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Jurassic League

Récit complet en 144 pages, écrit par Daniel Warren Johnson et dessiné par Juan Gedeon. Parution en France chez Urban Comics le 05/05/2023.

Paléo-Héros

Bien avant que l’Homme ne devienne l’espèce dominante sur Terre, la survie n’était conditionnée que par une seule règle, un mantra universel qu’aucune créature foulant le sol ne pouvait ignorer: manger ou être mangé. C’est un principe qui a guidé les dinosaures durant les millions d’années que dura leur règne. Alors que les primates sont finalement devenus des hommes, cette version de la Terre n’a pas fait disparaitre totalement les reptiles géants, bien au contraire: elle a permis à certains d’entre eux d’évoluer, pour adopter une forme bipède humanoïde.

Ainsi, un jeune Allosaure humanoïde voit un jour ses parents dévorés dans une allée sombre-excusez-moi, dans une sombre clairière de Gotham City, et décide de combattre la cruauté en devenant Bat-Dino. Sur son île, une jeune Tricératops décide d’endosser le costume de Wonderdon afin de défendre la paix, tandis que Supersaure défend les humains qui l’ont adopté. Ce trio va se réunir afin de défendre la planète de Darkyloseid, seigneur reptilien qui a déjà écrasé de nombreux mondes sous son talon.

Connu pour sa revisite de Wonder-Woman, Daniel Warren Johnson s’empare d’un pitch encore plus délirant avec ce Jurassic League. Vous l’aurez compris, chaque membre de la célèbre Ligue de Justice subit une transformation reptilienne en adéquation avec son caractère. Superman devient Supersaure, reflétant ainsi le pacifisme et la force tranquille des sauropodes. Le choix du Tricératops pour Wonder Woman est également bien réfléchi, ces derniers étant herbivores et donc plutôt pacifiques, mais capables d’en remontrer aux plus féroces prédateurs. Faire de Batman un allosaure peut sembler surprenant au premier abord, mais il faut savoir que ces derniers étaient parmi les plus agiles des théropodes et plutôt effrayant, ce qui sied plutôt bien à notre chauve-souris favorite. On peut également trouver une symbolique assez cohérente dans la transformation de Flash en vélociraptor, ou d’Aquaman en Baryonyx, un dinosaure amphibie.

En revanche, il ne faut pas chercher dans cette Jurassic League un semblant de vérité scientifique, étant donné que le récit fait cohabiter Dinosaures et Homo Sapiens. On peut néanmoins compter sur la patte toute particulière de Danniel Warren Johnson pour insuffler une coolitude absolue à un pitch qui aurait très facilement tomber dans le ridicule. Sans pour autant tourner son concept en dérision, l’auteur (secondé par le dessinateur au scénario), nous entraine dans une aventure courte et sans temps mort, emplie de diverses références.

Étant donné le contexte, le récit ne prend par contre pas la peine de faire dans la subtilité vis à vis de l’antagoniste, dont le portrait est rapidement brossé, avec manichéisme comme il est coutume dans ce type d’histoire.

Si Jurassic League se démarque, c’est aussi et surtout par sa qualité graphique. Juan Gedeon fait des débuts fracassants en livrant une performance brute et sans concession, très fun dans ses designs ainsi que dans le découpage des planches.On peut dire qu’on retrouve dans son dessin le même enthousiasme que dans ceux de Johnson, qui intervient quant à lui sur les couvertures. Malgré une fin un peu rapide, l’album se lit avec plaisir de bout en bout, et pourra être apprécié même si vous ne connaissez que vaguement la Justice League et que vous avez oublié votre encyclopédie des dinosaures.

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DC vs Vampires #1: Invasion

Mini-série en trois volumes, écrite par James Tynion IV et Matthew Rosenberg, dessinée par Otto Schmidt.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Mordez-les tous

Nous avions eu les zombies chez Marvel, puis les zombies chez DC, il y a maintenant les vampires chez DC, parce qu’après tout, pourquoi pas ?

Tout commence lorsque un étranger se présente aux portes du Hall de Justice. Accueilli par Green Lantern, l’homme s’avère être un vampire, venu avertir les héros d’un danger qui menace l’ensemble de l’Humanité, un danger qui a des crocs acérés et qui ne prospère qu’à la faveur de la nuit. Ainsi, Green Lantern apprend que les vampires, que l’on croyait relégués au rang de légendes, complotent contre les mortels et s’apprêtent à prendre le pouvoir. Pire encore, ils auraient infiltré les rangs des méta-humains. Chaque super-héros ou super-vilain est donc susceptible d’être un vampire, au service d’un mystérieux seigneur, qui prépare son arrivée au pouvoir. A qui se fier ? Qui parmi les héros a basculé dans le camp des suceurs de sang ?

Comme nous l’évoquions dans d’autres articles, les Elseworlds (l’équivalent des What If ? chez Marvel) sont l’occasion d’explorer des histoires au déroulement radical loin de la pression liée à la sacro-sainte continuité de l’univers principal. Ce procédé donne davantage de liberté aux auteurs, qui peuvent ainsi livrer leur version « définitive » de certains personnages ou de certains concepts, sans être entravé.

Ainsi dans les Elseworlds, on compte quelques histoires passionnantes comme Superman Red Son, Batman White Knight et ses suites, et plus généralement, l’ensemble des parutions du Black Label.

Ici, l’invasion des vampires peut paraitre absurde sur le papier, ou en tous cas digne d’une petite « levée des yeux au ciel ». Et pourtant, James Tynion parvient à s’emparer du concept (il faut lui reconnaitre une certaine maitrise du genre) pour livrer un scénario attractif, à un rythme très prenant.

En effet, dès l’introduction, on est happé par l’intrigue, qui s’inspire fortement de classiques du genre paranoïaque comme L’Invasion des Profanateurs, ou encore Secret Invasion. L’aspect whodunit et la tension croissante font donc tout l’intérêt de ce premier volume conspirationniste, pour le plus grand plaisir des fans. Bien évidemment, il est inutile d’être un lecteur assidu de DC pour apprécier cette mini-série, il faut simplement ne pas trop s’attacher aux personnages…

Bien sûr, on peut interroger certains éléments de l’intrigue, comme l’effet du vampirisme sur la personnalité des héros infectés. S’il est plus simple de saisir le concept avec la zombification, le vampirisme semble plus aléatoire, en tous cas ses effets sur la moralité. Par exemple, certains héros dont la volonté est la marque de fabrique cèdent instantanément à la corruption morale, tandis que d’autres héros plus borderline, semblent en capacité d’y résister. Qu’est-ce qui fait qu’un héros, qui a été du côté du bien durant toute sa vie, se dit soudainement, après avoir été mordu, que l’avenir appartient aux suceurs de sang, plutôt que d’être horrifié par ce qu’il est devenu ?

On aurait aimé que cette question soit davantage creusée, mais le plaisir de lecture est là malgré tout. Sur le plan graphique, Otto Schmidt donne à voir un trait anguleux et des couleurs dynamiques, qui tranchent avec l’ambiance paranoïaque et le côté « tout-le-monde-peut-mourir-à-tout-moment ».

La suite sera intitulée « All Out War« , il faudra donc troquer les soupçons et l’angoisse contre une bonne grosse baston à coups de pieux et d’eau bénite. Qui survivra ?

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Le Mythe de l’Ossuaire, première partie

Série anthologique créée par Jeff Lemire (scénario) et Andréa Sorrentino (dessin). Parution chez Urban Comics le 21/04/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Lemire fais-moi peur

L’auteur Jeff Lemire, connu pour un certain nombre de séries comme Sweet Tooth, Gideon Falls, Black Hammer, ou plus récemment Primordial et Little Monsters, revient en avril avec pas moins de deux sorties simultanées, se déroulant dans le même univers.

Dans Le Passage, nous croisons tout d’abord la route d’un auteur anonyme, qui s’isole afin de terminer son roman tout en faisant le point sur sa vie (tiens, tiens, ça me rappelle le pitch d’un roman/film, ne manque plus que l’hôtel hanté). Sur place, il va être harcelé par la personnification de ses pêchés et de ses doutes, une silhouette inquiétante qui va le faire douté de la réalité. Le second chapitre nous propulse dans une autre histoire, celle de John Reed, jeune géologue qui peine à gérer ses traumatismes d’enfance. Reed débarque sur une petite île, sur laquelle se tient un phare gardé par la vieille et amère Sally. Sally l’a fait venir pour inspecter une cavité, un trou à la profondeur difficilement mesurable, qui serait apparu spontanément. Le jeune géologue va devoir l’inspecter et déterminer non pas d’où vient ce trou, mais où il mène. Et la réponse risque de ne pas lui plaire.

Lemire nous plonge encore une fois dans l’horreur surréaliste, aidé en cela par l’ambiance glauque et oppressante dont Andréa Sorrentino a le secret. Le pitch nous rappelle forcément The Lighthouse, de Robert Eggers, dans lequel un protagoniste candide mais cachant de lourds secrets arrive sur un phare gardé par une personne plus âgée et elle aussi pleine de noirs secrets. Les lieux isolés sont bien souvent du pain béni pour les récits d’épouvante, surtout lorsque lesdits lieux manifestent une personnalité propre et un agenda hostile. Ajoutez à cela la primale terreur provoquée par les profondeurs marines, la claustrophobie engendrée par les espaces contigüs (le trou), et vous avez les ingrédients d’un récit d’horreur efficace et bien mené.

L’angoisse monte aussi d’un cran grâce au mystère qu’entretient l’auteur sur son univers et sur les motivations réelles des personnages, ainsi que sur l’origine ou la raison d’être de son Passage éponyme. Les pleines-pages d’Andrea Sorrentino ne faillissent pas à leur réputation et y sont pour beaucoup dans le succès de ce premier chapitre du Mythe de l’Ossuaire.

Dans Des Milliers de Plumes Noires, nous faisons la rencontre de Trish et Jackie, deux amies d’enfance aux caractères opposés mais complémentaires. Unies depuis toujours par la passion des jeux de rôle et des mondes imaginaires, les deux amies commencent par échanger sur leurs préférences littéraires, avant de se consacrer à l’écriture de leur propre jeu de rôle.

Plongées dans leur univers privilégié, les deux enfants, qui deviennent bien vite adolescentes, maitrisent tout et imaginent tout jusqu’au moindre détail. Elles passent le plus clair de leur temps chez Jackie, dans la peau de leurs avatars de JDR, à savoir une farouche guerrière pour Jackie et une habile magicienne pour Trish. Cependant, les années passent, et les centres d’intérêts de Jackie changent. Trish, plus introvertie, ne partage pas le gout de son amie pour les fêtes et les soirées alcoolisées entre copains. Au contraire, tout ce qu’elle a toujours voulu, c’est rester avec Jackie, à jouer à leur jeu favori et traquer Corvus le Roi des Corbeaux.

Un soir, alors qu’elle est de sortie, l’extravertie Jackie disparait sans laisser de traces. Après une année de recherches, elle est présumée morte, et le coupable échappe à la Justice. Trish, privée de sa moitié, quitte la ville pour refaire sa vie loin de ses douloureux souvenirs. Elle termine ses études puis devient autrice à succès, mais quelque chose la relie toujours au souvenir de Jackie, et aux regrets qu’elle entretient, de n’avoir pas été là pour la sauver. Mais l’aurait-elle pu ? Quel rôle a véritablement joué Trish dans la disparition de Jackie ? Et si… le Roi des Corbeaux y était pour quelque chose ?

Après l’introduction que constituait Le Passage, on a ici la sensation d’entrer dans le vif du sujet de ce fameux Mythe de l’Ossuaire. Une pagination plus généreuse permet à l’auteur de fouiller ses personnages, leurs psychologies et leurs relations, pour nous impliquer davantage encore dans leur sombre destinée. Malgré la chape de mystère qui est encore posée sur l’intrigue générale, on commence déjà à repérer quelques indices ça et là nous reliant au précédent volume.

Comme il l’a déjà fait dans certaines de ses œuvres antérieures, l’auteur s’amuse ici à brouiller la frontière entre fiction et réalité, plongeant ainsi dans les affres d’un multivers malveillant et en même temps très cohérent. Lemire semble partir du principe que si une infinité de réalités existent simultanément, alors tout ce que nous pouvons créer de fictionnel ne l’est pas vraiment et existe nécessairement déjà, ce qui est une idée simple mais prompte à créer un malaise existentiel.

En refermant ce tome, magnifiquement illustré par Sorrentino (qui est ici capable de changer de style en fonction des époques et des mondes représentés), on est à la fois terrifié et intrigué par ce que nous réserve l’auteur pour la suite.

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BRZRKR #1

Premier tome de 103 pages, de la série créée par Keanu Reeves, co-écrite par Matt Kindt et dessinée par Ron Garney. Parution aux US chez BOOM! Studios, publication en France chez Delcourt le 15/03/2023.

Berzerker au grand Coeur

L’homme qui se fait appeler B. n’en est pas vraiment un. Doté depuis sa naissance de pouvoirs surhumains, il parcourt les âges, incapable de mourir et mû par une soif inextinguible de combats. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de boucheries, car lorsque Berzerker se bat, il laisse généralement dans son sillage des guerriers en confettis avec supplément hémoblogine.

« –Monsieur, qu’est-ce qui vous a traversé la tête au moment de mourir ? » « –Euh, comment vous dire... »

Lassé de cette vie de violence mais incapable de s’arrêter, B. a passé un marché avec le gouvernement américain. En échange de bons et brutaux services, l’Oncle Sam s’est engagé à trouver par tous moyens une méthode pour permettre à B. de mettre fin à son immortalité. Non pas que B. envisage nécessairement de mettre fin à ses jours, mais il souhaite au moins avoir la possibilité de mourir, un don qu’il juge précieux après ces milliers d’années passées à commettre des massacres.

Accompagné par une thérapeute, B. explore ses souvenirs, perdus dans les brumes du temps, afin de percer le secret de ses origines et de ses pouvoirs surnaturels.

….

Voilà, c’est à peu-près tout pour le moment.

Si vous vous êtes intéressé de près ou de loin à la pop-culture ces 25 dernières années, alors vous avez forcément entendu parler de Keanu Reeves. Ce comédien, connu notamment pour certains de ses rôles iconiques, est généralement très apprécié pour son humilité, son introversion et son altruisme. Après avoir fait une incursion dans le monde des jeux vidéos (Cyberpunk 2077), il s’essaie cette fois à la bande dessinée, épaulé par Matt Kindt, auteur prolifique et talentueux que l’on a déjà pu lire dans Black Badge, Folklords, Ether, ou encore Mind MGMT et Deparment H.

Après une campagne Kickstarter qui a marché du tonnerre, le duo s’est octroyé les services de Ron Garney pour créer cette histoire en douze chapitres, dont l’adaptation sur Netflix n’a pas tardé à être annoncée, avec Keanu Reeves dans le rôle-titre. C’est d’ailleurs l’acteur qui prête ses traits au personnage de la BD, faisant de cet album une sorte de mise en bouche ou de préquelle.

On ne va pas se mentir, BRZRKR, malgré son titre hyper-cool et stylisé, est un récit plutôt stéréotypé. Le personnage mystérieux, violent, invincible et légèrement oublieux de son passé ne peut que nous rappeler certains badass bien connus comme Wolverine, auquel B. emprunte même son pouvoir de régénération. L’immortel lassé de la vie est également un thème récurrent dans ce genre de récit, on pense notamment à The Old Guard, qui met également en scène des guerriers antédiluviens blasés par l’éternité (et une autre BD adaptée sur Netflix!), ou au Higlander qui ne veut plus de cette vie éternelle après avoir vu mourir tous ceux qu’il aimait.

L’intrigue n’en est encore qu’à ses balbutiements, si bien que la direction que va prendre le récit dans son deuxième tome est encore un peu floue à ce stade. Il n’en demeure pas moins que l’action est omniprésente. Les scènes de combat sont ultra-gores, avec têtes réduites en bouillie, machoires arrachées, bras et jambes qui volent dans tous les sens après avoir été séparés de leurs propriétaires. Néanmoins, elles s’avèrent répétitives, puisque malgré les flash-backs dans le passé du personnage, elles se résument toujours à la même chose, à ceci-près que les armes changent en fonction des époques. Le Berzerker n’ayant pas encore rencontré de défi physique à affronter, les combats qui se succèdent peuvent donc se révéler un peu ennuyeux, consistant uniquement en un sosie de notre Keanu adoré qui déchiquette des soldats anonymes en carton-pâte.

On demande donc à en voir davantage dans la suite, avec une attente particulière sur le développement émotionnel du protagoniste et les révélations sur ses origines, sans oublier, bien sûr, des scènes d’action un tantinnet plus originales. On met trois Calvin pour le capital sympathie de Keanu, le dessin de Ron Garney et le mystère autour de la résolution de l’histoire.

**·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Suicide Squad: Blaze

Histoire complète en 168 pages, écrite par Simon Spurrier et dessinée par Aaron Campbell, avec Jordie Bellaire aux couleurs. Publication en France chez Urban Comics le 17/02/2023 dans la collection Black Label.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance

Les pieds nique-les

Le Suicide Squad est, comme son nom l’indique, un escadron secret dédié aux missions suicide. Composé de divers super-criminels que l’on a contraint ou influencé, le groupe est envoyé sur le terrain pour mener des missions dangereuses, avec un collier électrique et une bombe implantée dans le corps, en guise de moyens de coercition.

Le taux de mortalité étant par nature très élevé, le casting change régulièrement, aucun de ses membres n’ayant la garantie de revenir vivant d’une mission. Ainsi, Peacemaker, Captain Boomerang, Harley Quinn et King Shark sont les seuls membres actifs de l’escadron lorsque survient une nouvelle menace. En effet, un méta-humain extrêmement puissant, du niveau de Superman, enlève puis massacre des innocents, quotidiennement et partout dans le monde. La Ligue de Justice, parangon de la puissance et du Bien, est évidemment dépassée et ne parvient pas à mettre la main sur ce tueur insaisissable.

Amanda Waller, directrice du programme, met donc en branle son équipe de psychopathes pour traquer discrètement cette menace. Pour augmenter ses chances de succès, Waller sort l’artillerie lourde, à savoir une arme secrète expérimentale nommée le Brasier, une sorte de composé qui octroie de formidables pouvoirs au prix d’une espérance de vie plus que limitée. Confrontée au refus de ses hommes de se prêter au jeu de l’expérience, Waller fait appel à d’autres cobayes sacrifiables, des prisonniers lambdas qui attendent dans le couloir de la mort de la prison de Belle Reve ou qui ont pris perpète.

Ainsi, Mike, le protagoniste, Lucille, Boris, Tanya et Xavi sont sélectionnés pour participer au programme et rejoindre le Suicide Squad. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il ne leur reste que 3 mois à vivre, et qu’il vont devoir affronter un monstre qui a sans doute déjà terrassé Superman. La cerise sur le gâteau, c’est qu’on ignore de quoi est fait le Brasier exactement, mais on sait qu’il a un lien avec le tueur.

A l’aise, Blaze

L’auteur Simon Spurrier nous a à ce jour régalés avec plusieurs pépites, telles que Coda, Sandman The Dreaming, ou encore Saison de Sang. Le voir s’attaquer au concept de Suicide Squad, dans le sillage du dernier film de James Gunn, avait donc tout du succès garanti. La déception est donc d’autant plus grande que ce n’est pas le cas ici.

Malgré un ton impertinent et une narration amèrement cynique, l’auteur ne parvient pas à nous émouvoir autant que sur ses précédentes productions, la faute sans doute à un casting maladroitement ficelé ou des thématiques trop absconses. Difficile en effet de sympathiser avec l’ensemble des nouveaux venus, dont le sort nous est finalement plutôt indifférent à la lecture, alors que l’argument de vente principal de Suicide Squad est de parvenir à nous attacher à des personnages antipathiques, des anti-héros, qui meurent en masse et souvent de façon abjecte.

Le contrat n’est donc pas rempli ici, puisqu’au fur et à mesure d’une traque emplie de longueurs, de facilités et d’invraisemblances, les personnages meurent sans impact émotionnel particulier. La relation entre les membres du Squad et les nouveaux venus n’est pas non plus source d’amusement ou de développement, alors que l’auteur tenait là une manne scénaristique intéressante.

Côté graphique, Aaron Campbell, qui nous avait montré toute sa maîtrise du genre horrifique avec Infidel, livre des planches avec son style photoréaliste très reconnaissable. Mais la qualité du trait ne fait pas tout, et la colorisation de Jordie Bellaire (vue aussi The Nice House on the Lake) peine à masquer la confusion qui règne dans les scènes d’action, qui sont, en majorité, franchement illisibles.

C’est donc l’accumulation de ces défauts qui fait descendre son Suicide Squad Blaze de son piédestal et c’est bien dommage.

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Little Monsters #1

Premier tome de 150 pages, d’une série écrite par Jeff Lemire et dessinée par Dustin Nguyen. Parution en France chez Urban Comics, collection Indies, le 07/04/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

The Walking Djeun’s

Dans les ruines désertes d’une cité, erre un groupe d’enfants livrés à eux-mêmes. Billy, Romie, Yui, Lucas, Bats, Ronnie et Raymond évoluent dans ces vestiges d’humanité depuis bien plus longtemps qu’il ne sauraient se souvenir. Laissés là par leurs mentors avec pour instruction de ne pas quitter la ville, le groupe de jeunes survit tant bien que mal, sans se départir pour autant de l’insouciance propre à la jeunesse.

Seulement voilà, nos petits survivants n’attendent pas depuis quelques semaines ni quelques mois. Il sont là depuis des décennies, voire des siècles, sans avoir besoin de manger, de boire, et sans vieillir d’une seule journée. Ce ne sont rien de moins que des immortels, et pas de n’importe quel genre: des vampires, qui doivent se cacher le jour et vivre la nuit.

Se nourrissant de sang d’animaux errants et de rats, les enfants occupent chacun à leur façon cette étrange éternité, privés de repères moraux et sociétaux. Un jour, cependant, leur solitude est brisée lorsqu’ils croisent un humain, bien vivant. Cette rencontre fortuite bouscule tout ce qu’ils croyaient savoir et tout ce que leurs mentors leur avaient prétendu. Si l’Humanité n’a pas complètement disparu, alors que faire ? Continuer de se cacher dans la ville ou explorer le vaste monde ?

Bien vite, un autre problème vient s’ajouter à ces questionnements. Si les humains existent encore, nos jeunes vampires peuvent-ils céder à leur soif de sang ou s’en tenir éloignés ? Ce débat moral se règle malheureusement bien assez vite, provoquant un schisme au sein du groupe, entre ceux qui veulent reprendre leur place au sommet de la chaîne alimentaire et ceux qui souhaitent épargner les survivants.

En lisant l’Etagère Imaginaire, vous avez surement entendu parler du prolifique auteur canadien Jeff Lemire à l’occasion de Descender, Extraordinary X-Men, Valiant, Bloodshot, Sentient, Sentry, Black Hammer, ou plus récemment Primordial. Il est également l’auteur d’autres séries phares comme Ascender, Sweet Tooth, Moon Knight ou Gideon Falls.

L’auteur est donc plutôt touche-à-tout, puisqu’il est capable d’explorer des genres aussi divers que les super-héros, la SF, ou l’épouvante, en conservant toujours la qualité de sa narration. Malgré cet éclectisme, on peut néanmoins deviner des thématiques récurrentes, parmi lesquelles la jeunesse. Lemire aime en effet mettre en scène des personnages jeunes, comme on peut le voir dans Descender, Sentient ou encore Sweet Tooth, et on peut dire qu’il se fait plaisir ici avec un casting entièrement constitué d’enfants ou de pré-adolescents. Le twist ici c’est que ses jeunes n’en sont pas vraiment, puisqu’on découvre assez vite qu’ils sont immortels et qu’ils errent dans ces ruines depuis très longtemps.

Le scénariste confronte donc l’innocence propre à la jeunesse, aux affres d’un monde post-apocalyptique, en jouant sur le paradoxe entre enfance et éternité. Si l’on réduit l’intrigue à sa substantifique moelle, à savoir un groupe d’enfants livrés à eux-mêmes dans un monde absenté par toutes les figures morales d’autorité, on pense inévitablement au parangon du genre, Sa Majesté des Mouches, notamment avec les deux factions qui se rassemblent autour du personnage responsable et autour du rebelle.

Ce premier tome ne constitue encore qu’une entrée en matière, l’étude complexe de caractères que l’on est en droit d’exiger d’un auteur comme Lemire devra certainement attendre le second volume. Le début est néanmoins accrocheur, notamment grâce à la narration décompressée et au dessin de Dustin Nguyen. qui opte pour une bichromie en phase avec le thème post-apocalyptique.

A ce stade, l’auteur initie donc des pistes intéressantes quant à son univers, et devra apporter certaines réponses afin de l’étoffer (notamment le lien entre les vampires et la catastrophe, et le sort des survivants, sans oublier celui des mentors).

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The Nice House on the Lake #2

Deuxième tome de 190 pages, de la série de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno. Parution chez Urban Comics dans la collection Black Label le 31/03/23.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Les copains d’abord

La présente chronique risque de vous gâcher le plaisir de lecture si vous n’avez pas lu le premier tome. SPOILER A L’HORIZON !

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance de Walter, trentenaire dévoué qui emmenait ses amis en villégiature dans une sublime propriété au bord d’un lac dans le Wisconsin, avec quelques règles maisons dont il a le secret. Ainsi, Rick est le Pianiste, Naya la Médecin, Sarah la Consultante, Arturo l’Acupuncteur, Sam le Reporter, Véronica la Scientifique, Molly la Comptable, David le Comique, Norah l’Autrice; et Ryan l’Artiste.

Bien vite, les vacances de rêve prennent une tournure cauchemardesque lorsque Walter révèle sa vraie nature: il n’est pas humain, et appartient à une civilisation extraterrestre dont le but est l’extermination de la vie sur Terre. Cependant, Walter avait pour mission de préserver un échantillon représentatif du genre humain, afin que ses supérieurs puissent juger de la valeur de notre espèce. Après des années vécues dans la peau d’un humain, ce sont ces dix personnes aux personnalités et aux rôles disparates que Walter a décidé de sauver de l’apocalypse.

Nos rescapés apprennent donc la terrible nouvelle: partout sur la planète, les flammes ravagent les villes et consument les gens, sans faire de distinction. Piégés dans cet endroit idyllique où tous leurs besoins et désirs peuvent être comblés, nos héros encaissent le choc de la nouvelle et se posent bien vite une question cruciale: doivent-ils se résigner à leur sort, victimes malgré eux de la bienveillance de Walter, où chercher un moyen de s’échapper ?

Le premier tome de TNHOTL était un coup de coeur immédiat, confirmé par ce second tome. L’écriture inventive de James Tynion IV permet de créer des situations originales et des rebondissements accrocheurs qui ne sont pas visibles à plusieurs kilomètres. Malgré la multiplicité des personnages, il demeure facile de s’y attacher, chacun d’entre eux ayant une personnalité distincte et reconnaissable. L’auteur a choisi un format plutôt singulier pour chacun de ses douze chapitres, qui s’ouvrent sur un flash-forward d’un futur apocalyptique (possiblement les ruines de la Maison) dans lequel un des personnages brise la quatrième mur pour nous narrer sa première rencontre avec Walter, avant de basculer sur un flash-back montrant un moment significatif du personnage avec Walter. Ce paradigme est finalement renversé dans le dernier chapitre, pour une raison qui apparaîtra à la lecture.

L’écriture est telle qu’il s’avèrest plutôt difficile de ne pas ressentir d’empathie envers le personnage de Walter malgré son statut d’antagoniste. Sincère dans ses émotions mais contraint de faire des choses qu’il réprouve, on le sent partagé entre son affection pour ses amis et l’inéluctabilité des actions entreprises par son espèce, ce qui renforce sa profondeur. Lors des flash-back, l’ironie dramatique bat son plein car chaque mot, chaque attitude de Walter peut prendre un double-sens et nous éclairer sur son dilemme.

La fin de ce second volume augure cependant un autre cycle, avec de nouveaux enjeux dramatiques et des perspectives de narration plus qu’intéressantes. Côté graphique, Alvaro Martinez Bueno nous cause encore une fois un décollement de rétine, son talent étant encore accentué par la mise en couleur tranchée de Jordie Bellaire.

The Nice House on the Lake est résolument une des meilleures séries de ce début d’année, à lire sans hésiter !

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Flashpoint Beyond

Histoire complète de DC Comics en 216 pages, écrite par Geoff Johns et dessinée par Xermànico. Parution en France chez Urban Comics le 17/03/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Ça flash pour moi

Il y a quelques années, Barry Allen, plus connu sous le nom du héros ultra-rapide Flash, a tenté le tout pour le tout alors qu’il cherchait à sauver sa mère Nora, d’une mort horrible aux mains du NegaFlash. Utilisant ses pouvoirs à leur acmé, Flash a remonté le temps jusqu’à l’instant fatidique pour modifier le cours du temps.

Effet Papillon oblige, l’Histoire entière se réécrit autour de ces changements. Barry s’échoue alors dans un monde qui lui est étranger, dans lequel tout ce qu’il a connu, ses proches, les héros qu’il a cotoyés, les événements historiques, tout a été modifié de façon drastique. Dans cette nouvelle ligne temporelle, Barry n’est jamais devenu Flash, le monde est ravagé par une guerre totale entre le peuple de Wonder Woman, les Amazones, et celui d’Aquaman, les Atlantes, et, cerise cosmique sur le gateau de l’ironie, Superman n’a jamais fait d’apparition publique sur Terre. Barry se rend d’autant plus compte de la portée de son geste lorsqu’il découvre que le Batman de ce nouveau monde n’est pas Bruce Wayne, mais bien son père Thomas, leurs rôle ayant été échangés lors de la nuit fatidique dans Crime Alley. Loin de l’idéal de Justice poursuivi par Batman-Bruce, le Batman de Flashpoint est un justicier violent et cruel, qui n’agit que pour se venger, encore et encore, du crime qu’il a subi.

Néanmoins, Barry parvient à convaincre ce nouveau Batman de l’illégitimité de cette ligne temporelle et de la nécessité de la rectifier. Avec l’aide d’autres héros, et notamment de Batman qui tue Nega-Flash, Flash parvient à récupérer ses pouvoirs et revient une nouvelle fois dans le temps pour corriger son erreur, fusionnant avec son lui plus jeune, et donnant ainsi naissance à un nouvel univers DC, que l’on découvre dans les New 52.

Il est plus tard révélé que l’entité qui est à l’origine de certaines modifications qui ont permis à ces événements de se produire n’est autre que le Docteur Manhattan (oui, celui de Watchmen), corrompu par une entité qui lui encore supérieure, les Grandes Ténèbres. Le Batman de Flashpoint, quant à lui, n’a pas complètement disparu, car on le revoit ensuite dans la Justice League Incarnate, qui lutte justement contre la crise multiverselle provoquée par les Grandes Ténèbres. Désintégré par Darkseid à l’issue de la saga, Thomas Wayne /Batman se réveille néanmoins en vie, de retour dans la ligne temporelle aberrante qu’il avait contribué à effacer. Comment s’est-il retrouvé là ? S’il est bien en vie, alors qu’est-il advenu de la ligne originelle, celle qui abrite le fils pour qui il a tout sacrifié ?

Geoff Johns revient une nouvelle fois sur le devant de la scène DC Comics pour prolonger le récit qui lui avait à l’époque permis de rebooter l’univers, en le liant à la crise qui occupe actuellement les esprits. Flashpoint Beyond débute en mettant de coté le paradoxe moral et philospohique qui était posé dans la série initiale. En effet, dans Flashpoint, on apprenait donc que la ligne temporelle pouvait supporter qu’un antagoniste (Nega-Flash) puisse modifier son cours en tuant une personne innocente (Nora Allen), sans conséquence particulière pour lui ni pour l’univers, tandis qu’elle s’effondre complètement si un héros tente de réparer ce tort. L’univers DC était donc en faveur du Nega-Flash ! Cela dit, cette morale ambigue permet à Barry Allen de comprendre qu’il ne peut pas employer les mêmes méthodes que son ennemi juré et s’attendre à des résultats différents sous couvert de ses bonnes intentions.

C’est sans doute pour cela que le récit est centré autour de Thomas-Batman, et de sa volonté de tout sacrifier à nouveau afin de restaurer l’univers une seconde fois. La thématique du regret et d’une ligne temporelle apocalyptique issue de l’incapacité d’une personne à faire son deuil rappelle directement l’excellente série Dark, ce qui ajoute un niveau de profondeur à l’univers de Flashpoint.

Et c’est là que la morale de fin est également rendue ambigue par l’auteur, car là où Thomas-Batman refusait d’accepter la perte de Bruce et sacrifiait un univers entier pour permettre à son fils de vivre, Bruce-Batman s’accroche également au souvenir d’un père hypothétique (qui est devenu l’antithèse de ce qu’il défend, il est utile de le mentionner) et prend des risques anormalement élevés afin de le préserver à son tour…

Néanmoins, la fin offerte par ce Flashpoint Beyond demeure satisfaisante sur le plan émotionnel, et ouvre des pistes suffisamment inquiétantes pour suscier l’intérêt du lecteur quant à la suite. Il faut admettre que Johns sait ménager ses effets et le rythme de ses révélations tout au long des sept chapitres de la mini-série, permettant une lecture haletante, à l’action bien dosée.

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Newburn #1: Ils savent qui je suis

Premier tome de 168 pages, contenant les 8 premiers chapitres de la série écrite par Chip Zdarsky et dessinée par Jacob Phillips. Parution le 24/02/23 chez Urban Comics, collection Indies.

Le crime, c’est mal. Et quand il est organisé, c’est encore pire. Des organisations tentaculaires, menées de main de fer par une perfide hiérarchie et un sens implacable des affaires, mènent la vie dure à la police, qui peine à résoudre les différentes affaires en lien avec ces familles mafieuses.

Le crime étant ce qu’il est, les différents clans mafieux sont eux aussi prêts à se sauter à la gorge, poussés soit par l’avidité, soit par une volonté de venger les affronts commis par leurs rivaux. Ce dernier point est la raison d’être d’Easton Newburn. Ancien flic devenu détective privé, Newburn est employé par le conglomérat des mafias pour résoudre les crimes qui les impliquent. Un bandit exécuté dans une chambre d’hôtel, un parrain assassiné chez lui, voilà le genre de cas qui intéresse Newburn.

Ce poste lui offre une certaine immunité, puisque son action permet d’apaiser les tensions et de maintenir l’équilibre entre les familles. Même la police a conscience des enjeux, aussi le laisse-t-elle, avec réticence néanmoins, accéder sans entrave aux scènes de crime et aux conclusions scientifiques.

Newburn bénéficie d’une aura et d’une réputation qui lui permettent de naviguer dans ce monde extrêmement dangereux, mais rares sont ceux qui semblent connaître la vérité sur cet énigmatique personnage, son passé et ses véritables intentions.

Connu pour son run sur la série Daredevil, ou encore la série The Wicked + The Divine, ou encore Sex Criminals (en tant que dessinateur) Chip Zdarsky décide de refaire une plongée dans le monde du polar pour cette nouvelle série en creator-owned (un système de publication aux US grâce auquel les auteurs gardent 100% des droits de leurs œuvres, contrairement à ce qui se fait chez les gros éditeurs-Marvel et DC en tête-qui dépossèdent systématiquement les auteurs).

Ambiguïté morale, crimes sanglants, personnages torturés, tous les ingrédients du polar sont là, jusqu’au protagoniste quelque peu cliché du détective privé ancien flic. Néanmoins, l’auteur apporte une touche d’originalité en faisant de son héros une sorte d’arbitre entre les mafias, un rôle à la fois avantageux et très dangereux. Les enquêtes en elles-mêmes ne sont pas hyper-compliquées et rapidement résolues, et montrent un Newburn presque toujours en maîtrise de son univers. Pour augmenter les enchères lors du second tome, il conviendra de renverser la vapeur, et montrer comment notre héros imperturbable réagit lorsque le sol se dérobe sous ses pieds.

Du reste, la galerie de personnages et leurs interactions sont crédibles au fil des huit chapitres, qui sont construits comme une série policière, chaque numéro étant une enquête distincte avec un fil rouge qui se dessine peu à peu. Le tout rappelle quand même fortement les grandes heures d’Ed Brubaker.

En conclusion, Newburn réussit l’exercice délicat du début de série (du pilote, pour filer la métaphore) et, malgré une exécution plutôt classique, nous donne envie d’en savoir davantage.

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Catwoman: Lonely City

Histoire complète en 224 pages, écrite, dessinée et mise en couleur par Cliff Chiang. Parution en France chez Urban Comics, collection Black Label, le 10/02/2023.

Merci à Urban pour leur confiance.

Le retour du Chat

Selina Kyle, alias Catwoman, sort du pénitentier hautement sécurisé de Blackgate après une peine de dix ans. Il y a dix ans, Selina n’a cependant pas perdu que sa liberté. Durant ce que les journaux auront plus tard baptisé la Nuit du Fou, elle a perdu l’amour de sa vie, le milliardaire orphelin Bruce Wayne, plus connu sous son identité de Batman.

Lors d’un énième affrontement contre son ennemi juré, le Joker, Batman, ainsi que son ami le commissaire Gordon et son allié Nigthwing, sont morts, laissant Gotham endeuillée, et Catwoman brisée. Heureusement, rien ne dure éternellement, pas même la prison, aussi notre féline anti-héroïne finti-elle pas retrouver sa liberté, quelque peu usée et amère, mais toujours vivante.

La compagne de Batman retrouve donc Gotham, sans toutefois la reconnaître. En dix ans, beaucoup de choses ont changé, comme par exemple le fait que plus aucun personnage costumé, qu’il soit héroïque ou criminel, n’a fait d’apparition depuis la Nuit du Fou. Harvey Dent, que tous connaissaient sous son tristement célèbre sobriquet de Double-Face, s’est rangé et est devenu maire de la ville, instaurant une sorte de municipalité policière, grâce à une armée de Bat-Cops peu frileux quant à la brutalité de leurs méthodes.

Sous le mandat de Dent, les inégalités qui frappaient Gotham et généraient le crime n’ont fait que s’aggraver, menant à la gentrification de certains quartier et à l’abandon de beaucoup d’autres. En parlant de crime, il est une invariable statistique en criminologie, stipulant que les quelques semaines qui succèdent une sortie de prison sont les plus susceptibles de voir l’ancien criminel replonger.

Qu’adviendra-t-il alors de Selina ? Renouera-t-elle avec son passé criminel dans cette nouvelle Gotham, ou demeurera-t-elle fidèle à la dernière promesse qu’elle fit à Batman ?

Depuis maintenant trois ans, Urban exploite les titres du DC Black Label, une collection hors-continuité dont la liberté de ton permet des revisites très pertinentes de personnages connus. Ainsi, Wonder-Woman, Batman, encore Batman, et encore encore Batman, et encore et toujours Batman, ont eu droit à leur récits alternatifs. Ce Lonely city sorti fin 2021 était très attendu et repoussé plusieurs fois par l’éditeur français. Hâte de voir si le Black Label allait continuer son quasi sans-faute…

Catwoman, héroïne ambivalente, mérite elle aussi son spotlight, et il faut bien admettre que Cliff Chiang s’y prend diablement bien. Au premier abord, difficile cependant de ne pas avoir en tête le Dark Knight Returns de Frank Miller, mettant en scène le retour d’un héros vieillissant dans une ville qu’il ne reconnaît plus.

Le pitch est sans aucun doute similaire, mais là où Miller laissait transpirer ses opinions droitisantes, voire fascisantes, Chiang livre un propos plus moderne, et sans doute aussi, plus démocrate. La diatribe politique n’étant clairement pas l’objectif de l’oeuvre, l’auteur se concentre néanmoins sur le développement de son personnage, au travers du deuil de Selina, et comme on s’en doute, de la vie de l’une qui continue après la mort de l’autre.

Quant à l’intrigue, il n’y a pour ainsi dire pas grand chose à reprocher à l’auteur. Ce dernier utilise à bon escient tous les élements du film de casse, à savoir:

  • Une structure ternaire rassemblement de l’équipe / préparation / exécution
  • Un objectif illégal qui nécessite d’investir une place forte, à savoir s’introduire dans la Batcave, surveillée par les autorités.
  • Un plan, qui consiste à s’y introduire durant la nuit des élections.
  • Des étapes du plan où interviennent des complications progressives, forçant les héros à improviser.
  • Il est d’ailleurs intéressant de noter, à titre informatif, qu’en fiction, plus un plan est connu et limpide, plus ses chances de succès sont minces, alors qu’un plan qui est établi à l’insu du lecteur aura un succès quasi garanti.

Tout cela fonctionne donc à merveille, surtout si l’on ajoute le mystère du contenu véritable de la Batcave, dont on se doute qu’elle ne contient pas seulement la Batmobile et quelques gadgets mineurs. Entre histoire de braquage et contemplation amère du temps qui passe, Catwoman Lonely City est une nouvelle réussite du Black Label de DC. Et un nouveau coup de coeur !