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Batman : L’Aventure continue #1

Premier volume de la série qui fait suite à aux séries Batman Aventures, et Batman Les Nouvelles Aventures. Alan Brunett et Paul Dini au scénario, Ty Templeton au dessin. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Nostalgie gothamienne

La mythologie autour du personnage de Batman s’est construite sur plusieurs médias, qui ont, pour le meilleur ou pour le pire, appris l’un de l’autre et sont mutuellement influencés au fil des itérations. Quand on pense à Batman aujourd’hui, on n’a pas seulement en tête les bandes dessinées qui l’ont vu naître, mais également les nombreux films, séries télévisées, séries animées et jeux vidéos dans lesquels il est apparu.

L’un des pans essentiels du folklore de l’Homme Chauve-Souris s’avère être Batman: The Animated Series, qui jouit pour beaucoup de fans d’une aura immarcescible à laquelle peu d’autres œuvres peuvent se comparer. Diffusée entre 1992 et 1999, la série animée est vue aujourd’hui comme un paragon de ce que doit être le Chevalier Noir, une série à la fois orientée vers l’action mais également vers la psychologie de ses personnages.

En effet, la série écrite par Paul Dini, Alan Burnett, Bruce Timm et Eric Radomsky a défini en profondeur la psyché de personnages jusque-là secondaires et caricaturaux, comme par exemple Mr Freeze ou Gueule d’Argile. Misant sur l’aspect tragique et torturé d’une galerie de méchants hauts en couleurs, les auteurs ont frappé l’imagination de tout un public dans les années 90, ouvrant la voie à une génération d’auteurs dans les années 2000. L’autre fait d’armes principal de la série animée Batman est qu’elle a créé des personnages qui ont par la suite été canonisés dans la bande dessinée, comme par exemple la célèbre Harley Quinn, qui sera plus tard interprêtée par Margot Robbie et prochainement par Lady Gaga.

Sachant cela, y avait-il un intérêt réel à poursuivre en BD les aventures animées et délicieusement gothiques du Chevalier Noir ?

La série reprend sur un statu quo habituel à Gotham, à savoir Batman, aidé de ses deux protégés Robin et Batgirl, luttant contre le crime. Le trio va être confronté en premier lieu à Lex Luthor et à ses manigances, avant de tomber sur un os en la personne de Deathstroke.

Le mercenaire, célèbre dans l’univers DC, fait ici sa première apparition dans l’univers « animé », avec dans l’idée de priver Batman de ses acolytes afin de mieux l’affaiblir. Il épie donc les faits et gestes du justicier afin de trouver une faille à exploiter. Cependant, ce que Deathstroke ignore, c’est qu’un autre joueur vient d’intégrer la partie, et que ce dernier pourrait être mieux armé pour déstabiliser l’inébranlable Batman.

Ce qui va suivre pourra faire office de SPOILER dans l’hypothèse où vous n’avez jamais ouvert un comics Batman ces dernières années. Prenez-donc garde !

Le coeur de l’intrigue se concentrera sur Jason Todd, le deuxième Robin dans la continuité classique, qui n’avait jamais été mentionné dans la série animée. Personnage assez peu populaire, il avait été éliminé après un vote du public, massacré par le Joker. En plus de débarasser l’éditorial DC d’un personnage encombrant, cet événement avait pour avantage non négligeable de fournir aux auteurs du Chevalier Noir un nouveau traumatisme sur lequel s’appuyer dans l’écriture du héros. Après avoir perdu ses parents, Bruce Wayne devait maintenant faire le deuil d’un fils putatif, mort dans une croisade qu’il a lui-même initiée. Deuil, culpabilité, regret, sont de formidables moteurs scénaristiques que les auteurs ne se sont par la suite pas privés d’exploiter.

Cependant, au millieu des années 2000, Jason Todd fait un grand retour dans l’univers DC, pas sous les traits de Robin, dont le rôle fut entre temps repris par Tim Drake, mais sous le masque de Red Hood. Devenu un justicier expéditif et ultra-violent, Todd cherche à se venger du Joker en lui rendant la monnaie de sa pièce, ce que Batman ne peut pas tolérer au vu de son code moral strict.

La saga de Red Hood, qui est étrangement similaire à celle du Winter Soldier chez Marvel, est aujourd’hui un classique de la continuité du Batman, si bien que Paul Dini et Alan Burnett ont souhaité l’intégrer dans la continuation de l’univers animé. Le duo ne s’est pas arrêté là puisqu’il emprunte également à d’autres grandes sagas du personnage comme Knightfall, durant laquelle Batman, le dos brisé par Bane, avait du être remplacé par Jean-Paul Valley alias Azraël.

On constate donc qu’après avoir influencé la série principale en créant des personnages, la série animée opère le processus inverse, en assimilant la continuité principale dans son propre prolongement, quitte à user de retcon (continuité rétroactive). Ce phénomène aurait représenté un intérêt certain si la série animée était restée animée, mais en BD, les lecteurs aguerris ressentiront une sorte d’effet homéopathique en voyant des sagas emblématiques, s’étalant sur plusieurs tomes, diluées, parfois vidées de leur substance pour n’occuper que quelques épisodes.

Cependant, les lecteurs non-initiés, ou les jeunes lecteurs à qui l’on voudrait faire découvrir l’univers de Batman tout en leur épargnant ses périodes les plus sombres, y trouveront une intrigue prenante. Les vieux lecteurs, quant à eux, pourront toujours s’y délecter d’une dose de nostalgie, avec en tête les voix françaises du dessin animé.

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Bon voyage ?

Récit complet en 80 pages, écrit par Jack Manini et dessiné par Michel Chevereau. Parution le 02/05/2024 chez Grand Angle.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Lost in Paradise

Alors que le monde se remet lentement des ravages de la Seconde guerre mondiale, un groupe de 44 chanceux s’aprête à quitter Paris pour un extraordinaire voyage en Latécoère, le plus grand et le plus luxueux hydravion français jamais construit.

A son bord, Marceau, Paul et Alice, trois amis vétérans qui ont vécu l’enfer de la guerre, et qui n’ont plus en eux assez d’optimisme pour penser à autre chose qu’à l’imminence d’une troisième guerre mondiale. Quant aux autres passagers, ils embarquent après avoir rempli un mystérieux formulaire glissé dans leur boîte-à-lettres , qui leur a fait gagner un étonnant voyage tous frais payés dans les Caraïbes.

N’écoutant que leur désir de voyage et de liberté, Colette, Constance, Rose, Augustin et bien d’autres bouclent leurs valises et embarquent dans ce paquebot volant. Mais à l’arrivée, pas de Latécoère. L’avion, et tous ses passagers avec, s’est perdu quelque part dans l’Atlantique. Qu’est-il arrivé à l’hydravion, à son équipage et à ses passagers ? Ont-ils connu un sort funeste, ou se pourrait-il au contraire qu’ils aient finalement atteint la destination de leurs rêves ?

Voici un pitch intriguant comme on les aime, qui semble convoquer à la fois Lost et Seul au monde. Il est vrai qu’en fiction, les avions ont un taux de crash plutôt inquiétant, mais il faut avouer que ne pas arriver à destination est, en fiction il s’entend, ce qui peut arriver de plus intéressant à un avion sur le plan narratif.

Que nous réserve donc ce Bon Voyage ? A première vue, plutôt un récit tourné vers les tranches de vie, puisque l’auteur se concentre sur un groupe restreint de protagonistes, dont il déroule la vie avant le crash de l’avion, sous forme de compte à rebours supposé nous faire craindre l’issue fatale.

Le casting réunit pas l’auteur est dans l’ensemble plutôt attachant, et illustre une sorte de lutte des classes unilatérale, des prolétaires et petites gens œuvrant de concert pour le bien de tous. Outre l’aspect tranches de vie, l’auteur construit son histoire autour d’une intrigue qui contient bien sûr son lot de rebondissements et de révélations, comme vous vous en doutez.

On suit donc avec intérêt les péripéties de ce singulier équipage, sûrement mû par le désir de connaître le fin mot et la destinée finale des passagers. Le final a une saveur poétique à ne pas négliger, sans doute à mettre sur le compte du scénariste Jack Manini en la matière.

Sur le plan graphique, rien à redire, si ce n’est une mise en couleur quelque peu monotone. Des couleurs plus tranchées auraient sans doute permis aux planches de se détacher d’un certain classicisme, qui est toutefois la marque de fabrique de Grand Angle.

Ce Bon Voyage ? vous réservera donc quelques surprises, entre destins croisés et désirs de liberté.

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Mekka Nikki #1

Premier volume de 224 pages noir et blanc de la série écrite par Exaheva et dessinée par Félix Laurent. Réédition en France chez les Humanoïdes Associés le 03/04/2024.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Nikki est une adolescente débrouillarde et inventive, qui vit dans un monde dévasté par une guerre des siècles auparavant. Déambulant dans une forêt parsemée d’épaves de vaisseaux spatiaux, Nikki joue les aventurières, juchée sur des jambes mécaniques de sa création.

Dans son village, un mal frappe les habitants de façon aléatoire, les transformants en statues de pierre. Nikki n’a qu’un désir, traverser la forêt, puis gravir la montagne en quête d’un remède. Son père, Lukka, a déjà tenté la traversée dix ans auparavant, visiblement sans succès puisqu’il n’est jamais revenu de son périple. Il faut dire aussi que la forêt est pleine de dangers, sous la forme d’une bête féroce qui traque et tue tous les intrus.

Alors que le fléau progresse, Nikki prend une grande décision, celle de se mettre en route, accompagnée de son petit robot Perko. En chemin, elle fait la rencontre de Naoe, qui va la guider à travers les dangers de la forêts, dans un monde dont elle ne sait finalement pas grand chose…

Mekka Nikki possède une histoire éditoriale tout à fait singulière, puisque la série a débuté via le fanzinat, puis l’autoédition, et chez Vide Cocagne. La série connaît un second souffle chez les Humanos, qui promettent un second tome dès le mois de juin 2024.

Il est à noter que la série bénéficie également d’une adaptation animée par les studios Dada et Squarefish, ce qui laisse entendre un certain potentiel pour une extension de l’univers des deux auteurs belges.

A l’ouverture de l’album, il sera aisé pour les lecteurs de l’Étagère (enfin, ceux qui suivent nos recommandations de lecture, bien entendu 😉 ) de déceler des similitudes, dans le style, avec la série Les Sauroctones de Erwann Surcouf.

L’aventure épisodique a ici du bon puisqu’elle insuffle un élan tout particulier au récit et permet de développer tranquillement les personnages qui composent le casting de cette quête initiatique.

Malgré l’aspect apparemment décalé de l’histoire, le ton demeure paradoxalement plutôt sérieux et grave, mené par des thématiques sous-jacentes qui augmentent les enjeux sans trop laisser la place à la déconnade.

Les amateurs-trices d’aventure rythmée apprécieront néanmoins, ceux et celles qui désespéraient de voir enfin un peu d’artisanat revenir sur le devant de la scène en seront ravis !

BD·Service Presse·Nouveau !·**

Opportune

Récit complet en 64 pages, écrit par Isabelle Bauthian et dessiné par Nicoletta Migaldi. Sortie le 02/05/24 chez Drakoo.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La Bête et le Beau

Dans un monde de nuages où la magie mêle science et sentiments, des nefs volantes évoluent entre paisibles cumulus et terribles orages. Au sol, la monarchie a été renversée et ses fidèles, transformés en monstres bestiaux évoluant dans un univers tribal aux mains des plus ambitieux. Opportune, pirate des cieux, traque Épigone, ancien officier dont la transformation en bête n’a fait qu’attiser la soif de vengeance.

Mais Opportune sait que seul le baiser d’une personne l’aimant sincèrement rendra à Épigone son apparence humaine. Tandis que, sur leurs bateaux, l’on complote et l’on se déchire, se noue entre la Bête et sa Belle geôlière une étrange relation…

Isabelle Bauthian n’en est pas à sa première publication chez Drakoo. En début d’année, elle nous avait déjà entraînés dans un monde où les personnages pouvaient se voir transformés en animaux anthropomorphes, sur fond de magie empathique et plus tôt elle avait proposé un surprenant diptyque aux personnages forts.

Elle reprend donc ici ces ingrédients qui lui semblent chers, pour concocter un récit qui, selon toute vraisemblance, reprend la structure du conte de la Belle et la Bête, en inversant les rôles et les attributs.

Il y a quelques temps de ça, nous avions déjà évoqué la structure quasi universelle qui sous-tend ce conte, notamment par la façon dont il dicte aux jeunes femmes la façon dont elles étaient supposées se comporter et sur les critères recherchés dans la sélection d’un partenaire.

Ainsi, Belle, ou en tous cas sa version classique, est une jeune femme réservée et introvertie, loyale à son vieux père, qui va rencontrer un Prince (soit un homme de haut statut affichant une abondance de ressources) dont la nature arrogante a littéralement pris forme sur lui, et dont elle sera le catalyseur de la rédemption grâce au pouvoir transcendant et transformateur de l’amour.

Dans Opportune, l’héroïne est donc tout l’inverse, soit bravache, aventureuse, indomptable et loyale seulement envers elle-même. Révolutionnaire, elle porte en horreur les valeurs patriarcales et dominatrices de la monarchie, ne prospérant que dans le chaos qui a succédé à la Révolution.

Loin de son homologue classique, Épigone semble être un personnage romantique dans le sens littéraire du terme, acquis à une cause perdue et porté par des valeurs désuètes.

Le premier écueil dans lequel s’engouffre l’autrice, est celui de délaisser la dynamique de geôlier-captive, qu’elle n’inverse pas puisqu’à aucun moment la Bête n’est prisonnière de la Belle, tout au plus sont-ils contraints de s’entraider car perdus dans un territoire hostile.

L’autrice préfère utiliser cette nomenclature pas-si inversée pour explorer les thèmes de l’admiration, du désir et de l’amour, et la façon dont ces trois sentiments peuvent se mélanger ou se confondre.

Le second écueil concerne le worldbuilding, surtout au regard de la façon imprécise dont est traitée la magie. L’idée d’une monde de piraterie aérien était également fort alléchant mais hormis une double page expliquant le contexte on sent que le décorum n’intéresse pas tellement les auteurs, à l’image de la dessinatrice qui propose de fort beaux personnages bien enluminés mais abandonne complètement son arrière-plan. Le contexte politique est mieux développé, mais la fin, si elle conclut bien l’intrigue, n’est pas aussi satisfaisante qu’elle aurait pu l’être, car elle ne répond que partiellement au questionnement dramatique et aux enjeux posés au début de l’histoire.

En revanche, il faut reconnaitre à Isabelle Bauthian un talent certain pour l’écriture des dialogues, dont l’éloquence réussit à masquer les faiblesses d’un scénario aux étonnantes ellipses qui semblent vouloir éviter toute action continue. On se retrouve ainsi dans une inégale lecture dont les joutes verbales maintiennent un intérêt que la structure générale ne porte pas. Un rendez-vous manqué plein de promesses peu tenues…

Billet rédigé à 4 mains par Dahaka et Blondin.
****·BD·Nouveau !·Service Presse

Une pour toutes

BD de Dominique Monféry
Rue de sèvres (2024), 120p., One-shot.
Adapté du roman de Jean-Laurent Del Scorro

Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

Julie de Maupin fut une bretteuse hors pair du Grand siècle, une toute aussi brillante débatteuse et elle conquit les opéras de sa voix. Un destin sans pareil qui semble trop flamboyant pour être vrai. Voici pourtant son histoire…

J’ai découvert Dominique Monféry sur le très intéressant Mortel imprévu qui s’inscrivait dans les pas de Jack London en une odyssée féministe sur les codes sociaux et moraux. Fidèles à sa ligne de publier peu mais bien, Rue de sèvres marque un sacré essai avec cette adaptation d’un roman dédié à un personnage bigger than life, une figure de femme puissante qui rappelle d’autres caractères plus récents comme celui croqué il y a peu par Hubert et Virginie Augustin. Que la forme soit romancée et truculente ne retire rien à l’aspect historique rappelé par une post-face qui revient sur les quelques libertés prises par les auteurs avec le personnage.

Que comptez-vous faire? – Tenter le diable évidemment…

Présenté comme un récit de capes et d’épées, ce gros volume qui se dévore avec un plaisir digne des meilleurs Dumas n’est pourtant pas un récit d’aventure à proprement parler. Si le décorum revêt bien des joutes d’épées autant que verbales (de nombreux échanges en alexandrins tout à fait savoureux sont insérés au sein des pages), si la Maupin nous emmène à travers la France, des ruelles de Paris au pont d’Avignon en passant par Versailles lui-même, la très grande originalité de l’album est de coller dans les pattes de notre héroïne rien d’autre que Mephistophelès, le fameux démon du myste de Faust annoncé ici comme rien de moins que le diable. Bien décidé à obtenir l’âme de cette virevoltante figure totalement caractérisée par sa liberté insoumise, le triste sire va la suivre tout le long, comme un compagnon de voyage mauvais joueur dont la belle sait très bien se méfier. Cette brillante idée permet d’alimenter une dynamique qui aurait pu lasser s’il ne s’était agi que de suivre les péripéties d’une aventurière du XVII° siècle.

Pardonnez-moi monsieur, je suis un peu farouche et en fin de combat vous demande si on couche!

Ainsi Julie de Maupin rebondit toujours sur les tentatives de son ombre plus canaille qu’inquiétant et joue avec lui sur le principe d’un être tout puissant et bien démuni face à la force de conviction de cette femme que rien ne semble vouloir arrêter, ni le lieutenant de police, ni le père jaloux décidé à venger l’affront d’un amour homosexuel, ni même le roi qui semble bien ennuyé devant les frasques de cette diablesse. Inarrêtable, la jeune femme fascine de modernité mais sans que l’auteur ne veuille la ramener à sa condition féminine pour en faire une véritable héroïne de roman, un double de D’artagnan. Et le Diable est bien contraint de reconnaitre sa presque admiration pour un être qu’il verrait bien au sein de sa troupe…

Mephisto, je ne sais comment vous procédez en enfer, mais ici on ne règle pas les choses ainsi

Jouant d’une langue tout à fait savoureuse, Dominique Monféry brille par sa mise en scène autant que par sa verve et propose de jolies planches malheureusement un peu écrasées par une colorisation d’ambiance mais qui affadit quelque peu le plaisir visuel. Tout à fait agréable à l’œil, Une pour toutes frôle ainsi de peu le coup de cœur du fait de sa partition graphique un peu en retrait de textes et de personnages pourtant magnifiques.

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**·****·Comics·East & West·Nouveau !·Un auteur...

The Ambassadors

Premier volume de la série écrite par Mark Millar. Au dessin, Frank Quitely, Karl Kershl, Matteo Scalera, Olivier Coipel, Travis Charest, Matteo Bufagni. Parution en France chez Panini Comics le 21/02/2024.

La pop-culture, subtilement appuyée par l’hégémonie américaine, nous a naïvement fait croire que les super-héros, en tous cas ceux qui en valent la peine, sont tous des ouaïlles de l’Oncle Sam. Mais c’est loin d’être la vérité.

Si la course à l’armement atomique a été gagnée par les USA et que la course vers l’Espace a également fait briller la bannière étoilée jusque sur la Lune, la course aux super-pouvoirs, elle, a été remportée par un tout autre acteur de la scène internationale. En effet, c’est Choon-He Chung, scientifique coréenne, qui en a percé le secret malgré les entraves imposées par son ex-mari Jin-Sung. Du fond de sa cellule de prison, où elle a été enfermée suite aux malversations de son ex-époux, Choon-He lance un appel au monde entier. Elle est en mesure d’attribuer des super-pouvoirs à six personnes différentes, qu’elle a l’intention de trier sur le volet en fonction de ses propres critères, et non ceux qu’auraient appliqué une quelconque entité étatique et militaire pour servir ses propres intérêts.

Le casting est lancé, et n’importe qui peut se proposer ou suggérer une personne de son entourage. Qui fera partie des premiers vrais super-héros ? Réponse par Mark Millar dans cette nouvelle série, destinée comme les autres à intégrer le catalogue audiovisuel de Netflix, depuis la signature d’un accord entre l’auteur écossais et le géant du streaming.

Mark Millar s’est fait une spécialité du concept désormais éculé de la déconstruction de la figure super-héroïque, tendance initiée par Alan Moore dans les années 80, puis poursuivie par une armada d’auteurs brittaniques dont la patte irrévérencieuse a donné quelques incontournables, parmis lesquels on peut citer The Authority, où Millar s’est faite connaître, ou encore The Ultimates, où il a reproduit la formule.

Depuis, ce sous-genre du courant super-héroïque fleurit abondamment, avec plus ou moins de succès, et plus ou moins de pertinence, Millar ayant lui-même agrémenté l’édifice avec plusieurs de ses oeuvres ultérieures, telles que Wanted, Kingsman (déconstruction du récit d’espions), Jupiter’s Legacy ou encore Kick-Ass.

On constate ici que l’auteur pose une nouvelle fois les bases d’un concept intéressant, sans pour autant le développer ni l’exploiter adéquatement pour produire un de ces récits percutants qui ont fait sa marque.

Sa volonté première semble être de montrer que l’Amérique ne serait pas en tête de liste des pays à qui l’on souhaiterait attribuer une puissance telle que des super-pouvoirs. Aucun membre de son casting n’est de nationalité américaine, l’auteur privilégiant des pays qui sont peu ou pas représentées au sein des super-héros maintsream, ce qui est une bonne base pour son histoire.

Cependant, le scénariste, connu pourtant pour son écriture autrefois brute et sans concession, ne traite pas le sujet en profondeur. Nous savons tous, même instinctivement, que l’émergence d’un nouveau pouvoir de destruction a eu tendance à réécrire, à défaut de véritablement rééquilibrer, les rapports entre les États et à influer sur leurs façons d’intéragir.

Un état qui obtient la bombe va nécessairement s’enhardir et riposter avec plus de verve aux atteintes qui seraient faites à sa souveraineté, ce que l’Histoire a clairement démontré. On peut imaginer qu’il en irait de même pour les super-pouvoirs, mais rien n’est suggéré en ce sens par Millar.

Alors que l’auteur aimait jusque-là nous montrer que les super-pouvoirs peuvent être imaginés comme l’étape suivante après la destruction de masse (The Ultimates), il se contente ici d’un casting mené de façon linéaire, et sans impact réel sur le reste du monde. Millar ne subvertit plus nos attentes et nous livre alors exactement ce que le pitch suggère, mais sans tension dramatique quelconque ni péripétie: une scientifique choisit des gens pour devenir des super-héros, ils deviennent des super-héros. Point.

Il aurait été fascinant de montrer en quoi ce choix peut-être sensible, délicat, et surtout, risqué, sans nécessairement tomber dans le sempiternel caractère corrupteur du pouvoir. Puisque son but initial était de laisser aux pays généralement exclus du super-héroïsme mainstream une voix au chapitre, pourquoi ne pas agrémenter son propos de thématiques actuelles qui auraient épicé son scénario ?

Imaginons, par exemple, qu’un ressortissant palestinien obtienne des super-pouvoirs… Les utiliserait-il exclusivement pour aider son peuple ? Ou au contraire, serait-il tenté par la vengeance ? Imaginons maintenant un enfant du Darfour ou de Sierra Léone devenant un super-héros. Accepterait-il d’aider des pays occidentaux qui n’ont pas levé le petit doigt pour sauver les siens de la famine ? Et si une militante écologique façon Greta Thunberg obtenait des pouvoirs ? Comment les utiliserait-elle pour avancer sa cause ?Cette idée peut se décliner de maintes façons différentes, étant donné le nombre de tensions et de conflits qui agitent le monde depuis des décennies.

J’ignore si Millar a refusé d’emprunter cette voie thématique ou s’il s’en fiche, mais s’il est capable de faire prononcer en fin d’album à l’un de ses personnages une diatribe sur les relations entre l’Écosse et l’Angleterre, alors on peut attendre de lui qu’il traite des sujets autrement plus sérieux et grave, sur le ton irrévérencieux qu’on lui connaissait.

Délaissons toutefois le propos politique pour nous concentrer sur le plan purement narratif. Le déroulé est comme nous le disions plus haut assez linéaire, et n’offre la place à aucun rebondissement digne de ce nom.

Si Choon-He base ses choix sur l’altruisme, on constate bien vite que cela n’a aucune conséquence imprévue ni aucun prix particulier, et donc, aucune profondeur. Vous connaissez sans doute les principes de Peter et de Dilbert, qui définissent nos places dans le monde de l’entreprise, et orientent les choix de management.

Grossièrement résumés, ces principes nous apprennent que les employés les plus compétents sont plus rarement promus, car les retirer du terrain aurait des conséquences néfastes pour l’entreprise. Ce principe pourrait entraver Choon-He dans ses choix: si une personne altruiste ayant un impact positif sur le monde à son échelle mérite des super-pouvoirs, quelles conséquences pourrait justement avoir le fait de l’éloigner du terrain pour lui faire jouer les super-héros ? Les bénéfices l’emporteraient-ils sur les aspects négatifs ? Ce point n’est évidemment pas adressé, mais cela aurait ajouté une dynamique plus concrète au récit et plus d’impact aux « dilemmes » de Choon-He.

Sans parler du fait que la réaction de l’Amérique, pourtant visée par l’auteur dans son intention initiale, n’est pas détaillée et rapidement mise de coté. Là encore, on aurait pu imaginer une réaction tendue, voire agressive, peut-être une tentative américaine ratée de super-héros lancée contre nos héros internationaux, ou bien quelque chose de plus passif, a minima un refus par l’État américain de recevoir de l’aide super-héroïque.

Parlons maintenant de l’antagoniste, Jing-Sung. Son but illustre de façon diamétralement opposée celui de Choon-He, à savoir le fait que les super-pouvoirs ne doivent être exploités que pour l’argent et au profit d’une élite économique. Si l’on met de côté le caractère unidimensionnel, rébarbatif et cliché de ce personnage, force est de constater que le conflit qui l’oppose aux héros manque cruellement de profondeur et de lien personnel. Considérant le fait qu’il possède déjà des super-pouvoirs avec ses petits copains milliardaires, et que l’action relativement anecdotique des Ambassadeurs ne lui cause aucun grief, il est difficile d’accorder du crédit aux actions de Jing-Sung, qui perdent donc en cohérence et en crédibilité.

Tout ceci donne au conflit final qui les oppose une saveur artificielle et non organique, aucun enjeu personnel n’étant développé, si ce n’est une vague et mesquine querelle d’amoureux à laquelle il est très difficile de souscrire.

Coté action, Millar développe un système de pouvoirs à la demande résolument original, chaque héros pouvant en combiner trois différents parmi une réserve définie. Si le problème de la disponibilité de tel ou tel pouvoir à un moment donné est bien évoquée, elle ne provoque pour ainsi dire aucun désagrément ni aucune catastrophe, ce qui donne là encore le sentiment d’une occasion manquée en terme d’action

Le dernier point qui mérite une adresse dans The Ambassadors est la pléthore de dessinateurs convoqués par le scénariste pour sa série. Chaque épisode est dessiné par un nom illustre ou en vogue de l’industrie, avec en tête de liste Olivier Coipel (familier des œuvres de Millar), et un retour notable de l’excellent Travis Charest. Certains diront que malgré la qualité individuelle de chacun des dessinateurs, il ne ressort du tout qu’un sentiment de discontinuité graphique, qui nuit à un ensemble déjà bancal.

The Ambassadors devient symptomatique du Millarworld, l’œuvre préformatée et paresseuse d’un auteur qui semble ne plus éprouver le besoin de séduire son public, mais qui ne voit pas la nécessité de s’y remettre tant que l’argent coule encore à flot, grâce à Netflix. Il n’y a plus qu’à espérer que les petits revers commerciaux que généreront sans aucun doute les adaptations télévisées lui remettront les idées en place et l’inciteront à se réinventer.

L’avis de Blondin:

Pour une fois on ne va pas être vraiment d’accord avec Dahaka! L’arrivée d’un Millar est toujours une attente gourmande (pour preuve les très nombreuses chroniques de ses albums sur le blog) accueillie avec une grande exigence par vos serviteurs du fait du talent et de la situation de l’écossais. Je rejoins le point sur la linéarité et la faiblesse dramatique, mais qui est pour moi fort logique pour un tome 1 conçu comme une mise en place. L’adversité se fait un peu attendre mais le roi écossais arrive néanmoins à nous surprendre sur qui va défoncer qui. Le simple fait d’arriver à rendre lisible sans bâillement un concept éculé était déjà une gageure et Millar s’en sort assez miraculeusement, un peu comme avec ses magiciens de Magic Order où personne n’imaginait qu’il était encore possible de surprendre… Les bonnes références que sont la série des Wachowski Sense8 ou le méconnu Harbingers (pour le téléchargement des pouvoirs) contribuent à mettre The Ambassadors sur de bons rails.

J’en viens à l’aspect bancal du projet (qui garde un fort potentiel selon moi): la très vive impression que le scénariste a totalement délégué la mise en scène de ses chapitres dans une économie de mercenariat induite par le très gros chèque qu’il a du débourser pour sortir Travis Charest de sa retraite et embarquer des camarades certes coutumiers mais tout de même très demandés. On a alors un traitement très inégal de la mise en case en fonction des auteurs ; Karl Kerschl et Travis Charest sont assez décevants malgré la qualité de leur trait quand Scalera et Coipel brillent littéralement dans une mise en scène jouissive. Comme un très gros blockbuster on peut donc effectivement être déçu de si peu avec de tels moyens mais le plaisir de lecture reste tout à fait savoureux et laisse la possibilité d’une vraie belle explosion au prochain tome maintenant que la team est réunie et que les dysfonctionnements commencent à apparaître, de quoi laisser un fort joli terrain de jeu au maître de la destruction.

Comics·Service Presse·Nouveau !·East & West·****

Horizons obliques

Récit complet en 144 pages, écrit et dessiné par Richard Blake. Parution en France chez Urban Comics le 26/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Monde à l’envers

L’an 4044 est pour l’Humanité un âge de merveilles et de découvertes. En effet, un passage vers un autre monde a été trouvé, un monde qui ne répond pas aux mêmes règles que le nôtre, un territoire nouveau à explorer. Pour ce faire, des cartographes ont été missionnés dans ce que l’on nomme désormais La Passerelle.

Parmi ces courageux explorateurs, on trouve Jacob et Elena Armlen, un couple de cartographes, chargés de créer une carte la plus complète possible. Mais les choses ne se passent pas comme prévu: pris ce court par les insaisissables paysages et l’architecture changeante de La Passerelle, Jacob et Elena sont portés disparus, sans que l’on sache s’ils se sont perdus, ou s’ils ont fait les frais d’une mauvaise rencontre avec les entités potentiellement malicieuses qui pourraient peupler cette dimension étrange.

Le couple de cartographes a laissé derrière lui la petite Adley, jeune presciente dotée de capacités psychiques hors-normes qui lui permettent d’explorer mentalement l’autre monde. Sans nouvelles de ses parents, la jeune fille est prise en charge par leurs confrères, qui se servent de ses dons pour développer Staden, une IA extrêmement avancée qui deviendra bien vite le meilleur ami de la jeune fille.

Une fois Adley devenue adulte, ses dons sont suffisamment affutés pour lui permettre de percevoir ses parents par delà la barrière qui sépare les mondes. La jeune femme décide de mener une mission de sauvetage, avec le précieux concours de Staden.

Le duo réussira-t-il à retrouver les cartographes disparus ? Pourront-ils percer à jour les mystères de la Passerelle et de ses habitants énigmatiques ?

Horizons Obliques est le premier album réalisé par Richard Blake, un peintre new-yorkais qui a répondu à un désir d’explorer des contrées inconnues, tout comme sa protagoniste Adley. L’idée est de dépeindre des paysages vastes et fragmentés, des panoramas déstructurés et de vastes horizons surréalistes.

On sent à la lecture de l’album le soin apporté par l’artiste à la mise en page des planches, ainsi qu’à la variété des cadrages, pour lequel on ressent une forte influence européenne. Il faut avouer que la qualité des dessins a de quoi laisser sans voix, que ce soit dans le character design ou dans les impressionnantes architectures mouvantes façon Inception que le dessinateur déploie dans les séquences d’exploration.

S’agissant du scénario en lui-même, on ne décèle pas d’incohérence ni de faux-pas, bien que l’on puisse déplorer une exploration quelque peu superficielle des concepts déployés par sa prémisse.

En effet, l’idée de faire évoluer des personnages humains ou semi-humains dans des environnement « non-euclidiens » est tout à fait lovecraftienne, et fait donc naturellement pencher l’histoire du côté de l’horreur cosmique, ce qui aurait permis d’exploiter la folie induite par un contact avec des entités inhumaines et incompréhensibles.

Ce décalage avec nos attentes (toutes personnelles) n’enlève néanmoins rien à la qualité de l’ensemble, surtout si on prend en compte les talents de créateur d’univers déployés par Richard Blake.

Une belle sortie à mettre dans les bibliothèques des amateurs de SF et de beaux graphismes !

***·East & West·Jeunesse

Les Missions du GRRRR #2 Opération: le Feu au lac

Second volume de 160 pages, par Scott Magoon. Parution en France chez Albin Michel le 06/09/2023.

Kung Fu Mammouth

Le Groupe de Rangers à la Rescousse de la TeRRe reprend du service pour un second tome. Après avoir remis la main sur une corne de Licorne de Sibérie datant du pleistocène, aux propriétés régénératives, les animaux du GRRRR se sont défaits de l’influence néfaste de leur créateur, le Dr Z, dont les intentions étaient bien moins nobles que ne le laissait supposer son discours initial.

Voilà donc nos animaux pas-si-disparus libres de poursuivre leur destinée et leur mission de défense de l’environnement, avec en prime un nouveau membre. Mais comment faire sans l’infrastructure et les moyens du Dr Z ? Leur première idée est d’ouvrir un zoo pédagogique, avec une double intention: la première, celle de sensibiliser les foules sur le bien-être animal et le devenir de l’écologie; le seconde, capitaliser sur leur popularité afin de vendre des goodies et des photos, dans le but de financer leur infrastructure.

Cependant, ce choix n’est pas tout à fait du goût de Lug, le dernier des Mammouths Laineux, qui a vu sa famille périr dans un zoo lors d’un incendie lorsqu’il était enfant. Le valeureux pachiderme préfèrerait mille fois poursuivre ses missions de terrain, quitte à le faire sans argent. Et c’est d’ailleurs ce qu’il va faire, en quittant le groupe pour s’engager auprès des Paras du Feu, l’élite des pompiers que l’on parachute en plein coeur des incendies de forêts. Ce baptême du feu en Californie va confronter Lug à un mystérieux pyromane qui pourrait ne pas être étranger au GRRRR.

Scott Magoon poursuit le développement de son univers, dans lequel des animaux clonés et anthropomorphes issus d’espèces disparues font équipe pour éviter encore davantage d’extinctions. Le propos écologique est toujours présent, l’auteur substituant à la toundra sibérienne en pleine fonte les forêts californiennes transformées en brasier, comme c’est le cas chaque année dans le monde réel.

Alors que le tome 1 mettait le focus sur Scratch, le Tigre à dents de sabre, ce second volume se consacre à Lug et à son passé trouble. Les autres personnages sont encore en retrait, mais l’on gage que l’auteur aura à coeur de les développer dans les prochains volumes. L’action est présente tout au long de l’album, en alternance avec des passages plus pédagogiques, durant lesquels l’auteur explore le fonctionnement et les méthodes des pompiers parachutistes. Certaines séquences d’actions s’avèrent moins lisibles que les autres, comme la course-poursuite aérienne, mais rien qui vienne gâcher l’ensemble.

Comme pour le premier tome, l’album se termine par un cahier graphique et didactique présentant des espèces disparues, dans la continuité du concept initié par l’auteur.

****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Superman Lost

Mini-série en 248 pages, écrite par Chrisopher Priest et dessinée par Carlo Pagulayan. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Lost & Found

Clark Kent, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, n’est pas seulement le journaliste introverti originaire du Kansas. C’est aussi le dernier fils de Krypton, une planète disparue dont la civilisation avancée n’a pu empêcher sa propre fin. Envoyé sur Terre par ses parents avant l’explosion de leur monde, Clark Kent, né Kal-El, a développé d’incroyables super-pouvoirs à la faveur de notre Soleil Jaune, et, sculpté par la morale de ses parents adoptifs, les a mis au service de l’Humanité.

Devenant Superman, l’Homme d’Acier, Clark a forgé une sorte d’idéal, vers lequel tendent tous les autres super-héros de son monde. Doté d’un charisme naturel, Superman dirige la Ligue de Justice, et sauve régulièrement le monde de la destruction, tout en menant une vie normale en tant que Clark Kent. Filant le parfait amour avec l’intrépide journaliste Lois Lane, on peut dire que Superman a une vie plus ou moins stable.

Cependant, lors d’une mission de routine, Superman rentre chez lui avec quelques heures de retard. Loin d’être inquiète, Lois s’agace même de ce retard inhabituel chez son surhumain de mari.

Clark, prostré au milieu du salon, n’est plus vraiment lui-même. Le regard dans le vague, il murmure à son épouse: « Je suis parti 20 ans… »

Aspiré par une singularité, le héros s’est perdu aux confins de l’univers, privé de ses pouvoirs. Comment a-t-il survécu ? Qu’at-il du sacrifier pour rentrer chez lui ?

Lois Lane va, à sa façon, soutenir son mari traumatisé tout en tentant de trouver un moyen de le sortir de sa torpeur.

Héros le plus emblématique du monde des comics, Superman est connu de toutes et tous, sans pour autant que les récits qui composent son histoire ne soient connus du grand public. Néanmoins, pour les lecteurs assidus, il sera clair que les meilleures histoires de l’Homme d’Acier sont celles qui font un pas de côté par rapport à l’icone du héros invincible, pour se permettre une analyse en miroir de la nature humaine, vue au travers du prisme surhumain.

En d’autres termes, Superman n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il est vulnérable. On en veut d’ailleurs pour preuve le fait que son comic le plus vendu est celui mettant en scène sa mort dans les années 90. Certains auteurs rivalisent donc d’ingéniosité pour trouver un moyen de priver le héros de sa force phénoménale. Ici, Christopher Priest met Superman face aux règles qui régissent l’Univers lui-même, à savoir les distances infranchissables qui séparent les étoiles, et la relativité du Temps.

Que peut donc faire l’Homme d’Acier face aux lois de la Physique ? Rien d’autre que s’adapter, autant qu’il le peut, impuissant face au défilement des années. S’en suit une odyssée au sens mythique du terme, durant laquelle Clark fera tout ce qu’il peut pour franchir un océan d’étoiles afin de regagner son foyer, tout en sachant que la femme qu’il aime n’est pas éternelle et qu’elle pourrait ne pas vivre suffisamment longtemps pour l’accueillir à son retour.

Pas de cyclope dans cette odyssée cependant, mais peut-être bien des sirènes, qui, au fil des années, pourraient dissuader Clark de rentrer chez lui. L’auteur met également le héros face à un reflet à peine déformé de la planète Terre, auquel il souhaite transposer sa vision du protectorat.

Les questions dramatiques de Superman Lost (un héros omnipotent peut-il s’affranchir des lois de la physique ? Peut-il encore être un héros si personne ne veut être sauvé ?) sont donc de celles qui produisent de bonnes histoires, d’autant plus si elles sont couplées à une partie graphique de qualité.

Malgré une intrigue qualitative et calibrée pour l’Homme d’Acier, on doit tout de même reconnaître que les intrigues secondaires, à savoir les machinations politiques sur la planète sur laquelle échoue Clark et les investigations journalistiques de Lois, alourdissent le propos sans forcément y apporter une plus-value.

Récit hors continuité, Superman Lost conviendra, pour toutes les raisons citées plus haut, à un large panel de lecteurs et pas nécessairement aux afficionados de la cape rouge.

****·BD·Nouveau !

Les Murailles invisibles #2

Second volume de 88 pages de la série écrite par Alex Chauvel et dessinée par Ludovic Rio. Parution chez Dargaud dans la collection Visions du Futur le 02/02/2024.

Y’a que les murailles qui m’aillent

Dans le premier tome, nous faisions la rencontre de Lino, un jeune cadre dynamique typique du XXIe siècle, accro au boulot et des projets plein la tête. Tout ça s’est évaporé lorsque sont apparues brusquement les murailles invisibles.

Ces écrans impénétrables et infranchissables ont scindé la géographie du pays, et peut-être du monde entier, et isolé des millions de gens de leurs proches et du reste du monde. Très vite, les choses virent au chaos et la civilisation s’effondre. Durant trois mois, Lino doit survivre comme il le peut et se battre constamment afin de vivre un jour de plus, espérant retrouver sa fiancée qui est restée piégée dans une autre enclave.

C’est alors qu’il fait la rencontre d’Asphanie et de son groupe d’exploration. Asphanie, Olimain, Stélice et les autres viennent eux aussi d’une zone entourée par les murailles, à ceci près que de leur point de vue, il ne s’est pas passé 3 mois depuis la catastrophe, mais trois cent ans ! Lino apprend ainsi que dans chaque enclave, l’écoulement du temps est différent, si bien que dans certaines zones, il s’est écoulé des siècles, voire davantage. Cette révélation anéantit les espoirs de Lino. Sa famille est certainement morte depuis longtemps, sans qu’il puisse y changer quoi que ce soit. Le jeune homme décide alors d’embarquer avec le groupe d’explorateurs, qui dispose d’une technologie rudimentaire permettant de détecter des brèches à travers les murs et de les franchir. Leur mission est d’enquêter sur les ondes massives qui traversent régulièrement les barrières, et qui recèlent peut-être un indice sur leur origine.

Lino et les autres vont croiser toutes sortes de dangers dans chacune des zones traversées, et chaque passage dans une nouvelle zone les éloigne un peu plus de chez eux, que ce soit géographiquement ou temporellement.

En narration, lorsque l’auteur implante des questionnement dans l’esprit du lecteur dans le premier acte, mieux vaut pour lui qu’il puisse y repondre de manière satisfaisante dans le second et le troisième acte.

C’est ce qu’il se passe ici avec une aventure qui touche à sa fin pour basculer sur une nouvelle intrigue. Asphanie, Lino et les autres obtiennent des réponses à leurs interrogations, sans pour autant que le status quo de l’univers mis en place par Alex Chauvel n’en soit bouleversé.

Le scénariste manie son concept avec la même habileté que dans le premier tome, et jongle entre les différents glissements temporels avec une aisance qui démontre à notre sens le travail d’écriture en amont.

Les différentiels temporels sont l’occasion pour l’auteur d’inventer des sociétés à différents stades de développement (ou de redéveloppement), ajoutant des détails crédibilisants comme des langages propres, des tenues vestimentaires ou une faune spécifique. Ces détails contextuels n’alourdissent en rien l’intrigue, et permettent au contraire de s’immerger encore davantage dans cet univers.

En revanche, on regrette que la caractérisation de Lino, dont on suit désormais les pensées à travers le journal qu’il est tient désormais en tant que scribe du groupe d’exploration, se fasse au détriment du reste du groupe, qui demeure pour le moment assez unidimensionnel, à l’exception sans doute du personnage de Prion, antagoniste du premier tome qui gagne ici en profondeur de façon efficace.

Les deux premiers tiers de l’album conservent une dynamique de survival, ce qui donne une course haletante vers la prochaine zone, pimentée encore davantage par la collaboration forcée entre Prion et le reste du groupe. Toutefois, on déplore une baisse de régime durant le dernier tiers, celui des révélations, à laquelle l’album ne nous avait pas habitués jusque-là.

Graphiquement, Ludovic Rio reste dans un style épuré très appréciable. On aurait aimé cependant des ambiances plus tranchées entre les différentes zones, notamment grâce une mise en couleur plus habitée. Néanmoins, l’ensemble demeure très qualitatif et confère à l’ensemble un cachet qui rend l’album accessible à un large public.

Les Murailles Invisibles confirment, grâce à ce second volume, leur statut de série à suivre pour les amateurs de SF et de survival.