
BD de Wilfried Lupano, Paul Cauuet ert Jerôme Maffre (coul.)
Dargaud (2022), série en cours, 54p./album.
Dans une bonne histoire il faut toujours un adversaire redoutable. Garan-servier est depuis le début de la série cette incarnation d’un capitalisme prédateur et relié à toutes les péripéties du village de Montcoeur. Mais voilà que l’affreux en vient à casser sa pipe… ce qui déclenche un engrenage mortifère lorsque la marche immorale du monde vient se rappeler au souvenir de nos militants du troisième âge…
La question qui tourne autour de la série c’est sa durée de vie… et celle de ses personnages. Les auteurs nous ont déjà fait le coup plusieurs fois de la disparition d’un des protagonistes et l’on imagine mal les Vieux fourneaux continuer sans un membre du trio. Alors que la fille de Sophie grandit bien on voit passer le temps, qui indique que Lupano et Cauuet n’imaginent pas leur poule aux œufs d’or comme éternelle puisqu’ils choisi une trame non figée dans une bulle sans chronologie comme le sont certaines séries. Ainsi la disparition de Garan-Servier, évènement déclencheur de cet épisode est surtout un prétexte à la dénonciation du fascisme rampant qui gangrène les têtes d’une partie de la jeunesse française… et par incidence Montcoeuroise. Sous ce thème politique ce sont les péripéties plus classiques qui sont les plus efficaces pour nous faire rire toujours aussi franchement: ainsi la participation d’Antoine et Pierrot à une manif entre blackblocks et CRS, l’irruption rageuse de la redoutable Berthe dans un barbecue organisé par le maire et les truculents échanges de village ou de troquet qui permettent à Lupano de nous ravir de son magnifique sens du dialogue comme bon héritier d’Audiard.
Les vieux fourneaux est une BD militante grand public qui fait le même effet que l’écoute d’un album de Renaud. Notre époque désabusée d’un capitalisme triomphant qui ouvre la porte au fascisme a tendance à nous faire oublier que la culture et les loisirs culturels sont aussi un vecteur de combat pour dénoncer la résignation et rappeler qu’un autre monde est possible. A travers ses papy et notamment le génial Pierrot Wilfried Lupano nous bouscule par des vérités qu’il ne faut jamais se lasser de rappeler. La grande diversité de la galerie de personnages évite le manichéisme qui aurait perdu nombre de lecteurs. Cette série est toujours un grand plaisir BD, excellemment bien dessinée, prodigieusement écrite, une sorte d’Asterix du XXI° siècle, que l’on attend avec impatience et la garantie d’un entertainment à la française.