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Mekka Nikki #1

Premier volume de 224 pages noir et blanc de la série écrite par Exaheva et dessinée par Félix Laurent. Réédition en France chez les Humanoïdes Associés le 03/04/2024.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

Nikki est une adolescente débrouillarde et inventive, qui vit dans un monde dévasté par une guerre des siècles auparavant. Déambulant dans une forêt parsemée d’épaves de vaisseaux spatiaux, Nikki joue les aventurières, juchée sur des jambes mécaniques de sa création.

Dans son village, un mal frappe les habitants de façon aléatoire, les transformants en statues de pierre. Nikki n’a qu’un désir, traverser la forêt, puis gravir la montagne en quête d’un remède. Son père, Lukka, a déjà tenté la traversée dix ans auparavant, visiblement sans succès puisqu’il n’est jamais revenu de son périple. Il faut dire aussi que la forêt est pleine de dangers, sous la forme d’une bête féroce qui traque et tue tous les intrus.

Alors que le fléau progresse, Nikki prend une grande décision, celle de se mettre en route, accompagnée de son petit robot Perko. En chemin, elle fait la rencontre de Naoe, qui va la guider à travers les dangers de la forêts, dans un monde dont elle ne sait finalement pas grand chose…

Mekka Nikki possède une histoire éditoriale tout à fait singulière, puisque la série a débuté via le fanzinat, puis l’autoédition, et chez Vide Cocagne. La série connaît un second souffle chez les Humanos, qui promettent un second tome dès le mois de juin 2024.

Il est à noter que la série bénéficie également d’une adaptation animée par les studios Dada et Squarefish, ce qui laisse entendre un certain potentiel pour une extension de l’univers des deux auteurs belges.

A l’ouverture de l’album, il sera aisé pour les lecteurs de l’Étagère (enfin, ceux qui suivent nos recommandations de lecture, bien entendu 😉 ) de déceler des similitudes, dans le style, avec la série Les Sauroctones de Erwann Surcouf.

L’aventure épisodique a ici du bon puisqu’elle insuffle un élan tout particulier au récit et permet de développer tranquillement les personnages qui composent le casting de cette quête initiatique.

Malgré l’aspect apparemment décalé de l’histoire, le ton demeure paradoxalement plutôt sérieux et grave, mené par des thématiques sous-jacentes qui augmentent les enjeux sans trop laisser la place à la déconnade.

Les amateurs-trices d’aventure rythmée apprécieront néanmoins, ceux et celles qui désespéraient de voir enfin un peu d’artisanat revenir sur le devant de la scène en seront ravis !

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Gen war

BD de Mo/CDM
Fluide Glacial (2024), 56p., série en cours, 2 tomes parus

Merci aux éditions Fluide Glacial pour leur confiance.

Le monde que nous connaissons est tombé. Lors de la crise des trottinettes en libre-accès la civilisation a chuté et laissé place à une guerre impitoyable entre les Vieux et les Jeunes. Aucun camp ne veut laisser la moindre once de terrain et multiplie les initiatives tant pour sa survie que pour éliminer l’engeance adverse…

Mo/CDM (alias « chieur de mondes », tout un poème!) est un pur produit de l’école Fluide glacial, avec une patte graphique et de coloriste dans le haut du panier dans le genre humour. De quoi être dans d’excellentes dispositions pour aborder cette série semi-nouveauté qui prévoit 3 tomes dont deux publiés en simultané ce mois de mai (avant paraît-il une série Neflix Avec Brad Pitt et Angelina Jolie avec 130 millions de dollars de budget…). Car cette Gen War est une reprise du Geek War publié en 2013 (et bien sur issu du magazine), désormais prolongé de nouveaux sketch. La cohérence graphique entre les deux volumes parus à 10 ans d’écart est étonnante et on si le second volume développe un peu plus le camp des Jeunes, on reste grosso modo dans les mêmes délires absurdes.

Il n’est jamais évident de lire des albums à sketch tant la lassitude peut facilement arriver. La brièveté est de mise et surtout l’énergie comique du n’importe quoi. La grande force de ces séquences est ce transposer les clichés de conflit générationnel (et surtout les caricatures des deux âges) dans une atmosphère post-apo où sont repris tous les codes de la survie et du cataclysme zombie. L’auteur se concentre pas mal sur le camp des vieux avec leurs contraintes horaires, leurs mots croisés et leurs déambulateurs. On n’oublie pas d’allumer les jeunes qui ne se lavent pas, craignent les légumes comme les vampire l’ail et ne savent pas lire…

Tout ça permet de bon gros délires qui maintiennent les zygomatiques tendus de bout en bout avec quelques fulgurances vraiment poilantes. L’esprit Fluide c’est quand même quelque chose et on ne boude pas son plaisir devant un tel talent comique!

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Nëcromants

Série en 2 volumes, écrite par Olivier Gay, et dessinée par Tina Valentino. Parution chez Drakoo en 2021 et 2024.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

La mort lui va si bien

Les Nëcromants sont un type bien particulier de magicien. Ces derniers ont la possibilité d’utiliser les facultés et compétence spéciales des fantômes auxquels ils sont liés. Cela ouvre donc la voie, vous vous en doutez, à une féroce compétition pour savoir quel Nëcromant obtiendra le meilleur sorcier, le meilleur combattant, afin de prévaloir contre ses ennemis.

Cependant, si l’on peut estimer que les Nëcromants utilisent les morts, l’inverse est aussi vrai, puisque chaque sorcier est une opportunité pour le fantôme de revenir à la vie, l’espace de quelques instants. Et certains esprits malveillants pourraient bien se saisir de cette opportunité pour prendre leur revanche et régler quelques comptes !

Lorsque Morla est posédée par un défunt Archimage nommé Boph-Et, c’est le chaos qui va s’installer dans le royaume. Son frère Acher va donc devoir utiliser ses compétences pour la sauver. Mais que peut-il faire alors qu’il est un des pires Nëcromants du pays, et que les seuls fantômes à son service étaient eux-mêmes incompétents de leur vivant (ce qui est d’ailleurs la cause de leur mort), voire inutiles ?

Désormais installé chez Drakoo, Olivier Gay reprend du service après Démonistes, Toutes pour un, ou encore Les Maléfices du Danthrakon, en poursuivant la mode des titres en un mot décrivant la fonction des protagonistes (on en trouve aussi une floppée chez Soleil avec Nains, Elfes, Orcs & Gobelins, Mages, etc).

Comme on pouvait le craindre lors des précédentes sorties, l’auteur reprend une formule déjà éprouvée, en reprenant un à un les ingrédients de base, sans nécessairement chercher à les détourner ni à les transcender. A la louche, on trouve: le Héros, quelque peu naïf, incompétent ou maladroit, en tout cas clairement pas taillé pour la mission qui lui est confiée (on repense nécessairement à Lanfeust, mais aussi à Aether dans Toutes pour Un); Puis, l’inévitable triangle amoureux (Lanfeust/Cixi/C’ian; et encore une fois, Aether/Tatianna/Meeri dans Toutes pour Un). On pourrait également considérer les touches omniprésentes d’humour comme un autre ingrédient de la recette arlestonienne, mais il est préférable d’accorder le bénéfice du doute à l’auteur en lui attribuant ce trait.

Le concept en lui-même des Nëcromants demeure intéressant, et permet tout un éventail de possibilités qui sont ingénieusement exploitées au fil des deux albums.

L’atout principal du diptyque tient en sa qualité graphique, assurée par Tina Valentino, dont le style tirant vers le comics, associé à une mise en couleurs dynamique, donne de très belles planches.

En résumé, Nëcromants fonctionne sur une recette déjà vue, mais après tout, aucun plat n’est moins bon parce qu’on en a décelé tous les ingrédients. Deux Calvin pour l’histoire, un supplémentaire pour le dessin.

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Le royaume sans nom – Acte II

La BD!

BD de Herik Hanna, Redec et lou (coul.)

Glénat (2023), 64p., série prévue en 3 tomes.

Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Le roi est mort, vive le roi! Empoisonné lors de son duel d’honneur avec la capitaine de la garde des Seigneurs du Nord, le monarque laisse le trône à un fils réputé fainéant que tout un chacun ne voir pas tenir bien longtemps face aux mille intrigues qui le menacent. Alors que son frère s’évade de sa geôle, les hommes de mains de toutes les parties s’activent pour avancer leurs pions, vers une issue que personne ne peut prédire…

Magnifique surprise du tunnel de l’automne 2023, cet improbable Royaume sans nom qui avait tout pour n’être que le clone des 5 Terres, jouit d’un timing pour le moins royal en enchaînant ses trois tomes en un an alors même que le second cycle de l’autre série a fortement baissé l’aura de l’univers de Chauvel & co. Jouant de façon assumée sur des couvertures shakespeariennes en diable, s’il n’est pas besoin de parler à nouveau des planches superbes de couleur et de lumière de Redec (qui sous son habillage est un excellent dessinateur, prenez le temps d’inspecter les traits dans les cases…), j’insisterais ici sur l’originalité du traitement scénaristique.

On a tout dit de la vague lancée par Game of Thrones consistant à insécuriser un lecteur/spectateur par un coup de théâtre toutes les deux scènes. Sans minimiser le travail de construction pour rendre cela acceptable, il devient compliqué dans ce contexte d’encore réellement surprendre. Pourtant Erik Hanna entre deux saillies verbales truculente et surgissement gore, nous maintient en haleine par un processus pervers d’inversion des rôles consistant à maltraiter ses… méchants par ses putatifs « bons »! Il ne s’agit donc plus tant de savoir qui est le prochain sur la liste des morts violentes mais bien de rendre les héros totalement imprévisibles dans leur curseur moral. Très malin comme dispositif, à commencer par un roi fainéant qui va bien vite montrer qu’il n’a aucunement besoin de garde du corps même si sa petite bande composée du singe-maître d’arme, du serpent et du cerf menestrel queutard fait virevolter tout ce petit monde.

Dans cet épisode, comme le laisse entendre la couverture il s’agira d’étendre la focale sur les adversaires et à commencer par le fameux et terrible Tigre des marais, suspecté de tous les complots ayant surgi à la cour du Royaume sans nom… Débordant de rebondissements, de scènes d’action incroyables de lisibilité et de ces tronches toujours poilantes, ce second tome confirme amplement et gagne la cinquième étoile manquée de peu par son prédécesseur dun fait d’une mise en place progressive nécessaire. Un vif succès qui n’attend plus que sa conclusion en septembre probablement en compagnie du dernier Ogre lion

****·BD·Jeunesse

Les missions du GRRRR #1: Opération Corne de Licorne

Premier tome de 160 pages de la série écrite et dessinée par Scott Magoon, traduite et publiée en France chez Albin Michel le 22/03/2023.

La Ligue des Animaux Disparus

Le Groupe des Rangers à la Rescousse de la TeRRe, le GRRRR, est composé d’agents très spéciaux, chacun spécialisé dans un domaine. Scratch, le leader, est le stratège, tandis que Lug, le poids lourd, est aussi un pilote chevronné. Quito, est le savant du groupe, spécialisé en biologie et en climatologie. Martie, quant à elle, s’occupe de la reconnaissance et des communications.

Le GRRRR n’est cependant pas une banale équipe d’espionnage, puisque ses membres, au-delà d’être des agents entrainés, sont aussi des animaux anthropomorphes, et pas n’importe lesquels: ils représentent chacun une espèce disparue comme le Tigre à Dents de Sabre, le Mammouth Laineux, le Pigeon Voyageur et la Grenouille Venimeuse de Collin.

Réunis et financés par le mystérieux Dr Z, les membres du GRRRR accomplissent des missions mineures de surveillance et de récupération lorsqu’un jour, leur énigmatique commanditaire les envoie chercher un objet d’une importance capitale: une corne fossilisée ayant appartenue à la dernière Licorne de Sibérie, un animal presque légendaire, comme son nom le laisse supposer.

Il est donc temps pour nos héros de prouver leur valeur et leurs compétences à leur chaperon, en mettant la main sur la corne avant les innombrables chasseurs d’ivoire qui pullulent dans le permafrost sibérien, qui dégèle inexorablement du fait de l’exploitation forestière irraisonnée. De quoi se faire les dents pour nos héros pas-si-disparus !

Sorti discrètement l’an dernier, Les Missions du GRRRR (The Extincts en VO) mélange adroitement espionnage, aventure et écologie, pour un résultat étonnamment détonnant. L’idée de base, d’un groupe d’animaux supposés disparus luttant pour préserver une nature au bord du désastre, porte un symbole fort puisque l’Anthropocène a lui-même causé son lot d’extinctions.

L’intrigue en elle-même démarre sur les chapeaux de roue, mais elle met tout de même une petite vingtaine de page avant de trouver son ton définitif, car on ne sait initialement sur quel pied danser, en tant que lecteur, avec ces animaux anthropomorphes évoluant dans un monde d’humains et d’animaux « classiques ». Cependant, le rythme de croisière arrive assez rapidement, et les péripérites s’enchaînent de façon fluide, sans laisser de côté le propos écologique, ni les personnages, ce qui est une qualité à ne pas négliger.

Si la première partie se révèle plutôt classique dans son déroulement, avec investigations, recherches, infilitrations et courses-poursuites, c’est bien la seconde partie de l’album qui éveille vraiment l’intérêt, partie que l’on ne développera pas au risque de spoiler. L’album est bien estampillé jeunesse et conviendra à de jeunes lecteurs, mais demeure tous publics et est susceptible de faire le pont entre parents et enfants au sujet de certains sujets écologiques majeurs.

Petite surprise plus qu’agréable, Les Missions du GRRRR a vu sa série se poursuivre avec un second tome, paru en septembre dernier.

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Deux sœurs

Récit complet en 76 pages, écrit par Isabelle Sivan et dessiné par Bruno Duhamel. Parution chez Grand Angle le 17/01/2024.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Deux sœurs pour un toit

Lise et Camille ont le même nom de famille, le même père, la même mère, et (quasiment) la même adresse. Sauf qu’elles ne sont pas colocataires, loin s’en faut. La maison qu’elles habitent, leur maison d’enfance, est aujourd’hui physiquement divisée en deux parties distinctes, jusqu’au petit jardin, parcouru par un mur aussi haut que les dissensions qui opposent les deux sœurs.

Amatrice de football depuis l’enfance, Lise travaille dans la finance et possède un intérieur sobre et moderne, tandis que Camille, bohème et musicienne, est enseignante, et vit dans un joyeux capharnaüm avec son chat. Les rares échanges entre elles sont au mieux froidement cordiaux, au pire franchement conflictuels, sans qu’aucune des deux ne prenne la décision qui s’imposerait normalement, celle de faire routes séparées.

Ce quotidien bancal va être radicalement bouleversé lorsque Camille et Lise vont recevoir un courrier du propriétaire de la maison, qui les informe qu’elle est mise en vente dès à présent, et que, à moins de faire une proposition d’achat à une somme exorbitante, elles vont devoir remettre les lieux en état avant de partir. Les deux sœurs tiennent-elles là une chance de couper leurs liens dysfonctionnels ? Ou s’accrocheront-elles à leur zone d’inconfort par peur d’aller de l’avant ?

Les liens familiaux sont depuis toujours source de maints récits, la famille étant la construction humaine la plus ancienne et la plus primordiale, issue d’une période antédiluvienne durant laquelle de la force de ces liens dépendait la survie des individus.

Aujourd’hui, force est de constater que l’évolution de la société jusqu’à l’ère moderne a modifié profondément la famille, à la fois dans son rôle, dans sa composition et dans les rôles qu’elle attribue à l’individu. Ce dernier primant désormais sur le collectif, il est normal de voir que cette institution n’est plus aussi prépondérante qu’elle le fut autrefois. Les besoins de l’individu n’étant plus assouvis exclusivement par elle, il lui est plus aisé de s’en distancier, si ses valeurs ne sont pas forcément au diapason ou qu’il n’y trouve plus la reconnaissance et la gratification qu’il espère.

Qu’est-ce qui pousse Lise et Camille à rester ensemble malgré leur mésentente ? Se sentent-elles obligées et liées par leur parenté ? Où bien est-ce simplement par opportunisme, comme nos ancêtres préhistoriques qui ne faisaient corps autour de la famille que pour mieux perpétuer l’espèce ?

Isabelle Sivan tente d’apporter des éléments de réponse à cette épineuse question, à travers ses deux personnages forcément opposées, sans être antagonistes pour autant. Plutôt que de lutter l’une contre l’autre façon Guerre des Rose, elles optent plutôt pour l’introspection et finalement le lâcher-prise. Car après tout, si la famille passe de cocon douillet et protecteur à carcan inconfortable, il n’est nul besoin de s’acharner en forçant des gens qui ne s’entendent pas à continuer à faire cause commune, quitte à user d’hypocrisie.

Néanmoins, si elle plaide pour le lâcher-prise, Isabelle Sivan n’en dépeint pas pour autant une vision cynique de la famille, on en veut pour preuve la fin pleine de facétie et de tendresse.

Les personnages attachants ne sont pas les seuls à illustrer le thème développé par l’autrice. La mise en scène déployée par Bruno Duhamel fait de chaque double-page une tranche de la maison, dont la reliure intérieure représente le mur qui sépare Lise de Camille. La symétrie que cela apporte dans la narration nous montre bien que ce type de conflits est bien souvent une affaire de torts partagés.

***·East & West·Manga·Nouveau !·Rapidos·Service Presse

Slam Dunk – Deluxe #1

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Manga de Takehiko Inoue
Kana (2023), 24p. nb & couleur, 1/24 tomes parus, série finie.

Les premières pages du volume sont en bichromie et une page calque rouge fait office de page de garde.

bsic journalismMerci aux  éditions Kana pour leur confiance.

Slam Dunk apparaît dans la plupart des listes de manga « must read » toute catégorie. Œuvre majeure de l’auteur Takehiko Inoue (avec son manga de sabre Vagabond, toujours en cours de publication), les trente tomes de la série ont à eux seuls déclenché une nouvelle passion des japonais pour le Basket-ball et constituent les 7eme plus grosses ventes de l’histoire du manga. Peu friand des BD de sport, je profite de la ressortie en édition Deluxe pour découvrir cette série, qui me surprend immédiatement.

Graphiquement si la partition est techniquement irréprochable, on n’est pas franchement sur des dessins virtuoses. Pour un début d’histoire on découvre rapidement les principaux protagonistes et ce qui fait rencontrer le club de Basket et le héros, un athlète aux capacités physiques incontestables et à l’assurance tout à fait originale par rapport aux archétypes des manga de lycées. C’est là la première surprise: tellement habitué à ces personnages très timides, mal dans leur peau et asociaux, on se demande comment il est possible d’avoir un personnage principal aussi positif! On retrouvera le tempérament d’un Yatora (Blue Period), les doutes en moins. Car Hanamichi est carrément un chef de bande soutenu par un groupe de potes qui sont ses souffre-douleur. Tombé en pamoison devant la jolie Haruko, le héros gère difficilement ses émotions et ses colères, ce qu’il devra apprendre à canaliser pour pouvoir mettre à profit ses exceptionnelles capacités sportives! Novice total en Basket il s’avère capable de claquer un « Dunk » dès sa première expérience et de chiper la balle à rien de moins que le capitaine du club.. qui n’est autre que le frère de la demoiselle.

Cette intrigue simple visant à insérer le héros dans l’équipe du lycée permet de multiplier les séquences rapidement enchaînées et surtout de développer un humour franchement tordant! C’est la seconde surprise de cette découverte, qui prend la forme d’une farce plus que d’un thriller sportif. L’humour japonais peut rapidement devenir lourdingue mais ce n’est aucunement le cas ici, que ce soit dans les running-gags, les grimaces ou les scènes absurdes. L’auteur confronte ainsi ce héros-comique avec le frère et capitaine de l’équipe, un colosse qui vise la discipline et incapable de décrocher un sourire. L’opposition entre les deux créera ce décalage propice aux blagues.

On a donc dans ce premier tome une excellente surprise comique, dotée d’un très bon rythme et qui va gentiment évoluer vers des séquences plus sportives avec la volonté de pédagogie du fan de Basket qu’est Inoue. Avec sa coiffure débile et son habitude de marteler des coups de boule à chaque contrariété, le personnage principal a du potentiel et on a hâte de découvrir la suite de ses aventures et le début des combats sportifs dont on dit le plus grand bien.

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Trillion game #5-6

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Manga de Riichiro Inagaki et Ryoichi Ikegami
Glénat (2023), 208p., 6/8 tomes parus, série en cours.

bsic journalismMerci aux  éditions Glénat pour leur confiance.

Contre toute attente, la série semble déjà passer un cap puisque le tome cinq marque le premier véritable succès avec le jeu en ligne de la société qui devient numéro un et dame le pion à l’ogre Dragon Bank et son autoritaire PDG. Passés les sketch dont on a désormais l’habitude depuis le démarrage, ce qui renouvelle l’intérêt de la série à ce stade c’est la réflexion sur le nouveau statut et la reprise d’une idée-force des manga d’Ikegami (qui a donc visiblement infusé le scénario, loin de se contenter d’être un employé de luxe): le conservatisme essentiel du Japon et le conflit de générations.

Car le coup d’éclat de la Trillion game company, si grisant soit-il, rappelle bien vite à notre fine équipe que le fait d’être dotée d’un potentiel de plusieurs millions dans une économie par actions ne signifie en rien être millionnaire puisqu’il faudra commencer par rembourser l’ensemble des « business angels » qui ont aidé Gaku et Haru à monter leur boite. Déduction faite des taxes et salaires des développeurs fauchés à Dragon Bank, il ne reste bientôt plus grand chose pour fanfaronner. Haru va donc organiser un véritable » vie ma vie de … » en emmenant les cadres de la boite en séjour de luxe à Las Vegas, histoire de montrer à chacun ce qu’est être riche et s’ils y sont prêts. Comme on le voit tous les jours dans la presse économique, le destin d’une Start-up est la plupart du temps d’être rapidement rachetée par un mastodonte installé. Les dirigeants ont alors le choix entre continuer une aventure risquée mais potentiellement lucrative et reprendre ses billes et jouir d’un patrimoine très rapidement gagné.

On se doute que notre duo va sortir du cadre et continuer de faire la nique au patriarcat capitaliste du Japon, à commencer par le cher papa de la princesse Kiri qui annonce dans la foulée de son offre de rachat de la société que Haru va se marier avec sa fille! Toujours avec classe, Ikegami croque le portrait de ce dominant à sang froid qui incarne parfaitement un Japon moderne dont l’ouverture au monde n’a en rien modernisé des traditions archaïques et paternalistes. Ainsi la série prend une tournure plus intéressante sous le vernis de la série-TV populaire sur les étapes du pouvoir et du développement d’une start-up.

Toujours aussi rondement menée, Trillion Game pourrait alors caresser une ambition absente jusqu’ici et susceptible de donner un autre statut au blockbuster de deux locomotives du manga.

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Monkey Meat

Récit anthologique en 160 pages, écrit et dessiné par Juni Ba. Parution en France chez Panini Comics, collection Graphic Novel, le 22/03/2023.

C’est parti, Monkey-Qui ?

La surpopulation ? La famine ? La Monkey Meat Compagny a une solution à ces deux problèmes. Sur son île, elle produit une denrée devenue prisée, faite par, et avec des singes. Le succès de la viande de chimpanzé est tel que la Monkey Meat Compagny est devenue une gigantesque corporation, qui agit en totale impunité et amasse des fortunes indécentes.

Sur Monkey Island se trament des choses pas nettes, mais qui sait, parmi les expériences horribles, le massacre de singes et autres catastrophes, il se pourrait bien que la Compagnie trouve son prochain produit phare !

Entre deux séries Marvel, il arrive parfois à Panini Comics de dénicher des ovnis séquentiels tels que ce Monkey Meat. Sur un ton décalé et dystopique, Juni Ba y va de sa critique du capitalisme sauvage et décomplexé, avec un prisme particulier, puisqu’il s’avère que l’auteur est originaire du Sénégal, et qu’il a donc été témoin et partie prenante du pillage des ressources du continent par des corporations et autres conglomérats.

Porté par cette thématique sans doute toute personnelle, l’auteur n’oublie pas d’y injecter une bonne dose d’humour noir et cynique. Il livre donc une œuvre généreuse et azimutée, qui peut malheureusement perdre en lisibilité par moments. C’est notamment le cas dans les scènes d’action, qui convoquent des références multiples, entre animation, comics et mangas. Le mélange peut paraître savant a priori, mais force est de constater que certaines cases et enchaînements sont de nature à perdre un œil peu rompu à ces différents genres.

Narrativement parlant, on lit aussi quelque chose de perfectible, qui aurait gagné à se resserrer autour de quelques éléments principaux sans chercher à trop s’étendre: en vrac, on trouve des singes en conserve, des âmes en bouteille, des trolls et des robots géants, ce qui peut donner l’impression que l’auteur n’a pas su se décider lors de l’écriture.

Monkey Meat reste conseillé, notamment pour les lecteurs friands de narration délirante et d’humour décalé.

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Le Chevalier au Dragon

Récit complet en 98 pages, écrit par Emanuele Arioli et dessiné par Emiliano Tanzillo. Parution chez Dargaud le 06/10/2023.

Sur la tombe du Chevalier inconnu

Depuis toujours, la geste arthurienne fascine les auteurs, si bien que les adaptations du mythe ne manquent pas, ni dans les salles obscures, ni dans la littérature. L’an dernier déjà, on pouvait lire chez Dargaud une nouvelle revisite du mythe, Furieuse, qui cassait les codes et les genres pour mieux subvertir la figure du Roi Arthur.

Ce que propose Emanuele Arioli avec cet album est sensiblement différent, puisque son récit provient d’une décennie de recherches historiques à travers le monde, afin de reconstituer le récit disparu d’un mystérieux chevalier de la Table Ronde, nommé Ségurant. Après être tombé par hasard sur un extrait incomplet qui mentionnait ce personnage, le maître de conférences s’est mis en tête de rassembler toutes les bribes de textes afin de compléter le mythe arthurien, ce qui nous donne non seulement un album, mais aussi un roman et un documentaire sur ce fascinant sujet. Alors qu’est-ce que ça donne ?

Sivar (variant du nom Ségurant, favorisé par l’auteur pour cette version) vit sur l’Île Non-Sachante, où il est à la fois raillé et craint par les insulaires. En effet, Sivar vit seul avec son père et n’a jamais connu sa mère, dont on dit qu’il a hérité ses yeux vairons. Un jour, dans une quête désespérée de ses origines, Sivar découvre que sa mère, Lilith, était une puissante magicienne, dont les rites païens interdits par Arthur ont du trouver refuges dans des coins reculés des Terres Libres. A la recherche de sa mère, Sivar va attirer l’attention de Morgane, demi-soeur d’Arthur, qui cherche par tous moyens à prendre le pouvoir. Dépositaire d’une glorieuse destinée dont il ignore tout, Sivar va devoir échapper aux forces maléfiques de Morgane, et faire face au Dragon qu’il est apparemment le seul à pouvoir voir.

D’emblée, on est frappé à la lecture de l’album par des incongruités dans le ton de l’histoire. Parfois faussement grandiloquent, parfois potache, on ne sait pas vraiment où la narration souhaite nous emmener dans ce Chevalier au Dragon. On sent que la tonalité n’est pas tranchée, comme ce pouvait être le cas dans Furieuse. On ne saurait donc dire à quel public spécifique est destinée l’histoire, car elle oscille entre différents positionnements susceptibles de brouiller les pistes.

L’intrigue en elle-même souffre également d’approximations et d’ellipses, mais il est impossible de savoir avec certitude si elles sont imputables à la genèse accidentée du récit source ou bien aux choix de l’auteur. Pour les lecteur aguerris de récits d’aventure dans ce style, il en résultera sûrement une difficulté à s’investir pleinement dans le récit, où les choses vont souvent très vite et de manière parfois survolée. L’auteur paye sans doute ici son attachement au récit de base, car certains passage auraient certainement mérité, dans un souci d’optimisation dramaturgique, un remaniement attentionné.

Si le ton du récit nous paraît un peu bâtard, le graphisme penche quant à lui clairement du côté jeunesse, ce qui finit de brouiller les pistes mais n’en devient pas pour autant un point négatif, étant donné la qualité du travail fourni par Emiliano Tanzoni.

Le Chevalier au Dragon tire donc son intérêt de ses bases historiques et de la quête fascinante de vérité dont il est le fruit, met souffre d’une origine hachurée et d’une narration enlevée et trop elliptique. Ça mérite quand même trois Calvin pour le thème, les graphismes et l’effort.