BD de Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat
Akileos (2015-2017), série Le Roy des Ribauds, 4/5 volumes parus (cycle2).
Avec la profusion d’albums publiés par le duo Toulhoat/Brugeas on finit par ne plus trop savoir quelle série est finie ou en cours. Souvent échaudé par des retours pas au niveau de leurs attentes, ce couple artistique très qualitatif mais aussi exigeant envers son public semble avoir du mal à assumer des séries dont l’aspect original peut dissuader au-delà des curieux et ratent le statut de blockbuster. Le magnifique Republique du crâne sorti l’an dernier a reçu d’excellents avis critiques, tout comme le Roy et dans une moindre mesure Ira Dei. Pas assez pour permettre des séries au long cours vis à vis de l’éditeur Dargaud. Peut-être serait-il temps à ces deux auteurs de reconnaître que les BD historiques, fussent elles très bien écrites et dessinées ne sont pas forcément calibrées pour devenir des Best-sellers. On ne fait pas le Troisième Testament tous les jours. Une discussion avec les auteurs à Angoulême autour de la possibilité de conclure un jour Chaos Team m’avait surpris quand à une frustration remarquable, non en terme de ventes mais en terme de réception critique. Quand l’égo est touché la création est compliquée.
Le troisième volume du Roy m’avait un peu déçu en n’étant qu’un bon album concluant un premier cycle de haute volée. Je n’attendais pas de suite et ce quatrième qui ouvre un cycle un peu forcé et se conclura définitivement au cinquième volume. Alors que l’équilibre des forces était renouvelé de façon satisfaisante et logique au précédent tome, nous voici transporté dans une étrange enquête autour du meurtre rituel de jeunes femmes à Paris alors que le roi est occupé au siège de Chateau Gauillard en Normandie et que l’absence du Triste sire dans la capitale laisse son fils spirituel chargé de faire régner l’ordre dans les bas-fonds.
Bien que les dessins baissent d’un ton à l’économie et avec une passion qui semble moindre chez Ronan Toulhoat, la technique scénaristique est en revanche toujours là, parfaitement huilée, faisant décidément de Vincent Brugeas un des plus efficaces scribes de la BD franco-belge. Le soucis sur ce tome c’est justement la rupture d’équilibre qui élimine tous les personnages charismatiques qui faisaient beaucoup pour l’intérêt de la série, comme une sorte de « next-generation ». L’idée du renouvellement est honorable et aurait pu être intéressante mais on perd assez vite la hype et l’aspect démesuré qui fait le talent des auteurs. Si l’on comprend bien le drame qui se joue dans les solidarités « familiales », l’ensemble est trop passif jusqu’au sursaut final pour nous emporter comme précédemment. Ainsi l’on lit avec plaisir ces pages de rues médiévales poisseuses et ces dialogues qui font la part belle à l’héritage mais la tension dramatique arrive un peu tard pour vraiment passionner.
Encore une fois on ne pourra pas reprocher à Vincent Brugeas de s’être contenté d’une reproduction de la recette et espérons que si la machine a tardé à démarrer elle tourne à plein sur un tome de conclusion pour lequel les auteurs ont toutes les cartes pour proposer une magnifique apothéose.