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Badducks #1

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badducks_1_ki-oonManga de Toryumon Takeda
Ki-oon (2023) – Futabasha (2021), env. 232p./volumes, 1/4 volumes.

bsic journalismMerci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Dans un monde gangréné par la mafia en cheville avec une classe politique corrompue, Morgane se retrouve un jour à devoir payer pour une dette contractée par ses parents. Devenu malgré lui donneur d’organes, le voilà bricolé avec des organes artificiels qui lui permettent de survivre avec pour seul horizon l’esclavage dans des fabriques souterraines… Pourtant lorsqu’une des dernières représentantes du Petit Peuple décide de s’évader il se découvre des capacités insoupçonnées. Le duo, bientôt accompagnée d’un bébé, va donner du fil à retordre aux limiers crapuleux lancés à leur poursuite…

Toujours à la recherche de la bonne trouvaille pour enrichir son petit mais qualitatif catalogue, les éditions Ki-oon semblent miser beaucoup sur ce premier manga de l’autrice Takeda Toryumon dont les quatre premiers tomes sont parus l’année dernière après diffusion des premiers chapitres en conventions. Il convient donc de traiter ce premier volume de Badducks pour la première publication qu’il est.

BADDUCKS (Manga) | AnimeClick.itReconnaissons d’abord l’envie de la mangaka et son application sur des dessins très correctes même s’ils n’atteignent pas la brillance de l’illustration de couverture colorisée. La principale qualité de Badducks repose sur les dialogues entre protagonistes qui tirent vers un esprit tragi-comique avec des faciès burlesques placés au sein de situations totalement sordide. Ainsi notre héros est abandonné par ses parents, enlevé à sa chérie pour se voir prélever ses organes destinés à alimenter le marché des classes aisées. Alors que les miséreux servent de banques d’organes et de main d’œuvre servile, les races anciennes (sans que l’on nous explique précisément dans quel type de monde on se situe) sont prostituées avec les tendons coupés pour éviter leur fuite… joyeux! Si l’ambiance (assez à la mode) rappelle celle mélancolique d’un Clevatess ou Frieren, les personnages ne sont malheureusement pas assez caractérisés pour nous donner envie de nous intéresser à leur sort. Le rythme plutôt tendu permet de ne pas trop s’ennuyer mais cela ne suffit pas à compenser sans doute un manque d’humour noir qui laisse l’humour un peu à plat.

Le gros soucis de ce premier tome c’est qu’en le refermant on n’a pas la moindre idée d’où on va puisque ce n’est ni l’action, ni l’humour, ni la violence qui portent réellement le récit. Au final un peu trop moyen pour vraiment emporter l’adhésion, Badducks nécessitera sans doute pour les plus motivés d’attendre le volume suivant (en juillet) avant de pouvoir déterminer si cette « cavale d’une décennie au ton inimitable » vaut vraiment la peine…

A noter que la série semble complète en quatre tomes puisque l’autrice annonce un nouveau manga à la rentrée, probab

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Feroce #2

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BD de Gregorio Murio Harriet, Alex Macho et Ekaitz Elizondo (coul.)
Glénat (2023), 56p., série en cours, série finie en deux tomes.

image-5Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Dans l’extrême-orient russe, au cœur de ces forêts enneigées loin de la civilisation, la loi et la morale sont des principes bien ténus. Dans ce paradis naturel une équipe de documentaristes arrive pour réaliser un film sur le Tigre de Sibérie. Entre l’animal sauvage, l’hostilité du climat et l’appétit des mafia sino-russes, qui est le plus dangereux?

Carnage (par Harriet Gregorio Muro, Alejandro Macho Andrès et EkaitzNous voici venir une nouvelle BD de l’autre eldorado de la BD, l’Espagne qui nous apporte quantité de talents rescapés de l’appel du comics. Avec Feroce (dont le premier tome a été chroniqué par Dahaka), le très talentueux Alex Macho propose avec ses collègues scénariste et coloristes (deux coloristes différents sur le diptyque, sans que cela se ressente, heureusement) un thriller naturaliste en deux temps. Alors que le premier volume sorti il y a dix-huit mois décrivait une affaire mafieuse parfois proche de l’univers de Tarantino, le second volume vire dans le survival brutal, à la limite du fantastique et du slasher dans une volonté de ne rien laisser aux personnages!

En ouvrant leur intrigue dans un contexte exotique original frisant le « Eastern » et en contextualisant de façon assez réaliste une réalité écologique dramatique, les auteurs posent une base que l’on avait envie de suivre et qui n’était pas loin du coup de cœur tant les splendides dessins nous faisaient voyager en plein cinéma. Sans que l’évolution ne soit brutale, il faut reconnaître que l’on change de registre ici puisque le tigre-démon devient une sorte de croque-mitaine où l’absurde n’est jamais loin dans l’énormité. Pourtant la maîtrise de la mise en scène cinématographique et des codes de l’épouvante font fonctionner la mécanique qui nous ferait presque sursauter à chaque page. En jouant avec des personnages-proies Macho et Harriet nous tiennent en haleine tant on n’imagine pas ce jeu de massacre si radical. Et comme tout bon « film » de genre, on ne saura jamais vraiment ce qu’était cet affreux tigre quasi-immortel…

Sans doute victime d’une trop modeste ambition et l’envie d’aller vite, Feroce réussit pleinement sa mission mais nous frustre un peu par sa brièveté et l’incapacité à vraiment développer toutes les interactions crapuleuses par manque de place. Le projet, ne serai-ce que par son originalité aurait mérité de prendre le temps de poser cet univers oriental situé à la croisée entre Corée du Nord, Chine et Russie. Nous aurions voulu en savoir plus sur l’affreuse cheffe de triade chinoise et sur cette héroïne semble-t’il inspirée « de faits réels ». On aurait voulu se documenter sur la réalité des mafias du bois. Bref, on en aurait voulu plus. Ce n’est pas un défaut mais plutôt le signe d’une BD de qualité qui en avait sous le coude.

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Newburn #1: Ils savent qui je suis

Premier tome de 168 pages, contenant les 8 premiers chapitres de la série écrite par Chip Zdarsky et dessinée par Jacob Phillips. Parution le 24/02/23 chez Urban Comics, collection Indies.

Le crime, c’est mal. Et quand il est organisé, c’est encore pire. Des organisations tentaculaires, menées de main de fer par une perfide hiérarchie et un sens implacable des affaires, mènent la vie dure à la police, qui peine à résoudre les différentes affaires en lien avec ces familles mafieuses.

Le crime étant ce qu’il est, les différents clans mafieux sont eux aussi prêts à se sauter à la gorge, poussés soit par l’avidité, soit par une volonté de venger les affronts commis par leurs rivaux. Ce dernier point est la raison d’être d’Easton Newburn. Ancien flic devenu détective privé, Newburn est employé par le conglomérat des mafias pour résoudre les crimes qui les impliquent. Un bandit exécuté dans une chambre d’hôtel, un parrain assassiné chez lui, voilà le genre de cas qui intéresse Newburn.

Ce poste lui offre une certaine immunité, puisque son action permet d’apaiser les tensions et de maintenir l’équilibre entre les familles. Même la police a conscience des enjeux, aussi le laisse-t-elle, avec réticence néanmoins, accéder sans entrave aux scènes de crime et aux conclusions scientifiques.

Newburn bénéficie d’une aura et d’une réputation qui lui permettent de naviguer dans ce monde extrêmement dangereux, mais rares sont ceux qui semblent connaître la vérité sur cet énigmatique personnage, son passé et ses véritables intentions.

Connu pour son run sur la série Daredevil, ou encore la série The Wicked + The Divine, ou encore Sex Criminals (en tant que dessinateur) Chip Zdarsky décide de refaire une plongée dans le monde du polar pour cette nouvelle série en creator-owned (un système de publication aux US grâce auquel les auteurs gardent 100% des droits de leurs œuvres, contrairement à ce qui se fait chez les gros éditeurs-Marvel et DC en tête-qui dépossèdent systématiquement les auteurs).

Ambiguïté morale, crimes sanglants, personnages torturés, tous les ingrédients du polar sont là, jusqu’au protagoniste quelque peu cliché du détective privé ancien flic. Néanmoins, l’auteur apporte une touche d’originalité en faisant de son héros une sorte d’arbitre entre les mafias, un rôle à la fois avantageux et très dangereux. Les enquêtes en elles-mêmes ne sont pas hyper-compliquées et rapidement résolues, et montrent un Newburn presque toujours en maîtrise de son univers. Pour augmenter les enchères lors du second tome, il conviendra de renverser la vapeur, et montrer comment notre héros imperturbable réagit lorsque le sol se dérobe sous ses pieds.

Du reste, la galerie de personnages et leurs interactions sont crédibles au fil des huit chapitres, qui sont construits comme une série policière, chaque numéro étant une enquête distincte avec un fil rouge qui se dessine peu à peu. Le tout rappelle quand même fortement les grandes heures d’Ed Brubaker.

En conclusion, Newburn réussit l’exercice délicat du début de série (du pilote, pour filer la métaphore) et, malgré une exécution plutôt classique, nous donne envie d’en savoir davantage.

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Batman: Amère victoire

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Comic de Jeff Loeb et Tim Sale
Urban (2012) – DC (2000), 392p., série terminée.

L’édition chroniquée est la première version reliée chez Urban, après les quatre volumes SEMIC souples parus en 2002 juste après l’édition originale. Une version n&b « anniversaire 75 ans » est sortie en 2014 toujours chez Urban. Il s’agit de la suite directe de Un long Halloween, mythique album et Prix Eisner du meilleur album. L’édition comprend une préface de Tim Sale (malheureusement disparu l’an dernier…), un résumé du volume précédent, deux pages de croquis et l’épisode bonus « Un chevalier servant« . Édition correcte qui mérite surtout pour la qualité de fabrication des éditions Urban et l’histoire elle-même.

Il y a un an (lors des évènements relatés dans Un long Halloween) le tueur se faisant appeler Holliday a terrorisé Gotham. Lors de l’enquête le procureur Harvey Dent, défiguré par de l’acide, est devenu Double-face, un psychopathe schizophrène. Alors que Batman et le commissaire Gordon n’ont pas fait le deuil de leur amitié avec Dent, des crimes reprennent, ciblant cette fois la police de Gotham. Holliday est-il de retour?

image-10Batman - Amère victoire (Dark Victory) - BD, avis, informations, images,  albums - BDTheque.comQue vous découvriez les BD de Batman ou soyez novice en comics de super-héros, vous tenez une pépite. Lorsque j’ai commencé à lire du  Batman j’ai recherché les albums les plus faciles d’accès parmi les plus cités, la difficulté étant la subjectivité des fans pas toujours lucides sur l’accessibilité de leurs monuments. Et je peux vous dire que le diptyque de Loeb et Sale est un véritable miracle tant graphique que dans l’écriture, qui condense la substantifique moelle de l’univers gothique de Batman, de l’origin story fluide, en proposant le même plaisir à des nouveaux venus, aux spécialistes et aux amateurs d’indé. La seule réserve sera peut-être pour de jeunes lecteurs biberonnés aux dessins très techniques d’un Jorge Jimenez ou de Capullo, qui pourront tiquer sur l’ambiance rétro.

Amère victoire reprend les mêmes qualités que le volume précédent en les simplifiant dans une épure encore plus accessible. Sous la forme d’une enquête autour d’un serial killer qui reprend le même schéma narratif que les meurtres aux fêtes nationales du Long Halloween (ici concentrés sur des membres véreux du GCPD), les auteurs continuent subtilement d’introduire le personnage de Robin sur la fin de la série, en Batman (tome 1) - (Tim Sale / Jeph Loeb) - Super Héros [BDNET.COM]parallèle évident avec le deuil du jeune Bruce Wayne. Si le monde mafieux est toujours très présent (le récent film The Batman reprend à la fois la famille Falcone et le lien de Catwoman avec ces criminels), le découpage se veut moins complexe en atténuant un peu le formidable jeu des séquences simultanés et amputées qui instillaient brillamment le doute sur l’identité du tueur. Ici ce sont Harvey Dent, la nouvelle procureur et même Catwoman qui sont dans le viseur du lecteur…

Beaucoup plus technique qu’il n’en a l’air, le dessin de Tim Sale est mis en valeur par le format large du volume Urban où l’on profite des grandes cases (à ce titre, la grosse pagination ne doit pas vous effrayer, l’album se lit assez rapidement du fait d’un découpage aéré et de textes favorisant les ambiances), voir de doubles pages et où les très élégants aplats de couleurs font ressortir le travail de contrastes du dessinateur (agrémenté de quelques lavis sur des flashback). Avec un montage diablement cinématographique (Loeb a scénarisé un certain nombre de séries de super-héros et produit les séries Daredevil et Defender de Netflix) on plonge dans les bas-fonds, les bureaux éclairés de lames de stores et les gargouilles des sommets de Gotham avec un plaisir permanent.

Amère Victoire – Comics BatmanProposant autant de suspens que d’action, utilisant à l’envi le freakshow d’Arkham sans en faire le centre de l’histoire, Amère victoire offre une galerie de personnages aussi archétypaux que le nécessite la mythologie Batman, avec un joyau super: Catwoman, aussi pétillante que touchante malgré son absence d’une bonne partie de l’histoire (… pour cause d’aventures à Rome narrées dans le chef d’œuvre du même duo, Catwoman à Rome, tout juste réedité). L’art de Loeb est de prêter un style oral à chaque personnage, reconnaissable et que l’on a envie de retrouver. Et finalement la résolution du coupable deviens assez secondaire dans le projet tant il y a de prétendants et une atmosphère que l’on regrette dans les récents comics Batman. On pourra d’ailleurs des liens à travers les âges en trouvant des proximités avec le récent White Knight: Harley Quinn… dont les couleurs sont réalisées par le grand Dave Stewart… qui avait officié sur Catwoman à Rome. Les grande se retrouvent!

Chef d’œuvre parmi les chef d’œuvres, bien moins cité et bien meilleur que le Dark Knight de Miller, cet Amère Victoire est un classique à avoir impérativement bien au chaud dans sa bibliothèque.

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Saint-Elme #3: le porteur de mauvaises nouvelles

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BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2022), 78p.,  série en cours, 3 tomes parus.

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Frank Sangaré est mal en point. Très. Laissé brulé et à l’article de la mort, le cadet des frangins enquêteurs tente de s’évader dans les tunnels de Saint-Elme alors que son ainé commence à suivre sa trace. Pendant ce temps le ménage se prépare dans la famille Sax…

Avec une sortie rapprochée de trois albums en deux ans on est totalement dans le rythme de série en mode bing-watching et la construction millimétrée de Serge Lehman colle parfaitement avec ce format: galerie de personnages hauts en couleur (ou en perversions), explosions de violence crue, sexe poisseux et dialogues percutants, on a tout ce qu’il faut pour rester addict aux mésaventures des frères Sangaré dans ce bas-fonds qu’est Saint-Elme. Utilisant savamment le hors-champ, les auteurs préparent l’arrivée du redoutable patriarche mafieux alors que le limier de la fratrie de détectives a enfin débarqué. Avec sa gueule sans pupille et son allure robotique, il ajoute une couche d’étrange alors que le scenario se positionne enfin sur le caractère anormal des évènements surnaturels auxquels on a assisté jusqu’ici.

Les deux premiers tomes nous avaient totalement conquis et s’il y a un peu moins de surprise sur ce troisième, plus linéaire, la maestria de Peeters et la force des personnages suffisent amplement à prolonger le plaisir sur cette série totalement inattendue et qui tranquillement est en train de se hisser au même niveau qu’un 5 Terres ou un Renaissance. Brillant et addictif!

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Sakamoto days #1

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Manga de Yuto Suzuki

Glénat (2022), 192, 5/9 volumes parus.

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Taro Sakamoto est un assassin légendaire qui s’est retiré du monde après avoir rencontré l’amour. Vivant désormais paisiblement comme épicier avec sa femme et sa fille, il va soudain voir débarquer la fine fleur des tueurs de la pègre mondiale bien décidés à lui faire la peau. L’étrange bonhomme cache pourtant encore bien des talents que vont découvrir les candidats à sa succession…

mediathequeParé d’excellents avis et d’une com’ en grandes pompes de Glénat lors de la sortie des deux premiers volumes au printemps dernier, je me suis laissé tenter par l’expérience Sakamoto days lors d’un passage en médiathèque. L’esprit décalé et le look wtf du super-tueur épicier avaient du potentiel et sans beaucoup d’exigence il suffisait d’un bon enchaînement d’action pour combles les attentes. Et je dois dire que mon envie a été assez rapidement douchée en constatant qu’on était loin des glorieux ainés du shonen… Bien Sakamoto Days (tome 1) - (Yuto Suzuki) - Shonen [CANAL-BD]que le design global des personnages et de Sakamoto soit sympathique, un chara-design ne suffit pas à faire une bonne série et on constate rapidement d’importantes lacunes dans un dessin approximatif, y compris dans les séquences de baston (nombreuses). Mais le nerf d’une bonne BD étant toujours son scénario, c’est là que le bas blesse le plus puisque dans la volonté d’aller vite, on ampute toute progressivité en balançant en quelques pages l’origin-story du personnages pour ensuite enchaîner sur des chapitres presque one-shot qui ont vocation à constituer une « Team Sakamoto » faite d’anciens assassins ou mafieux repentis. Du coup aucune trame longue n’est proposée et le volume enchaîne les combats sans enjeux du fait de la toute puissance du personnage et de la reproductivité des assassins lancés à ses trousses. Le seul point qui pourrait titiller l’envie repose sur l’étonnante capacité de télépathe de l’acolyte de Sakamoto, qui permet quelques jolies trouvailles humoristiques lorsque ce dernier ne cesse de « tuer en pensées » de la plus affreuse manière tout ce qui se trouve autour de lui. Malheureusement, si des DR. Slump, Tortue génial et mille autres petits-gros redoutables parsèment le monde du manga, Sakamoto semble manquer de bien des atouts pour creuser son sillon hormis comme seule consommation Shonen. Doté de trop peu d’atouts et de trop d’incohérences, c’est une vraie mauvaise pioche et la quantité de parutions manga ne justifient pas d’y passer plus de temps.

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Chloé Densité

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BD de Lewis Trondheim, Stan&Vinc, Walter &Julia Pinchuk (coul.)
Delcourt (2022), 328p., intégrale de la trilogie Density (2017-2021).

image-13Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance

En voyage aux Etats-Unis avec son frère, sa sœur et une copine, Chloé se retrouve soudainement dotée de la capacité de modifier sa densité corporelle après une rencontre du Troisième type… Après un temps passé à apprivoiser ses nouveaux pouvoirs, la voilà elle et sa bande mêlée à des histoires de gangsters, à un braquage de casino et jusqu’à une invasion extra-terrestre! Mais Chloé n’est pas du genre à se laisser aller… 

Density T.1 "Comics BD" - Les Chroniques de MadokaLorsque les sales gosses de la BD Lewis Trondheim et Stan & Vince se lancent dans la série Density l’amateur de série B décomplexée avait tout pour sourire. Après trois tomes au succès mitigé Delcourt a la très bonne idée de ressortir la série en intégrale compact afin de lui donner une seconde chance. D’autres albums mériteraient un tel soutien. Il faut dire que le pitch trondeheimien pouvait laisser sceptique sur le format série et le démarrage est certes amusant  mais a dû laisser les lecteurs du premier album dubitatifs quand à l’évolution de ces saynètes illustrant les effets des pouvoirs de Chloé. Sans consistance lorsqu’elle allège sa densité, ultra-massive lorsqu’elle l’augmente, avec tout un tas de possibilités annexes :passe-muraille, vol, résistance à toute épreuve, les auteurs s’amusent comme des petits fous entre deux piques sur la débilité des policiers américains.

Le trio ne s’est jamais trop dérangé pour chercher des causes à leurs expérimentations et une fois l’évènement déclencheur balancé en deux pages aussi absurdes que la trogne de l’alien et ses motivations (il faut sauver le monde d’une invasion génocidaire d’outre-espace, tout simplement), voilà nos amis embarqués à la suite d’un survivaliste retors. Si le rythme est très soutenu tout le long, faisant passer les trois-cent pages aussi rapidement qu’une bonne comédie d’action sur Netflix, l’équilibre des personnages manque singulièrement de densité justement. Density T03 de Vince, Stan, Lewis Trondheim, Julia Leonidovna pinchuk -  Album | Editions DelcourtL’intrigue tourne autour de Chloé et son frère le super-geek mais les deux autres filles font office de pot de fleur et on se demande bien leur utilité dans toute cette aventure. On a d’ailleurs le sentiment que l’histoire progresse à mesure que les auteurs s’amusent avec leur jouet, sans plus de structure que cela.

Ce n’est pas très grave car on en a plein les mirettes entre une baston XXL à Tokyo en mode Kaiju, un petit tour de l’autre côté de la galaxie ou un assaut à la mode Scarface. Côte dessins Stan &Vince envoient un peu le service minimum pour aller vite et on se dit qu’on aurait pu avoir un superbe album en savourant certains gros plans ou séquences spatiales soignées. Au final on a une très sympathique aventure pleine d’action, de gore, de jeux sur les possibilités SF de la maîtrise de la densité et avec un peu plus d’ambition il y avait matière à un blockbuster majeur.

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****·BD·Documentaire

Je suis toujours vivant

Le Docu BD

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BD de Roberto Saviano et Asaf Hanuka
Gallimard/Steinkis (2022), one-shot.

Autobiographie du danger… – Librairie du Château – Ardèche –  Aubenas-Vals-AntraïguesLorsqu’il publie en 2006 son enquête Gomorra détaillant méticuleusement le fonctionnement des trafics de la mafia napolitaine, le journaliste Roberto Saviano franchit la ligne rouge pour le crime organisé: celui de révéler au grand public l' »intimité » de cette organisation qui vit de la peur, du secret et de l’omerta. La loi mafieuse condamnant de mort le fait de briser l’omerta, Saviano vit depuis lors sous une protection policière qui le place de fait dans une prison mobile. C’est cette réalité qu’il nous fait découvrir en compagnie du dessinateur israélien Asaf Hanuka avec ses mises en scène allégoriques très colorées.

Si on parle d’autobiographie c’est surtout parce que Saviano exprime son ressenti, sa prison sans barreaux et l’injustice de se retrouver ainsi éternellement privé de ce qui fait la liberté: pouvoir tomber amoureux, avoir un chez soi, fréquenter qui l’on veut quand on veut,… Après un rappel de ce qui l’a amené à écrire son livre et les conséquences directes de sa publication, l’auteur nous parle surtout d’intimité, rendant la lecture touchante en vivant visuellement les émotions de l’écrivain.

Le rôle de l’image est extrêmement puissant sur cet album qui montre de façon évident que Hasaf Hanuka est l’un des tous meilleurs illustrateurs mondiaux, avec l’approche d’un dessinateur de presse pour celui qui a dessiné les séquences oniriques du film Valse avec Bachir. Jouant d’aplats de couleur créant un aspect bichromie, il joue sur les formes et les idées comme dans un rêve permanent, cette torpeur que doit être la vie de Saviano.

Bandes dessinées | Ce que La Presse en pense | La Presse

Conçu comme une catharsis, l’album semble bien dérisoire dans cette destinée très dure. On s’étonne de ne pas trouver de liens plus étroits avec d’autres « prisonniers » tels que Salman Rushdie. Car il s’agit bien de croquer l’univers mental d’un écrivain qui n’a plus que ses écrits pour s’évader et vise par ce projet et son titre à faire un manifeste à destination de la Mafia: si elle est parvenue à le tuer socialement, elle n’a pas réussi à éliminer sa liberté d’expression et le danger qu’il représente.

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Saint-Elme #1-2

La BD!
BD de Serge Lehman et Frederik Peeters
Delcourt (2021), 78p./album., série en cours 2 vol. parus.

bsic journalismMerci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

Dans la petite ville lacustre de Saint-Elme règne le clan Sax, puissants industriels qui dirigent l’usine d’eau minérale qui fait vivre la population. Mais pas que… Le détective Franck Sangaré est missionné pour retrouver un fils à papa fugueur avant de découvrir que la pègre qui rode dans les bas-fonds de la ville n’est pas totalement étrangère à la famille Sax. Dans cet endroit hors du temps où les éléments semblent se comporter étrangement un voile obscure recouvre les apparences…

https://www.ligneclaire.info/wp-content/uploads/2021/10/Saint-Elme-2.jpgSans vouloir revenir sur un sujet abordé maintes fois ici on pourra dire qu’avec la nouvelle série de Lehman et Peeters, Delcourt n’a pas misé sur le commercial, avec des couvertures à la ligne graphique certes cohérente, que d’aucuns qualifieront de gonflées et que je rapprocherais plutôt du suicidaire. Reconnaissons que l’Homme gribouillé (que je n’ai malheureusement pas encore lu) ne proposait pas non plus de couverture vendeuse ce qui ne lui a pas empêché d’être un carton. Espérons que les seules réputations des deux auteurs suffiront à ne pas dissuader les lecteurs.

Car on peut dire qu’en matière de maîtrise graphique comme scénaristique on est dans le top niveau. Si vous parvenez à dépasser la couverture et la colorisation totalement criardes vous voilà plongés Saint-Elme T. 1 : La Vache brûlée - Par Serge Lehman et Frederik (...) -  ActuaBDdans une sorte de Twin peaks dans cette bourgade suissomorphe où la pluie est prévisible à la seconde près, où les grenouilles pleuvent et où les vaches s’enflamment. L’aspect étrange est omniprésent dans cette série qui démarre sans que l’irruption fantastique ne soit déclarée. On parlera plutôt d’une physique parallèle qui participe à une atmosphère opaque, poisseuse et incertaine, comme tout bon polar.

Le personnage du détective Sangaré, caché derrière ses lunettes de soleil vintage, est fort réussi, accompagné d’une madame Dombre qui semble sortie des Contes de la pieuvre. S’ouvrant sur une réunion de truands qui tourne mal, Saint-Elme lance son héros dans cet univers maîtrisé par une famille dysfonctionnelle aux personnages très jouissifs. Si l’action est tout à BD] Saint-Elme, tome 1 : la nouvelle claque de Serge Lehman et Frederik  Peeters (Delcourt)fait présente et réussie, c’est bien la galerie d’affreux allant du débile fini à l’homme de main bas du front en passant par le psychopathe de service, qui rendent la lecture très addictive. Comme toute bonne histoire ce sont les interactions qui font la sève d’un récit, a fortiori dans un polar archi-balisé où l’on retrouve tout un tas de marqueurs connus.

Je reviens un moment sur les dessins, bien entendu incroyables de Frederik Peeters. J’ai déjà parlé récemment de sa technique et de son inspiration magistrales malgré son insistance à croquer des sales gueules et une simplification du trait. Si elle instaure bien sur une part de cette ambiance crasseuse type néon glauque de bar underground j’ai trouvé que la colorisation en aplats affadissait des planches pourtant magnifiques. C’est un parti-pris osé que j’estime contre-productif et c’est vraiment dommage.Tumblr media

Hormis cela Saint-Elme est une superbe plongée vaguement surréaliste dans un polar montagnard et provincial qui ne fait pas dans la dentelle (âmes sensibles s’abstenir). Perso j’adore les personnages déglingués. On peut dire qu’ici on en regorge et que les héros vont passer un mauvais quart d’heure…

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*****·East & West·Manga

Eden, It’s an endless world (perfect) #1-3

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BD de Hiroki Endo
Panini (2021) – 1998, 484 p./volume, 4 volumes parus sur 9 (doubles tomes).

Cette édition d’un classique de la SF me permet une petite remarque sur la culture des éditions spéciales entre manga et franco-belge. Pour ne pas tirer sur une ambulance je ne pointerais pas Panini en particulier mais remarque simplement que si cette habitude de ressortir les meilleurs mangas (et plus grosses ventes passées…) en Perfect édition est une très bonne chose pour vulgariser auprès d’un public jeune assez marqué par l’immédiateté des sorties du moment, elle reste très peu ambitieuse en se restreignant la plupart du temps à simplement éditer les manga dans une impression et un format correcte. Le format manga est à la base peu qualitatif, de fait puisque les œuvres sont publiées dans des journaux. Adapter les volumes à un format plus proche de nos habitudes européennes (comme la démarche d’Urban de sortir certains titres de comics indé en format franco-belge) est cohérente et permet à un marché assez saturé de continuer à croître sur des titres anciens. De bonne guerre dirais-je. Pourtant accompagner les volumes de dessins couleur, croquis, interviews, analyses et autres ajouts ne coûterait pas bien plus cher et justifierait l’appellation d’édition spéciale. Au regard des collectors de la franco-belge, le surcoût est moyennement justifié. Bref…

Concernant Eden on a donc une jaquette avec vernis sélectif, résumé avec quelques personnages du volume en main, table des matière des chapitres et deux intéressants mais anecdotiques textes de réflexions de l’auteur sans aucune mise en perspective. Sur un matériaux aussi riche on aurait voulu des commentaires sur l’univers ou les thèmes abordés. Edition juste correcte donc.

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Coup de coeur! (1)

Le virus Closure a éradiqué 15% de la population mondiale, provoquant un effondrement des états tels que nous les connaissions et l’émergence de narco-états. Face à eux l’organisation du Propater entre en chasse d’un adolescent héritier de données informatiques que tous semblent convoiter. Alors que seule la force militaire et numérique semblent pouvoir régenter ce monde de chaos, des combattants et victimes se retrouvent associés dans un Grand jeu qui les dépasse…

Mon grand âge fait que j’ai eu le privilège de découvrir les premiers manga en France avec l’arrivée d’Akira en kiosque dans les années quatre-vingt-dix, un choc adolescent que j’ai prolongé sur les œuvres de Masamune Shirow et notamment Appleseed. Akira est largement cité pour présenter Eden et l’influence de son auteur. Shirow également mais en citant de manière erronée Ghost in the shell… que je trouve loin thématiquement même si certains aspects cyberpunk peuvent y faire penser. Je confirme après lecture des trois premiers numéros que l’oeuvre de Hiroki Endo est un parfait mélange entre Akira et Appleseed, une vraie création de fan qui a mis tout ce qu’il a adoré dans ses glorieux ancêtres. Il est marquant de voir comme certains styles graphiques sont datés en Manga, comme en franco-belge. C’est le cas avec Eden dont la technique semi-réaliste se précise avec les volumes et propose par moment des planches vraiment impressionnantes et d’une précision chirurgicale y compris dans les décors (point de repère pour évaluer la profondeur du travail sur tous les ouvrages que je lis).

Eden : It's an Endless World ! (Perfect Edition) (tome 2) - (Hiroki Endo) -  Seinen [BDNET.COM]Il y a plusieurs types d’auteurs de manga. Les otaku (Boichi), les techniciens sur des productions industrielles, les artisans (Urasawa) et les intello. Endo fait partie de cette dernière catégorie, avec une ambition et réflexion globale sur son projet rarement vus. Ainsi la construction des premiers tomes est surprenante et déstabilisante. Un très gros prologue d’une centaine de pages nous plonge dans cet univers en nous présentant Enoa Ballard après la Chute, avant de nous projeter vingt ans plus tard avec seulement quelques épisodes de flashback sur pages noires qui développeront épisodiquement certains personnages dans le passé. Nous avons donc l’histoire d’une famille, du père Chris impliqué dans l’apparition du virus, à son fils devenu devenu patron d’un des plus gros narco-cartels de la planète et que l’on ne voit pas adulte au cours des trois premiers tomes de l’édition Perfect (équivalent à six tomes donc) et suivons le dernier descendant, Elijah, jeune homme faible ballotté dans des conflits qui le dépassent et gérant difficilement son héritage familial. Le nom du héros n’est pas anodin, la série est parsemée de références bibliques et de réflexions philosophiques plus accessibles que chez Shirow. A ce titre l’équilibre entre les thématiques scientifiques et cyberpunk pointues (l’auteur s’est remarquablement documenté et est très précis), les commentaires sur la civilisation, l’homme et Dieu, les équilibres géopolitiques et sujets sociétaux comme la pauvreté ou la prostitution… est incroyablement solide! C’est le cœur et l’intérêt des œuvres de SF me direz-vous. Oui bien sur, mais c’est très rarement maîtrisé à ce point.

Alt236 Twitterissä: "Ensuite : "Eden Its an Endless World" de Hiroki Endo.  Ca parle Pandémie et trucs pas net, mercenaire et post-infection, si j'ai  bien compris. A voir mais les images interpellent !…Eden est radical sur tout les plans et c’est une de ses très grandes qualités. Endo montre et dit ce qu’il souhaite sans se censurer. Il en découle des séquences gores et violentes qui participent à créer un univers sombre et réaliste, sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le fan-service. Si l’on voit des nus ce n’est jamais montré de façon sexy, de même que la violence militaire illustre simplement (comme dans Akira) la rudesse de ce monde. Ambitionnant de montrer les effets du nouveau contexte entre deux scènes d’action, Endo tisse une trame qui va se densifier en un tout.

Je parlais de construction déstabilisante. Ainsi après le prologue on entre dans une phase militaire avec une équipe de mercenaires chargés de récupérer des données informatiques et qui entrent en contact avec Elijah. S’ensuit une longue séquence de conflit techno-militaire d’une réalisation magistrale. La galerie de personnages d’Eden est impressionnante et leur disparition (par la mort ou le changement de contexte du récit) est très efficace pour nous maintenir en haleine. De la même manière que le personnage d’Enoa Ballard est présent en filigranes tout le long sans jamais se montrer, l’auteur joue de son lecteur qui ne sait jamais quels personnages vont durer ou non. Si la séquence mafieuse du troisième tome est un peu en retrait au niveau de l’intérêt, chaque chapitre reste intéressant en tant que tel et nous implique émotionnellement sans jamais pouvoir anticiper l’intrigue ou le destin d’un personnage.

Eden Volume 1: It's an Endless World! TPB :: Profile :: Dark Horse ComicsContrairement à Shirow qui pouvait devenir un peu soporifique dans ses digressions philosophiques Hiroki Endo ne laisse jamais l’action bien loin. De façon crue et très létale,  il montre des adversaires redoutables, jusqu’au troufion de base. Chez Endo la force des héros ne repose pas sur la faiblesse de leurs adversaires. Il en ressort des affrontements magistraux où même les crac ne ressortent pas indemne.

L’aspect cyberpunk commence à peine avec l’irruption d’une IA extrêmement puissante. Avant cela nous sommes confrontés à des cyborgs chargés de la guerre électronique en support aux troupes et de terrifiants humanoïdes guerriers issus de manipulations génétiques. Si l’on nous parle de l’organisation religieuse Propater depuis les premières pages on ne sait toujours pas quel est son but hormis qu’il se confronte à plusieurs organisations, dont une confédération musulmane et une zone « agnostique » structurée par les organisations mafieuses.

Oeuvre impliquante, s’intéressant autant à des sujets de garçons (les super-soldats, la technologie militaire, les robots) qu’aux drames humains (on parle des indiens, mais aussi de filles-mères, des relations familiales et des problématiques du tiers-monde…), Eden est comme toutes les grandes œuvres de science-fiction un projet global impressionnant de solidité tant graphique que dans son écriture. Aucune faute de goût n’est à relever et on dévore les centaines de pages avec le plaisir de savoir que Panini a prévu une publication serrée des neuf tomes. Maintenant il ne vous reste plus qu’à foncer en librairie pour vous plonger dans ce must-read pour tout lecteur de manga!

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