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Opportune

Récit complet en 64 pages, écrit par Isabelle Bauthian et dessiné par Nicoletta Migaldi. Sortie le 02/05/24 chez Drakoo.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La Bête et le Beau

Dans un monde de nuages où la magie mêle science et sentiments, des nefs volantes évoluent entre paisibles cumulus et terribles orages. Au sol, la monarchie a été renversée et ses fidèles, transformés en monstres bestiaux évoluant dans un univers tribal aux mains des plus ambitieux. Opportune, pirate des cieux, traque Épigone, ancien officier dont la transformation en bête n’a fait qu’attiser la soif de vengeance.

Mais Opportune sait que seul le baiser d’une personne l’aimant sincèrement rendra à Épigone son apparence humaine. Tandis que, sur leurs bateaux, l’on complote et l’on se déchire, se noue entre la Bête et sa Belle geôlière une étrange relation…

Isabelle Bauthian n’en est pas à sa première publication chez Drakoo. En début d’année, elle nous avait déjà entraînés dans un monde où les personnages pouvaient se voir transformés en animaux anthropomorphes, sur fond de magie empathique et plus tôt elle avait proposé un surprenant diptyque aux personnages forts.

Elle reprend donc ici ces ingrédients qui lui semblent chers, pour concocter un récit qui, selon toute vraisemblance, reprend la structure du conte de la Belle et la Bête, en inversant les rôles et les attributs.

Il y a quelques temps de ça, nous avions déjà évoqué la structure quasi universelle qui sous-tend ce conte, notamment par la façon dont il dicte aux jeunes femmes la façon dont elles étaient supposées se comporter et sur les critères recherchés dans la sélection d’un partenaire.

Ainsi, Belle, ou en tous cas sa version classique, est une jeune femme réservée et introvertie, loyale à son vieux père, qui va rencontrer un Prince (soit un homme de haut statut affichant une abondance de ressources) dont la nature arrogante a littéralement pris forme sur lui, et dont elle sera le catalyseur de la rédemption grâce au pouvoir transcendant et transformateur de l’amour.

Dans Opportune, l’héroïne est donc tout l’inverse, soit bravache, aventureuse, indomptable et loyale seulement envers elle-même. Révolutionnaire, elle porte en horreur les valeurs patriarcales et dominatrices de la monarchie, ne prospérant que dans le chaos qui a succédé à la Révolution.

Loin de son homologue classique, Épigone semble être un personnage romantique dans le sens littéraire du terme, acquis à une cause perdue et porté par des valeurs désuètes.

Le premier écueil dans lequel s’engouffre l’autrice, est celui de délaisser la dynamique de geôlier-captive, qu’elle n’inverse pas puisqu’à aucun moment la Bête n’est prisonnière de la Belle, tout au plus sont-ils contraints de s’entraider car perdus dans un territoire hostile.

L’autrice préfère utiliser cette nomenclature pas-si inversée pour explorer les thèmes de l’admiration, du désir et de l’amour, et la façon dont ces trois sentiments peuvent se mélanger ou se confondre.

Le second écueil concerne le worldbuilding, surtout au regard de la façon imprécise dont est traitée la magie. L’idée d’une monde de piraterie aérien était également fort alléchant mais hormis une double page expliquant le contexte on sent que le décorum n’intéresse pas tellement les auteurs, à l’image de la dessinatrice qui propose de fort beaux personnages bien enluminés mais abandonne complètement son arrière-plan. Le contexte politique est mieux développé, mais la fin, si elle conclut bien l’intrigue, n’est pas aussi satisfaisante qu’elle aurait pu l’être, car elle ne répond que partiellement au questionnement dramatique et aux enjeux posés au début de l’histoire.

En revanche, il faut reconnaitre à Isabelle Bauthian un talent certain pour l’écriture des dialogues, dont l’éloquence réussit à masquer les faiblesses d’un scénario aux étonnantes ellipses qui semblent vouloir éviter toute action continue. On se retrouve ainsi dans une inégale lecture dont les joutes verbales maintiennent un intérêt que la structure générale ne porte pas. Un rendez-vous manqué plein de promesses peu tenues…

Billet rédigé à 4 mains par Dahaka et Blondin.
****·Actualité·BD·Nouveau !

Rivages Lointains

Récit complet en 225 pages écrit et dessiné par Anaïs Flogny. Parution chez Dargaud au label Combo, le 19/01/2024.

Le secret de Brokeback Gangsters

En 1938, Chicago est considérée par beaucoup comme la capitale du crime. En effet, l’organisation que l’on surnomme L’Outfit fait régner la terreur dans les rues de la ville, dans une impunité presque totale.

Jules Tivoli est un jeune immigré italien qui vivote bien loin du rêve américain. Le ventre presque toujours vide, il survit de petits boulots jusqu’à sa rencontre avec Adam Czar.

Ce gangster charismatique a fait fortune durant la prohibition et domine aujourd’hui le racket auprès de tous les commerçants de la ville. Grace à un peu de chance et une bonne dose de culot, Jules obtient un travail au profit d’Adam. Peu à peu, une relation de confiance s’instaure, mais pas seulement. Le gangster et son apprenti ne sont pas indifférents l’un à l’autre, si bien qu’une relation sentimentale finit par les unir.

Comme vous vous en doutez, cette relation est frappée d’opprobre dans le milieu criminel de l’entre deux guerres, ce qui oblige les deux amants à vivre cachés. Malgré son charisme, Jules finit néanmoins par découvrir que Adam est un homme d’un autre temps. Après une série de mauvaises décisions et un sacré revers de fortune, Adam est obligé de s’exiler à New York, emportant à ses côtés son jeune protégé.

Pour le couple caché, c’est l’occasion d’un nouveau départ dans la Grosse Pomme. Adam est peut être grillé, mais il peut conseiller et appuyer Jules afin qu’il s’intègre à la mafia italienne. Comment va réagir le gangster sur le déclin face à l’inexorable ascension de son disciple / amant ?

Troisième parution au sein du nouveau label Combo, Rivages Lointains se veut une chronique intimiste sur le milieu criminel américain de l’avant guerre, tant fantasmé par l’inconscient collectif. on y parle donc d’ascension , de self made man et de pouvoir corrupteur, dans une trajectoire descendante que ne renierait pas un certain Michael Corleone.

Néanmoins, ce thème s’avère n’être que la surface, le thème traité en fond étant plus complexe. En effet, Rivages Lointains parle avant tout d’amour et des attentes fixées par chaque polarité du couple. En effet, on retrouve très souvent, voire systématiquement, une dynamique d’adoreur/adoré, l’une des partie du couple étant assez souvent placée sur un piédestal par l’autre partie. Loin de moi l’idée de verser dans le cliché, mais les études psychologiques tendent à montrer que l’adoré est un rôle plutôt dévolu à l’anima masculin, tandis que l’adoreur se trouve plutôt dans l’anima féminin.

Dans notre couple de gangster, cette théorie se vérifie dans le sens où Adam, le gangster expérimenté, est portée aux nues par Jules, et qu’il existe une différence fondamentale de statut entre eux, au profit d’Adam (ce qui ferait de Jules une personne hypergame, stratégie d’accouplement académiquement attribuée au genre féminin).

L’auteur renverse donc la vapeur progressivement, en attribuant du succès à Jules et en faisant chuter Adam, ce qui finit par inverser la dynamique du couple. L’adoré se retrouve alors dans un statut inférieur à celui de l’adoreur, ce qui met à mal les fondations même du couple.

On pourrait donc comparer la réaction et les états d’âme de Adam à ceux d’un mari qui se retrouverait au chômage tandis que son épouse passerait de femme au foyer à cadre.

Graphiquement, l’Autrice met brillamment ces concepts en scène, grâce à une colorisation basée sur la surbrillance et les éclairages des visages et des différents personnages, selon leur importance hiérarchique et leurs statuts.

Grâce à un dessin très expressif, elle nous fait rapidement aimer son protagoniste et nous fait partager ses ambitions et ses désillusions sur le monde opaque du crime organisé.

Entre polar, récit d’émancipation et romance, Rivages Lointains mérite bien sa place au sein du Label Combo et marque les débuts d’une autrice à suivre.

***·BD·Nouveau !·Service Presse

Zoé Carrington #1

Premier volume de 96 pages du diptyque écrit et dessiné par Jim. Parution chez Grand Angle le 31 janvier 2024.

Back in London

Simon est comme qui dirait passé à côté de sa vie. Employé morne dans une banque quelconque, ce presque trentenaire vivote dans le souvenir d’une idylle passée avec Zoé Carrington.

En dépit de l’impact durable de cette relation dans la psyché de Simon, leur histoire n’a duré qu’une semaine, alors que les deux jeunes gens débutaient leurs études à Londres. Simon cultive le souvenir d’une femme impétueuse , dont la fougue n’avait d’égale que la beauté physique. Malheureusement pour notre jeune mâle Bêta, Zoé l’indomptable s’en est allée, séduite par l’intensité et le statut social d’un mâle Alpha issu de l’aristocratie anglaise, Léo.

Alors qu’il est embourbé dans son quotidien, en plein repas de famille, Simon est contacté par Zoé. Fébrile, le jeune homme décroche et découvre avec stupéfaction la raison de cet appel impromptu: Zoé, entre temps mariée à Léo, invite ses anciens amis à une grande fête pour les trente ans de son époux. Une soirée d’anniversaire, qui à en juger par la propension de Léo à la fête et au spectacle, promet d’être grandiose. L’autre promesse qui résonne dans l’esprit de Simon, est beaucoup plus sournoise et insaisissable : et s’il parvenait à reconquérir Zoé ?

Après Une Nuit à Rome et Héléna, le prolifique auteur Jim apporte la conclusion à ce qu’il nomme sa « trilogie des ex », trois histoires traitant du retour d’une femme aimée dans la vie d’un homme éploré, ou tout simplement perdu.

Car oui, dans Zoé Carrington, la force motrice du récit est bien le personnage éponyme, et pas le protagoniste Simon dont nous partageons pourtant le point de vue. L’ensemble du casting masculin mis en scène par l’auteur est constitué d’hommes immatures, peu assurés, produits tout ce qu’il y a de plus typiques du 21e siècle, et dont l’existence tourne quasi-exclusivement autour de cette jeune femme fantasque, libre, énergique, souriante et mûe par l’instinct.

En résumé, Zoé Carrington est une version revue et corrigée de la Manic Pixie Dream Girl, une figure idéalisée de la féminité vue par les hommes, servant bien souvent de catalyseur à l’évolution psychologique d’un protagoniste introverti et incluse au récit pour déclencher une dynamique amoureuse et pour donner d’importantes leçons de vie au héros.

On en veut donc presque à Simon d’être resté accroché à cet archétype ambulant que représente Zoé. Le même constat vaut pour ses deux autres amis, tout aussi pathétiques dans leur engouement à revoir la jeune femme après dix ans de silence radio, chacun espérant secrètement s’attirer de nouveau ses faveurs. Ce premier tome peut donc se résumer ainsi, un trio pathétique digne d’un Very Bad Trip, axé autour d’un personnage archétypal et idéalisé.

Néanmoins, l’album conserve un intérêt grâce à sa construction, les événements prenant une tournure intéressante une fois les héros arrivés à Londres. L’auteur parvient donc à piquer notre curiosité malgré son casting agaçant et sa proposition narrative peu nuancée.

**·La trouvaille du vendredi·Manga·Nouveau !·Rétro·Service Presse

Crying Freeman (perfect) #2

La trouvaille+joaquim
 
Manga de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami
Glénat (1986)/(2024), 418p, 2/4 tomes parus – édition comprenant deux volumes de l’édition initiale.

bsic journalismMerci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Après un premier volume plutôt sympathique du fait d’une figure originale d’assassin tragique, ce second volume de l’édition Perfect tombe dans une banalité de consommation ciblant un lectorat de working-men d’âge mur en enchainant les histoires sur deux ou trois chapitres où point souvent un ridicule marqué par l’auto-caricature. Maintenant que les personnages sont installés et l’organisation des 108 dragons présentée dans le détail, les auteurs pondent page sur page sans se préoccuper d’une construction d’intrigue et volant d’une scène d’action à une autre sur le rythme d’un Hong-Kong movie au monteur fou. Freeman et les donzelles se foutent à poil pour un rien, les tentatives d’assassinat de ce super-homme par les concurrents mafieux tournent au vinaigre pour les assaillants en moins trois cases et s’il n’étaient les références multiples aux vieux James Bond avec ses bases secrètes et navires grandiloquents qui aident à accepter la patine vintage on finirait par bailler.

Heureusement le niveau graphique reste élevé (sans que le scénariste ne propose de thèmes véritablement intéressants au maitre) et permet de tourner les pages. Si ce tome manque cruellement d’adversité à la hauteur, la conclusion contre une organisation terroriste africaine laisse un petit espoir d’un ressac d’ambition pour cette série qui tourne proche du pathétique. Plus que deux tomes pour voir si l’aventure valait le coup…

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***·BD·Nouveau !·Service Presse

La guerre des amazones

BD de Stéphane Piatzszek et Guillermo Gonzalez Escalada

Soleil (2023), 48p. , one-shot.

Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

L’empire de Carolus Magnus s’étend sur l’Europe. En Bohême, la fille du roi Krok tente de résister à l’inexorable avancée des francs et de leur Dieu qui menacent une culture et un lien avec la Nature. La fougue de la princesse est écartelée entre une attirance irrépressible pour une de ses belles guerrière et son devoir militaire pour protéger son peuple et son royaume…

Triste album qui nous vient en ce début janvier. Il y a presque dix ans sortait un miracle, Le chevalier à la licorne, du même duo, qui faisait exploser le talent brut de l’espagnol Guillermo Gonzalez Escalada dans un sublime et tragique poème graphique médiéval. Malheureusement l’annonce de ce second album s’accompagna rapidement de celle du décès de l’artiste en 2021. Seules quelques pages manquaient sur le scénario de Stephane Piatzszek, que deux dessinateur complétèrent dans le respect du style original.

Les histoires païennes sont légion. Le titre pouvait être trompeur et si l’album se centre bien sur l’itinéraire de la princesse Libussa, figure légendaire du peuple tchèque que l’on rattache à une armée de résistantes amazones, c’est plutôt l’histoire d’amour de cette héritière farouche avec une de ses guerrières alors que le danger qui menace son peuple est immense, qui intéresse le scénariste. Malheureusement le récit est incertain, comme si l’auteur n’avais su où mettre la focale et surtout par abus de suggestion. Il y a peu de textes et l’enchaînement des séquences n’est guère expliqué, ce qui rend la lecture par moment confuse.

Le dessin de son comparse est toujours aussi brillant mais l’aspect fruste de ses visages médiévaux n’aide pas à la compréhension en rendant parfois peu lisible la distinction entre ces personnages. Le style de Guillermo Gonzalez Escalada, si fort dans l’action et les visions oniriques, ne compense pas le manque de précision du scénario. De même, les quelques surgissements fantastiques, graphiquement puissants, ne semblent pas servir

l’histoire où la sœur mystique de l’héroïne est totalement muette et trop peu en interaction pour que l’on puisse s’y intéresser vraiment.

Oubliant de nous proposer de belles batailles épiques grand public, tiraillé entre sa Légende, un amour féminin impossible, le devoir dynastique et l’oppression chrétienne sur les anciennes traditions Stephane Piatzszek se contente d’admirer les sublimes compositions du dessinateur espagnol et échoue à nous emporter dans ce drame amoureux mal défini. L’album regorge pourtant de très belles scènes de banquet, de poursuites ou de complots, mais le tout reste mal monté par un récit trop suggestif.

Le duo n’aura donc pas réussi à rééditer le coup de maître de leur premier album. Il restera à admirer l’art si organique du défunt pour regretter, plus que l’album lui-même, la perte d’un très grand artiste.

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*****·BD·Nouveau !·Service Presse

The Ex-People #2

Second et dernier volume de 72 pages, de la série écrite par Stephen Desberg et dessinée par Alexander Utkin. Parution chez Grand Angle le 10/01/24.

Merci aux éditions Grand-Angle pour leur confiance.

Ex-ceptionnels

Dans le premier tome, nous faisions la connaissance d’une troupe de pas-si-joyeux drilles, unis par le hasard ou la destinée, vers un but peu commun: celui de revenir à la vie, de façon pleine et entière. Tous sans exception, ont subi un sort funeste dû à une injustice, qui les a laissés coincés dans un état de non-mort, et souvent avec une sorte de difformité.

Cet étrange aréopage se donne pour but d’aller à Jérusalem, qui subit alors les Croisades, pour se rendre dans un monastère unique où ils espèrent pouvoir payer un remède à leur condition. Réunir des pièces d’or et d’argent n’est pas une impossible gageure pour nos héros, qui possèdent tous des facultés spéciales de par leur condition particulière. Sur la route de Jérusalem, ils n’hésitent donc pas à détrousser des troupes de brigands de leurs butins mal acquis, mais une déception les attends à l’arrivée: Si Dieu peut autoriser des miracles et des résurrections, ses agents terrestres n’acceptent que l’or acquis de façon vertueuse…

Nos fantômes adorés se retrouvent donc le bec dans l’eau, mais après tout ce chemin, ils ne peuvent pas renoncer si facilement à leur quête de résurrection.

L’enjeu principal que nous relevions dans la chronique du premier tome se situait dans le contexte et les règles établies par l’auteur sur le fonctionnement des fantômes. Et il faut bien l’admettre, Stephen Desberg ne s’est pas réellement penché sur la question. De façon étonnante, il est difficile de lui en tenir rigueur sur ce second tome, tant il parvient à créer l’attachement avec chaque membre de sa joyeuse troupe.

L’auteur capitalise donc sur la sympathie et les touches d’humour habilement distillées, ainsi que sur les relations entre les différents protagonistes. On peut dire que les enjeux externes demeurent bien travaillés et accessibles, rendant la lecture toujours aussi prenante.

Graphiquement, sans surprise, Alexander Utkin casse encore la baraque, avec un trait et des couleurs très reconnaissables.

A ce stade, il n’y a donc aucune raison de faire l’impasse sur The Ex-People: une série bouclée en seulement deux tomes, un univers graphique unique et une histoire originale et décalée.

Mélangez ces éléments et vous obtenez la recette d’un coup de coeur !

***·Comics·East & West·Nouveau !

Batman & Joker: deadly duo

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Comic de Marc Silvestri
Urban (2023) 208p. one-shot, collection Black Label.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Pour la première fois les deux adversaires de toujours vont devoir faire alliance pour sauver leurs proches! Le commissaire Gordon et Harley ont été enlevés par un mystérieux manipulateur, alors qu’une horde de créatures surnaturelles liées au Joker envahit Gotham et sème la mort dans la population…

Cela fait des éons que l’on n’a pas eu le loisir d’apprécier le boss d’Image comics aux dessins sur un album complet et je dois avouer que les récentes résurrection d’un Frank Miller par exemple ne m’incitaient pas à une grande confiance… Le créateur de Darkness et des mythiques éditions Top Cow a un style très marqué, proche d’un Jim Lee avec une vraie qualité de crayonné bien que parfois daté. Très bavard, Silvstri nous relate en préface l’origine du projet dans un texte assez narcissique qui montre qu’il n’y a pas que son dessin qui est vissé aux années 90.

Soyons beaux-joueurs, malgré des lacunes techniques qui éclatent autant que celles de grands ancêtres de la Franco-belge au regard des cadors actuels de l’industrie comics, l’album est visuellement très agréable, pour peu que l’on admette une plongée absolument nihiliste dans une Gotham proche des cimetières de Tim Burton. On ne pourra pas parler de faute de gout même si l’univers du créateur du Darnkess prend clairement le dessus sur celui du Chevalier Noir. Et c’est ce qui surprend le plus dans cet album qui semble finalement bien peu « batman style ». Ce n’est pas la première fois qu’un auteur majeur s’émancipe du carcan traditionnel du Bat-Univers, mais ce Deadly Duo laisse l’étrange gout en bouche d’un album de Marc Silvestri habillé de la cape de Batman.

Ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est en cause, artifice en forme de buddy-movie tout droit issu de Die Hard 3 où un mystérieux maître chanteur donne des missions impossible au plus improbable des duo. Cela permet de beaux morceaux de bravoure et surtout au dessinateur de se permettre une très inhabituelle violence cadavérique dans l’univers de Batman. Le problème vient surtout de la fausse bonne idée que la décence m’interdira de qualifier d’aberrante. Un autre que le grand éditeur aurait-il été laissé aux commandes d’un projet qui va a l’encontre de tout ce qui fait l’essence de Batman? Rien n’est moins sur. Comme s’il savait qu’il était scénaristiquement impossible de rendre cohérente cette collaboration entre Batman et le Joker, Silvestri balance d’ailleurs son excuse en quelques cases plus que légères, histoire de rapidement lancer son train.

Car une fois lancé, le rythme est rapide, plusieurs séquences sont très amusantes dès qu’il s’agit pour le Joker de balancer des punchlines absurdes qui fonctionnent très bien en décalage avec le sérieux impénétrable et ennuyeux du Dark Knight. Ainsi l’écriture de cet album Black Label est tout à fait correcte, de même qu’un dessin très organique voulu comme crayonné, primal, pour exprimer les racines noueuses d’une Gotham que l’on n’a jamais fini de découvrir. Mais sans doute trop porté sur un cadre de cinéma hollywoodien, l’auteur oublie qu’il est dans une BD avec ses contraintes et s’oublie progressivement dans des intrigues cachées un peu éculées jusqu’au grand-guignol final où l’univers souterrain justifie une pauvreté graphique triste à voir.

Démarrant plutôt bien, ce Deadly Duo progresse entre quelques séquences fun vers une conclusion brouillonne qui s’étire en longueur et fait craindre une envie de Silvestri-verse qui prolongerait plus que de raison ce qui devait n’être qu’une belle proposition.

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Crying Freeman (perfect) #1

La trouvaille+joaquim
 
Manga de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami
Glénat (1986)/(2023), 418p, 1/5 tomes parus.

Après la ressortie de Sanctuary (qui suit Crying Freeman), Glénat sort pour la troisième fois le mythique Crying Freeman, sorti au Japon en 1986 (il y a donc… 37 ans!!!), éditée par Glénat en 1995 à l’aube du manga VF en s’arrêtant au bout de deux tomes seulement. L’éditeur grenoblois sort enfin l’intégralité de la série en 2005 (soit 10 tomes) et enfin cette ressortie compacte en 5 volumes, sans aucun travail éditorial spécifique. Je ne vois que Dragonball qui ait plus de sorties pour un même titre… Aucun intérêt bibliophile autre que de pouvoir découvrir une saga a peu près introuvable aujourd’hui.

bsic journalismMerci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Yo est le plus redoutable tueur à la solde des Triades chinoises, les 108 Dragons. Conditionné mentalement à obéir aux contrats pour l’organisation, son corps résiste en versant des larmes après chaque assassinat. Lors d’une intervention, une jeune femme assiste à son intervention. La Loi est intraitable: les témoins doivent mourir. Mais devant cette innocence Freeman hésite, la part d’humanité en lui refusant cette barbarie…

Troisième série d’Ikegami, Crying Freeman est celle qui forgera son style (des histoires de mafia que l’on retrouvera sur la suivante, Sanctuary que j’ai découvert cette année) et le révèlera en Occident jusqu’à la consécration du très réussi film de Christophe Gans adaptant le manga; en pleine époque où Canal+ se lançait dans la folie des Hong-Kong movies, où John Woo était un dieu et Quentin Tarantino un geek transi d’Asie… Bref.

Bien plus simple (pour ne pas dire basique) que Sanctuary, Crying Freeman se résume sur ce premier double tome à une succession d’actes de bravoure du super-assassin au visage d’ange (la pate Ikegami), alternés avec une origin-story et une love-story avec l’improbable pucelle dont le tueur est tombé amoureux. Bien entendu l’adversité va être nombreuse pour l’empêcher de jouir de sa liberté, entre ses commanditaires, la police et les mafia qu’il décime. Doté de capacités qui le rendent imbattable, on attend après ces deux volumes d’exposition une adversité qui permettra de monter un peu en tension.

Graphiquement on est déjà sur un niveau impressionnant, le maître empruntant plus au style de la BD classique chinoise qu’au manga. L’édition collector propose des pages dites « couleur », qui sont en réalité une simple bichromie n’atténuant pas l’atroce impression d’origine qui nous rappelle cruellement que le manga est né comme les comics pour être imprimé sur du papier journal de piètre qualité. Changement d’époque.

Classique parmi les classiques, le volume se lit rapidement, est un peu moins dérangeant que Sanctuary dans son cadre manichéen et un peu fleure bleue, et regorge de magnifiques séquences d’action toujours lisibles. On aurait aimé que Glénat en profite pour éditer les inédits de l’auteur dans la foulée ou au moins que les autres détenteurs de droits s’associent à des mises en avant. Pour cela il vous faudra fouiller sur manganews et chez les vendeurs d’occasion, en attendant la suite de la fort sympathique nouveauté Trillion Game.

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Love Everlasting #1

Recueil des cinq premiers chapitres de la série écrite par Tom King et dessinée par Elsa Charretier. 136 pages, parution en France chez Urban Comics à partir du 27/20/23, avec une offre spéciale de lancement jusqu’au 27/01/24.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Love, Death & Rebirths

Joan Peterson est une jeune femme volontaire et ambitieuse. Rêvant d’une vie meilleure et plus mondaine, elle quitte sa campagne pour venir s’installer à New York, chez son amie Marla. C’est par son biais qu’elle trouve un travail de secrétaire, au profit de Georges, le fiancé de Marla.

Rapidement, Joan tombe sous le charme du doux Georges, mais ne peut se laisser aller à cette inclination, sous peine de trahir son amie. Après quelques péripéties, Joan et Georges s’embrassent, mais cet événement ne fait qu’augmenter la tourmente de la jeune femme, jusqu’à ce qu’elle apprenne que Marla s’est désintéressée de Georges au profit d’un autre homme, laissant aux amoureux le champ libre. Georges ne perd pas de temps et, se laissant porter par l’amour avec un grand A, fait sa demande en mariage à Joan. Sautant sur l’occasion, la jeune femme gratifie l’homme de ses rêves d’un « oui » assurée, et, tandis qu’ils s’embrassent dans un fondu au blanc, Joan rouvre les yeux pour s’aperçevoir que sa réalité a changé.

Finies les années 40, Joan se retrouve dans une autre époque, un autre lieu, entourée d’autres personnes. Cette fois encore, elle tombe amoureuse et affronte des obstacles moraux et sociétaux afin d’être avec l’homme qu’elle aime, qu’il s’appelle Frank, Dane, ou autre. Et à chaque fois, le manège recommence: amour, mariage, reboot.

Seulement voilà, Joan, animée des réminiscences de ses vies antérieures, finit par se rendre compte que quelque chose ne va pas. Lassée de ce cycle sans fin, elle décide de repousser les avances de ses prétendants successifs, qu’ils soient musiciens, soldats, lycéens ou hommes d’affaires. Malgré ses inévitables sentiments amoureux, Joan prend sur elle et dit « non ». Mais quelqu’un, quelque part, ne l’entend pas de cette oreille, et a d’autres projets pour Joan si elle refuse, des projets mortels.

Tom King est plus prolifique que jamais. Après Gotham Année Un et Batman Killing Time, en septembre, on le retrouve ce mois-ci avec un récit indépendant concocoté avec la dessinatrice Elsa Charretier, que l’on a aperçue en début d’année avec November.

L’auteur s’éloigne de ses sentiers battus en abordant avec inventivité les récits de romance et autres soap opéras. A la lecture des premiers chapitres, on peut aisément hésiter entre la satire et le pastiche, l’auteur n’hésitant pas à enfoncer le clou question sentiments et mièvrerie. Ce n’est en fait que pour mieux semer la confusion et nous prendre à revers en plein milieu du premier chapitre, lorsque Joan est plongée sans le savoir dans une nouvelle réalité.

D’ailleurs, la nature de ces différentes réalités a de quoi nous questionner, permettant au lecteur d’échaffauder ses propres théories et explications quant au mystère qui entoure Joan. Chaque chapitre nous donne à voir une nouvelle situation, un nouveau lieu commun des Romances que le scénariste détourne habilement au service de son histoire.

Graphiquement, Elsa Charretier est sur le pont, et fournit des planches bien construite, avec son trait qui rappelle à la fois les légendaires Tim Sale et Darwin Cooke. La seule mise en garde que l’on peut faire est qu’à la fin de cet album, le mystère sera encore entier, ce qui sera très frustrant pour ceux qui voudront connaître le fin mot concoté par Tom King !

***·BD·Nouveau !·Service Presse

Capitaine Kaimann

Récit complet en 112 pages, écrit par Dan Watters et dessiné par Jon Davis Hunt. Parution chez les Humanoïdes Associés le 02/11/2023.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Croco de l’espace

Sillonnant l’espace à bord de son vaisseau l’Étoile Mourante, le Capitaine Kaimann n’a pour compagnie que les hologrammes de son défunt équipage, perdu lors d’une des nombreuses batailles qu’il a menées. Depuis bien des années maintenant, le Capitaine lutte contre un mal qui le ronge et le transforme peu à peu en reptile mutant. A la recherche d’un remède, le pirate stellaire aborde un vaisseau et, après en avoir massacré les passagers, découvre un ancien artéfact qui a la capacité d’unir les cœurs de deux êtres à travers le temps et l’espace.

Après des années de tueries et de pillage, après avoir aimé et perdu, Kaimann trouvera-t-il sa rédemption dans le futur ?

Après Mental Incal, faisons une nouvelle plongée dans l’univers crée par Jodorowski et Moebius avec ce spin-off. Le Capitaine Kaimann avait fait son apparition dans la série préquel Avant l’Incal, où on le voyait encore entouré de son féroce équipage de pirates, pourtant indifférent à leur quête hédonique, obnubilé par son amour pour Louz de Garra.

On le retrouve ici endeuillé et seul, cruel mais toujours mû par l’amour, ce qui en fait un exemple plutôt typique de héros byronien. On peut assez facilement dresser un parallèle avec le Capitaine Némo, rongé par le deuil et le remords et motivé par la vengeance.

Dan Watters s’amuse à conjuguer des traits de caractère odieux avec des qualités rédemptrices, ce qui fonctionne étonnamment bien dans le cadre d’un space-opéra romantique.

Et du romantisme, on en a avec la Capitaine Kaimann, qui se retrouve plongé dans une romance à travers le temps (est-ce que quelqu’un a vu Entre deux rives ?) qui le confronte à la fois aux blessures de son passé et à l’incertitude de son futur. Bien que le tout soit estampillé « L’Incal », sachez que le récit peut se lire et s’apprécier en tant que tel, sans connexion primordiale avec la série-mère.

Graphiquement, la proposition de Jon Davis-Hunt parvient à traduire toute la violence et l’ironie du monde de l’Incal, à travers des joutes épiques et de magnifiques décors spatiaux. Capitaine Kaimann est donc une bonne entrée dans l’Incalverse, bien qu’il puisse sa qualité ne dépende pas de ses liens avec les autres albums.