du slasher dans une volonté de ne rien laisser aux personnages!

En ouvrant leur intrigue dans un contexte exotique original frisant le « Eastern » et en contextualisant de façon assez réaliste une réalité écologique dramatique, les auteurs posent une base que l’on avait envie de suivre et qui n’était pas loin du coup de cœur tant les splendides dessins nous faisaient voyager en plein cinéma. Sans que l’évolution ne soit brutale, il faut reconnaître que l’on change de registre ici puisque le tigre-démon devient une sorte de croque-mitaine où l’absurde n’est jamais loin dans l’énormité. Pourtant la maîtrise de la mise en scène cinématographique et des codes de l’épouvante font fonctionner la mécanique qui nous ferait presque sursauter à chaque page. En jouant avec des personnages-proies Macho et Harriet nous tiennent en haleine tant on n’imagine pas ce jeu de massacre si radical. Et comme tout bon « film » de genre, on ne saura jamais vraiment ce qu’était cet affreux tigre quasi-immortel…

Sans doute victime d’une trop modeste ambition et l’envie d’aller vite, Feroce réussit pleinement sa mission mais nous frustre un peu par sa brièveté et l’incapacité à vraiment développer toutes les interactions crapuleuses par manque de place. Le projet, ne serai-ce que par son originalité aurait mérité de prendre le temps de poser cet univers oriental situé à la croisée entre Corée du Nord, Chine et Russie. Nous aurions voulu en savoir plus sur l’affreuse cheffe de triade chinoise et sur cette héroïne semble-t’il inspirée « de faits réels ». On aurait voulu se documenter sur la réalité des mafias du bois. Bref, on en aurait voulu plus. Ce n’est pas un défaut mais plutôt le signe d’une BD de qualité qui en avait sous le coude.

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Catwoman: Lonely City

Histoire complète en 224 pages, écrite, dessinée et mise en couleur par Cliff Chiang. Parution en France chez Urban Comics, collection Black Label, le 10/02/2023.

Merci à Urban pour leur confiance.

Le retour du Chat

Selina Kyle, alias Catwoman, sort du pénitentier hautement sécurisé de Blackgate après une peine de dix ans. Il y a dix ans, Selina n’a cependant pas perdu que sa liberté. Durant ce que les journaux auront plus tard baptisé la Nuit du Fou, elle a perdu l’amour de sa vie, le milliardaire orphelin Bruce Wayne, plus connu sous son identité de Batman.

Lors d’un énième affrontement contre son ennemi juré, le Joker, Batman, ainsi que son ami le commissaire Gordon et son allié Nigthwing, sont morts, laissant Gotham endeuillée, et Catwoman brisée. Heureusement, rien ne dure éternellement, pas même la prison, aussi notre féline anti-héroïne finti-elle pas retrouver sa liberté, quelque peu usée et amère, mais toujours vivante.

La compagne de Batman retrouve donc Gotham, sans toutefois la reconnaître. En dix ans, beaucoup de choses ont changé, comme par exemple le fait que plus aucun personnage costumé, qu’il soit héroïque ou criminel, n’a fait d’apparition depuis la Nuit du Fou. Harvey Dent, que tous connaissaient sous son tristement célèbre sobriquet de Double-Face, s’est rangé et est devenu maire de la ville, instaurant une sorte de municipalité policière, grâce à une armée de Bat-Cops peu frileux quant à la brutalité de leurs méthodes.

Sous le mandat de Dent, les inégalités qui frappaient Gotham et généraient le crime n’ont fait que s’aggraver, menant à la gentrification de certains quartier et à l’abandon de beaucoup d’autres. En parlant de crime, il est une invariable statistique en criminologie, stipulant que les quelques semaines qui succèdent une sortie de prison sont les plus susceptibles de voir l’ancien criminel replonger.

Qu’adviendra-t-il alors de Selina ? Renouera-t-elle avec son passé criminel dans cette nouvelle Gotham, ou demeurera-t-elle fidèle à la dernière promesse qu’elle fit à Batman ?

Depuis maintenant trois ans, Urban exploite les titres du DC Black Label, une collection hors-continuité dont la liberté de ton permet des revisites très pertinentes de personnages connus. Ainsi, Wonder-Woman, Batman, encore Batman, et encore encore Batman, et encore et toujours Batman, ont eu droit à leur récits alternatifs. Ce Lonely city sorti fin 2021 était très attendu et repoussé plusieurs fois par l’éditeur français. Hâte de voir si le Black Label allait continuer son quasi sans-faute…

Catwoman, héroïne ambivalente, mérite elle aussi son spotlight, et il faut bien admettre que Cliff Chiang s’y prend diablement bien. Au premier abord, difficile cependant de ne pas avoir en tête le Dark Knight Returns de Frank Miller, mettant en scène le retour d’un héros vieillissant dans une ville qu’il ne reconnaît plus.

Le pitch est sans aucun doute similaire, mais là où Miller laissait transpirer ses opinions droitisantes, voire fascisantes, Chiang livre un propos plus moderne, et sans doute aussi, plus démocrate. La diatribe politique n’étant clairement pas l’objectif de l’oeuvre, l’auteur se concentre néanmoins sur le développement de son personnage, au travers du deuil de Selina, et comme on s’en doute, de la vie de l’une qui continue après la mort de l’autre.

Quant à l’intrigue, il n’y a pour ainsi dire pas grand chose à reprocher à l’auteur. Ce dernier utilise à bon escient tous les élements du film de casse, à savoir:

  • Une structure ternaire rassemblement de l’équipe / préparation / exécution
  • Un objectif illégal qui nécessite d’investir une place forte, à savoir s’introduire dans la Batcave, surveillée par les autorités.
  • Un plan, qui consiste à s’y introduire durant la nuit des élections.
  • Des étapes du plan où interviennent des complications progressives, forçant les héros à improviser.
  • Il est d’ailleurs intéressant de noter, à titre informatif, qu’en fiction, plus un plan est connu et limpide, plus ses chances de succès sont minces, alors qu’un plan qui est établi à l’insu du lecteur aura un succès quasi garanti.

Tout cela fonctionne donc à merveille, surtout si l’on ajoute le mystère du contenu véritable de la Batcave, dont on se doute qu’elle ne contient pas seulement la Batmobile et quelques gadgets mineurs. Entre histoire de braquage et contemplation amère du temps qui passe, Catwoman Lonely City est une nouvelle réussite du Black Label de DC. Et un nouveau coup de coeur !

****·BD·Guide de lecture·Jeunesse

Seuls – Cycle 3

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couv_459301BD de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann
Dupuis (2006-),  208 p. couleur. 3 cycle parus

Le très gros coup éditorial réalisé par les éditions Rue de Sèvres qui viennent d’annoncer le transfert de la série Seuls (plus grosse série jeunesse en cours) après avoir récupéré le Label 619 (publications phases en young adult) est l’occasion de notre billet traditionnel sur l’intégrale du dernier cycle paru chez Dupuis fin 2022.

Alors que la série Les 5 Terres a un peu accaparé les attentions depuis quelques temps on en oublierait presque combien Seuls est peut-être la série majeure et une des plus ambitieuses dans sa construction depuis bientôt vingt ans. Maintenant bien avancés dans l’intrigue et l’évolution de sa thématique en abandonnant le thriller horrifique du premier cycle, les auteurs assument de bâtir une série très grand public dont le style graphique continue à paraitre une incongruité dans un registre que les japonais intituleraient « seinen ».

Vehlmann et Gazzotti ont prix un gros risque dans la structure de ce cycle en choisissant de séparer les enfants dont le groupe formait le ciment de l’intrigue. Ce faisant ils permettent à chacun des quatre tomes de garder une unité dans une action simple qui retrouve les schémas d’épouvante du premier cycle. La conséquence est de ralentir l’intrigue générale en hachant la progression de quelques pages au sein des quatre trames. Pour autant notre connaissance du monde des Limbes avance énormément avec des hypothèses scientifiques sur le Temps et le Big Bang par les recherches d’Anton mais aussi sur les liens entre Paradis, Limbes et Enfer. A la sortie de ce cycle l’affrontement semble plus proche que jamais entre les évadés de la huitième famille guidés par les héros désormais dotés de grands pouvoirs et l’enjeu final qui commence à poindre: éviter la guerre des limbes bien sur, mais aussi pourquoi pas la résurrection ou du moins la communication entre les réalités.

L’immense qualité de cette série reste la richesse de la mythologie originale créée par les auteurs et dont le risque principal est bien de se perdre dans trop de cycles. Vue la quantité d’information, la cohérence de l’ensemble et le nombre de personnages il y a largement la matière pour encore de longues années en compagnie de Dodji et sa bande. En forme de cycle préparatoire, ce troisième arrive donc bien à compenser une petite baisse de rythme (et d’interactions) tout en garantissant de très belles scènes fantastiques, de l’action qui n’a rien à envier aux grandes séries adultes et un cadre mythologique toujours aussi passionnant. On se retrouve donc dans quelques mois chez le nouvel éditeur pour un quatorzième tome en se demandant si le mercato sera aussi l’occasion d’une évolution plus adulte d’une saga déjà bien mature.


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****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Raiders

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Comic de Daniel Freedman et Crom.
Editions du Delf (2023) 112p., one-shot.

image-5Merci aux éditions du Delf pour cette découverte.

Le royaume de Ridmar est tenu d’une main tyrannie par la dynastie des Bishops, qui imposent leur loi sur l’économie des pilleurs de donjons, les Raiders. Ces fiers guerriers d’élite passent leur vie à parcourir de vastes souterrains où grouille une vermine monstrueuse, à la recherche des richesses qui leur permettra, peut-être, de trouver un repos bien mérite à l’arrivée de la vieillesse. Le meilleur d’entre tous, Marken forme son jeune et impétueux frère comme raider. Bientôt il compte déposer l’épée. Mais le bonheur est-il seulement possible pour des gens comme lui dans un monde si injuste?

Je découvre l’artiste anglais CROM à l’occasion de ce premier album sorti en 2019 et traduit en ce début d’année par la toute petite structure des éditions du Delf. Malgré un tirage faible l’album est assez bien référencé et vous ne devriez pas avoir beaucoup de mal à vous le procurer avant un probable premier tirage au vu de la qualité du titre.

Raiders TPB :: Profile :: Dark Horse ComicsDans un style graphique naïf qui rappelle les créations du label 619 ou de Catharsis sorti l’an dernier chez Kinaye, Crom fait preuve d’une maitrise de la mise en scène et dans la lisibilité des planches qui impose le respect. Sur une histoire archi-classique du vieux héros souhaitant raccrocher les gants mais contraint par le tyran à venger ses proches, les auteurs proposent un des plus intéressants projets de fantasy lu depuis longtemps! En lâchant la bride et en évitant une complexité cérébrale ils vont droit au but, à l’essence d’un récit de fantasy, centré sur un petit groupe de personnages forts, une intrigue simple et last but not least une gestion du hors-champ parfaite. Ainsi on commence l’histoire dans un classique mais très dynamique massacre de monstres avant le retrait du héros et la confrontation avec la monarchie. Sur une pagination à la fois large mais au découpage qui prend de la place, on est surpris de constater que Crom et Freedman parviennent à proposer un récit complet auquel il ne manque presque rien et sans nécessiter de prolongation.

Ce qui fonctionne excellemment c’est le rythme des surprises dans un monde très violent où aucune vie n’est éternelle… Alors on s’attache plus vite qu’on ne pense à ce Marken  et l’on déteste ces Bishops que l’on voit finalement très peu. Le design général des armures, l’aspect grandiose des donjons et forteresses accentuent l’immersion dans l’épopée tragique que l’on pourrait situer entre Furieuse et Tenebreuse. Et si le mouvement de Crom est très efficace, c’est bien l’histoire en elle-même qui nous fait dévorer ce brillant premier titre qui coche toutes les cases d’une bonne histoire: méchants redoutables et mystérieux, worldbuilding que l’on a envie de parcourir, rebondissements terribles… Après avoir plongé dans le monde de Ridmar vous pourrez rapidement prolonger avec un second titre des auteurs sorti à l’automne et dont j’ai peu de doute que l’éditeur saura nous en proposer une VF. La naissance de deux auteurs et un probable succès bouche à oreille en perspective!

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*****·BD·Nouveau !

Hoka Hey !

Histoire complète en 222 pages, écrite, dessinée et mise en couleurs par Neyef. Parution au Label 619 le 26/10/2022.

So long, cowboy

Comme chacun sait, le prix pour à payer pour bâtir une nation est élevé, surtout s’il s’agit d’une nation blanche érigée au détriment des autres peuples. L’une des nations les plus récentes du globe, mais aussi la plus puissante, ne doit en effet son existence qu’à l’oppression et à l’extermination de peuples indigènes et/ou réduits en esclavage.

Après les guerres indiennes, à l’issue desquelles plus de 90% des peuples amérindiens ont disparu, les survivants étaient soit parqués dans des réserves, soit assimilés de force dans la culture dominante. Ce fut le cas du jeune Georges, qui fut arraché enfant à sa tribu Lakota pour être évangélisé par le Révérend Clemente, qui le considérait tout au plus comme une ouaille tolérable plutôt que comme un fils adoptif.

Alors qu’il sert encore une fois de faire-valoir au révérend en récitant des évangiles devant sa nouvelle conquête, Georges est interrompu par un trio de bandits, des hors-la-loi recherchés qui mènent à leur façon les prolongations des guerres indiennes. Little Knife, No Moon et Sully interrogent le révérend à propos d’évènements tragiques du passé et sur la localisation d’un homme, dont le jeune garçon n’a jamais entendu parler.

Une fois l’affaire réglée, Little Knife, ucléré de voir un Lakota ainsi fourvoyé par des blancs et désireux de ne laisser aucun témoin, s’apprête à abattre Georges. Mais No Moon s’interpose, suppliant son ami de ne pas abattre l’un des leurs. Bien malgré lui, voilà que Little Knife, guerrier Lakota redouté dans toutes les plaines de l’Ouest, à l’origine d’exactions punitives qui lui ont valu une belle mise à prix, se retrouve à jouer les nounous-précepteurs pour ce petit homme qui l’agace autant qu’il lui rappelle sa propre enfance.

Que cherche vraiment le gange de Little Knife ? Georges survivra-t-il à sa chevauchée forcée aux côtés de ce dangereux trio ?

Jusque-là, le Label 619 avait exploré tous les genres, et toutes les cultures, mais conservait une appétence pour le rêve américain et ses travers. Le genre du Western ne leur est donc pas étranger, et c’est au tour de Neyef, de s’interroger sur le devenir des amérindiens dans un pays qui n’est plus le leur. Le dernier western que j’avais en tête venant du Label 619 était Horseback 1861, qui ne brillait ni par l’originalité de l’histoire, ni par son exécution. On change carrément la donne ici avec Hoka Hey ! et ce à plusieurs égards.

En premier lieu, la pagination généreuse, qui permet d’installer une histoire complète sur le long cours, ce qui inclut des personnages écrits avec maturité plutôt qu’à l’emporte-pièce. Tout en conservant un ton crépusculaire, amer, Neyef parvient à insuffler un ton humaniste dans un univers très dur, voire cruel. La thématique du refus de l’assimilation et l’attachement à une culture d’origine, bien qu’elle ne soit pas universelle, est néanmoins transposable à d’autres cultures et d’autres histoires, donnant à Hoka Hey ! une allure de parabole. Comme dans la majorité des westerns, on n’échappe pas à la sempiternelle quête de vengeance, mais l’auteur insiste bien quant à la vacuité d’une telle poursuite, car tout personnage a toujours davantage à y perdre que ce qu’il croit. L’intrigue en elle-même reste simple. Malgré la longue pagination, elle ne fait pas de détour inutile ni ne donne de sensation de longueur ni de remplissage.

En second lieu, on se doit de mettre en avant la qualité graphique de l’album, le grand format aidant l’auteur à installer des décors somptueux où la nature sauvage reprend tous ses droits.

Odyssée périlleuse, ôde somptueuse à la liberté, mise en garde contre le fiel dévorant de la vengeance, mise en exergue du sort des amérindiens dont les ossements gisent dans les fondations des USA, Hoka Hey ! est tout ceci à la fois, et ce serait criminel de ne pas y attribuer un 5 Calvin. Bang ! Bang !

****·BD·Nouveau !·Service Presse

L’Ogre Lion #2: Les trois lions

La BD!

bsic journalism

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance!

Nous avions laissé le roi-lion déchu et amnésique Kgosi se diriger vers un shaman susceptible de l’aider dans sa quête de mémoire et de rédemption. Le second tome de L’ogre lion enchaine donc directement dans la cabane du sorcier pour un volume qui est construit très intelligemment comme un flashback sur les origines du lion et de son démon allié, l’écorché Bakham Tyholi. C’est la grande surprise de ce second tome (prévu en trois…?) où l’on n’attendait pas autant de révélations de sitôt, l’épisode précédent étant présenté sur une base simple envisageant des révélations progressives. Un risque aussi, probablement calculé au vu du format en trilogie et qui déséquilibre un peu l’aspect fantasy-barbare du titre puisque l’on perd sur la plus grosse partie du tome l’équilibre remarquable de la petite trouve formée par le lion et ses amis.

On sort ainsi de cette aventure au fait des responsabilités de Ngosi dans la mort de ses enfants, du rôle de son frère qui apparaissait comme le traitre à la fin du précédent épisode, et des origines du démon cornu. Avec ce parti pris inhabituel il est incontestable que le lecteur aura bien avancé dans l’intrigue, intéressante, centrée sur la tyrannie féline contre les herbivores, qui développe le thème du racisme sous la forme d’une parabole animalière. Fort impliqué dans son projet (au point de délaisser l’attendu second tome du très réussi Amazing Grace avec Aurélien Ducoudray), Bruno Bessadi dispose d’une intrigue politique détaillée autour de différents peuples (notamment un mystérieux peuple simien) et il n’est pas du tout impossible au vu du développement, du plaisir manifeste de l’auteur dans le travail de son projet et du potentiel que la trilogie s’élargisse dans quelque chose de plus ambitieux.

Si l’album marque une petite faute de gout – qui confirme les questionnements de Dahaka sur la chronique du premier tome concernant le type de public visé entre le grand public et la barbarie hyboréenne – lorsque l’impitoyable démon incarné Bakham Tyholi devient sensible aux amitiés des vivants, on n’a que peu de choses à reprocher à un album qui respire l’implication, la confiance et le professionnalisme. Bessadi croit en son grand œuvre et il n’est pas impossible qu’il le tienne au vu des qualités qu’il a montré jusqu’ici, suffisamment pour entrainer le public avec lui en tout cas dans ce qui est aujourd’hui un des tous meilleurs titres du catalogue Drakoo.

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