***·BD·Nouveau !

Les 5 terres #11-12

 BD de David Chauvel, Jerome Lereculey et collectif.
Delcourt (2024), 56p., série en cours, 2 cycle achevés.
Série prévue en 5×6 tomes.

Attention Spoiler!

Le Sistre est en deuil… a nouveau! Dans sa fuite en avant pour reprendre le contrôle de la pègre d’Alyssandra, Alissa est tombée dans un piège. Alors que sa famille doute de plus en plus de sa capacité à garder le contrôle, au Palais Keona commet une folie en envoyant un message diplomatique à Angleon…

Ces deux derniers tomes sont marqués par des ruptures pour l’essentiel des personnages et arcs secondaires. Ainsi de nombreuses morts pour des personnages dont on ne comprenait pas encore tout à fait l’utilité, des choix majeurs comme celui du frère Tashen qui tire les conséquences de l’attitude dictatoriale et impitoyable de sa sœur ou de Shin qui découvre que ses valeurs de justice ne sont pas applicables dans la Capitale et décide de basculer du côté obscure…

En confirmant l’aspect remplissage d’un certain nombre d’intrigues annexes (schéma inévitable des constructions de séries TV) et les pistes laissées tout à fait ouvertes malgré la conclusion du cycle, on se demande bien comment certains fils encore bien mystérieux vont pouvoir se relier avec leurs homologues des autres cycles. Les scénaristes semblent en effet maintenir une atmosphère toujours incertaine où la cohérence d’un cycle ne signifie en rien la juxtaposition, pour preuve l’évènement majeur qui nous raccroche heureusement à Angleon lorsque l’Armada des félins débarque pour une session diplomatique fort tendue avant que ne surgissent les Ours du prochain cycle (à débuter cet été).

Je note que les textes de background de fin d’album deviennent eux aussi un peu optionnels en passant du statut d’enrichissement indispensable à celui de pousse-café pour les plus accro. Globalement, si la mécanique scénaristique de ce cycle est globalement irréprochable malgré un refus de l’action, il aura manqué tout le long une étincelle, un rythme, un manque flagrant de sympathie pour des personnages qui auront peiné à attirer notre intérêt du fait d’une froideur omniprésente. Il en est de même pour les intrigues secondaires, aussi passionnantes que les manigances royales à Angleon et ici poussives en ne trouvant pour la plupart leur semi-résolution qu’au dernier ou avant-dernier tome.

On pourra apprécier ce cycle pour ce qu’il est, être patients, mais avec pas mal de concurrence ces dernières années en matière d’intrigues monarchiques en pays anthropomorphe (Le Royaume sans nom, L‘Ogre lion,…) j’espère sincèrement que les auteurs sont conscients du risque de lassitude et ne visent pas uniquement les plus fidèles lectures sur le modèle des interminables séries Soleil. Les 5 Terres méritent mieux que cela et un sursaut (a priori confirmé sur la chute) est indispensable car la hype d’Angleon ne tiendra pas un cycle d’attente de plus. En attendant, débute une série parallèle de spin-off one-shot entre les arcs (qui a pris du retard mais devrait se recaler rapidement sur la publication des cycles des 5 Terres), dont le Demeus Lore dessiné par Sylvain Guinebaud et qui sort cette semaine.

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
****·Actualité·BD·Nouveau !

Rivages Lointains

Récit complet en 225 pages écrit et dessiné par Anaïs Flogny. Parution chez Dargaud au label Combo, le 19/01/2024.

Le secret de Brokeback Gangsters

En 1938, Chicago est considérée par beaucoup comme la capitale du crime. En effet, l’organisation que l’on surnomme L’Outfit fait régner la terreur dans les rues de la ville, dans une impunité presque totale.

Jules Tivoli est un jeune immigré italien qui vivote bien loin du rêve américain. Le ventre presque toujours vide, il survit de petits boulots jusqu’à sa rencontre avec Adam Czar.

Ce gangster charismatique a fait fortune durant la prohibition et domine aujourd’hui le racket auprès de tous les commerçants de la ville. Grace à un peu de chance et une bonne dose de culot, Jules obtient un travail au profit d’Adam. Peu à peu, une relation de confiance s’instaure, mais pas seulement. Le gangster et son apprenti ne sont pas indifférents l’un à l’autre, si bien qu’une relation sentimentale finit par les unir.

Comme vous vous en doutez, cette relation est frappée d’opprobre dans le milieu criminel de l’entre deux guerres, ce qui oblige les deux amants à vivre cachés. Malgré son charisme, Jules finit néanmoins par découvrir que Adam est un homme d’un autre temps. Après une série de mauvaises décisions et un sacré revers de fortune, Adam est obligé de s’exiler à New York, emportant à ses côtés son jeune protégé.

Pour le couple caché, c’est l’occasion d’un nouveau départ dans la Grosse Pomme. Adam est peut être grillé, mais il peut conseiller et appuyer Jules afin qu’il s’intègre à la mafia italienne. Comment va réagir le gangster sur le déclin face à l’inexorable ascension de son disciple / amant ?

Troisième parution au sein du nouveau label Combo, Rivages Lointains se veut une chronique intimiste sur le milieu criminel américain de l’avant guerre, tant fantasmé par l’inconscient collectif. on y parle donc d’ascension , de self made man et de pouvoir corrupteur, dans une trajectoire descendante que ne renierait pas un certain Michael Corleone.

Néanmoins, ce thème s’avère n’être que la surface, le thème traité en fond étant plus complexe. En effet, Rivages Lointains parle avant tout d’amour et des attentes fixées par chaque polarité du couple. En effet, on retrouve très souvent, voire systématiquement, une dynamique d’adoreur/adoré, l’une des partie du couple étant assez souvent placée sur un piédestal par l’autre partie. Loin de moi l’idée de verser dans le cliché, mais les études psychologiques tendent à montrer que l’adoré est un rôle plutôt dévolu à l’anima masculin, tandis que l’adoreur se trouve plutôt dans l’anima féminin.

Dans notre couple de gangster, cette théorie se vérifie dans le sens où Adam, le gangster expérimenté, est portée aux nues par Jules, et qu’il existe une différence fondamentale de statut entre eux, au profit d’Adam (ce qui ferait de Jules une personne hypergame, stratégie d’accouplement académiquement attribuée au genre féminin).

L’auteur renverse donc la vapeur progressivement, en attribuant du succès à Jules et en faisant chuter Adam, ce qui finit par inverser la dynamique du couple. L’adoré se retrouve alors dans un statut inférieur à celui de l’adoreur, ce qui met à mal les fondations même du couple.

On pourrait donc comparer la réaction et les états d’âme de Adam à ceux d’un mari qui se retrouverait au chômage tandis que son épouse passerait de femme au foyer à cadre.

Graphiquement, l’Autrice met brillamment ces concepts en scène, grâce à une colorisation basée sur la surbrillance et les éclairages des visages et des différents personnages, selon leur importance hiérarchique et leurs statuts.

Grâce à un dessin très expressif, elle nous fait rapidement aimer son protagoniste et nous fait partager ses ambitions et ses désillusions sur le monde opaque du crime organisé.

Entre polar, récit d’émancipation et romance, Rivages Lointains mérite bien sa place au sein du Label Combo et marque les débuts d’une autrice à suivre.

**·La trouvaille du vendredi·Manga·Nouveau !·Rétro·Service Presse

Crying Freeman (perfect) #2

La trouvaille+joaquim
 
Manga de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami
Glénat (1986)/(2024), 418p, 2/4 tomes parus – édition comprenant deux volumes de l’édition initiale.

bsic journalismMerci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Après un premier volume plutôt sympathique du fait d’une figure originale d’assassin tragique, ce second volume de l’édition Perfect tombe dans une banalité de consommation ciblant un lectorat de working-men d’âge mur en enchainant les histoires sur deux ou trois chapitres où point souvent un ridicule marqué par l’auto-caricature. Maintenant que les personnages sont installés et l’organisation des 108 dragons présentée dans le détail, les auteurs pondent page sur page sans se préoccuper d’une construction d’intrigue et volant d’une scène d’action à une autre sur le rythme d’un Hong-Kong movie au monteur fou. Freeman et les donzelles se foutent à poil pour un rien, les tentatives d’assassinat de ce super-homme par les concurrents mafieux tournent au vinaigre pour les assaillants en moins trois cases et s’il n’étaient les références multiples aux vieux James Bond avec ses bases secrètes et navires grandiloquents qui aident à accepter la patine vintage on finirait par bailler.

Heureusement le niveau graphique reste élevé (sans que le scénariste ne propose de thèmes véritablement intéressants au maitre) et permet de tourner les pages. Si ce tome manque cruellement d’adversité à la hauteur, la conclusion contre une organisation terroriste africaine laisse un petit espoir d’un ressac d’ambition pour cette série qui tourne proche du pathétique. Plus que deux tomes pour voir si l’aventure valait le coup…

note-calvin1
note-calvin1
*****·BD·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

Saint-Elme #5: les Thermopyles

BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2024), 78p.,  série en cours, 5/5 tomes parus.

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Tout doit finir! Les mystères se résolvent, les puissances doivent s’affronter et la Montagne doit s’exprimer. Alors tous les chemins se rejoignent enfin, Mazur est bien décidé à reprendre en main sa famille comme la ville et ce ne sont pas ces étranges empêcheurs de tourner en rond qui vont l’empêcher de mener la danse à sa façon. Une façon violente. Tout doit finir et ce sera de façon violente dans un petit chalet au cœur d’une Montagne dont l’Esprit veille…

Ça y est, il va falloir s’habituer à une vie sans Saint-Elme… En seulement cinq albums sortis en trois ans, le duo Serge Lehman et Frederik Peeters ont créé un petit miracle d’intensité que personne n’attendait et qui débarque directement dans le hall of fame des grandes séries de la BD. Et ce n’est pas ce dernier (gros) tome qui va faire baisser la tension, occupé qu’il est sur ses 2/3 par une des plus magistrales fusillade réalisée dans le neuvième art. Dans une sorte de perfection rythmique les auteurs résolvent tranquillement leurs intrigues, qu’elles soient mystiques ou terres à terre, n’oublient rien au passage et gardent le bon goût de laisser planer suffisamment de mystère pour garder cette aura particulière qui aura recouvert la série.

L’écart est ténu entre le déballage précipité et la retenue cryptique et le duo d’auteurs tient sa ligne de crête avec élégance, facilité, évidence même. Comme dans un film d’action parfait on se dit que c’est finalement si simple de conter une histoire populaire, artistique, personnelle tout à la fois. Chaque élément est à sa place, chaque case est du bon format, l’ensemble, de la fusillade pourtant nocturne en huis-clos aux révélations parmi la pléthore de personnages, tout est d’une lisibilité sans faille, comme une leçon de maîtres.

Alors on savourera surtout la très grosse baston en se disant que décidément avoir de la place dans une BD c’est un sacré luxe! On accompagnera des personnages désormais familiers sur leur dernier itinéraire et on appréciera ce qui reste de mystère avec l’élégance de gentlemen qui sauront résister aux sirènes de prolongations. Car à Saint-Elme tout doit finir.

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
****·BD·Nouveau !·Service Presse

Saint-Elme #4: l’œil dans le dos

BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2023), 78p.,  série en cours, 4/5 tomes parus.

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

Frank désormais en lieu sur, la ville fait face à la disparition soudaine du boss. Alors que le patriarche Gregor Mazur débarque avec sa horde de barbouzes et que les Sax rivalisent de débilité, les frères Sangaré observent la suite des évènements… pas toujours naturels…

Avant-dernier tome qui résonne comme le calme avant la tempête. Dans un soucis de logique narrative, Serge Lehman mets les frangins enquêteurs en pause d’observation et se concentre sur Paco, Romane et la jeune fille découvert au début et qui donne son titre à l’album. Si l’action est en baisse, les interactions et découvertes sur les personnages sont toujours aussi passionnantes sous le dessin gigantesque de simplicité et de précision de Frederik Peeters. On ne cesse de se demander comment des planches si simples peuvent ressortir si puissantes sous sa patte…

Alors que le changement de paradigme vu jusqu’ici brouille un peu nos habitudes et que le fantastique surgit enfin résolument, les auteurs semblent bien décidés à s’attarder sur la bande de fous-furieux qui chapeautent Saint-Elme comme un fief. A commencer par ce Derviche, un des méchants les plus réussis de la BD depuis le Boucher de Undertaker. Cette série est un régale de bout en bout et si ce volume est plus calme, il permet aussi de replacer les éléments avant un final que l’on espère dantesque. Vite!

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
***·BD·La trouvaille du vendredi·Nouveau !·Rétro·Service Presse

Crying Freeman (perfect) #1

La trouvaille+joaquim
 
Manga de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami
Glénat (1986)/(2023), 418p, 1/5 tomes parus.

Après la ressortie de Sanctuary (qui suit Crying Freeman), Glénat sort pour la troisième fois le mythique Crying Freeman, sorti au Japon en 1986 (il y a donc… 37 ans!!!), éditée par Glénat en 1995 à l’aube du manga VF en s’arrêtant au bout de deux tomes seulement. L’éditeur grenoblois sort enfin l’intégralité de la série en 2005 (soit 10 tomes) et enfin cette ressortie compacte en 5 volumes, sans aucun travail éditorial spécifique. Je ne vois que Dragonball qui ait plus de sorties pour un même titre… Aucun intérêt bibliophile autre que de pouvoir découvrir une saga a peu près introuvable aujourd’hui.

bsic journalismMerci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Yo est le plus redoutable tueur à la solde des Triades chinoises, les 108 Dragons. Conditionné mentalement à obéir aux contrats pour l’organisation, son corps résiste en versant des larmes après chaque assassinat. Lors d’une intervention, une jeune femme assiste à son intervention. La Loi est intraitable: les témoins doivent mourir. Mais devant cette innocence Freeman hésite, la part d’humanité en lui refusant cette barbarie…

Troisième série d’Ikegami, Crying Freeman est celle qui forgera son style (des histoires de mafia que l’on retrouvera sur la suivante, Sanctuary que j’ai découvert cette année) et le révèlera en Occident jusqu’à la consécration du très réussi film de Christophe Gans adaptant le manga; en pleine époque où Canal+ se lançait dans la folie des Hong-Kong movies, où John Woo était un dieu et Quentin Tarantino un geek transi d’Asie… Bref.

Bien plus simple (pour ne pas dire basique) que Sanctuary, Crying Freeman se résume sur ce premier double tome à une succession d’actes de bravoure du super-assassin au visage d’ange (la pate Ikegami), alternés avec une origin-story et une love-story avec l’improbable pucelle dont le tueur est tombé amoureux. Bien entendu l’adversité va être nombreuse pour l’empêcher de jouir de sa liberté, entre ses commanditaires, la police et les mafia qu’il décime. Doté de capacités qui le rendent imbattable, on attend après ces deux volumes d’exposition une adversité qui permettra de monter un peu en tension.

Graphiquement on est déjà sur un niveau impressionnant, le maître empruntant plus au style de la BD classique chinoise qu’au manga. L’édition collector propose des pages dites « couleur », qui sont en réalité une simple bichromie n’atténuant pas l’atroce impression d’origine qui nous rappelle cruellement que le manga est né comme les comics pour être imprimé sur du papier journal de piètre qualité. Changement d’époque.

Classique parmi les classiques, le volume se lit rapidement, est un peu moins dérangeant que Sanctuary dans son cadre manichéen et un peu fleure bleue, et regorge de magnifiques séquences d’action toujours lisibles. On aurait aimé que Glénat en profite pour éditer les inédits de l’auteur dans la foulée ou au moins que les autres détenteurs de droits s’associent à des mises en avant. Pour cela il vous faudra fouiller sur manganews et chez les vendeurs d’occasion, en attendant la suite de la fort sympathique nouveauté Trillion Game.

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
***·BD·Nouveau !·Rapidos

Les 5 terres #10

La BD!
BD de David Chauvel, Jerome Lereculey et collectif
Delcourt (2022), 56p., série en cours, 1 cycle achevé, 4 tomes parus sur le second cycle
Série prévue en 5×6 tomes.

Attention Spoiler!

Le Coucal n’est plus. En un retournement de situation sacrificiel, la cheffe du Sistre, plus contestée que jamais, a éliminé ses jeunes challengers et montré au monde de Lys que face à la détermination aucune force ne peut rivaliser. Il faut maintenant reconstruire et peu nombreux seront les alliés dans ce monde impitoyable de la pègre. 

Les 5 Terres -10- « Réapprendre la peur »Ce tome confirme que, sans atteindre la tension du premier cycle, cet arc est bien mené et que la (grosse) faute du deuxième tome n’était qu’un accident. Accident qui a des conséquences en ce qu’il a amputé toute possibilité de rythme sur ces six tomes. Heureusement les scénaristes se recentrent clairement sur l’héroïne et son clan, qui permettent de suivre la difficile remontée de pente d’un animal blessé mais déterminé à reprendre sa place de mafia majeure de la capitale. Le traitement est toujours cru et c’est ce qu’on aime avec cette propension à éviter les attendus et qui rejoint l’idée du premier cycle.

Malgré cela l’agencement avec les intrigues secondaires reste très ténu et si la mécanique de mise en scène fonctionne à chaque étape on peine toujours à apprécier une ampleur, des enjeux qui nous feraient tressaillir à chaque instant. D’une grande BD, les 5 Terres sont redescendu au stade de bonne BD parmi des centaines et a perdu les atouts qui faisaient attendre chaque volume avec impatience. On sait que les auteurs ont le talent pour remettre de la hype soudainement sur un volume Pour peu qu’ils en aient envie. Wait and see.

note-calvin1note-calvin1note-calvin1

***·East & West·Manga·Un auteur...

Hiroki Endo, histoires courtes

esat-west
Manga de Hiroki Endo
Panini (2023) – 1998, 456p., rassemble les deux tomes publiés à l’origine.

On n’a pas fini de redécouvrir Hiroki Endo dont l’œuvre, étalée sur le début des années 2000 a été victime d’une période où l’explosion du manga aiguisait les appétits avec des suivis éditoriaux erratiques. Si Panini a achevé la réédition du chef d’œuvre d’Endo dans une magnifique édition dont les commentaires de l’auteur restent des joyaux d’impudeur tout à fait intéressantes et alors que Pika ressort sa série de combat MMA depuis octobre dernier, Panini (toujours eux) ressortait les deux tomes des histoires courtes d’Endo mais cette fois en intégrale. Et pour tout dire, à l’inverse du propos de la préface, ces six histoires de taille et de qualité inégale restent à réserver aux complétistes de l’auteur et ressemblent surtout à un joli surf sur la vague Eden.

Ce qui est sur c’est que l’on ressent tout à la fois l’esprit de l’auteur, fait de réflexions philosophiques, de trivialité crue, voir obscènes et une évolution dans la maîtrise de son art entre les premières planches lorsqu’il est encore étudiant et ces visions magistrales SF d’une terre suspendue dans Hang. Les personnages cyniques et l’atmosphère contemplative de ces histoires forment comme des extractions de ce que Endo fera dans Eden, comme des brouillons pas encore agencés.

Ce qui est étrange c’est que s’ils avaient été intégrée à Eden ces format courts auraient pu prendre un autre sens et gagner en cohérence tant le chef d’œuvre fourmille de séquences quasiment détachées le l’intrigue principale mais créées pour développer le hors-champ ou tout simplement parce que l’auteur en avait envie.

Car c’est bien la liberté absolue qui illustre le travail d’Hiroki Endo. Dans une technique déjà bien solide et qui a déjà les quelques lacunes qu’il gardera, il nous propose des histoires de Yakuza et des tranches de vie autobiographiques principalement (peut-être la séquence la plus intéressante). Les amateurs de SF seront un peu frustrés. Auteur qui assume des créations personnelles sans jamais chercher à plaire ou à s’insérer dans des modes, Endo ne passionne pas toujours par manque de cohérence scénaristique où sur la plupart des histoires il n’aboutit à peu près nulle part. Cela ne veut pas dire que le volume ne se lit pas avec plaisir, le talent est déjà là. Mais il intrigue plus qu’il n’emporte le lecteur avec lui et reste toujours un peu court dans la possibilité pour le lecteur de s’approprier ce qu’il lit.

Jamais facile, le format « histoires courtes » est pas essence destiné aux fans et aux lecteurs les plus curieux. Dans le même genre, son maître, Otomo, a publié il y a quelques années une Anthology bien plus solide, qui sera abordée dans un prochain billet.

note-calvin1
note-calvin1

**·Manga·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

Badducks #1

image-19
badducks_1_ki-oonManga de Toryumon Takeda
Ki-oon (2023) – Futabasha (2021), env. 232p./volumes, 1/4 volumes.

bsic journalismMerci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Dans un monde gangréné par la mafia en cheville avec une classe politique corrompue, Morgane se retrouve un jour à devoir payer pour une dette contractée par ses parents. Devenu malgré lui donneur d’organes, le voilà bricolé avec des organes artificiels qui lui permettent de survivre avec pour seul horizon l’esclavage dans des fabriques souterraines… Pourtant lorsqu’une des dernières représentantes du Petit Peuple décide de s’évader il se découvre des capacités insoupçonnées. Le duo, bientôt accompagnée d’un bébé, va donner du fil à retordre aux limiers crapuleux lancés à leur poursuite…

Toujours à la recherche de la bonne trouvaille pour enrichir son petit mais qualitatif catalogue, les éditions Ki-oon semblent miser beaucoup sur ce premier manga de l’autrice Takeda Toryumon dont les quatre premiers tomes sont parus l’année dernière après diffusion des premiers chapitres en conventions. Il convient donc de traiter ce premier volume de Badducks pour la première publication qu’il est.

BADDUCKS (Manga) | AnimeClick.itReconnaissons d’abord l’envie de la mangaka et son application sur des dessins très correctes même s’ils n’atteignent pas la brillance de l’illustration de couverture colorisée. La principale qualité de Badducks repose sur les dialogues entre protagonistes qui tirent vers un esprit tragi-comique avec des faciès burlesques placés au sein de situations totalement sordide. Ainsi notre héros est abandonné par ses parents, enlevé à sa chérie pour se voir prélever ses organes destinés à alimenter le marché des classes aisées. Alors que les miséreux servent de banques d’organes et de main d’œuvre servile, les races anciennes (sans que l’on nous explique précisément dans quel type de monde on se situe) sont prostituées avec les tendons coupés pour éviter leur fuite… joyeux! Si l’ambiance (assez à la mode) rappelle celle mélancolique d’un Clevatess ou Frieren, les personnages ne sont malheureusement pas assez caractérisés pour nous donner envie de nous intéresser à leur sort. Le rythme plutôt tendu permet de ne pas trop s’ennuyer mais cela ne suffit pas à compenser sans doute un manque d’humour noir qui laisse l’humour un peu à plat.

Le gros soucis de ce premier tome c’est qu’en le refermant on n’a pas la moindre idée d’où on va puisque ce n’est ni l’action, ni l’humour, ni la violence qui portent réellement le récit. Au final un peu trop moyen pour vraiment emporter l’adhésion, Badducks nécessitera sans doute pour les plus motivés d’attendre le volume suivant (en juillet) avant de pouvoir déterminer si cette « cavale d’une décennie au ton inimitable » vaut vraiment la peine…

A noter que la série semble complète en quatre tomes puisque l’autrice annonce un nouveau manga à la rentrée, probab

image-18image-18

****·BD·Nouveau !·Service Presse

Feroce #2

image-3
9782344048153-001-t
BD de Gregorio Murio Harriet, Alex Macho et Ekaitz Elizondo (coul.)
Glénat (2023), 56p., série en cours, série finie en deux tomes.

image-5Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Dans l’extrême-orient russe, au cœur de ces forêts enneigées loin de la civilisation, la loi et la morale sont des principes bien ténus. Dans ce paradis naturel une équipe de documentaristes arrive pour réaliser un film sur le Tigre de Sibérie. Entre l’animal sauvage, l’hostilité du climat et l’appétit des mafia sino-russes, qui est le plus dangereux?

Carnage (par Harriet Gregorio Muro, Alejandro Macho Andrès et EkaitzNous voici venir une nouvelle BD de l’autre eldorado de la BD, l’Espagne qui nous apporte quantité de talents rescapés de l’appel du comics. Avec Feroce (dont le premier tome a été chroniqué par Dahaka), le très talentueux Alex Macho propose avec ses collègues scénariste et coloristes (deux coloristes différents sur le diptyque, sans que cela se ressente, heureusement) un thriller naturaliste en deux temps. Alors que le premier volume sorti il y a dix-huit mois décrivait une affaire mafieuse parfois proche de l’univers de Tarantino, le second volume vire dans le survival brutal, à la limite du fantastique et du slasher dans une volonté de ne rien laisser aux personnages!

En ouvrant leur intrigue dans un contexte exotique original frisant le « Eastern » et en contextualisant de façon assez réaliste une réalité écologique dramatique, les auteurs posent une base que l’on avait envie de suivre et qui n’était pas loin du coup de cœur tant les splendides dessins nous faisaient voyager en plein cinéma. Sans que l’évolution ne soit brutale, il faut reconnaître que l’on change de registre ici puisque le tigre-démon devient une sorte de croque-mitaine où l’absurde n’est jamais loin dans l’énormité. Pourtant la maîtrise de la mise en scène cinématographique et des codes de l’épouvante font fonctionner la mécanique qui nous ferait presque sursauter à chaque page. En jouant avec des personnages-proies Macho et Harriet nous tiennent en haleine tant on n’imagine pas ce jeu de massacre si radical. Et comme tout bon « film » de genre, on ne saura jamais vraiment ce qu’était cet affreux tigre quasi-immortel…

Sans doute victime d’une trop modeste ambition et l’envie d’aller vite, Feroce réussit pleinement sa mission mais nous frustre un peu par sa brièveté et l’incapacité à vraiment développer toutes les interactions crapuleuses par manque de place. Le projet, ne serai-ce que par son originalité aurait mérité de prendre le temps de poser cet univers oriental situé à la croisée entre Corée du Nord, Chine et Russie. Nous aurions voulu en savoir plus sur l’affreuse cheffe de triade chinoise et sur cette héroïne semble-t’il inspirée « de faits réels ». On aurait voulu se documenter sur la réalité des mafias du bois. Bref, on en aurait voulu plus. Ce n’est pas un défaut mais plutôt le signe d’une BD de qualité qui en avait sous le coude.

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1