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Nero #1: Obscurci est le Soleil, ternes sont les étoiles

Premier tome de 122 pages, de la série écrite par Emiliano et Matteo Mammucari, avec Emiliano Mammucari et Alessio Avallone au dessin. Parution initiale en Italie, publication en France chez Dupuis le 03/02/2023.

Regards Croisés et djinns trop serrés

En l’an 551 de l’Hégire, soit en 1173, le Moyen-Orient se remet à peine de la Deuxième Croisade, et s’apprête à en vivre une Troisième. Le guerrier arabe Nero n’abandonne pas pour autant la lutte contre les croisés francs. Réputé pour sa férocité, il est craint autant par les croisés qu’il passe régulièrement par le fil de l’épée que par ses propres alliés, qui voient en sa férocité et son manque de discipline un défaut potentiellement fatal.

Nero n’en a cure, et se jette à corps perdu dans la bataille, mû par une rage inextinguible qui lui vient d’un traumatisme d’enfance. En effet, avant qu’il n’atteigne l’âge d’homme, son père a cherché à le sacrifier façon Aïd-El-Kébir, durant un obscur rituel visant à libérer une créature antédiluvienne, avant de succomber avec ses ouailles.

Lors d’une bataille, Nero, gouverné par sa haine, rompt les rangs pour plonger toujours plus profond dans la rage et l’hystérie de la guerre. Mais son arrogance et son impétuosité lui jouent des tours, lorsqu’il est piégé par un croisé qui abat son cheval et s’apprête à l’embrocher. Nero est sauvé in extremis par un autre chevalier croisé au visage recouvert par un heaume, qui le fait prisonnier et lui propose un étrange marché.

Le mystérieux chevalier franc semblent connaître notre guerrier bien plus qu’il ne devrait. Il est au courant pour le rituel avorté, et souhaite se rendre dans la grotte où il a eu lieu afin de l’achever. Selon lui, un ange y est retenu prisonnier, et quiconque le libère voit son voeu le plus cher exaucé. Nero, lui, connaît la vérité. Ce n’est pas un ange qui se cache dans cette grotte, mais une créature plus ancienne et plus retorse que ce que le franc est capable d’imaginer.

Pour Nero, son rôle est clair: il doit empêcher quiconque de libérer le mal enfoui dans cette montagne, quel qu’en soit le coût. Mais l’itinéraire des deux ennemis va, par la force du contexte, prendre des détours inattendus, car d’autres personnes convoitent le pouvoir de la créature, en premier lieu le Cadi, oncle de Nero et dirigeant du dernier bastion qui s’apprête à tomber aux mains des chrétiens, et qui aurait bien besoin d’un petit coup de pouce magique pour sauver sa citadelle.

Nero est une série italienne créée en 2021. Elle donne la part belle au grand spectacle et à l’action, sur fond de croisades et de rituels magiques. L’ambiance fait clairement penser au premier Assassin’s Creed, en premier lieu car les deux récits prennent place durant les Croisades en se plaçant du coté arabe, et en second lieu car les deux franchises mettent en scène un héros charismatique qui paie le prix de son arrogance et de son impétuosité tandis qu’il cherche la source d’un pouvoir magique qui pourrait modifier le cours du conflit.

Nero ajoute cependant un ressort différent, celui de la collaboration forcée entre deux personnages que tout oppose. Ce premier volume est divisé en deux actes comprenant leus lot de péripéties, menées tambours battants. Il est à noter que les deux actes sont dessinés par deux artistes différents, qui parviennent à homogénéiser leur style de façon plutôt remarquable.

Un lore fascinant dans un contexte historique qui l’est tout autant, un personnage charismatique et de l’action à foison, Nero aura tout pour plaire aux amateurs de récits fantastico-historiques. Et c’est un coup de coeur !

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Frontier

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BD Guillaume Singelin.
Rue de Sèvres – Label 619 (2023), 190 p. One shot.

bsic journalismMerci aux éditions Rue de sèvres pour leur confiance!

image-10Guillaume Singelin avait marqué son monde en 2019 avec PTSD. Comme ce dernier et comme beaucoup d’albums du Label 619, très attachés à la forme, ce nouveau space-opera marque des points dès la prise en main avec une maquette classieuse avec un bandeau-logo à l’élégant design argenté. Le volume se termine par un passionnant carnet de work in progress des premiers concepts il y a dix ans jusqu’au projet final, doté d’explications sur l’évolution des personnages et de l’histoire. Une édition magnifique qui mérite un Calvin.

Alors que le système solaire a été colonisé, envoyant des humains sous contrat avec des compagnies capitalistes sur des astres terraformés ou des constructions spatiales aussi frustes que surpeuplées, trois individus contestataires et qui ne trouvent pas leur place vont se retrouver dans un objectif commun. Car dans ce monde anonyme et matérialiste, une utopie humaniste est peut-être encore possible…?

Plus discret que ses camarades Florent Maudoux ou Mathieu Bablet, Guillaume Singelin est pourtant selon moi le plus talentueux de l’équipe du Label 619 en matière de narration et d’accessibilité. Si ses deux comparses sont plus virtuose pour le premier et intello pour le second, leurs créations ont tendance à s’adresser à un public particulier en abordant des thèmes intéressants mais ciblés. Sur PTSD comme sur Frontier l’auteur parvient lui à nous offrir des œuvres au grand format qui se remarquent par leur immense lisibilité même si elles abordent des sujets personnels communs aux albums.

Sous l’habillage d’une version manga-SD de l’univers de Travis où le futur se décline en mode bricole et où les multinationales font la pluie et le beau temps, Singelin parvient à englober la problématique de la conquête spatiale dans d’impressionnantes largeurs tout en n’oubliant pas l’aspect loisir de la SF avec ses combats spatiaux, ses design futuristes d’engins et ses scènes épiques dignes des plus grands space-opera. L’inspiration évidente de cet album est bien évidemment le classique Planetes du japonais Yukimura dont le sujet des débits spatiaux parcours l’album. Mais loin de la redite, Guillaume Singelin ne tremble pas en assumant son style et ses propres thématiques, à commencer par un design des personnages auquel il faut s’habituer. Un peu comme pour Bablet mais en plus technique, ses personnages ronds, sans nez et aux extrémités minimalistes semblent issus d’un manga jeunesse. L’envie est exprimée dès la genèse du projet et heureusement s’oublie assez vite sous la précision du dessin, son dynamisme et la qualité des designs généraux. Pas évident de proposer une SF « réaliste » qui ne sombre pas dans la décharge permanente comme les films de Neill Blomkamp, pourtant l’auteur y parvient en extrapolant l’aspect des véhicules spatiaux actuels à l’échelle de FRONTIER (Guillaume Singelin) - Rue de Sèvres - Sanctuaryl’exploration du système solaire et des stations massives. On se retrouve ainsi avec des habitats permanents occupés par des natifs de l’espace incapables de subsister longtemps sur le plancher des vaches, une compression des espaces et une efficacité des systèmes où des câbles parcourent l’espace et où l’esthétique est bien loin d’un Star Trek.

Nous suivons les itinéraires des trois personnages vus en couverture qui vont rompre avec leur environnement « naturel » et se rejoindre par la force des choses autour d’un projet positif. Si la progression narrative est remarquablement équilibrée, on reste un poil frustré par la brièveté du passage de l’équipage de récupération. La suite est logique mais on a par moment l’impression que les différentes séquences s’enchaînent trop vite. On ne pourra décemment pas reprocher à l’auteur de n’avoir réalisé « que » deux-cent planches mais il est certain qu’un tiers de plus auraient encore prolongé le plaisir.

Rarement un projet de SF aura été si abouti en se permettant le luxe d’éviter les visuels mainstream. S’il est hasardeux de comparer un album tout juste sorti avec des classiques historiques, Frontier jouit des mêmes perfections qu’un certain Universal War one (avec un scénario moins virtuose tout de même) dans une sorte d’état de grâce qui confirme en Singelin un auteur majeur de la BD franco-belge.

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Le Labeur du diable #1

Première partie du récit imaginé par Fathi Beddiar et dessiné par Babbyan et Geanes Holland. Parution le 21/09/22 aux éditions Glénat, avec la mention « Pour public averti« .

From Nobody to Nightmare

Webster Fehler n’en mène pas large dans la vie. Petit juriste sans envergure, plus tâcheron que ténor du barreau, il subit des avalanches de brimades et d’insultes à longueur de journée. Seul, écrasé par la vacuité de son existence, Webster se laisse porter par le mouvement et a abandonné tout espoir de mener une vie satisfaisante. La ville tentaculaire de Los Angeles n’arrange rien à ses tourments, et ne fait même que nourrir ses frustrations et ses pulsions morbides.

Cependant, le destin va offrir à Webster une occasion impromptue d’exister, sous la forme d’une sacoche trouvée sous un sordide tunnel, où il s’aventurait à la recherche d’une prostituée. Dans cette sacoche, se trouve un appel du destin, sous la forme d’une arme chargée, d’un couteau, de quelques liasses de billets et surtout, d’un badge de policier. Cette découverte va faire émerger une part sombre, très sombre de Webster, qui de quadragénaire frustré va se transformer progressivement en prédateur, et s’extirper avec violence de sa chrysalide de passivité.

L’émancipation de Webster va coûter cher à beaucoup de monde, la faune qui prospère dans la fange de Los Angeles n’a qu’à bien se tenir.

Le Labeur du Diable n’est pas là pour donner des leçons de morale, mais plutôt des généreuses mandales dans la tronche. Adoptant une ambiance noire dans une L.A corrompue et puante, l’auteur Fathi Beddiar nous emmène dans les tréfonds d’une entité froide et déshumanisante, dans laquelle le seul moyen de retrouver son humanité est de s’adonner aux instincts les plus vils.

En décrivant ainsi la trajectoire d’une personne insignifiante qui se transforme en cauchemar ambulant, le scénariste nous livre sans concession sa vision du genre humain, une vision pessimiste, d’autant plus dépriamnte qu’elle est cohérente. En effet, le monde réel nous montre tous les jours qu’un quidam respectueux des règles n’est qu’un prédateur qui s’ignore, où qui n’a pas encore trouvé les ressources nécessaires à la satisfaction de ses bas instincts. Sitôt ces ressources à portée de main, l’individu docile se rebiffera, et le plus souvent, fera payer au monde ses tourments antérieurs.

Les exemples en fiction sont légion: Joker, Chronicle, Breaking Bad ou encore Chute Libre, mettent également en scène un personage faible et lâche, qui va se métamorphoser en prédateur revanchard d’une société qui l’a bafoué. Ce type de récit a une valeur ajoutée amivalente, car il joue dans un premier temps sur la sympathie naturelle que le lecteur/spectateur ressentira pour les outsiders. Qui n’a pas déjà encouragé un personnage maltraité de prendre sa revanche contre ses oppresseurs ? Mieux encore, qui n’a pas déjà projeté dans ce type de personnage ses propres échecs ou son propre sentiment d’injustice ? C’est là que les auteurs subvertissent cet empathie envers les victimes, et Fathi Beddiar ne fait aucunement exception ici, en la transformant radicalement, jusqu’à la faire basculer à l’opposé du spectre moral. Vient alors chez le lecteur/spectateur un sentiment étrange, la culpabilité d’avoir soutenu cette victime devenue bourreau.

La culpabilité vient peut-être aussi du fait que l’on peut confortablement projeter son propre désir de revanche dans ce personnage, qui se défait de ses oripeaux de moralité pour se complaire dans la revanche. L’autre atout du Labeur du Diable, c’est aussi le contraste entre l’hyper-réalisme de la violence et de la décadence, et le doute quant à la nature réelle des pulsions violentes de Webster: à la fois surnaturelle et terre-à-terre, c’est sans doute ainsi que se décrit le mieux la corruption des hommes.

Le Labeur du Diable est une oeuvre coup de poing, très cinématique dans son traitement (le scénario était initialement destiné au cinéma, comme l’explique l’auteur dans le dossier très complet qui boucle l’album), un coup de coeur à ne pas mettre entre toutes les mains !

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The Nice House on the Lake #2

Deuxième tome de 190 pages, de la série de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno. Parution chez Urban Comics dans la collection Black Label le 31/03/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Les copains d’abord

La présente chronique risque de vous gâcher le plaisir de lecture si vous n’avez pas lu le premier tome. SPOILER A L’HORIZON !

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance de Walter, trentenaire dévoué qui emmenait ses amis en villégiature dans une sublime propriété au bord d’un lac dans le Wisconsin, avec quelques règles maisons dont il a le secret. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Bien vite, les vacances de rêve prennent une tournure cauchemardesque lorsque Walter révèle sa vraie nature: il n’est pas humain, et appartient à une civilisation extraterrestre dont le but est l’extermination de la vie sur Terre. Cependant, Walter avait pour mission de préserver un échantillon représentatif du genre humain, afin que ses supérieurs puissent juger de la valeur de notre espèce. Après des années vécues dans la peau d’un humain, ce sont ces dix personnes aux personnalités et aux rôles disparates que Walter a décidé de sauver de l’apocalypse.

Nos rescapés apprennent donc la terrible nouvelle: partout sur la planète, les flammes ravagent les villes et consument les gens, sans faire de distinction. Piégés dans cet endroit idyllique où tous leurs besoins et désirs peuvent être comblés, nos héros encaissent le choc de la nouvelle et se posent bien vite une question cruciale: doivent-ils se résigner à leur sort, victimes malgré eux de la bienveillance de Walter, où chercher un moyen de s’échapper ?

Le premier tome de TNHOTL était un coup de coeur immédiat, confirmé par ce second tome. L’écriture inventive de James Tynion IV permet de créer des situations originales et des rebondissements accrocheurs qui ne sont pas visibles à plusieurs kilomètres. Malgré la multiplicité des personnages, il demeure facile de s’y attacher, chacun d’entre eux ayant une personnalité distincte et reconnaissable. L’auteur a choisi un format plutôt singulier pour chacun de ses douze chapitres, qui s’ouvrent sur un flash-forward d’un futur apocalyptique (possiblement les ruines de la Maison) dans lequel un des personnages brise la quatrième mur pour nous narrer sa première rencontre avec Walter, avant de basculer sur un flash-back montrant un moment significatif du personnage avec Walter. Ce paradigme est finalement renversé dans le dernier chapitre, pour une raison qui apparaîtra à la lecture.

L’écriture est telle qu’il s’avèrest plutôt difficile de ne pas ressentir d’empathie envers le personnage de Walter malgré son statut d’antagoniste. Sincère dans ses émotions mais contraint de faire des choses qu’il réprouve, on le sent partagé entre son affection pour ses amis et l’inéluctabilité des actions entreprises par son espèce, ce qui renforce sa profondeur. Lors des flash-back, l’ironie dramatique bat son plein car chaque mot, chaque attitude de Walter peut prendre un double-sens et nous éclairer sur son dilemme.

La fin de ce second volume augure cependant un autre cycle, avec de nouveaux enjeux dramatiques et des perspectives de narration plus qu’intéressantes. Côté graphique, Alvaro Martinez Bueno nous cause encore une fois un décollement de rétine, son talent étant encore accentué par la mise en couleur tranchée de Jordie Bellaire.

The Nice House on the Lake est résolument une des meilleures séries de ce début d’année, à lire sans hésiter !

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Les filles des marins perdus – Livre II

La BD!
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BD de Teresa Radice et Stefano Turconi
Glénat (2023), 123p., série en cours.

image-5Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Au Pilar les destins fois se croiser des filles venues de tous horizons. Dans ce lieu de partage et d’amour il n’est pas toujours facile de se laisser aller au bonheur quand les cicatrices de la vie d’avant vous rattrapent. Tess et Cinamon vont le constater…

image-10Les deux auteurs désormais célèbres du Port des marins perdus (un classique) continuent leur série spin-off qui contrairement à ce que l’on pourrait penser n’est absolument pas une démarche commerciale mais bien une envie créative de prolonger la découverte des occupantes de leur si beau bordel! Pour ceux qui connaissent le travail des deux auteurs ce ne sera pas une surprise tant un humanisme extrêmement profond et un positivisme absolu transpirent de tout leur travail. A chaque album, qu’il soit historique, jeunesse ou plus poétique, Radice et Turconi nous ravissent par une qualité d’écriture, une esthétique immense qui ne se contente pas d’emprunter ses plans au cinéma mais démontre que le neuvième art est le plus grand en réunissant toute la finesse littéraire avec le graphisme pure.

Les filles des marins perdus tome 2 - BDfugue.comDeux histoires donc, entrecroisées mais qui auraient aussi pu donner lieu à un récit unique puisque l’histoire de Tess sur lequel commence l’album se poursuit jusqu’à la fin avec celle de Cinamon. La personnalité des filles transparaît incroyablement sous l’art intriqué du couple d’auteurs qui jouent d’un érotisme très doux, subtile et craquant.

Beaucoup plus abouti que le précédent, (indiquant d’ailleurs une tomaison III en page de titre, laissant entendre que le Port des marins perdu constitue le premier chapitre de cette saga), les planches de ces Filles atteignent une qualité artisanale folle en jouant de lumières incroyable et de couleurs dont on connait désormais la qualité. L’intrigue également dépasse la seule chronique sociale pour nous lancer dans la grande aventure d’espionnage et de chasse au trésor, tout cela dans ces cent pages sur deux histoires. C’est dire la très grande maîtrise de l’art narratif de Teresa Radice qui fait montre comme d’habitude d’une fluidité rare.

Si l’album ne nécessite pas a proprement parler d’avoir lu les précédents pour être apprécié, je ne saurais que très vivement vous conseiller de filer prendre la trilogie et de vous l’enchaîner au coin du feu avec une bonne tasse de tea et un chat sur les genoux. Quand la BD apporte tant de plaisir simple quel bonheur!

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Catwoman: Lonely City

Histoire complète en 224 pages, écrite, dessinée et mise en couleur par Cliff Chiang. Parution en France chez Urban Comics, collection Black Label, le 10/02/2023.

Merci à Urban pour leur confiance.

Le retour du Chat

Selina Kyle, alias Catwoman, sort du pénitentier hautement sécurisé de Blackgate après une peine de dix ans. Il y a dix ans, Selina n’a cependant pas perdu que sa liberté. Durant ce que les journaux auront plus tard baptisé la Nuit du Fou, elle a perdu l’amour de sa vie, le milliardaire orphelin Bruce Wayne, plus connu sous son identité de Batman.

Lors d’un énième affrontement contre son ennemi juré, le Joker, Batman, ainsi que son ami le commissaire Gordon et son allié Nigthwing, sont morts, laissant Gotham endeuillée, et Catwoman brisée. Heureusement, rien ne dure éternellement, pas même la prison, aussi notre féline anti-héroïne finti-elle pas retrouver sa liberté, quelque peu usée et amère, mais toujours vivante.

La compagne de Batman retrouve donc Gotham, sans toutefois la reconnaître. En dix ans, beaucoup de choses ont changé, comme par exemple le fait que plus aucun personnage costumé, qu’il soit héroïque ou criminel, n’a fait d’apparition depuis la Nuit du Fou. Harvey Dent, que tous connaissaient sous son tristement célèbre sobriquet de Double-Face, s’est rangé et est devenu maire de la ville, instaurant une sorte de municipalité policière, grâce à une armée de Bat-Cops peu frileux quant à la brutalité de leurs méthodes.

Sous le mandat de Dent, les inégalités qui frappaient Gotham et généraient le crime n’ont fait que s’aggraver, menant à la gentrification de certains quartier et à l’abandon de beaucoup d’autres. En parlant de crime, il est une invariable statistique en criminologie, stipulant que les quelques semaines qui succèdent une sortie de prison sont les plus susceptibles de voir l’ancien criminel replonger.

Qu’adviendra-t-il alors de Selina ? Renouera-t-elle avec son passé criminel dans cette nouvelle Gotham, ou demeurera-t-elle fidèle à la dernière promesse qu’elle fit à Batman ?

Depuis maintenant trois ans, Urban exploite les titres du DC Black Label, une collection hors-continuité dont la liberté de ton permet des revisites très pertinentes de personnages connus. Ainsi, Wonder-Woman, Batman, encore Batman, et encore encore Batman, et encore et toujours Batman, ont eu droit à leur récits alternatifs. Ce Lonely city sorti fin 2021 était très attendu et repoussé plusieurs fois par l’éditeur français. Hâte de voir si le Black Label allait continuer son quasi sans-faute…

Catwoman, héroïne ambivalente, mérite elle aussi son spotlight, et il faut bien admettre que Cliff Chiang s’y prend diablement bien. Au premier abord, difficile cependant de ne pas avoir en tête le Dark Knight Returns de Frank Miller, mettant en scène le retour d’un héros vieillissant dans une ville qu’il ne reconnaît plus.

Le pitch est sans aucun doute similaire, mais là où Miller laissait transpirer ses opinions droitisantes, voire fascisantes, Chiang livre un propos plus moderne, et sans doute aussi, plus démocrate. La diatribe politique n’étant clairement pas l’objectif de l’oeuvre, l’auteur se concentre néanmoins sur le développement de son personnage, au travers du deuil de Selina, et comme on s’en doute, de la vie de l’une qui continue après la mort de l’autre.

Quant à l’intrigue, il n’y a pour ainsi dire pas grand chose à reprocher à l’auteur. Ce dernier utilise à bon escient tous les élements du film de casse, à savoir:

  • Une structure ternaire rassemblement de l’équipe / préparation / exécution
  • Un objectif illégal qui nécessite d’investir une place forte, à savoir s’introduire dans la Batcave, surveillée par les autorités.
  • Un plan, qui consiste à s’y introduire durant la nuit des élections.
  • Des étapes du plan où interviennent des complications progressives, forçant les héros à improviser.
  • Il est d’ailleurs intéressant de noter, à titre informatif, qu’en fiction, plus un plan est connu et limpide, plus ses chances de succès sont minces, alors qu’un plan qui est établi à l’insu du lecteur aura un succès quasi garanti.

Tout cela fonctionne donc à merveille, surtout si l’on ajoute le mystère du contenu véritable de la Batcave, dont on se doute qu’elle ne contient pas seulement la Batmobile et quelques gadgets mineurs. Entre histoire de braquage et contemplation amère du temps qui passe, Catwoman Lonely City est une nouvelle réussite du Black Label de DC. Et un nouveau coup de coeur !

Comics·Rétro·La trouvaille du vendredi·East & West·*****

American vampire legacy #1: sélection naturelle

Comic de Scott Snyder et Sean Murphy.
Urban (2012), 128p., one-shot.

couv_162052En 1941 l’ordre de chasseur de vampires « les Vassaux de Venus » envois ses deux meilleurs agents en Roumanie occupée par les nazis pour récupérer un scientifique qui aurait mis au point un remède contre le Mal… La question des nazi est très secondaire. Jusqu’à ce qu’ils réalisent que les affidés d’Hitler et les démons ont plus de lien qu’on ne le pense…

image-10Sean Murphy à la Paris Comics Expo!Ce petit album en forme de bonbon confirme immédiatement ce que je disais sur le dernier album de Scott Snyder et le saisissant décalage de qualité entre ses débuts et aujourd’hui. Paru juste après les vingt-sept épisodes de sa saga American Vampire et en même temps que le monument La Cour des Hiboux, cette prolongation sera suivie d’un second tome dessiné par Dustin Nguyen, le futur dessinateur de Descender, puis récemment d’une itération 1976 qui clôt le second cycle. N’ayant pas lu la saga principale je peux confirmer que ce tome dessiné par un jeune Sean Murphy se lit sans aucune difficulté comme un one-shot en forme de croisement idéal entre Indiana Jones et Lovecraft.

Sous sa forme d’album, Sélection naturelle ressemble à une petite perfection geek comme il en arrive de temps en temps, de ce débordement d’amour pour la culture Pop années 40′ qui rassemble tout ce que les amateurs veulent voir: des nazi, des vampires, des espions bad-ass, des scientifiques hallucinés et de sombres secrets sur le monde obscure, le tout dans des décors grandioses et parfaitement gothiques. C’est bien simple, si Murphy n’avait pas dessiné ce volume, le George Bess de Dracula l’aurait pu. Avec une efficacité qui frise la perfection dans une simplicité que seule la fraicheur du novice amène, Snyder découle au lecteur du massacre de vampires infiltrés parmi nous avant de nous relater simplement l’histoire de ses deux héros, le QG de l’organisation clandestine avant de partir pour les Carpathes en un hommage délirant à notre archéologue préféré. Ne perdant jamais de temps sans pour autant tomber dans l’orgie, les auteurs enchainent les séquences attendues avec une remarquable maitrise du temps qui me fait dire que la malédiction principale des comics reste la pagination qui incite trop les scénaristes à délayer leurs histoires.

American vampire legacy tome 1 - BDfugue.comLa cerise sur le gâteau de ce cadeau est que la richesse de l’univers à peine esquissé dans ses aspects les plus grandioses donne fichtrement envie de plonger dans la mythologie d’American Vampire tant on a le sentiment d’avoir effleuré un sacré morceau. Le problème des récits de vampires (comme de zombies) étant que l’on reste le plus souvent dans de la simple chasse sans construction historique, le projet de Snyder devient particulièrement intéressant en ce qu’il semble avoir bâti un monde cohérent relaté sur différentes époques (… en compagnie d’un certain Stephen King il faut dire).

Avec le simple regret d’une histoire trop courte et que Murphy s’est arrêté à ce seul tome dans la saga, on savoure chaque planche en frémissant d’impatience de connaitre la fin de l’histoire de Felicia Book et en gardant à l’esprit que la très qualitative édition Urban de la saga en intégrale (comprenant donc ces deux Legacy mais également les autres histoires one-shot) donne une bonne raison de se plonger dans une série lauréate d’un Eisner award et figurant parmi les classiques du comic Indé.

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Journal inquiet d’Istanbul #1/2

La BD!

BD d’Ersin Karabulut
Dargaud (2022), 133p. ; 1 volume paru. Comprend un cahier photos de l’auteur en fin d’ouvrage.

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image-10Ersin Karabulut est à Istanbul la star des fanzines et magasines de BD satiriques, tradition locale dans un pays tiraillé par une schizophrénie qui rappelle quelque part le contexte japonais. Ses premières publications chez nous sont le fait des éditions Fluide Glacial (désormais au sein du groupe Bamboo) sous la forme d’une traduction de ses Contes ordinaires en deux tomes, dont le second a été un coup de cœur de 2020. Retrouvant son très élégant dessin et l’alliance de réalisme et de caricatures grossières, Karabulut se met dans les pas de d’un Riad Satouf en publiant un projet original chez Dargaud, un journal autobiographique dans la veine de l’Arabe du futur, décrivant son arrivée dans le monde de la caricature politique en parallèle de la transformation de la nation turque en régime semi-autoritaire.

Ersin Karabulut dessine contre la tyrannie turqueAlors que les Contes étaient des historiettes tout droit sorties des équivalents turcs de Fluide, son nouveau projet est un véritable récit au long court qui confirme le talent de narrateur et la vision très fine de l’auteur sur son pays. On retrouve nombre de points communs entre la jeunesse de Sattouf au Moyen-Orient et celle de Karabulut dans une Turquie au commencement de sa migration islamiste, en rappelant le redoutable archaïsme de pensée dans lequel sont conservées ces populations par les régimes successifs. Sans tomber dans le digest historique de la nation turque, l’auteur fait preuve d’un grand sens de la didactique en expliquant de ses yeux d’enfant ce qu’était son pays, le rôle de l’Armée et des coups d’Etat réguliers pour rétablir une cohabitation entre frange religieuse et frange moderne de la population dans un contexte de Guerre froide où le paye d’Ataturc était à la croisée de deux (voir trois) mondes. On pense bien sur à la guerre civile algérienne, plus loin à la Révolution iranienne…

Journal inquiet d'Istanbul, premier volume passionnant de l'autobiographie  d'Ersin Karabulut, fer de lance de la rentrée 2022 de Dargaud sur Buzz,  insolite et cultureLe journal inquiet d’Istanbul décrit d’abord l’itinéraire mental classique d’un jeune garçon timide plus proche des BD que des humains. De ces récits on en a quantité sur les trois continents. Mais ce qui passionne, outre la mise en scène remarquable c’est le contexte socio-politique. D’Erdogan on entend régulièrement parler aux actualités. Peu se souviennent de son parcours et des menaces de charia qu’il faisait peser sur le pays à ses débuts, avant d’être emprisonné. Le Journal inquiet d’Istanbul c’est bien sur la spécificité de la capitale économique du pays dont la partie la plus occidentalisée se situe sur la rive européenne. C’est aussi le récit de la victoire historique de la partie conservatrice et religieuse (pour ne pas dire intégriste) de la population, de la rupture d’un équilibre qui a permis à la Nation de perdurer depuis la chute de l’empire, un empire particulier par la multitude de minorités tolérées sous la coupe du Sultan. On voit le jeune Ersin se séparer progressivement du cadre mental inquiet de ses parents, enseignants laïcs traumatisés par les premiers heures avec les mafia islamistes et convaincus qu’il ne fallait pas faire de bruit pour ne pas s’attirer les foudre des méchants. L’auteur va au contraire https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH459/journal_inquiet_case_3-7693a.jpg?1666105432s’émanciper via le dessin, vecteur qui lui permet de découvrir l’autre monde turc, celui qui lui correspond et qu’il ne connaissait pas.

Le Journal c’est aussi le bel âge où tout est possible, du succès populaire, auprès des filles et des petites trahisons que l’égo entraine. C’est un récit passionnant de bout en bout, graphiquement très varié et qui parlera à tout un chacun via les découvertes de l’adolescence. Un album parfaitement équilibré et qui devrait trouver un large public sans difficulté.

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The Nice House on the Lake #1

Premier tome de 184 pages, avec James Tynion IV au scénario, Alvaro Martinez Bueno au dessin. Parution chez Urban Comics le 03/02/2023, suite et fin prévue le 31/03/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Un ami qui vous veut du bien

Walter, trentenaire bienveillant et omniprésent pour ses amis, a convié son petit groupe en villégiature dans une magnifique maison au bord d’un lac, dans le Wisconsin. Ainsi, face à l’insistance enjouée de leur ami commun, Ryan, Norah, David, Molly, Veronica, Sam, Arturo, Sarah, Naya et Rick mettent chacun leurs activités de côté le temps d’une semaine, avec farniente au programme.

Une fois sur place, même les plus réticents tombent en pâmoison devant tant de luxe et de confort: piscine, salle de cinéma, bibliothèque… cette maison ressemble de près et de loin à la maison parfaite. Baigner dans tant d’opulence, et être entouré d’amis, ça se rapproche de la définition du Paradis.

Seulement, tout n’est pas parfait. Bien qu’ils soient tous amis avec Walter, certains le connaissent depuis plus longtemps que d’autres et sont habitués à ses frasques, tandis que d’autres sont encore dans l’expectative, sans compter le fait qu’ils ne se connaissent pas tous. Mais qu’à cela ne tienne, ce sera à Walter de faire le lien et de s’assurer de la cohésion de son groupe d’amis adorés. Pour ça, Walter a imaginé un petit délire, afin que chacun puisse mieux identifier les autres. Chaque participant se voit affubler d’un sobriquet le définissant, ainsi que d’un symbole propre. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Cependant, ces vacances idéales vont vite se muer en prison dorée, lorsque Walter révèlera sa vraie nature et ses véritables intentions. Nos invités ne vont pas seulement apprendre la vérité sur leur ami, ils vont aussi se découvrir eux-mêmes, sur ce qu’ils sont une fois le dos au mur.

Il est assez délicat de chroniquer cet album en profondeur sans le divulgâcher. La prémisse initiée par Tynion IV (je me demande si les trois précédents étaient aussi talentueux) est suffisamment mystérieuse pour provoquer l’envie de lecture, et les choses ne font que s’amplifier une fois passée l’introduction.

L’intérêt de l’intrigue tient à la fois aux conditions de huis-clos, comme dans bon nombre de récits d’horreur ou de tension psychologique, ainsi qu’aux révélations sur Walter. Ce second point, à savoir un homme qui réunit ses amis pour leur faire une abracadabrante révélation, m’a rappelé le film The Man From Earth, qui, sans être sur le même registre horrifique, offrait quand même une réflexion sur les relations et sur la crédulité humaines.

Il faut admettre que la pléthore de protagonistes n’aide pas à l’identification, même si l’auteur tente pour nous la simplification diégétique de ses personnages, réduits à des archétypes dont on ne soupçonne pas encore à ce stade la pertinence au sein du récit. Construit tout en flashback et allers-retours dans le temps, dans lesquels chaque personnage tentera de se remémorer un évènement marquant entourant Walter, le récit ne laisse pas de temps mort ni de baisse de tension. Au contraire, le moteur narratif tourne à plein régime, et pousse le lecteur à tenter (vainement) d’éclaircir ou d’anticiper sur les réelles motivations de Walter.

Sur le plan graphique, Alvaro Martinez Bueno casse littéralement la jolie baraque (mauvaise blague tout à fait intentionnelle), son trait et la mise en couleur s’associant de façon irréprochable pour créer de magnifiques planches, qui traduisent à la fois l’artificialité apparente de la maison éponyme, la tension vécue par les protagonistes ainsi que le flou psychique dans lequel ils se retrouvent plongés suite aux événements.

Pour rappel, James Tynion IV a déjà commis quelques excellents méfaits artistiques comme Department of Truth, Something is killing the children ou encore Wynd.

The Nice House on the Lake frappe donc très fort en ce début d’année, ce qui nous conduit à y attribuer un 5 Calvin !

*****·Comics·East & West·Rétro

Batman: Amère victoire

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Comic de Jeff Loeb et Tim Sale
Urban (2012) – DC (2000), 392p., série terminée.

L’édition chroniquée est la première version reliée chez Urban, après les quatre volumes SEMIC souples parus en 2002 juste après l’édition originale. Une version n&b « anniversaire 75 ans » est sortie en 2014 toujours chez Urban. Il s’agit de la suite directe de Un long Halloween, mythique album et Prix Eisner du meilleur album. L’édition comprend une préface de Tim Sale (malheureusement disparu l’an dernier…), un résumé du volume précédent, deux pages de croquis et l’épisode bonus « Un chevalier servant« . Édition correcte qui mérite surtout pour la qualité de fabrication des éditions Urban et l’histoire elle-même.

Il y a un an (lors des évènements relatés dans Un long Halloween) le tueur se faisant appeler Holliday a terrorisé Gotham. Lors de l’enquête le procureur Harvey Dent, défiguré par de l’acide, est devenu Double-face, un psychopathe schizophrène. Alors que Batman et le commissaire Gordon n’ont pas fait le deuil de leur amitié avec Dent, des crimes reprennent, ciblant cette fois la police de Gotham. Holliday est-il de retour?

image-10Batman - Amère victoire (Dark Victory) - BD, avis, informations, images,  albums - BDTheque.comQue vous découvriez les BD de Batman ou soyez novice en comics de super-héros, vous tenez une pépite. Lorsque j’ai commencé à lire du  Batman j’ai recherché les albums les plus faciles d’accès parmi les plus cités, la difficulté étant la subjectivité des fans pas toujours lucides sur l’accessibilité de leurs monuments. Et je peux vous dire que le diptyque de Loeb et Sale est un véritable miracle tant graphique que dans l’écriture, qui condense la substantifique moelle de l’univers gothique de Batman, de l’origin story fluide, en proposant le même plaisir à des nouveaux venus, aux spécialistes et aux amateurs d’indé. La seule réserve sera peut-être pour de jeunes lecteurs biberonnés aux dessins très techniques d’un Jorge Jimenez ou de Capullo, qui pourront tiquer sur l’ambiance rétro.

Amère victoire reprend les mêmes qualités que le volume précédent en les simplifiant dans une épure encore plus accessible. Sous la forme d’une enquête autour d’un serial killer qui reprend le même schéma narratif que les meurtres aux fêtes nationales du Long Halloween (ici concentrés sur des membres véreux du GCPD), les auteurs continuent subtilement d’introduire le personnage de Robin sur la fin de la série, en Batman (tome 1) - (Tim Sale / Jeph Loeb) - Super Héros [BDNET.COM]parallèle évident avec le deuil du jeune Bruce Wayne. Si le monde mafieux est toujours très présent (le récent film The Batman reprend à la fois la famille Falcone et le lien de Catwoman avec ces criminels), le découpage se veut moins complexe en atténuant un peu le formidable jeu des séquences simultanés et amputées qui instillaient brillamment le doute sur l’identité du tueur. Ici ce sont Harvey Dent, la nouvelle procureur et même Catwoman qui sont dans le viseur du lecteur…

Beaucoup plus technique qu’il n’en a l’air, le dessin de Tim Sale est mis en valeur par le format large du volume Urban où l’on profite des grandes cases (à ce titre, la grosse pagination ne doit pas vous effrayer, l’album se lit assez rapidement du fait d’un découpage aéré et de textes favorisant les ambiances), voir de doubles pages et où les très élégants aplats de couleurs font ressortir le travail de contrastes du dessinateur (agrémenté de quelques lavis sur des flashback). Avec un montage diablement cinématographique (Loeb a scénarisé un certain nombre de séries de super-héros et produit les séries Daredevil et Defender de Netflix) on plonge dans les bas-fonds, les bureaux éclairés de lames de stores et les gargouilles des sommets de Gotham avec un plaisir permanent.

Amère Victoire – Comics BatmanProposant autant de suspens que d’action, utilisant à l’envi le freakshow d’Arkham sans en faire le centre de l’histoire, Amère victoire offre une galerie de personnages aussi archétypaux que le nécessite la mythologie Batman, avec un joyau super: Catwoman, aussi pétillante que touchante malgré son absence d’une bonne partie de l’histoire (… pour cause d’aventures à Rome narrées dans le chef d’œuvre du même duo, Catwoman à Rome, tout juste réedité). L’art de Loeb est de prêter un style oral à chaque personnage, reconnaissable et que l’on a envie de retrouver. Et finalement la résolution du coupable deviens assez secondaire dans le projet tant il y a de prétendants et une atmosphère que l’on regrette dans les récents comics Batman. On pourra d’ailleurs des liens à travers les âges en trouvant des proximités avec le récent White Knight: Harley Quinn… dont les couleurs sont réalisées par le grand Dave Stewart… qui avait officié sur Catwoman à Rome. Les grande se retrouvent!

Chef d’œuvre parmi les chef d’œuvres, bien moins cité et bien meilleur que le Dark Knight de Miller, cet Amère Victoire est un classique à avoir impérativement bien au chaud dans sa bibliothèque.

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