***·BD·Nouveau !

Stigma, odyssée sporale

Histoire (très) complète en 731 pages, écrite et dessinée par Quentin Rigaud. Parution chez Casterman le 09/02/2022.

Appuie (pas) sur le champignon

Frona, aidée de ses compagnons Atta, une fourmi humanoïde, et de Senso, un robot, écume la galaxie pour le compte du Centre, un conglomérat qui mène des recherches médicales. Chargé d’une mission de prélèvement sur la planète Amanite, le trio croise un groupe d’écoterroristes aux intentions obscures, qui libèrent une nuée de spores dévastatrice dans l’atmosphère.

Nos héros échappent de peu à cette sinistre rencontre, mais, leur vaisseau endommagé, ils échouent sur la planète Orchinae, un monde luxuriant et en apparence idyllique, mais qui comporte aussi son lot de secrets et d’imperfections. Quelque temps après leur arrivée sur Orchinae, Frona, Atta et Senso croisent de nouveau des écoterroristes, reconnaissables à leur accoutrement. Au même moment, une épidémie se déclare et sème l’hécatombe, forçant Frona et les alliés qu’elle trouvera sur son chemin à tout faire pour trouver un remède avant qu’il ne soit trop tard. Y a-t-il un lien avec les spores ? Et si oui, qui a apporté cette maladie sur Orchinae ?

Quentin Rigaud signe ici son premier album, qui a la particularité d’avoir été conçu quasi intégralement en stream via la plateforme Twitch avant d’atteindre sa forme papier. Le thème écolo saute bien évidemment aux yeux du lecteur, qui sera sans doute frappé par le volume proposé. En effet, on ne voit pas tous les jours des pavés de 731 pages, couleur qui plus est, il faudra donc vous attendre à quelques heures de lecture de plus que pour votre 46 planches habituel.

L’intrigue en elle-même n’est pas sans rappeler la triste actualité mondiale, puisque les héros se retrouvent confrontés à un pandémie mortelle, avec le passage obligé de la recherche du patient zéro, le cloisonnement de l’information au public et la course contre la montre pour trouver un remède.

Vous vous en doutez sûrement, le format généreux et l’aspect feuilletonnant génère inévitablement quelques longueurs dans le scénario, qui ne sont pas seulement dues à un découpage décompressé ou à un interlude dit de respiration. En revanche, l’auteur parvient sans trop de mal à rendre ses personnages attachants, ce qui passe par des personnalités différentes et travaillées (quoi qu’à la réflexion, l’auteur semble confondre profondeur psychologique et pleurnicherie byronienne) et des designs marquants, comme la protagoniste et son bras de lumière.

L’ensemble des dessins, en revanche, traduit le manque de maturité graphique de son auteur, même si on ne peut qu’être impressionné par ses 700+ pages qui sont en soi un exploit. Le trait en apparence naïf, pourrait se rapprocher de celui d’un Tom Sixmille. L’univers qu’il développe reste original, et fait penser par moment à celui de Poussière, notamment les architectures et la technologie hybride.

S’agissant du lectorat, il convient de faire attention, on trouve de la nudité et du sexe, ce qui pourrait le réserver à un public plus âgé que ce que le graphisme laisser suggérer.

****·BD·La trouvaille du vendredi·Rapidos·Rétro

Le gout du chlore

La trouvaille+joaquim

BD de Bastien Vivès
Casterman (2008), 135p., one-shot.

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Le sport ce n’est pas trop son truc, pourtant avec sa scoliose lorsque son kiné lui dit d’aller faire de la natation, il s’exécute. Dans ce temple aquatique il découvre un univers de silence, d’anonymes, d’ombres étranges. Lorsqu’elle surgit de l’eau telle une sirène gracieuse il se retrouve fasciné…

Le goût du chlore – Bastien Vivès - A propos de livres...Bastien Vivès est un étrange auteur qui parvient à faire une jonction entre la « haute BD » celle des sélections d’Angoulême, des revues littéraires et de Télérama et de la BD populaire qui lorgne vers le Manga et le comics avec Lastman par exemple. Celui qui a récemment repris Corto Maltese publiait donc en 2008 sa troisième BD dont on sent (comme pour son comparse Sanlaville) ce très doux album quasi muet, contemplatif, qui nous décrit l’immersion d’un naïf dans le monde aquatique des piscines publiques et l’amour naissant, pudique, pour une nageuse qu’il croise lors de ses séances. Très fortement influencé par l’Animation, Vivès joue sur les formes, les perspectives brisées par la nappe aqueuse, nous faisant presque ressentir le piquement du chlore et le brouhaha étouffé du lieu que nous connaissons tous.

Outre une technique déjà impressionnante dans son style minimaliste, c’est la force de l’évocation qui marque à la lecture rapide de cet album. Chaque image est juste, nous parle de VGAOfficialArt on Twitter: "Bastien Vivès - Le Goût du chlore  https://t.co/pcuogNXZOO" / Twitternos heures de piscines, d’un lieu où chacun partage les mêmes moments, parfois étranges lorsque sous la douche des gens de toutes formes vous regardent dans votre uniforme synthétique. A cela s’ajoute dans la deuxième partie ce touchant sentiment amoureux d’un garçon pas à l’aise et qui n’ose exprimer ses sentiments.

Marqué par de longues observations et beaucoup de très beaux moments, Le goût du chlore est un feelgood album qui rappelle les petites choses et la puissance de l’observation de ces artistes dont on attend souvent beaucoup et qui parfois nous offrent de si petites mais jolies choses.

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*****·BD·Jeunesse·Nouveau !

Voro #9: Le Tombeau des dieux troisième partie

Dernier tome de 166 pages de la série écrite et dessinée par Janne Kukkonen. Parution en France le 10/11/2021 aux éditions Casterman.

Le seigneur des flambeaux

Coup de coeur! (1)

Après avoir réveillé par inadvertance une dangereuse divinité du Feu, Lilya, une apprentie voleuse de la Guilde, s’est mise en tête de réparer ses erreurs quel qu’en soit le prix. Malheureusement, Ithiel, le Père Feu, est à l’apogée de son pouvoir: non seulement soutenu par la Tribu du Feu qui le vénère depuis la nuit des temps, il est également maître d’une armée de géants invincibles grâce à la Pierre de Feu, que Lilya a également contribué à rassembler.

Après avoir jeté ses forces dans la bataille, Lilya a échoué à éliminer Ithiel, qui s’est lancé dans une campagne de conquête du monde des hommes, lui qui se pense capable d’engendrer un monde idyllique aux antipodes de la cupidité et de la violence humaines. L’apprentie voleuse y a laissé la vie, mais elle a été tirée des limbes par la Mort elle-même, qui a semble-t-il un intérêt à assister à la chute de son rival Ithiel. Lilya a aussi reçu un coup de pouce de la part de la Demoiselle de la Nuit, la divinité que servait autrefois la Guilde des Voleurs.

Ses chances de succès sont bien minces, mais Lilya ne désespère pas. Résolue à sauver le monde des hommes, elle en appelle à la sagesse des hommes de bonne volonté que sont les Rois, mais ces derniers ont l’esprit trop occupés par leurs luttes de pouvoirs pour pouvoir agir de concert. Pire encore, depuis le dernier tome, Lilya ne peut même plus compter l’aide de son mentor Seamus, au vu des révélations qui ont été faites sur le passé de ce dernier.

Que pourra faire la jeune vaurienne pour prévaloir dans ce jeu de dupes où les hommes ne sont rien face aux rois, où les rois ne sont rien face aux dieux, et où les dieux manipulent leurs pions sur l’échiquier cosmique ?

Comme vous le savez , la série Voro est un incontournable parmi les séries jeunesse du moment. L’auteur finnois Janne Kukkonen, issu du monde de l’animation, est parvenu à créer un univers fantasy cohérent et original, mâtiné d’influences et de références nordiques, dans lequel évoluent des personnages marquants et attachants.

Le scénario parvient à éviter le manichéisme primaire en nuançant son propos ainsi que les valeurs portées par les personnages. En effet, difficile de donner totalement tort à Ithiel lorsqu’il méprise le monde bâti par les hommes et qu’il fait part de son amertume quant à sa trahison. Cela ajoute de la profondeur au personnage, ce qu’oublient bon nombre d’auteurs pourtant chevronnés. Il arrive en effet assez souvent de voir un antagoniste bien méchant, fréquemment cruel, et qui de surcroît affiche de la satisfaction à faire le mâââl, si bien que l’on bascule bien trop souvent dans le cliché.

Ici, ce n’est pas le cas, et chaque personnage possède sa part d’ombre ainsi que des qualités rédemptrices, qui rendent le récit engageant et le distingue de la masse des récits fongibles aux personnages interchangeables.

Dans Voro, l’action est toujours spectaculaire et jamais prétexte, et l’auteur arrive à accroître sans cesse la tension dramatique jusqu’au dénouement, faisant de ces neuf tomes une saga épique et enthousiasmante qu’il sera toujours bon de relire à l’occasion.

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BD en vrac #25: De Ira – Lanfeust de troy #9 – Le tueur, Affaires d’Etat #3

La BD!

  • De ira (Hirlemann/Delcourt) – 2021, 140p., niveau de gris, one-shot.

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Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance!

couv_431661L’année 2021 est tout à fait prolifique pour Stephane Hirlemann puisque pour son entrée dans le monde de la BD le dessinateur propose pas moins de trois albums. Sans doute du fait des reports éditoriaux dus au COVID, mais cela montre une envie palpable. Après le plutôt raté Homme sans sourire qui était sauvé par des dessins où Hirlemann était à son aise dans une atmosphère de dystopie d’opérette issue d’Orwell, il propose avec ce one-shot un très gros coup de gueule gonflé mais risqué pour un premier album. 

S’inscrivant dans une ribambelle d’ouvrages s’inscrivant dans la colapsologie (avec des albums comme La Chute ou Carbone et Cilicium), De Ira (« de colère ») nous présente un groupe de rebelles anarchistes contestant la marche de leur société vers l’injustice, l’oppression des faibles et la progression inéluctable vers le fascisme, en affrontant parfois brutalement les tenants du système. Opérations coup de poing dans un camp de migrant, attaque de flics ou invasion d’amphithéâtres universitaires, ils sont déterminés à ne pas laisser faire…

On sent la rage de l’auteur devant une actualité qui mérite d’être effectivement condensée en des ouvrages qui nous rappellent l’anormalité des temps que nous vivons et le drame de l’indifférence. Ouvrage rebelle, anarchiste, De Ira est touchant par sa rage qui rappelle par moments le très sympathique Renato Jones. Maladroit, le scénario nous fait suivre sans trop de structure ces actions de rébellion avant d’approfondir un propos (y compris graphique) dans la seconde partie, plus intéressante. Le dessin propose un surprenant niveau de gris fort dommage et qui cache une rapidité d’exécution à la qualité très irrégulière. Ouvrage maladroit, pamphlet politique anarchiste intéressant, De Ira reste tout de même très imparfait et aurait mérité sans doute un peu plus de bouteille.

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Merci aux éditions Soleil pour leur confiance!

  • Lanfeust de Troy #9: la forêt noiseuse  (Arleston-Tarquin/Soleil) – 54p., 2021

couv_434346Retour au bercail pour les deux golden-boy de la naissance de Soleil! Après deux excellents cycles de huit tomes (Lanfeust de Troy puis sa suite directe SF Lanfeust  des Etoiles), les auteurs avaient lancé en 2009 un troisième cycle Odyssey prévu justement sur des diptyques permettant de ne pas étirer éternellement la recette… avant de changer de braquet pour partir sur le plus gros cycle (en dix tomes) très redondant qui avait fini par me lasser. Partis depuis faire l’éditeur avec Drakoo pour Arleston et sur sa série space-op solo pour Tarquin, le duo se reforme pour reprendre la suite directe de Lanfeust de Troy avec ce tome « 9 » en format one-shot. On ne comprend pas bien l’utilité de raccrocher cette Forêt noiseuse au cycle premier mais le format reste la meilleure idée qu’ils aient eu depuis dix ans.

Si l’idée de faire vieillir Lanfeust de treize ans d’un coup et de transformer Hébus en un érudit bibliothécaire fait un peu forcée, celle de contester le conservatisme d’Eckmül avec ce méchant siphonnant la magie du Magohamoth pour la redistribuer à sa guise est alléchante. Si les auteurs ne vont finalement pas plus loin que l’aventurette pleine de jeux de mots et de séquences débiles, on sent une dynamique toujours présente dans la tête d’Arleston et qui pourrait proposer des choses fort sympathiques par la suite, pour peu que le cadre one-shot soit respecté. Redémarrage forcément commercial donc, mais qui permet clairement à la jeune génération de découvrir cet univers toujours drôle et aux anciens de retrouver, parfois avec délectation, ces personnages qui ont bercé nos jeunesse BD.

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Merci aux éditions Casterman pour leur confiance!

  • Le tueur – affaires d’Etat #3:   (Matz/Jacamon/Casterman) – 64p., 2021

Quatrième cycle achevé en trois tomes. Le billet du premier volume est ici.

couv_433983Ce nouveau cycle court laisse un gout incertain dans la bouche. Les qualités et les défauts sont ceux décrits précédemment, notamment la pauvreté des décors où malheureusement le scénariste ne parvient pas à offrir à son dessinateur beaucoup de vues architecturales susceptibles de mettre du peps dans cette monotonie urbaine. Le propos de Matz concernant le cœur du sujet (le politicien populiste) est très ambigu et c’est cela qui intéresse le plus: présenté par tous les personnages comme une crapule, son discours ne laisse pourtant pas le lecteur désintéressé en disant des vérités sur le système politique et le discours mainstream médiatique. Loin de se contenter d’un ersatz raciste de Marine Le Pen, il semble bien convaincu par son rôle de poil à gratter. L’utilisation des caïd pour mettre de l’huile sur le feu et permettre un contexte qui lui est favorable n’annule pas pour autant des vérités qui rejoignent les pensées lucides du tueur. Sans nous guider particulièrement, Matz sème donc le doute en laissant son lecteur réfléchir tout seul sans savoir vraiment ce que pensent les auteurs de tout ceci. Le duo de flics est également un des points forts de cette intrigue où le Tueur reste bien passif et où on ne nous donnera pas beaucoup d’éléments sur les visées des services de renseignements et des affrontements internes à l’Etat. C’est le principal regret que l’on pourra avoir sur ces Affaires d’Etat que l’on aura espéré avoir plus d’ampleur. Si l’on regarde les cycle du pétrole on aura été beaucoup plus proche de ces affaires internationales mêlant politique, argent et enjeux économiques que sur cette trilogie. L’aspect froid et lent fait partie des codes du Tueur. On prend donc toujours du plaisir avec ce qui a plu jusqu’ici, un cran en dessous pourtant. Espérons que la suite aura plus d’envergure.

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****·BD·Jeunesse·Nouveau !

Voro #8: Le tombeau des dieux, deuxième partie

Huitième tome de la série écrite et dessinée par Janne Kukonnen. 174 pages, parution aux éditions Casterman le 07/07/2021.

Second souffle, seconde chance

Après avoir réveillé par erreur Ithiel, le dieu vénéré par la Tribu du Feu, la jeune voleuse Lylia a du faire face aux conséquences de ses actes. Déterminé à se venger de ceux qui l’avaient trahi, Ithiel est plus que jamais résolu à purifier le monde par le feu, et il faut bien avouer que peu d’obstacles se dressent sur sa route.

En effet, les royaumes humains, gouvernés par des rois cupides et belliqueux, sont divisés et affaiblis. Incapables d’opposer une quelconque résistance au Père Feu et à son armée de géants invincibles, ils sont promis aux flammes purificatrices qui précèdent inévitablement l’oubli. L’Oubli, Lylia en revient justement. Tuée par Ithiel après avoir tenté de l’achever avec la dague de la Demoiselle de la Nuit, la vaurienne au grand cœur est parvenue à convaincre la Mort elle-même, de lui donner une seconde chance.

Revenue chez les vivants, elle est de nouveau confrontée aux conséquences de ses erreurs et s’allie avec son mentor Seamus, mais aussi avec le maître Chaman de la Tribu du Feu et deux rois autrefois en guerre, afin d’éviter le pire à l’Humanité. Parviendront-ils à mettre leurs différends de côté afin d’œuvrer pour le bien commun ?

Come on baby, light my fire

Ce huitième tome est marquant d’abord par sa pagination, sensiblement plus élevée que les précédents tomes. Cela annonce donc un récit plus dense, où les rebondissements et les révélations seront nombreux. La galerie de personnages créée par l’auteur s’enrichit encore davantage, par des interactions inattendues et un compte à rebours qui se fait de plus en plus pressant.

De nouveaux items narratifs viennent donc s’ajouter, dont un personnage longtemps évoqué et suggéré, la fameuse Demoiselle de la Nuit, divinité autrefois vénérée par la Guilde des Voleurs à laquelle Lylia appartenait. La dimension mystique apportée par ce personnage est bienvenue et apporte une touche de nouveauté à l’ensemble, qui était toutefois déjà orienté fantasy.

Pour le reste, on relève une mise en lumière du personnage de Seamus, au travers d’une révélation choc qui remet irrémédiablement en question sa relation avec sa jeune protégée. Graphiquement, le trait de Janne Kukkonen a parfaitement imbibé l’univers original qu’il s’est constitué. Ce tome 8 fait monter les enchères et sera suivi par le tome 9 en novembre 2021, pour une conclusion certainement épique !

**·BD

Ion Mud

La BD!

Histoire complète en 274 pages, écrite et dessinée par Amaury Bundgen, parue aux éditions Casterman le 20/01/2021.

Le vieil homme et l’Espace

Perdu dans un vaisseau-monde aux proportions cyclopéennes, Lupo oscille entre survie et exploration depuis bien longtemps, probablement des décennies. Marqué par les années d’errance spatiale, le vieil homme semble néanmoins avoir un objectif, celui de retrouver ses amis, desquels il fut séparé suite à des événements dont nous ne connaîtrons pas la teneur exacte.

Ce gigantesque vaisseau, composé d’innombrables niveaux, tous dotés d’une technologie à peine entendable, n’est pas habité que par Lupo. En effet, une armée de drones en assure la maintenance, et d’autres espèces vivantes, plus ou moins hostiles et venues d’autres systèmes semblent avoir été embarquées contre leur gré, comme notre vieux passager. Comme si cela ne suffisait pas, une xéno-forme de vie infecte l’ensemble des passagers et se répand de façon pandémique, forçant les drones à confiner certaines zones du vaisseau pour éviter le crash.

Lupo cherche une Torana, une porte noire pouvant le mener à ses amis. Pour survivre et atteindre son objectif, l’explorateur devra donc compter sur son expérience, son ingéniosité et sa bonhommie. Cela lui suffira-t-il à encaisser les révélations quant aux raisons de sa présence sur le vaisseau et sa véritable destinée ?

Blame ! it on the Boogey

Convenons-en d’emblée: pour ce premier album, Amaury Bundgen se révèle meilleur dessinateur que scénariste. A l’image de son protagoniste Lupo, l’auteur donne l’impression de s’être perdu dans les vastes méandres de son scénario, qui s’étale sur plus de 200 pages mais dont la narration hachurée déconcerte plus qu’elle n’happe.

Le premier acte, notamment, comporte bien des problèmes puisqu’il n’introduit qu’à grand peine l’univers développé par l’auteur, qui semble confondre mystère bien dosé et confusion. En effet, il se passe une cinquantaine de pages avant qu’un objectif ne soit clairement défini, bien que sur le plan diégétique, Lupo a commencé sa quête quarante ans auparavant. De nombreuses scènes, dont certaines rencontres faites par Lupo, déconcertent car elles n’amènent rien de spécifique à l’intrigue, que ce soit en terme de distillation de l’information (essentielle lors d’un premier acte), ou de caractérisation, et n’ont pas d’impact sur le reste de l’intrigue. Au contraire, d’autres rencontres relancent le rythme de façon plutôt artificielle, pour mener à un final convenable mais tout de même hâtif car composé essentiellement de réponses péremptoires.

L’auteur ne semble donc pas avoir bien saisi l’intérêt de préparer en amont ses péripéties et ses révélations, si bien que certaines d’entre elles semblent abruptes jusqu’en en perdre leur saveur. Le personnage principal demeure néanmoins sympathique, ce qui fait que l’on adhère plus ou moins à sa cause par la force des choses.

Ce constat est bien frustrant, car Ion Mud portait les germes d’un récit de genre à l’univers captivant, mais dont l’exécution hasardeuse manque de maîtrise, ce qui nuit à la qualité de l’ensemble. Il semble d’ailleurs très étonnant, de la part de l’éditeur qui a repéré Amaury lors d’un salon BD, que ce dernier n’ait pas bénéficié d’un suivi éditorial plus resserré qui aurait permis d’éviter les écueils narratifs qu’affiche l’album.

Graphiquement, Amaury Bundgen livre toute l’étendue de son talent en proposant des somptueuses planches en noir et blanc, dans lesquelles il fait montre de maestria quant aux décors.

****·BD·Jeunesse·Nouveau !

Voro #7: Le tombeau des dieux

Septième tome de 138 pages de la série écrite et dessinée par Janne Kukkonen. Parution chez Casterman le 28/04/2021.

Être ou ne pas être

Après de rocambolesques aventures, Lylia, jeune vaurienne aspirante voleuse, s’est attirée les foudres de la Guilde des Voleurs et du Jarl, ce qui a engendré une série d’évènements funestes dont la jeune fille a vite perdu le contrôle.

A son corps défendant, Lylia a réveillé Ithiel, le dieu de la Flamme, qui une fois ses forces recouvrées a entrepris de marcher à nouveau sur le monde, afin de se venger de la perfidie des hommes qui l’ont précipité jadis dans l’oubli.

Muni de la Pierre de Feu, un puissant artéfact relayant son pouvoir, Ithiel règne sur une armée de géants invincibles, empêchant quiconque de s’interposer. Lylia, quant à elle, a péri en tentant d’arrêter Ithiel. Ce qui est bien dommage, car la jeune voleuse était en possession de la seule arme capable de stopper le génocidaire incendiaire. Avec Lylia perdue au purgatoire, qui pourra empêcher Ithiel de purifier le monde par le Feu ?

L’ennemi de mon ennemi

Mine de rien, Voro atteint ici son troisième cycle, ce qui peut laisser craindre un essoufflement de l’intrigue ou des répétitions. Que nenni, point de redite ici puisque le status quo est renversé, ce qui force notre auteur et ses protagonistes à tenter de nouveaux schémas et à conclure des alliances contre-nature.

Lylia elle-même grandit et murit à l’occasion de son passage dans l’autre monde montrant bien que la série n’a pas encore donné tout son jus. On ne cesse donc d’être surpris avec Voro, et on me dit dans l’oreillette que le tome 8 est déjà sorti. Fichtre !

*****·BD

Aldobrando

La BD!

Histoire complète en 200 pages, écrite par Gipi et dessinée par Luigi Critone. Parution le 15/01/2020 aux éditions Casterman.

Heureux qui comme Aldo

Le jeune Aldobrando n’a aucun souvenir de ses parents. Élevé par un vieux sorcier soucieux de payer sa dette en lui transmettant les arcanes de son art, l’orphelin un peu distrait semble bien loin de la gloire passée de son père, qui fut victime d’un complot qui entraîna sa disgrâce et sa mort dans la Fosse

Alors qu’il prépare un sortilège nécessaire à son apprentissage de sorcier, l’étourderie  du jeune garçon provoque  une blessure au vieux sorcier. Seule l’herbe loup, une plante médicinale très rare, pourra le sauver. Aldobrando, pour la première fois de sa courte vie, va devoir s’aventurer seul dans l’a royaume, et affronter mille dangers pour sauver son père adoptif. Chétif et quelque peu naïf, Aldo va tomber de Charybde en Scylla et connaître bien des mésaventures qui feront de lui un aventurier glorieux…ou un homme mort.

Remarqué à sa sortie, Aldobrando est une réussite en tout point. Dès les premières pages d’introduction , le scénariste parvient à nous faire aimer son protagoniste et à nous le rendre sympathique, ce qui a pour conséquence de nous faire véritablement (mais raisonnablement, plot armor oblige) redouter l’issue de son aventure. 

Le fait qu’Aldobrando soit un gentil gringalet, autrement dit qu’il soit le plus mal placé pour mener à bien cette quête, est un autre élément participant à la qualité du récit, car cela nous fait anticiper et donc craindre, son échec plus que probable, ce qui a pour conséquence de rendre sa victoire finale d’autant plus savoureuse. On est donc loin du héros ennuyeusement badass et survitaminé, qui bien souvent n’est qu’une projection fantasmée de l’auteur, et qui triomphe de façon exagérée des obstacles dressés face à lui. 

L’utilisation des quiproquos et des retournements de situations, en plus d’un casting de personnages intéressants et bien écrits, permet une immersion encore plus grande dans l’histoire, dont la mise en scène est servie par des dialogues savoureux. Le thème du passage à l’âge adulte est assez évident dès la première lecture, mais se conjugue agréablement avec d’autres thèmes comme celui de l’amour, de la destinée et de la corruption. Le ton de Gipi est résolument satirique, à en juger par la façon dont sont dépeint les aristocrates et autres bigots.

Graphiquement, eh bien c’est à Critone que l’on a affaire, donc autant dire que les planches sont sublimes, tant par l’expressivité de ses personnages que par la qualité de ses cadrages, sans parler des aquarelles qui sont à tomber par terre. Sublime à regarder, adroitement écrit, Aldobrando est l’une des réussites de l’an passé, à vous procurer si ce n’est pas déjà fait !

****·BD·Jeunesse

Voro #6: L’armée de la Pierre de Feu troisième partie

Troisième tome du second cycle de la série écrite et dessinée par Janne Kukkonen. 140 pages, parution le 14/10/2020 aux éditions Casterman

Mes chers parents, je vole

Son ombre planait insidieusement au dessus du royaume depuis le premier tome, les Trois Rois avaient tenté le tout pour le tout afin de le bannir, mais il est de retour: Ithiel, prince de la Flamme, roi du Brasier, a été ressuscité par Lilya dans le tome 3 suite à un concours de circonstances. 

Désormais revenu au faîte de son pouvoir, et soutenu par sa Tribu du Feu, Ithiel engage la lutte pour remettre la main sur un artefact qui lui permettra de commander à une armée de géants de sa création. Créatures invincibles, ces géants obéissent à quiconque possède la Pierre du Feu, raison pour laquelle elle fut scindée en plusieurs fragments. 

Hélas, manipulée par le prince héritier, Lylia a livré les fragments à la Tribu du Feu, qui est désormais en mesure de mettre ses plans à exécution. L’âge de l’Homme touche-t-il réellement à sa fin ?

Voler la Lune

Anticipée depuis la fin du premier cycle, voici enfin venue la confrontation entre le démon du Feu et notre jeune apprentie voleuse. L’affrontement est à la hauteur de nos attentes, malgré le fossé qui sépare la chapardeuse de son adversaire. L’auteur creuse substantiellement le passé du seigneur du feu, qu fait allusion à une trahison qu’il aurait subie de la part de la mystérieuse Demoiselle de la Lune, évoquée brièvement lors du premier cycle comme étant une icône vénérée autrefois par la Guilde des Voleurs.

Ce choix resserre le champs narratif en liant deux items importants de l’univers imaginé par l’auteur finnois. Et c’est tant mieux, car sur cette fin de cycle, les spécificités de voleuse de Lylia sont nécessairement moins marquées, la jeune fille devenant ici une héroïne un peu plus classique. Il est clair en effet que l’auteur a éclusé durant ces six tomes le potentiel des situations liées au vol et à la ruse, le forçant en quelque sorte à changer de braquet avec sa protagoniste.

Cette fin de cycle porte une teinte résolument plus sombre que les précédentes, mais promet une suite encore plus épique ! Voro confirme son statut d’excellente série jeunesse, à lire !

****·BD·Jeunesse·Nouveau !·Rapidos

Voro #5: l’Armée de la Pierre de Feu, deuxième partie

Second tome du second cycle de la série écrite et dessinée par Janne Kukonnen. 102 pages, parution le 19/08/2020 aux éditions Casterman.

Voler encore, voler toujours

Dans le précédent tome, nous assistions au nouveau départ de Lilya jeune aspirante voleuse, et de son mentor Seamus, dans une nouvelle cité du royaume. Souhaitant repartir sur des bases plus saines auprès d’une nouvelle Guilde des Voleurs, les deux comparses ont accepté une mission encore plus périlleuse que celle qui les avait menés au secret des Trois Rois.

Alors que l’intrépide vaurienne s’échine à gagner ses galons de voleuse, sur les terres de la Tribu du Feu, la grande nouvelle s’est répandue: le Père Feu, Ithiel, a été tiré de son sommeil millénaire, par nulle autre que Lilya, et il est prêt à reprendre son cortège de conquête.

La guerre du Feu

Après nous avoir attaché à sa jeune voleuse, Janne Kukonnen augmente les enjeux en déployant le spectre d’une guerre dévastatrice, dans un univers désormais fort de 4 tomes de développement. Son trait est toujours aussi simple et efficace, mais il n’éclipse pas la qualité de l’intrigue, qui ne manque ici pas de rebondissements !

Nouveaux enjeux, nouveau Macguffin, anciens adversaires en quête de revanche, sont ici rassemblés pour nous montrer que Voro a encore de la ressource dans ce cinquième tome ! Mais, parbleu… le tome 6 est déjà sorti !