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Fool night #4

Manga de Kasumi Yasuda
Glénat (2022), série en cours, 4/6 tomes parus

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur fidélité.

Attention spoilers!

Plein de mangaka ont publié de grandes séries sur leurs débuts, aussi il n’est pas totalement incongru de voir Yasuda construire un projet d’une grande ambition et d’une maîtrise très assurée pour sa première œuvre. Sans revenir sur les excellents dessins, à cheval entre le manga et la franco-belge (ou plutôt le style italien) et qui installent une atsmosphère de polar redoutable dans les ombres et lumières, ce tome marque une forme de pause permettant le développement après la grande violence et l’action du précédent.

Le meurtrier disparu, l’équipe de l’Institut de transfloraison semble éliminer ses querelles pour affronter les conséquences des évènements: mis au pas par les forces de police, ils vont devoir enquêter pour comprendre qui était cet enfant devenu sanctiflore animé, ce qui va les amener à explorer l’univers des transflorés qui restait en coulisses jusqu’ici. Étirant un peu les relations entre Toshiro et Yomiko, l’auteur installe une situation insurrectionnelle alors que les anti-transfloraison multiplient les manifestations et agressions contre les tenants du système. Pas vraiment d’intrigue politique mais une tension qui élargit la focale qui restait jusqu’ici un peu interne au héros et à l’Institut. Et c’est une excellente chose qui donne une respiration en nous faisant voir du pays et de nouveaux protagonistes en généralisant des problématiques plus complexes que ce que l’Etat veut bien montrer.

Franchement novateur, ce manga s’installe comme une valeur sure de SF sociale tirant sur le polar. Kasumi Yasuda semble avoir énormément de choses à dire et à montrer dans sa besace et il est fort probable que l’on ne soit qu’au début d’une grande saga tant les potentialités ouvertes par son hypothèse sont grandes. Une des séries majeures à suivre actuellement, mon petit doigt me dit que cette série restera marquante…

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Tsugumi project #6

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Manga de Ippatu
Ki-oon (2023) – 192p./volume, 6/7 tomes parus.

 image-5Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

En ressortant du centre de recherches dont les trouvailles vont permettre à l’érudite Tama de comprendre le destin du Japon post-apocalyptique l’équipée est mal en point: Léon gravement irradié, Dudu blessé, voilà l’armée du fourbe Omoikane qui fond sur eux, accompagnés des deux gigantesques monstres Gongen et L’Egaré! Une formidable bataille s’engage…

A l’approche de la fin de la série (l’auteur confirme sur ce tome que le septième sera le dernier) on sent que Ippatu est en pleine ferveur pour son monde dont il déroule l’histoire avec de plus en plus de fluidité et de facilité. Il est un peu triste de se dire qu’après quatre tomes de mise en place progressive et par moment assez contemplatives sur le début, l’action se précipite de cette manière comme pour rattraper le temps perdu.

Car ce sixième volume d’une des toutes meilleures séries de l’éditeur est un concentré d’action de bout en bout qui arrive à proposer de furieuses séquences de bataille entrecoupées d’un design de créatures et de décors totalement fou sans oublier de nous faire franchement rire avec ces intrusions de cartoon absurdes aux visages grotesques et aux vannes très bien traduites. Le traitement se simplifie pour évoluer vers un esprit shonen. On notera que l’auteur semble avoir fait le tour de son histoire à la fin du volume, l’intrigue se hachant par des retours et révélations un peu brutalement envoyés et quelques séquences qui si elles sont très sympathiques ressemblent presque à des bonus. Car une fois refermé le tome on nous aura expliqué très simplement l’ensemble des mystères et de l’origine des personnages, ce qui leste un confortable dernier volume pour refermer joliment cette odyssée d’une grande originalité.

Marquant des points sur tous les plans, ce tome est donc un coup de cour… qui frôle les cinq Calvin en raison d’un problème éditorial déjà soulevé mais qui saute ici aux yeux: l’auteur travaillant manifestement en numérique sur de très grands formats permettant une finesse de trait et de décors sidérante, on s’arrache littéralement les yeux de frustration sur ce format manga classique. C’est assez incompréhensible car Ki-oon propose plusieurs formats dans ses collections (récemment sur Leviathan ou Soloist in a cage) et sait innover comme sur l’exceptionnelle collection Lovecraft. Un gros manque de clairvoyance qui justifierait absolument une édition Deluxe une fois la série terminée et que la très grande qualité de Tsugumi project mériterait amplement comme mise en avant.

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Soloist in a cage #2/3

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BD de Shiro Moriya
Ki-oon (2023) – 2018, 208p./volume, 2/3 tomes parus.

 image-5Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Avec une première série qui aura vu ses trois volumes parus la même année (le dernier est annoncé pour octobre), l’éditeur Ki-oon propose un format court qui sait assumer les possibilités et les limites de la brièveté. Avec une intrigue très concise basée sur une simple évasion, la maitrise narrative est remarquable puisque si le premier se concentrait sur le prologue et le retour de l’héroïne, la césure d’une dizaine d’années permet une multitude de potentialités concernant le destin du petit frère recherché. Fort différent du précédent, ce tome nous présente une fratrie travaillant sur un mystérieux projets tout en veillant sur leur père très malade. On comprend rapidement qu’ils œuvrent pour une sorte d’Eglise dont les Inquisiteurs sont de redoutables combattants qui s’entraînent sur les terribles robots-gardiens.

Le long passage un peu mièvre avec les frangins inquiète sur l’orientation de la série mais construit aussi un très intéressant faux-semblant lorsqu’on se met à la place de Chloé qui se demande à chaque jeune garçon rencontré s’il est possible qu’il s’agisse de son frère perdu nourrisson… Torturée par les visions d’une sorte de démon qui la ramène à sa condition de surin, la jeune femme se rattache à cette humanité qui surprend dans le chaos de la cité-prison. La simplicité de l’objectif n’autorise cependant pas de trop grandes digressions et nous voilà vite ramenés à des scènes de combats où l’autrice brille par sa mise en scène.

Doté de dessins et d’une atmosphère tout à fait fascinants, Soloist in a cage frustre principalement par la brièveté du format qui interdit de développer sérieusement les antagonistes ou les organisations. Avec ces limites, la trilogie réussit pratiquement tout ce qu’elle présente dans une édition toujours élégante.

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Everything

Histoire complète en 264 pages, écrite par Christopher Cantwell et dessinée par I.N.J. Culbard. Parution aux US chez Berger Books, label de Darkhorse Comics. Publication en France chez 404 Comics.

Posséder ou ne pas posséder, telle est la question

La petite bourgade de Holland, dans la Michigan, s’apprête à vivre à son tour la révolution consumériste, grâce à l’ouverture du flambant neuf centre commercial Everything. Qu’y trouve-t-on ? Absolument TOUT ! Tout ce qui peut ravir l’imagination et les sens de tous ses clients potentiels, quel que soit l’âge, le genre ou la classe sociale. L’architecture est moderne, le personnel accueillant, il ne reste donc plus aux habitants d’Holland qu’à aller flâner et se perdre dans les interminables rayons de ce mall cyclopéen.

Comme l’ensemble des habitants, Eberhard Friendly, conseiller municipal, se réjouit de l’ouverture du magasin, y voyant une opportunité de dynamiser sa commune. Lori Dunbar, quant à elle, est enlisée dans un spleen existentiel dont elle ne parvient pas à s’extirper. Le bonheur préfabriqué promis par Everything représente peut-être pour Lori la chance de guérir enfin de son mal-être. Ce n’est pas la même chose pour Rick Oppstein, dont la boutique Sounds Good Stéréo est mise en danger par l’offre pléthorique d’Everything.

Bientôt, les allées du centre commercial sont bondées, emplies d’une marée humaine avide de consommation. Sous l’oeil acéré de Shirley, la directrice du magasin, toute l’équipe s’affaire pour satisfaire les hordes de clients, car après tout, c’est la raison d’être d’Everything ! Malheureusement, tout n’est pas aussi transparent que ça, car dans les coulisses du magasin, se joue quelque chose qui dépasse les petites destinées personnelles, et qui engendre des tragédies comme des suicides, des combustions spontanées, des tumeurs au cerveau…et des érections involontaires.

Et si le bonheur était à portée de main pour tous ? Et si, en accaparant des objets manufacturés, vous pouviez laisser de côté vos tourments intérieurs et atteindre la félicité ? Combler le vide spirituel par une abondance matérielle, cela ressemble à s’y méprendre aux promesses de la société de consommation, qui nous fait croire que la possession de biens nous définit en tant qu’individus (il n’y a qu’à décortiquer les pubs de voiture ou de téléphones pour s’en convaincre).

Everything revient dans la décennie qui a vu fleurir les centres commerciaux aux USA, et livre une satire du modèle capitaliste à la sauce surréaliste. L’ambiance décalée accroche le lecteur dès le premier chapitre, en instillant un malaise et un mystère savamment dosés. Le ton est acerbe, ciselé, et l’intrigue offre plusieurs niveaux de lecture.

Après une première partie qui emprunte bien sûr aux œuvres de David Lynch (sans pour autant être absconse), le scénario de Cantwell bouscule les genres en usant de ficelles que Lovecraft et autres Carpenter n’aurait pas reniées. Ce basculement, loin d’être déstabilisant, offre de nouvelles clés de compréhension de l’intrigue et redynamise le récit, dont la tension va crescendo jusqu’à un final à la fois déjanté et cohérent.

Côté graphique, I.N.J Culbard fait encore une fois la démonstration de son talent, grâce à un trait épuré proche de la ligne claire. On retiendra également l’importance de la mise en couleur, qui a une signification et un impact déterminants dans le récit.

L’aspect éditorial n’est pas en reste non plus, car 404 met une fois de plus un grand soin dans la fabrication de ses livres, avec en l’espèce une couverture et un dos toilés, qui mettent en valeur une couverture poétiquement complexe.

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Dr. Stone #24 – Ender Geister #3 – Shangri-La Frontier #8

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Retour des fournées manga avec aujourd’hui une salve Glénat très grand public!

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

  • Dr. Stone #24 (Boichi, Inagaki/Glénat) – 2023, 208p.

dr_stone_-_tome_24_-_gl_natA deux tomes de la conclusion (qui laisse de plus en plus anticiper un prochain cycle…) on accélère puisque la société scientifique parcourt le monde pendant dix ans afin de récolter les matières premières nécessaires à la fabrication d’une fusée et à ce qui permettra à un équipage de se poser sur la Lune. Gros changement d’échelle puisque jusqu’ici, malgré des voyages trans-pacifique les auteurs n’étaient jamais rentré dans le détail du déroulement du temps.  Probablement pressés par la nécessité de conclure, Inagaki et Boichi avancent donc à un rythme inhabituel avec un saut technologique très important qui nous fait réaliser que malgré les incroyables inventions recréées jusque là on en était resté au stade du bricolage.

Du coup on se perd un peu (pour les moins scientifiques des lecteurs) avec des explications vaguement absconses sur les étapes de la réalisation d’un ordinateur, même si les auteurs évitent de multiplier les digressions qui auraient fini de nous perdre. Le volume n’en garde pas moins l’aspect d’un tome de transition qui n’a pas même abordé la question du scaphandre spatial. On remarquera au passage une nouvelle fois le scientisme bien peu écologique (et pour le coup assez hors sol à notre époque) qui promeut une science productiviste où il suffit d’engraisser la terre pour produire intensivement du riz sans que quiconque n’y trouve à redire. On objectera que dans le Monde de pierre la pression humaine a disparu mais pour un shonen de vulgarisation scientifique le message peut déranger… En attendant, on patiente jusqu’aux deux volumes de conclusion qu’on espère aussi bien huilés que le reste de la série.

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    • Ender Geister#3 (Yomoyama/Glénat) – 2023, 192p., 3/10 tomes parus.

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Après deux premiers volumes sortis simultanément et permettant de bien rentrer dans une « intrigue » fortement axée action, on part dans ce troisième tome pour un gros flashback destiné à nous expliquer un peu mieux qui est cet étonnant anti-héros imbattable au corps à corps mais qui a la fâcheuse manie de se métamorphoser en un démon mortel lorsqu’il… meurt. n part donc pour une plongée lovecraftienn dans les entrailles de l’Afrique au sein d’une sorte de temple maléfique qui va autoriser l’auteur à dessiner des soldats bad-ass et des bastons épiques, intérêt principal de la série.

Je reconnais que si en matière de gros boss, de combats hyper-dynamiques et de pépées aérées on est servi, on se demande comment l’auteur va tenir ce rythme pendant plus de dix tomes sans tomber dans les défauts d’un Dragonball aux combats éternels. Il y a pourtant jusqu’ici du style, un héros mystérieux et une approche série B de loisir totalement assumé qui fait plaisir à lire. Avec un peu plus d’application dans les dessins et un soupçon d’intrigue on a de très bonnes bases pour une excellente série inattendue.

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  • Shangri-la Frontier #8 (Katarina-Fuji/Glénat) – 2023, 192p., 8/13 volumes parus.

shangri-la_frontier_-_tome_08_-_glenatEpisode qui risque de marquer la fin de l’aventure pour moi avec un sur-place plaçant le héros dans une perspective de leveling qui montre que le manga tourne désormais en circuit fermé en oubliant ce qui a permis un plaisir de lecture jusqu’ici: une fuite en avant axée sur la découverte et extraordinairement lisible. Ce huitième volume perd les deux à la fois: la lisibilité avec cet affrontement contre les scorpions de quartz assez pauvres visuellement et la découverte qui se résume à quelques pages en fin d’album où l’on retrouve l’archéo-forgeronne qui va permettre à Sunraku d’arborer des artefacts de l’ère des Dieux. Au lieu de poursuivre cette unique révélation, voici le personnage qui quitte Shanfro pour se faire une petite escapade sur un jeu de Mechas. Aucun intérêt autre que de voir le dessinateur se faire plaisir sur de jolis designs SF. Si la technique reste de très bon niveau, on est clairement à l’étape où seuls les fans de jeux vidéo trouveront un sens à continuer leur lecture. DOmmage, Shangri-la Frontier aura tout de même été une sacrée surprise!

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Jurassic League

Récit complet en 144 pages, écrit par Daniel Warren Johnson et dessiné par Juan Gedeon. Parution en France chez Urban Comics le 05/05/2023.

Paléo-Héros

Bien avant que l’Homme ne devienne l’espèce dominante sur Terre, la survie n’était conditionnée que par une seule règle, un mantra universel qu’aucune créature foulant le sol ne pouvait ignorer: manger ou être mangé. C’est un principe qui a guidé les dinosaures durant les millions d’années que dura leur règne. Alors que les primates sont finalement devenus des hommes, cette version de la Terre n’a pas fait disparaitre totalement les reptiles géants, bien au contraire: elle a permis à certains d’entre eux d’évoluer, pour adopter une forme bipède humanoïde.

Ainsi, un jeune Allosaure humanoïde voit un jour ses parents dévorés dans une allée sombre-excusez-moi, dans une sombre clairière de Gotham City, et décide de combattre la cruauté en devenant Bat-Dino. Sur son île, une jeune Tricératops décide d’endosser le costume de Wonderdon afin de défendre la paix, tandis que Supersaure défend les humains qui l’ont adopté. Ce trio va se réunir afin de défendre la planète de Darkyloseid, seigneur reptilien qui a déjà écrasé de nombreux mondes sous son talon.

Connu pour sa revisite de Wonder-Woman, Daniel Warren Johnson s’empare d’un pitch encore plus délirant avec ce Jurassic League. Vous l’aurez compris, chaque membre de la célèbre Ligue de Justice subit une transformation reptilienne en adéquation avec son caractère. Superman devient Supersaure, reflétant ainsi le pacifisme et la force tranquille des sauropodes. Le choix du Tricératops pour Wonder Woman est également bien réfléchi, ces derniers étant herbivores et donc plutôt pacifiques, mais capables d’en remontrer aux plus féroces prédateurs. Faire de Batman un allosaure peut sembler surprenant au premier abord, mais il faut savoir que ces derniers étaient parmi les plus agiles des théropodes et plutôt effrayant, ce qui sied plutôt bien à notre chauve-souris favorite. On peut également trouver une symbolique assez cohérente dans la transformation de Flash en vélociraptor, ou d’Aquaman en Baryonyx, un dinosaure amphibie.

En revanche, il ne faut pas chercher dans cette Jurassic League un semblant de vérité scientifique, étant donné que le récit fait cohabiter Dinosaures et Homo Sapiens. On peut néanmoins compter sur la patte toute particulière de Danniel Warren Johnson pour insuffler une coolitude absolue à un pitch qui aurait très facilement tomber dans le ridicule. Sans pour autant tourner son concept en dérision, l’auteur (secondé par le dessinateur au scénario), nous entraine dans une aventure courte et sans temps mort, emplie de diverses références.

Étant donné le contexte, le récit ne prend par contre pas la peine de faire dans la subtilité vis à vis de l’antagoniste, dont le portrait est rapidement brossé, avec manichéisme comme il est coutume dans ce type d’histoire.

Si Jurassic League se démarque, c’est aussi et surtout par sa qualité graphique. Juan Gedeon fait des débuts fracassants en livrant une performance brute et sans concession, très fun dans ses designs ainsi que dans le découpage des planches.On peut dire qu’on retrouve dans son dessin le même enthousiasme que dans ceux de Johnson, qui intervient quant à lui sur les couvertures. Malgré une fin un peu rapide, l’album se lit avec plaisir de bout en bout, et pourra être apprécié même si vous ne connaissez que vaguement la Justice League et que vous avez oublié votre encyclopédie des dinosaures.

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DC vs Vampires #1: Invasion

Mini-série en trois volumes, écrite par James Tynion IV et Matthew Rosenberg, dessinée par Otto Schmidt.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Mordez-les tous

Nous avions eu les zombies chez Marvel, puis les zombies chez DC, il y a maintenant les vampires chez DC, parce qu’après tout, pourquoi pas ?

Tout commence lorsque un étranger se présente aux portes du Hall de Justice. Accueilli par Green Lantern, l’homme s’avère être un vampire, venu avertir les héros d’un danger qui menace l’ensemble de l’Humanité, un danger qui a des crocs acérés et qui ne prospère qu’à la faveur de la nuit. Ainsi, Green Lantern apprend que les vampires, que l’on croyait relégués au rang de légendes, complotent contre les mortels et s’apprêtent à prendre le pouvoir. Pire encore, ils auraient infiltré les rangs des méta-humains. Chaque super-héros ou super-vilain est donc susceptible d’être un vampire, au service d’un mystérieux seigneur, qui prépare son arrivée au pouvoir. A qui se fier ? Qui parmi les héros a basculé dans le camp des suceurs de sang ?

Comme nous l’évoquions dans d’autres articles, les Elseworlds (l’équivalent des What If ? chez Marvel) sont l’occasion d’explorer des histoires au déroulement radical loin de la pression liée à la sacro-sainte continuité de l’univers principal. Ce procédé donne davantage de liberté aux auteurs, qui peuvent ainsi livrer leur version « définitive » de certains personnages ou de certains concepts, sans être entravé.

Ainsi dans les Elseworlds, on compte quelques histoires passionnantes comme Superman Red Son, Batman White Knight et ses suites, et plus généralement, l’ensemble des parutions du Black Label.

Ici, l’invasion des vampires peut paraitre absurde sur le papier, ou en tous cas digne d’une petite « levée des yeux au ciel ». Et pourtant, James Tynion parvient à s’emparer du concept (il faut lui reconnaitre une certaine maitrise du genre) pour livrer un scénario attractif, à un rythme très prenant.

En effet, dès l’introduction, on est happé par l’intrigue, qui s’inspire fortement de classiques du genre paranoïaque comme L’Invasion des Profanateurs, ou encore Secret Invasion. L’aspect whodunit et la tension croissante font donc tout l’intérêt de ce premier volume conspirationniste, pour le plus grand plaisir des fans. Bien évidemment, il est inutile d’être un lecteur assidu de DC pour apprécier cette mini-série, il faut simplement ne pas trop s’attacher aux personnages…

Bien sûr, on peut interroger certains éléments de l’intrigue, comme l’effet du vampirisme sur la personnalité des héros infectés. S’il est plus simple de saisir le concept avec la zombification, le vampirisme semble plus aléatoire, en tous cas ses effets sur la moralité. Par exemple, certains héros dont la volonté est la marque de fabrique cèdent instantanément à la corruption morale, tandis que d’autres héros plus borderline, semblent en capacité d’y résister. Qu’est-ce qui fait qu’un héros, qui a été du côté du bien durant toute sa vie, se dit soudainement, après avoir été mordu, que l’avenir appartient aux suceurs de sang, plutôt que d’être horrifié par ce qu’il est devenu ?

On aurait aimé que cette question soit davantage creusée, mais le plaisir de lecture est là malgré tout. Sur le plan graphique, Otto Schmidt donne à voir un trait anguleux et des couleurs dynamiques, qui tranchent avec l’ambiance paranoïaque et le côté « tout-le-monde-peut-mourir-à-tout-moment ».

La suite sera intitulée « All Out War« , il faudra donc troquer les soupçons et l’angoisse contre une bonne grosse baston à coups de pieux et d’eau bénite. Qui survivra ?

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Le Mythe de l’Ossuaire, première partie

Série anthologique créée par Jeff Lemire (scénario) et Andréa Sorrentino (dessin). Parution chez Urban Comics le 21/04/2023.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Lemire fais-moi peur

L’auteur Jeff Lemire, connu pour un certain nombre de séries comme Sweet Tooth, Gideon Falls, Black Hammer, ou plus récemment Primordial et Little Monsters, revient en avril avec pas moins de deux sorties simultanées, se déroulant dans le même univers.

Dans Le Passage, nous croisons tout d’abord la route d’un auteur anonyme, qui s’isole afin de terminer son roman tout en faisant le point sur sa vie (tiens, tiens, ça me rappelle le pitch d’un roman/film, ne manque plus que l’hôtel hanté). Sur place, il va être harcelé par la personnification de ses pêchés et de ses doutes, une silhouette inquiétante qui va le faire douté de la réalité. Le second chapitre nous propulse dans une autre histoire, celle de John Reed, jeune géologue qui peine à gérer ses traumatismes d’enfance. Reed débarque sur une petite île, sur laquelle se tient un phare gardé par la vieille et amère Sally. Sally l’a fait venir pour inspecter une cavité, un trou à la profondeur difficilement mesurable, qui serait apparu spontanément. Le jeune géologue va devoir l’inspecter et déterminer non pas d’où vient ce trou, mais où il mène. Et la réponse risque de ne pas lui plaire.

Lemire nous plonge encore une fois dans l’horreur surréaliste, aidé en cela par l’ambiance glauque et oppressante dont Andréa Sorrentino a le secret. Le pitch nous rappelle forcément The Lighthouse, de Robert Eggers, dans lequel un protagoniste candide mais cachant de lourds secrets arrive sur un phare gardé par une personne plus âgée et elle aussi pleine de noirs secrets. Les lieux isolés sont bien souvent du pain béni pour les récits d’épouvante, surtout lorsque lesdits lieux manifestent une personnalité propre et un agenda hostile. Ajoutez à cela la primale terreur provoquée par les profondeurs marines, la claustrophobie engendrée par les espaces contigüs (le trou), et vous avez les ingrédients d’un récit d’horreur efficace et bien mené.

L’angoisse monte aussi d’un cran grâce au mystère qu’entretient l’auteur sur son univers et sur les motivations réelles des personnages, ainsi que sur l’origine ou la raison d’être de son Passage éponyme. Les pleines-pages d’Andrea Sorrentino ne faillissent pas à leur réputation et y sont pour beaucoup dans le succès de ce premier chapitre du Mythe de l’Ossuaire.

Dans Des Milliers de Plumes Noires, nous faisons la rencontre de Trish et Jackie, deux amies d’enfance aux caractères opposés mais complémentaires. Unies depuis toujours par la passion des jeux de rôle et des mondes imaginaires, les deux amies commencent par échanger sur leurs préférences littéraires, avant de se consacrer à l’écriture de leur propre jeu de rôle.

Plongées dans leur univers privilégié, les deux enfants, qui deviennent bien vite adolescentes, maitrisent tout et imaginent tout jusqu’au moindre détail. Elles passent le plus clair de leur temps chez Jackie, dans la peau de leurs avatars de JDR, à savoir une farouche guerrière pour Jackie et une habile magicienne pour Trish. Cependant, les années passent, et les centres d’intérêts de Jackie changent. Trish, plus introvertie, ne partage pas le gout de son amie pour les fêtes et les soirées alcoolisées entre copains. Au contraire, tout ce qu’elle a toujours voulu, c’est rester avec Jackie, à jouer à leur jeu favori et traquer Corvus le Roi des Corbeaux.

Un soir, alors qu’elle est de sortie, l’extravertie Jackie disparait sans laisser de traces. Après une année de recherches, elle est présumée morte, et le coupable échappe à la Justice. Trish, privée de sa moitié, quitte la ville pour refaire sa vie loin de ses douloureux souvenirs. Elle termine ses études puis devient autrice à succès, mais quelque chose la relie toujours au souvenir de Jackie, et aux regrets qu’elle entretient, de n’avoir pas été là pour la sauver. Mais l’aurait-elle pu ? Quel rôle a véritablement joué Trish dans la disparition de Jackie ? Et si… le Roi des Corbeaux y était pour quelque chose ?

Après l’introduction que constituait Le Passage, on a ici la sensation d’entrer dans le vif du sujet de ce fameux Mythe de l’Ossuaire. Une pagination plus généreuse permet à l’auteur de fouiller ses personnages, leurs psychologies et leurs relations, pour nous impliquer davantage encore dans leur sombre destinée. Malgré la chape de mystère qui est encore posée sur l’intrigue générale, on commence déjà à repérer quelques indices ça et là nous reliant au précédent volume.

Comme il l’a déjà fait dans certaines de ses œuvres antérieures, l’auteur s’amuse ici à brouiller la frontière entre fiction et réalité, plongeant ainsi dans les affres d’un multivers malveillant et en même temps très cohérent. Lemire semble partir du principe que si une infinité de réalités existent simultanément, alors tout ce que nous pouvons créer de fictionnel ne l’est pas vraiment et existe nécessairement déjà, ce qui est une idée simple mais prompte à créer un malaise existentiel.

En refermant ce tome, magnifiquement illustré par Sorrentino (qui est ici capable de changer de style en fonction des époques et des mondes représentés), on est à la fois terrifié et intrigué par ce que nous réserve l’auteur pour la suite.

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Batman: Beyond the White knight

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Comic de Sean Murphy, Dave Stewart (coul.) et Simone Di Meo
Urban (2023) – DC (2022), One-shot.

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est image-5.pngMerci aux éditions Urban pour leur confiance.

L’album s’ouvre sur une introduction rappelant le contexte du Murphyverse incluant White Knight, Curse of the White knight et White knight – Harley Quinn, puis les huit chapitres additionnés de deux intermèdes dessinés par Simone di Meo (illustrateur de We only find them when they are dead) et se conclut par huit pages de planches NB de toute beauté. A noter que comme depuis l’album Harley Quinn (dessiné par Matteo Scalera) Sean Murphy se fait coloriser par l’autre monstre incontournable de la colo de comics, Dave Stewart.

Bruce Wayne a la soixantaine lorsqu’il se voit contraint de s’évader du pénitencier où il purge sa peine. Car depuis la fin de Batman Néo-Gotham a surgi des plans fous du magnat Derek Powers, transformée en une dystopie dictatoriale où l’abolition du crime s’est accompagné avec celle des libertés. Alors qu’un nouveau Batman doté d’un costume ultra-technologique apparaît, un Wayne torturé par des crises d’angoisses devra affronter rien de moins que l’ex- Bat famille pour trouver la signification de ce qu’était Batman…

Batman: Beyond the White Knight (2022) - BD, informations, cotesEst-ce que Sean Murphy avait déjà les plans pour trois Batman lorsqu’il a entamé White Knight et sa refondation essentielle de cet univers? Je dois dire que jusqu’ici aucun doute n’était permis quand à l’ouverture grandissante et la multiplication des projets dans ce monde. Et même pas une once de méfiance quand à un risque de prolongation commerciale… Si les trois précédents albums étaient parfaitement réussis (avec le luxe de transformer un spin-off sur Harley en un nouveau chapitre marquant), cet hommage à la série animée Batman Beyond ressemble à une fausse bonne idée du jeune Murphy qui aurait dû laisser cette part de nostalgie là où elle était.

Car il y clairement deux albums dans ce Beyond the White knight. L’idée de reprendre le concept d’un vieux Batman projeté dans une Gotham du futur pouvait apporter des évolutions intéressantes quand aux relations interpersonnelles des acteurs du Batverse et sur ce plan l’album est assez réussi. On se plait à retrouver une Barbara Gordon ayant succédé à son père à la tête de la police, les deux Robin avec dix ans de plus et des enfants ayant poussé par-ci par-là. Travaillant la psyché de Wayne comme jamais depuis le génial Harleen, Sean Murphy continue de faire de la psychiatre blonde la création la plus intéressante de tout DC. Si l’on pourra trouver lourdingue l’artifice pour ramener le Joker (décédé aux précédents épisodes) comme une sorte d’hologramme mental, encore une fois cela permet de travailler les trauma du héros, sa schizophrénie supposée (le Joker n’est-il pas qu’une vue de l’esprit fou de Batman?). La relation aux « jeunes » aborde également le complexe de paternité de Bruce Wayne, maintenant que la figure d’Alfred n’est plus et l’auteur se permet même une très osée proximité plus qu’amicale avec Harley.

Batman has a new suit. Joker approves. [Batman: Beyond the White Knight #3]  : r/comicbooksBref, toutes les thématiques adulte prolongeant ce qui a été mise en place depuis le premier tome avec des hypothèses plus gonflées qu’aucun auteur ne se l’était permis sont passionnantes à suivre, ce qui aurait sans doute couronné du même succès ce volume que les précédents. Mais se rajoute ce vernis Beyond qui semble réchauffé tout le long avec un méchant et un néo-Batman qui n’intéressent jamais Murphy et sont expédiés sans aucune classe, jusqu’à l’apparition du Bat-chien qui fait douter de la santé mentale de Sean Murphy dans le genre « était-ce bien nécessaire » (même si le concept vient de l’animé Beyond).

Ainsi abimé par un certain nombre de personnages et d’une histoire inutiles, la structure White knight perd de sa force et l’on regrette amèrement que l’auteur n’ait pas assumé son projet solo jusqu’au bout en restant sur des hommages graphiques à la filmographie et certaines fulgurances graphiques dont il a le secret (je pense à l’excellente idée des ombres reflétant le surmoi héroïque des personnages sans masques, jusqu’à cette projection qui reprend la couverture du Dark Knight returns de Frank Miller).

Graphiquement Sean Murphy reste un designer de folie et possède de réelles visions même lorsqu’il fait joujou avec son armée de bat-robots. Mais on ne cesse de se demander pourquoi il s’est embourbé dans cette greffe inutile et incohérente avec son projet qui n’en avait pas besoin. Dommage de finir sa trilogie sur cette fausse note et espérons que les prochains spin-off, plus libres, rétablirons la qualité de ce Murphyverse qui reste la meilleure chose qui soit arrivée à Batman depuis la Cour des Hiboux.

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BRZRKR #1

Premier tome de 103 pages, de la série créée par Keanu Reeves, co-écrite par Matt Kindt et dessinée par Ron Garney. Parution aux US chez BOOM! Studios, publication en France chez Delcourt le 15/03/2023.

Berzerker au grand Coeur

L’homme qui se fait appeler B. n’en est pas vraiment un. Doté depuis sa naissance de pouvoirs surhumains, il parcourt les âges, incapable de mourir et mû par une soif inextinguible de combats. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de boucheries, car lorsque Berzerker se bat, il laisse généralement dans son sillage des guerriers en confettis avec supplément hémoblogine.

« –Monsieur, qu’est-ce qui vous a traversé la tête au moment de mourir ? » « –Euh, comment vous dire... »

Lassé de cette vie de violence mais incapable de s’arrêter, B. a passé un marché avec le gouvernement américain. En échange de bons et brutaux services, l’Oncle Sam s’est engagé à trouver par tous moyens une méthode pour permettre à B. de mettre fin à son immortalité. Non pas que B. envisage nécessairement de mettre fin à ses jours, mais il souhaite au moins avoir la possibilité de mourir, un don qu’il juge précieux après ces milliers d’années passées à commettre des massacres.

Accompagné par une thérapeute, B. explore ses souvenirs, perdus dans les brumes du temps, afin de percer le secret de ses origines et de ses pouvoirs surnaturels.

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Voilà, c’est à peu-près tout pour le moment.

Si vous vous êtes intéressé de près ou de loin à la pop-culture ces 25 dernières années, alors vous avez forcément entendu parler de Keanu Reeves. Ce comédien, connu notamment pour certains de ses rôles iconiques, est généralement très apprécié pour son humilité, son introversion et son altruisme. Après avoir fait une incursion dans le monde des jeux vidéos (Cyberpunk 2077), il s’essaie cette fois à la bande dessinée, épaulé par Matt Kindt, auteur prolifique et talentueux que l’on a déjà pu lire dans Black Badge, Folklords, Ether, ou encore Mind MGMT et Deparment H.

Après une campagne Kickstarter qui a marché du tonnerre, le duo s’est octroyé les services de Ron Garney pour créer cette histoire en douze chapitres, dont l’adaptation sur Netflix n’a pas tardé à être annoncée, avec Keanu Reeves dans le rôle-titre. C’est d’ailleurs l’acteur qui prête ses traits au personnage de la BD, faisant de cet album une sorte de mise en bouche ou de préquelle.

On ne va pas se mentir, BRZRKR, malgré son titre hyper-cool et stylisé, est un récit plutôt stéréotypé. Le personnage mystérieux, violent, invincible et légèrement oublieux de son passé ne peut que nous rappeler certains badass bien connus comme Wolverine, auquel B. emprunte même son pouvoir de régénération. L’immortel lassé de la vie est également un thème récurrent dans ce genre de récit, on pense notamment à The Old Guard, qui met également en scène des guerriers antédiluviens blasés par l’éternité (et une autre BD adaptée sur Netflix!), ou au Higlander qui ne veut plus de cette vie éternelle après avoir vu mourir tous ceux qu’il aimait.

L’intrigue n’en est encore qu’à ses balbutiements, si bien que la direction que va prendre le récit dans son deuxième tome est encore un peu floue à ce stade. Il n’en demeure pas moins que l’action est omniprésente. Les scènes de combat sont ultra-gores, avec têtes réduites en bouillie, machoires arrachées, bras et jambes qui volent dans tous les sens après avoir été séparés de leurs propriétaires. Néanmoins, elles s’avèrent répétitives, puisque malgré les flash-backs dans le passé du personnage, elles se résument toujours à la même chose, à ceci-près que les armes changent en fonction des époques. Le Berzerker n’ayant pas encore rencontré de défi physique à affronter, les combats qui se succèdent peuvent donc se révéler un peu ennuyeux, consistant uniquement en un sosie de notre Keanu adoré qui déchiquette des soldats anonymes en carton-pâte.

On demande donc à en voir davantage dans la suite, avec une attente particulière sur le développement émotionnel du protagoniste et les révélations sur ses origines, sans oublier, bien sûr, des scènes d’action un tantinnet plus originales. On met trois Calvin pour le capital sympathie de Keanu, le dessin de Ron Garney et le mystère autour de la résolution de l’histoire.