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Batman : L’Aventure continue #1

Premier volume de la série qui fait suite à aux séries Batman Aventures, et Batman Les Nouvelles Aventures. Alan Brunett et Paul Dini au scénario, Ty Templeton au dessin. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Nostalgie gothamienne

La mythologie autour du personnage de Batman s’est construite sur plusieurs médias, qui ont, pour le meilleur ou pour le pire, appris l’un de l’autre et sont mutuellement influencés au fil des itérations. Quand on pense à Batman aujourd’hui, on n’a pas seulement en tête les bandes dessinées qui l’ont vu naître, mais également les nombreux films, séries télévisées, séries animées et jeux vidéos dans lesquels il est apparu.

L’un des pans essentiels du folklore de l’Homme Chauve-Souris s’avère être Batman: The Animated Series, qui jouit pour beaucoup de fans d’une aura immarcescible à laquelle peu d’autres œuvres peuvent se comparer. Diffusée entre 1992 et 1999, la série animée est vue aujourd’hui comme un paragon de ce que doit être le Chevalier Noir, une série à la fois orientée vers l’action mais également vers la psychologie de ses personnages.

En effet, la série écrite par Paul Dini, Alan Burnett, Bruce Timm et Eric Radomsky a défini en profondeur la psyché de personnages jusque-là secondaires et caricaturaux, comme par exemple Mr Freeze ou Gueule d’Argile. Misant sur l’aspect tragique et torturé d’une galerie de méchants hauts en couleurs, les auteurs ont frappé l’imagination de tout un public dans les années 90, ouvrant la voie à une génération d’auteurs dans les années 2000. L’autre fait d’armes principal de la série animée Batman est qu’elle a créé des personnages qui ont par la suite été canonisés dans la bande dessinée, comme par exemple la célèbre Harley Quinn, qui sera plus tard interprêtée par Margot Robbie et prochainement par Lady Gaga.

Sachant cela, y avait-il un intérêt réel à poursuivre en BD les aventures animées et délicieusement gothiques du Chevalier Noir ?

La série reprend sur un statu quo habituel à Gotham, à savoir Batman, aidé de ses deux protégés Robin et Batgirl, luttant contre le crime. Le trio va être confronté en premier lieu à Lex Luthor et à ses manigances, avant de tomber sur un os en la personne de Deathstroke.

Le mercenaire, célèbre dans l’univers DC, fait ici sa première apparition dans l’univers « animé », avec dans l’idée de priver Batman de ses acolytes afin de mieux l’affaiblir. Il épie donc les faits et gestes du justicier afin de trouver une faille à exploiter. Cependant, ce que Deathstroke ignore, c’est qu’un autre joueur vient d’intégrer la partie, et que ce dernier pourrait être mieux armé pour déstabiliser l’inébranlable Batman.

Ce qui va suivre pourra faire office de SPOILER dans l’hypothèse où vous n’avez jamais ouvert un comics Batman ces dernières années. Prenez-donc garde !

Le coeur de l’intrigue se concentrera sur Jason Todd, le deuxième Robin dans la continuité classique, qui n’avait jamais été mentionné dans la série animée. Personnage assez peu populaire, il avait été éliminé après un vote du public, massacré par le Joker. En plus de débarasser l’éditorial DC d’un personnage encombrant, cet événement avait pour avantage non négligeable de fournir aux auteurs du Chevalier Noir un nouveau traumatisme sur lequel s’appuyer dans l’écriture du héros. Après avoir perdu ses parents, Bruce Wayne devait maintenant faire le deuil d’un fils putatif, mort dans une croisade qu’il a lui-même initiée. Deuil, culpabilité, regret, sont de formidables moteurs scénaristiques que les auteurs ne se sont par la suite pas privés d’exploiter.

Cependant, au millieu des années 2000, Jason Todd fait un grand retour dans l’univers DC, pas sous les traits de Robin, dont le rôle fut entre temps repris par Tim Drake, mais sous le masque de Red Hood. Devenu un justicier expéditif et ultra-violent, Todd cherche à se venger du Joker en lui rendant la monnaie de sa pièce, ce que Batman ne peut pas tolérer au vu de son code moral strict.

La saga de Red Hood, qui est étrangement similaire à celle du Winter Soldier chez Marvel, est aujourd’hui un classique de la continuité du Batman, si bien que Paul Dini et Alan Burnett ont souhaité l’intégrer dans la continuation de l’univers animé. Le duo ne s’est pas arrêté là puisqu’il emprunte également à d’autres grandes sagas du personnage comme Knightfall, durant laquelle Batman, le dos brisé par Bane, avait du être remplacé par Jean-Paul Valley alias Azraël.

On constate donc qu’après avoir influencé la série principale en créant des personnages, la série animée opère le processus inverse, en assimilant la continuité principale dans son propre prolongement, quitte à user de retcon (continuité rétroactive). Ce phénomène aurait représenté un intérêt certain si la série animée était restée animée, mais en BD, les lecteurs aguerris ressentiront une sorte d’effet homéopathique en voyant des sagas emblématiques, s’étalant sur plusieurs tomes, diluées, parfois vidées de leur substance pour n’occuper que quelques épisodes.

Cependant, les lecteurs non-initiés, ou les jeunes lecteurs à qui l’on voudrait faire découvrir l’univers de Batman tout en leur épargnant ses périodes les plus sombres, y trouveront une intrigue prenante. Les vieux lecteurs, quant à eux, pourront toujours s’y délecter d’une dose de nostalgie, avec en tête les voix françaises du dessin animé.

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The Ambassadors

Premier volume de la série écrite par Mark Millar. Au dessin, Frank Quitely, Karl Kershl, Matteo Scalera, Olivier Coipel, Travis Charest, Matteo Bufagni. Parution en France chez Panini Comics le 21/02/2024.

La pop-culture, subtilement appuyée par l’hégémonie américaine, nous a naïvement fait croire que les super-héros, en tous cas ceux qui en valent la peine, sont tous des ouaïlles de l’Oncle Sam. Mais c’est loin d’être la vérité.

Si la course à l’armement atomique a été gagnée par les USA et que la course vers l’Espace a également fait briller la bannière étoilée jusque sur la Lune, la course aux super-pouvoirs, elle, a été remportée par un tout autre acteur de la scène internationale. En effet, c’est Choon-He Chung, scientifique coréenne, qui en a percé le secret malgré les entraves imposées par son ex-mari Jin-Sung. Du fond de sa cellule de prison, où elle a été enfermée suite aux malversations de son ex-époux, Choon-He lance un appel au monde entier. Elle est en mesure d’attribuer des super-pouvoirs à six personnes différentes, qu’elle a l’intention de trier sur le volet en fonction de ses propres critères, et non ceux qu’auraient appliqué une quelconque entité étatique et militaire pour servir ses propres intérêts.

Le casting est lancé, et n’importe qui peut se proposer ou suggérer une personne de son entourage. Qui fera partie des premiers vrais super-héros ? Réponse par Mark Millar dans cette nouvelle série, destinée comme les autres à intégrer le catalogue audiovisuel de Netflix, depuis la signature d’un accord entre l’auteur écossais et le géant du streaming.

Mark Millar s’est fait une spécialité du concept désormais éculé de la déconstruction de la figure super-héroïque, tendance initiée par Alan Moore dans les années 80, puis poursuivie par une armada d’auteurs brittaniques dont la patte irrévérencieuse a donné quelques incontournables, parmis lesquels on peut citer The Authority, où Millar s’est faite connaître, ou encore The Ultimates, où il a reproduit la formule.

Depuis, ce sous-genre du courant super-héroïque fleurit abondamment, avec plus ou moins de succès, et plus ou moins de pertinence, Millar ayant lui-même agrémenté l’édifice avec plusieurs de ses oeuvres ultérieures, telles que Wanted, Kingsman (déconstruction du récit d’espions), Jupiter’s Legacy ou encore Kick-Ass.

On constate ici que l’auteur pose une nouvelle fois les bases d’un concept intéressant, sans pour autant le développer ni l’exploiter adéquatement pour produire un de ces récits percutants qui ont fait sa marque.

Sa volonté première semble être de montrer que l’Amérique ne serait pas en tête de liste des pays à qui l’on souhaiterait attribuer une puissance telle que des super-pouvoirs. Aucun membre de son casting n’est de nationalité américaine, l’auteur privilégiant des pays qui sont peu ou pas représentées au sein des super-héros maintsream, ce qui est une bonne base pour son histoire.

Cependant, le scénariste, connu pourtant pour son écriture autrefois brute et sans concession, ne traite pas le sujet en profondeur. Nous savons tous, même instinctivement, que l’émergence d’un nouveau pouvoir de destruction a eu tendance à réécrire, à défaut de véritablement rééquilibrer, les rapports entre les États et à influer sur leurs façons d’intéragir.

Un état qui obtient la bombe va nécessairement s’enhardir et riposter avec plus de verve aux atteintes qui seraient faites à sa souveraineté, ce que l’Histoire a clairement démontré. On peut imaginer qu’il en irait de même pour les super-pouvoirs, mais rien n’est suggéré en ce sens par Millar.

Alors que l’auteur aimait jusque-là nous montrer que les super-pouvoirs peuvent être imaginés comme l’étape suivante après la destruction de masse (The Ultimates), il se contente ici d’un casting mené de façon linéaire, et sans impact réel sur le reste du monde. Millar ne subvertit plus nos attentes et nous livre alors exactement ce que le pitch suggère, mais sans tension dramatique quelconque ni péripétie: une scientifique choisit des gens pour devenir des super-héros, ils deviennent des super-héros. Point.

Il aurait été fascinant de montrer en quoi ce choix peut-être sensible, délicat, et surtout, risqué, sans nécessairement tomber dans le sempiternel caractère corrupteur du pouvoir. Puisque son but initial était de laisser aux pays généralement exclus du super-héroïsme mainstream une voix au chapitre, pourquoi ne pas agrémenter son propos de thématiques actuelles qui auraient épicé son scénario ?

Imaginons, par exemple, qu’un ressortissant palestinien obtienne des super-pouvoirs… Les utiliserait-il exclusivement pour aider son peuple ? Ou au contraire, serait-il tenté par la vengeance ? Imaginons maintenant un enfant du Darfour ou de Sierra Léone devenant un super-héros. Accepterait-il d’aider des pays occidentaux qui n’ont pas levé le petit doigt pour sauver les siens de la famine ? Et si une militante écologique façon Greta Thunberg obtenait des pouvoirs ? Comment les utiliserait-elle pour avancer sa cause ?Cette idée peut se décliner de maintes façons différentes, étant donné le nombre de tensions et de conflits qui agitent le monde depuis des décennies.

J’ignore si Millar a refusé d’emprunter cette voie thématique ou s’il s’en fiche, mais s’il est capable de faire prononcer en fin d’album à l’un de ses personnages une diatribe sur les relations entre l’Écosse et l’Angleterre, alors on peut attendre de lui qu’il traite des sujets autrement plus sérieux et grave, sur le ton irrévérencieux qu’on lui connaissait.

Délaissons toutefois le propos politique pour nous concentrer sur le plan purement narratif. Le déroulé est comme nous le disions plus haut assez linéaire, et n’offre la place à aucun rebondissement digne de ce nom.

Si Choon-He base ses choix sur l’altruisme, on constate bien vite que cela n’a aucune conséquence imprévue ni aucun prix particulier, et donc, aucune profondeur. Vous connaissez sans doute les principes de Peter et de Dilbert, qui définissent nos places dans le monde de l’entreprise, et orientent les choix de management.

Grossièrement résumés, ces principes nous apprennent que les employés les plus compétents sont plus rarement promus, car les retirer du terrain aurait des conséquences néfastes pour l’entreprise. Ce principe pourrait entraver Choon-He dans ses choix: si une personne altruiste ayant un impact positif sur le monde à son échelle mérite des super-pouvoirs, quelles conséquences pourrait justement avoir le fait de l’éloigner du terrain pour lui faire jouer les super-héros ? Les bénéfices l’emporteraient-ils sur les aspects négatifs ? Ce point n’est évidemment pas adressé, mais cela aurait ajouté une dynamique plus concrète au récit et plus d’impact aux « dilemmes » de Choon-He.

Sans parler du fait que la réaction de l’Amérique, pourtant visée par l’auteur dans son intention initiale, n’est pas détaillée et rapidement mise de coté. Là encore, on aurait pu imaginer une réaction tendue, voire agressive, peut-être une tentative américaine ratée de super-héros lancée contre nos héros internationaux, ou bien quelque chose de plus passif, a minima un refus par l’État américain de recevoir de l’aide super-héroïque.

Parlons maintenant de l’antagoniste, Jing-Sung. Son but illustre de façon diamétralement opposée celui de Choon-He, à savoir le fait que les super-pouvoirs ne doivent être exploités que pour l’argent et au profit d’une élite économique. Si l’on met de côté le caractère unidimensionnel, rébarbatif et cliché de ce personnage, force est de constater que le conflit qui l’oppose aux héros manque cruellement de profondeur et de lien personnel. Considérant le fait qu’il possède déjà des super-pouvoirs avec ses petits copains milliardaires, et que l’action relativement anecdotique des Ambassadeurs ne lui cause aucun grief, il est difficile d’accorder du crédit aux actions de Jing-Sung, qui perdent donc en cohérence et en crédibilité.

Tout ceci donne au conflit final qui les oppose une saveur artificielle et non organique, aucun enjeu personnel n’étant développé, si ce n’est une vague et mesquine querelle d’amoureux à laquelle il est très difficile de souscrire.

Coté action, Millar développe un système de pouvoirs à la demande résolument original, chaque héros pouvant en combiner trois différents parmi une réserve définie. Si le problème de la disponibilité de tel ou tel pouvoir à un moment donné est bien évoquée, elle ne provoque pour ainsi dire aucun désagrément ni aucune catastrophe, ce qui donne là encore le sentiment d’une occasion manquée en terme d’action

Le dernier point qui mérite une adresse dans The Ambassadors est la pléthore de dessinateurs convoqués par le scénariste pour sa série. Chaque épisode est dessiné par un nom illustre ou en vogue de l’industrie, avec en tête de liste Olivier Coipel (familier des œuvres de Millar), et un retour notable de l’excellent Travis Charest. Certains diront que malgré la qualité individuelle de chacun des dessinateurs, il ne ressort du tout qu’un sentiment de discontinuité graphique, qui nuit à un ensemble déjà bancal.

The Ambassadors devient symptomatique du Millarworld, l’œuvre préformatée et paresseuse d’un auteur qui semble ne plus éprouver le besoin de séduire son public, mais qui ne voit pas la nécessité de s’y remettre tant que l’argent coule encore à flot, grâce à Netflix. Il n’y a plus qu’à espérer que les petits revers commerciaux que généreront sans aucun doute les adaptations télévisées lui remettront les idées en place et l’inciteront à se réinventer.

L’avis de Blondin:

Pour une fois on ne va pas être vraiment d’accord avec Dahaka! L’arrivée d’un Millar est toujours une attente gourmande (pour preuve les très nombreuses chroniques de ses albums sur le blog) accueillie avec une grande exigence par vos serviteurs du fait du talent et de la situation de l’écossais. Je rejoins le point sur la linéarité et la faiblesse dramatique, mais qui est pour moi fort logique pour un tome 1 conçu comme une mise en place. L’adversité se fait un peu attendre mais le roi écossais arrive néanmoins à nous surprendre sur qui va défoncer qui. Le simple fait d’arriver à rendre lisible sans bâillement un concept éculé était déjà une gageure et Millar s’en sort assez miraculeusement, un peu comme avec ses magiciens de Magic Order où personne n’imaginait qu’il était encore possible de surprendre… Les bonnes références que sont la série des Wachowski Sense8 ou le méconnu Harbingers (pour le téléchargement des pouvoirs) contribuent à mettre The Ambassadors sur de bons rails.

J’en viens à l’aspect bancal du projet (qui garde un fort potentiel selon moi): la très vive impression que le scénariste a totalement délégué la mise en scène de ses chapitres dans une économie de mercenariat induite par le très gros chèque qu’il a du débourser pour sortir Travis Charest de sa retraite et embarquer des camarades certes coutumiers mais tout de même très demandés. On a alors un traitement très inégal de la mise en case en fonction des auteurs ; Karl Kerschl et Travis Charest sont assez décevants malgré la qualité de leur trait quand Scalera et Coipel brillent littéralement dans une mise en scène jouissive. Comme un très gros blockbuster on peut donc effectivement être déçu de si peu avec de tels moyens mais le plaisir de lecture reste tout à fait savoureux et laisse la possibilité d’une vraie belle explosion au prochain tome maintenant que la team est réunie et que les dysfonctionnements commencent à apparaître, de quoi laisser un fort joli terrain de jeu au maître de la destruction.

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Superman Lost

Mini-série en 248 pages, écrite par Chrisopher Priest et dessinée par Carlo Pagulayan. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Lost & Found

Clark Kent, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, n’est pas seulement le journaliste introverti originaire du Kansas. C’est aussi le dernier fils de Krypton, une planète disparue dont la civilisation avancée n’a pu empêcher sa propre fin. Envoyé sur Terre par ses parents avant l’explosion de leur monde, Clark Kent, né Kal-El, a développé d’incroyables super-pouvoirs à la faveur de notre Soleil Jaune, et, sculpté par la morale de ses parents adoptifs, les a mis au service de l’Humanité.

Devenant Superman, l’Homme d’Acier, Clark a forgé une sorte d’idéal, vers lequel tendent tous les autres super-héros de son monde. Doté d’un charisme naturel, Superman dirige la Ligue de Justice, et sauve régulièrement le monde de la destruction, tout en menant une vie normale en tant que Clark Kent. Filant le parfait amour avec l’intrépide journaliste Lois Lane, on peut dire que Superman a une vie plus ou moins stable.

Cependant, lors d’une mission de routine, Superman rentre chez lui avec quelques heures de retard. Loin d’être inquiète, Lois s’agace même de ce retard inhabituel chez son surhumain de mari.

Clark, prostré au milieu du salon, n’est plus vraiment lui-même. Le regard dans le vague, il murmure à son épouse: « Je suis parti 20 ans… »

Aspiré par une singularité, le héros s’est perdu aux confins de l’univers, privé de ses pouvoirs. Comment a-t-il survécu ? Qu’at-il du sacrifier pour rentrer chez lui ?

Lois Lane va, à sa façon, soutenir son mari traumatisé tout en tentant de trouver un moyen de le sortir de sa torpeur.

Héros le plus emblématique du monde des comics, Superman est connu de toutes et tous, sans pour autant que les récits qui composent son histoire ne soient connus du grand public. Néanmoins, pour les lecteurs assidus, il sera clair que les meilleures histoires de l’Homme d’Acier sont celles qui font un pas de côté par rapport à l’icone du héros invincible, pour se permettre une analyse en miroir de la nature humaine, vue au travers du prisme surhumain.

En d’autres termes, Superman n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il est vulnérable. On en veut d’ailleurs pour preuve le fait que son comic le plus vendu est celui mettant en scène sa mort dans les années 90. Certains auteurs rivalisent donc d’ingéniosité pour trouver un moyen de priver le héros de sa force phénoménale. Ici, Christopher Priest met Superman face aux règles qui régissent l’Univers lui-même, à savoir les distances infranchissables qui séparent les étoiles, et la relativité du Temps.

Que peut donc faire l’Homme d’Acier face aux lois de la Physique ? Rien d’autre que s’adapter, autant qu’il le peut, impuissant face au défilement des années. S’en suit une odyssée au sens mythique du terme, durant laquelle Clark fera tout ce qu’il peut pour franchir un océan d’étoiles afin de regagner son foyer, tout en sachant que la femme qu’il aime n’est pas éternelle et qu’elle pourrait ne pas vivre suffisamment longtemps pour l’accueillir à son retour.

Pas de cyclope dans cette odyssée cependant, mais peut-être bien des sirènes, qui, au fil des années, pourraient dissuader Clark de rentrer chez lui. L’auteur met également le héros face à un reflet à peine déformé de la planète Terre, auquel il souhaite transposer sa vision du protectorat.

Les questions dramatiques de Superman Lost (un héros omnipotent peut-il s’affranchir des lois de la physique ? Peut-il encore être un héros si personne ne veut être sauvé ?) sont donc de celles qui produisent de bonnes histoires, d’autant plus si elles sont couplées à une partie graphique de qualité.

Malgré une intrigue qualitative et calibrée pour l’Homme d’Acier, on doit tout de même reconnaître que les intrigues secondaires, à savoir les machinations politiques sur la planète sur laquelle échoue Clark et les investigations journalistiques de Lois, alourdissent le propos sans forcément y apporter une plus-value.

Récit hors continuité, Superman Lost conviendra, pour toutes les raisons citées plus haut, à un large panel de lecteurs et pas nécessairement aux afficionados de la cape rouge.

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The Uncanny Avengers : Union imparfaite

Quatrième intégrale de 300 pages de la série Marvel, avec Gerry Duggan au scénario, Ryan Stegman , Carlos Pacheco et Pepe Larraz au dessin. Parution en France chez Panini Comics le 20/09/23 dans la collection Deluxe.

On ne cessera de le répéter, The Uncanny Avengers par Rick Remender est l’un des meilleurs comics consacrés aux Avengers depuis très longtemps. Cependant, après deux volumes, de 2012 à 2015, l’odyssée prévue par Remender se crashe avec la saga AXIS, initialement prévue par l’auteur comme un arc isolé de sa série mais transformé de force en event par l’éditeur. En 2016, c’est le scénariste Gerry Duggan, alors connu pour son long run sur le personnage de Deadpool, qui reprend les rênes de la série, rééditée en intégrale par Panini Comics. Alors, The Uncanny Avengers, de quoi ça parle ?

En 2012, une guerre entre deux des plus puissantes factions du marvelverse s’affrontent, et manquent de ravager la planète: c’est la saga Avengers vs X-Men, qui culmine avec la mort du Professeur X (mais un mutant peut-il vraiment mourir ?) et la résurgence du genre mutant à travers le monde, grâce à l’influence du Phénix, canalisé par la Sorcière Rouge et Hope Summers.

A l’aûne de ces événements, Steve Rogers comprend qu’il n’a jamais vraiment agi de façon significative pour l’intégration des mutants, généralement détestés et craints par la population humaine. Il décide alors de créer la Division Unité, composée d’Avengers et de X-Men, afin de montrer l’exemple probant qu’une collaboration entre Sapiens et mutants est possible pour le bien de tous. Ainsi, il réunit Thor, la Guêpe, Wonder-Man et la Sorcière Rouge pour les Avengers, Wolverine, Malicia, Sunfire et Havok pour les X-men.

Bien évidemment, les choses ne se passent pas comme prévu, et les individualités qui composent le groupe ne parviennent pas à laisser de côté leurs inimitiés suffisamment longtemps pour sauver la planète de menaçent qui, ironiquement, relèvent à la fois des X-men et des Avengers. Leur premier ennemi n’est autre que Crâne Rouge, le nazi ennemi de Captain America. Afin d’imposer son règne, Crâne Rouge a profané la dépouille de Charles Xavier, pour s’emparer de son cerveau télépathe et s’octroyer ses dangereux pouvoirs. Viennent ensuite les Jumeaux de l’Apocalypse, enfants du X-Man déchu Archangel, manipulés par Kang le Conquérant, qui parviennent à provoquer la séparation du groupe, qui sera donc impuissant à stopper la destruction de la Terre et la ravissement des mutants. Ce n’est qu’en s’unissant envers et contre le Temps lui-même que ces étranges Avengers sauveront le monde in extremis.

Voilà pour le petit recap. Pour cette nouvelle version du groupe, un Steve Rogers vieilissant (car privé du sérum du Super Soldat) réunit Malicia, Vif-Argent, Docteur Vaudou, anciens membres de l’Unité, et ajoute la Torche Humaine des Quatre Fantastiques, la nouvelle recrue Synapse et, plus surprenant encore, le sordide Deadpool, afin de créer une alliance humains-mutants-inhumains, pour apaiser encore une fois des tensions après un conflit entre ces trois factions.

Leur première mission est simple: Arrêter Crâne Rouge par tous moyens, et ainsi finir ce que la précédente équipe avait commencé. Mais le groupe aura d’autres urgences à gérer, à commencer par un Inhumain récemment transformé, et qui, persuadé d’être la Vengeance de la Nature, a décidé d’en finir avec les humains. L’alliance est elle seulement possible entre toutes ces personnalités disparates ?

Si on se réfère au thème de la série Uncanny Avengers, à savoir la ruine que provoquent la désunion et les conflits au sein d’un groupe, on peut dire que ce début de série rend une bonne copie.

Le fait, dans le premier arc, d’affronter un adversaire en lien avec le conflit en cours renforce le thème, mais la nature du casting, bien que suffisamment disparate pour justifier l’adjectif « Uncanny », n’engendre pas des conflits à la hauteur de ce que l’on pouvait trouver dans la série originale.

En effet, dans la première Division Unité, nous avions d’importantes tensions entre Malicia, mutante, et la Sorcière Rouge, à cause des événements de House of M. On trouvait aussi une opposition de principe entre Wonder Man, pacifiste, et Wolverine, assassin notoire en quête de rédemption après les événements de Uncanny X-Force. Même Captain America se trouvait en tension face à Havok, à qui il avait confié le commandement de l’équipe, lui qui était peu habitué à recevoir des ordres.

Dans la version Duggan, les conflits semblent moins exarcérbés à mesure que l’intrigue suit son cours. Le point culminant arrive au bout de huit pages, quant Spider-Man décide de décliner l’offre de Rogers à cause de la présence de Deadpool. On a ensuite quelques références au statut de ce dernier en tant qu’Avengers, qui provoque bien un ou deux sourcils levés, mais pas davantage. Il n’y a pas non plus énormément de tension entre les mutants et les Inhumains de l’équipe, alors que les deux peuples sont supposés être en guerre et que de nombreux mutants ont succombé aux Brumes Terrigènes des Inhumains. L’échec évoqué de l’équipe face à leur premier adversaire (mécanique reprise de la première série) ne semble a priori pas dû à une mésentente ni à des inimitiés entre les membres de l’équipe, mais tout simplement à leur manque de synergie, oserais-je dire leur incompétence.

De la même façon, la réussite de l’équipe ne met pas en scène la rédemption de tel ou tel personnage, et ne force pas non plus deux membres qui se détesteraient à collaborer. Ce sont autant d’éléments qui placent cette Union Imparfaite un cran en dessous de la maestria de Remender sur la précédente série.

Il faut également noter que certains épisodes sont consacrés à des événements extérieurs, comme par exemple Avengers-l’Affrontement, ce qui tend à parasiter ou en tous cas à ralentir l’intrigue principale.

La seconde partie de l’intégrale reprend quant à elle une autre mini-série de Rick Remender, Avengers La Rage d’Ultron, et fait intervenir des membres des précédentes Divisions Unité, ce qui a pour effet de mettre au second plan les membres de l’équipe actuelle.

Tout ça n’en fait pas un mauvais début de série, mais pourrait être un bon prétexte pour les lecteurs grincheux tel que votre serviteur pour se consoler en relisant la première série pour la huit-millième fois.

Si les Uncanny Avengers originaux méritent facilement 5 Calvin, on va donc par principe baisser d’un cran et en accorder 4 à cette version (note qui prend en compte la partie graphique), en attendant de lire la suite.

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Avengers #10: Les plus puissants héros de l’Histoire

Recueil de la série Avengers (2018), épisodes 57 à 62, Avengers Forever (2021) 6 à 11 et Avengers Infinity Comics 1 à 4. Jason Aaron à l’écriture, Mark Russel, Javi Garron, Kev Walker, Greg Land, Aaron Kuder, Jim Towe, Ivan Fiorelli au dessin. Parution en France chez Panini Comics le 27/09/2023.

Vengeur un jour, vengeur toujours

Nous retrouvons nos protecteurs favoris, aux prises avec une menace cosmique qui pourrait bien être celle de trop. Depuis des millions d’années, le démon Méphisto fomente un plan machiavélique pour s’emparer du Multivers, et à force d’échecs, il a finit par comprendre une vérité essentielle: les Avengers seront toujours là pour l’en empêcher.

Les héros les plus puissants de la Terre sont en effet une épine dans le pied du seigneur des enfers depuis la Préhistoire, lorsque un groupe hétéroclite de héros s’est assemblé pour la première fois, composé de prédecesseurs des héros majeurs de notre époque. Afin de s’assurer la victoire dans le présent de la Terre 616, Méphisto décide d’éliminer le Bien à la racine en ciblant les héros préhistoriques, afin de créer des lignes temporelles vierges de toute forme d’héroïsme. Il recrute donc le Fatalis Supreme, le Phoenix Noir, Crâne Noir, Ghost Goblin, Kid Thanos et le Roi Killmonger, tous issus de réalités parallèles dans lesquelles les héros ont été vaincus. Ensemble, cette horde sauvage écume le multivers pour massacrer tous les Avengers Préhistoriques, et leurs successeurs, privant de nombreuses Terres parallèles de leurs héros dans le présent.

Pour les en empêcher, les Avengers 616 doivent eux aussi parcourir les Terres et les époques pour stopper le carnage, tandis que Robbie Reyes, le Ghost Rider 616, mène sa propre quête pour stopper Méphisto.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jason Aaron aime travailler sur le long terme, comme il l’avait déjà prouvé sur la série Thor, il y a maintenant une décennie. Tissant une toile de fond sur 10 tomes, l’auteur s’assure d’insérer des éléments de continuité à même de satisfaire des lecteurs de longue date, sans pour autant négliger la lisibilité pour les lecteurs moins aguerris.

On suit donc avec grand plaisir deux lignes narratives parallèles, dans la série principale dans un premier temps, puis dans la mini-série Avengers Forever, ce qui promet un final explosif dans le prochain tome. L’aspect collectif du dessin n’est pas de nature à gêner la lecture, même si on pourrait souhaiter une continuité d’un épisode à l’autre, tant que la qualité est au rendez-vous (et c’est le cas).

Le Multivers reste donc un terrain de jeu satisfaisant, surtout entre les mains expertes de Jason Aaron, qui continue de nous régaler avec des concepts originaux et parfois farfelus (Le Sniper d’Âmes, ou encore Thor, dieu des Poings). Une série vivement conseillée aux amateurs de comics.

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Avengers: La collection anniversaire

Collection composée de 6 recueils, parution le 13/09/2023 chez Panini Comics.

Depuis quelques temps, la tendance mineure est à la réédition d’anciens récits à prix réduits, ce qui permet aux nouveaux lecteurs de découvrir des classiques, ou aux anciens de compléter les trous dans leurs collection. Que vaut cette nouvelle fournée consacrée aux puissants Avengers, éditée à l’occasion des 60 ans de la série ?

1. Les Origines

Contient les 5 premiers numéros de la série The Avengers, par Stan Lee et Jack Kirby. 6€99

Vous connaissez la légende: Vint un jour pareil à aucun autre, où un groupe de héros dut s’unir pour affronter une menace qu’aucun d’eux ne pourrait vaincre seul.

On assiste ici à la génèse, composé de Iron-Man, Thor, Hulk, Ant-Man et la Guêpe, qui baptisera le groupe avec sa facétie habituelle.

C’est bien entendu Loki qui réunit le groupe par ses nombreuses manigances, et l’on assistera également à l’arrivée du célèbre Captain America.

Le dessin du mythique Jack « The King » Kirby, la narration au charme surrané du légendaire Stan « The Man » Lee, font de ce receuil un must-have pour les fans, je ne vois aucune raison ne ne pas se le procurer, surtout à ce prix.

2. Les nuits de Wundagore

Scénario de David Michelinie, dessins de John Byrne. 6€99

Dans cette aventure, les Avengers sont confrontés au démon Chton, entité que l’on recroisera à plusieurs occasions par la suite (confère la série Absolute Carnage). La menace étant d’ordre mystique, c’est autour de La Sorcière Rouge qu’est centrée l’histoire, ce qui vient s’imbriquer dans le parcours descendant de la Fille de Magnéto, pierre angulaire de ce qui mènera bien plus tard à la séparation des Avengers.

Là aussi, nous sommes face à un récit old school, dont l’intérêt principal est d’apporter de la profondeur à un personnage important de la série.

3. État de siège

Scénario de Roger Stern et dessins de John Buscema.

Les Avengers sillonnent souvent le monde, et parfois l’univers, pour redresser les torts et porter secours aux innocents.

Malgré la pléthore d’adversaires affrontés jusque-là, jamais personne n’avait osé se mesurer à eux sur leur terrain, leur inébranlable forteresse qu’est le célèbre Manoir des Avengers.

C’est le Baron Zémo qui franchit le Rubicon, en réunissant une nouvelle mouture des Maîtres du Mal afin de venger son père, ennemi de Captain et des Avengers qui trouva la mort en combattant le super-soldat étoilé. Parmi ses nouvelles recrues, on trouve Mister Hyde, les Démolisseurs, Blackout, ou encore Moonstone et Goliath, que l’on retrouvera plus tard parmi les Thunderbolts.

La particularité de cette histoire est que c’était la première fois à l’époque, que le Manoir était pris d’assaut et occupé, les vilains passant très près de la victoire. L’équipe gardera longtemps les séquelles de cette attaque, notamment Hercules, plongé dans le coma, et le loyal Jarvis, torturé par Mister Hyde. Un récit à l’ancienne, bourré d’action, avec une équipe classique d’Avengers.

4. Ultron Unlimited

Scénario de Kurt Busiek et dessins de Georges Pérez. 6€99

Ultron est une intelligence artificielle génocidaire créée par le vengeur Hank Pym, alias Ant-Man. Après chaque défaite, Ultron a la caractéristique, et la fâcheuse tendance, de revenir plus fort, mis à jour et prêt à en découdre une nouvelle fois avec la vie organique qu’il méprise.

Sauf que cette fois, ce n’est plus une version d’Ultron que les Avengers vont affronter, mais toutes les versions parues jusque-là, toutes celles face auxquelles ils n’ont pu qu’arracher une victoire in extremis. La défaite est-elle inéluctable ?

Ultron Unlimited fait partie, pour moi, des récits cultes des Avengers, parus après le relancement de la série en 1998 par Kurt Busiek et Georges Perez. Le duo d’artistes parvient, après le marasme de Heroes Reborn et la débâcle de la Saga des Clones, à remettre les Avengers sur le devant de la scène, en leur redonnant un second souffle qui les portera sans difficultés au travers des années 2000.

L’action est omniprésente, le suspense et la tension à leurs combles, le tout sublimé par les magnifiques dessins du regretté Georges Pérez, qui fourmillaient de détails. Celui-ci est donc un must-have dans la collection anniversaire.

5. Dark Avengers

Scénario de Brian Michael Bendis, dessins de Mike Deodato Jr. 6€99

Après les débâcles successives de la Guerre Civile des Super-héros, qui culmine avec la mort de Captain America, puis de l’invasion secrète des Skrulls, qui entraîne le limogeage de Tony Stark, l’opinion publique ne saurait être plus défavorable aux super-héros.

Norman Osborn, le tristement célèbre Bouffon Vert, dirige à cette époque les Thunderbolts, équipe composée de criminels repentis de force, que l’on utilisait alors pour traquer les héros non soumis à la Loi de Recensement. Durant l’Invasion Skrull, il brille par ses qualités stratégiques, et s’impose comme un leader charismatique lorsqu’il abat Vernake, la reine des Skrulls, en direct à la télévision lors de la bataille finale.

Érigé au statut de héros, il est amené à remplacer Stark à la tête du SHIELD, qu’il rebaptise HAMMER, ce qui lui donne le droit de créer sa propre équipe d’Avengers. Osborn est cependant loin d’être repenti, et compte bien exploiter au maximum sa nouvelle autorité, et monte l’équipe la plus à même de servir ses intérêts, en traverstissant des criminels pour en faire des Avengers, à l’instar du Baron Zémo avec ses Thunderbolts en 1997.

C’est ainsi qu’Osborn devient Iron Patriot, amalgamant la symbolique de Captain America et d’Iron Man; Moonstone devient la nouvelle Miss Marvel, Noh-Varr le nouveau Captain Marvel, Daken reprend le rôle de son père Wolverine, Venom devient un Spider-Man au costume noir, tandis qu’Arès et Sentry gardent la place qu’ils occupaient aux côtés de Stark.

Dark Avengers n’est sans doute pas la meilleure série de Bendis chez Marvel. Mais elle n’est pas la pire non plus, notamment grâce à son concept (qui n’est certes pas original). La série bénéficie du graphisme de Mike Deodato Jr, qui se trouvait alors dans une période classique mais efficace, loin des expérimentations douteuses dont il a pu se rendre coupable par la suite. L’intrigue en elle-même (La Fée Morgane dans ce recueil, puis l’Homme Molécule comme on peut le voir dans l’édition Deluxe) n’apporte pas grand chose au Dark Reign de Norman Osborn, mais Bendis parvient à insuffler le sentiment d’impunité et de cynisme ressentis par Osborn à cette période, et arrive même à nous faire douter quant à la malignité de ses intentions. C’est cette ambiguité, ainsi que les relations entre les personnages, qui font le sel de cette série, un bon ajout à la collection.

6. Le Monde des Avengers

Jonathan Hickman au dessin, Jerome Opena et Adam Kubert au dessin. 6€99

Cette série fait suite à l’incontournable run de Bendis sur les Avengers, Jonathan Hickman avait donc fort à faire. Après la guerre entre X-Men et Avengers en 2012, Captain America et Iron-Man veulent insuffler un dynamisme nouveau et pousser leur équipe à faire peau neuve.

Ils ont donc l’idée d’élargir le tableau de service, et, plutôt que de se fier à un casting fixe, faire appel pour chaque mission aux héros les plus adéquats.

La première équipe, composée de Captain America, Sunspot, Canonball, Hyperion, Shang Chi, Falcon et Captain Universe, est dépêchée pour sauver l’équipe originelle, prisonnière de l’énigmatique Ex Nihilo et de sa soeur Abyss, qui lorgent sur la Terre depuis leur nouveau havre martien.

Ce tome fait date puisqu’il initie le run de Hickman, qui va culminer jusqu’à Secret Wars et rien de moins que le reboot de l’univers Marvel en 2015. L’auteur visionnaire implante donc ici ses premières idées novatrices, secondé par l’excellent Jerome Opena et le non moins doué et expérimenté Andy Kubert. Là encore, un très bon choix pour conclure la collection.

En conclusion, nous avons là une belle mouture, qui ne contient pas que des must-have, mais sans réel maillon faible. Notons les couvertures signées Alex Ross, qui compensent une édition lapidaire sans doute due au low-cost.

**·Comics·East & West·Nouveau !

Avengers: Guerre à travers le temps !

Mini-série Marvel en 5 chapitres , par Paul Levitz (scénario) et Alan Davis (dessin). Parution en France chez Panini Comics le 13/09/23.

L’écouloir du Temps

Petite session nostalgie et rétro pour les fans d’Avengers. Le casting d’origine, à savoir Iron Man, Thor, Hulk, Ant Man et Wasp, a été réuni en 1964 par les malversations de Loki, le frère de Thor, dont les plans se sont retournés contre lui lorsque cette aréopage improbable a uni ses forces pour le défaire.

Très rapidement, l’indomptable Hulk rompt les rangs de la nouvelle équipe, rapidement remplacé par une légende que l’on croyait disparue, Captain América. Surgi des glaces arctiques et frais comme un gardon, le héros à la bannière étoilée reprend naturellemet le commandement de l’équipe, pour en faire les plus puissants héros de la Terre, comme le veut l’adage consacré.

L’un de leurs premiers ennemis fut Kang le Conquérant, un tyran venu du futur, qui cherche à imposer sa domination à travers le continuum temporel. Sûr de lui, il se confronte aux héros du XXe siècle, mais une cuisante défaite en fera l’un des ennemis les plus acharnés des Avengers. Sans doute l’un des pires, car son obssession l’a parfois poussé à mettre en danger rien de moins que la fabrique de la réalité, après avoir usé et abusé du voyage temporel.

Ce récit se situe immédiatement après sa première défaite, alors que les Avengers rentrent chez eux depuis le Mexique. Le conquérant inter-époques n’a pas l’intention de les laisser souffler, et, à travers les brumes du temps, va leur renvoyer un ennemi artificiel à combattre. Nos héros, puissants mais encore jeunes et inexpérimentés, parviendront-ils à le repousser une seconde fois ?

Pour patienter entre deux volumes de la série actuelle, dirigée par Jason Aaron, Marvel nous livre un petit interlude supposé s’intercaler dans la continuité classique, mettant en scène l’un des prochains grands antagonistes du MCU, Kang le Conquérant (peut-être pas pour longtemps, compte tenu des démêlés judiciaires de l’acteur Jonathan Majors). Le pitch, tout autant que le titre, nous promettent donc une guerre sans merci à travers les époques, menée par le voyageur temporel. Un peu à la façon d’Avengers Forever, par Kurt Busiek et Carlos Pacheco, on se prend à rêver d’une rencontre entre Avengers de différentes époques, ceux d’un lointain passés (les Avengers Préhistoriques créés par Aaron), ceux de futurs alternatifs (Next Avengers, Ultron Forever, etc), bref, les possiblités ne manquent pas et justifient à elles seules l’achat de l’album.

Cependant, il convient de vous avertir, chers lecteurs avides d’aventures super-héroïques. Dans Guerre à travers le Temps ! vous ne trouverez pour ainsi dire rien de tout ça. Dans le premier chapitre, nous retrouvons nos héros classiques favoris, qui reviennent de leur périlleuse rencontre avec Kang, qui a tenté de les berner avec un simulacre robotique de Spider-Man. Kang, ne digérant pas la défaite, met en branle un nouveau plan en créant…une version robotique de Hulk, comme si répéter les mêmes erreurs était un pré-requis pour devenir un méchant tyran temporel. Ce pan du récit occupe un nouveau chapitre, ce qui serait convenable si ensuite les Avengers passaient à l’offensive. Mais il n’en est rien, puisqu’ils passent le reste des deux chapitres suivants à affronter…le Roi des Nains, sans qu’aucune bonne raison ne soit donnée à ce revirement, qui n’a AUCUN sens thématique (le Temps ?), ni aucun intérêt dramatique.

Ce n’est pas tout, puisqu’au moment de la confrontation finale tant attendue, on a droit à une escarmouche anti-climactique qui fait retomber le tout comme un souffler. En guise de truchements temporels, les Avengers fondateurs n’ont qu’un bref aperçu de l’avenir de leur équipe, sans plus de conséquence ni d’impact pour la suite. Hormis les dessins du vétéran Alan Davis, cet album ne représente donc guère d’intérêt en lui-même et se révèle totalement dispensable. Si vous aimez Kang le Conquérant et que vous voulez lire une véritable histoire de voyage dans le temps, je vous conseille plutôt le premier tome de Marvel Now ! Avengers, par Mark Waid et Mike Del Mundo.

****·Manga·Nouveau !

EVOL #3-4

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evol_t04_-_delcourt_tonkamManga de Kaneko Atsushi
Delcourt (2023) – (2021), 275p./volume, 4/6 volumes parus, série en cours.

image-5Merci aux éditions Delcourt pour leur confiance.

A la tête du groupe EVOL rassemblant tous les jeunes en mal-être de la société, le trio de nouveaux héros sème le chaos dans la ville alors qu’un nouveau commissaire incorruptible et gardien de l’ordre moral semble décidé à faire le ménage dans la corruption politique. Alors que Nozomi, Sakura et Akari affrontent Lightning Volt et sa soeur Thunder Girl de nouveaux héros apparaissent, adoptant des méthodes tout aussi radicales…

Evol tome 4Je vais commencer ce second billet sur une série qui apparaît déjà, à la clôture de son quatrième volume, comme majeure dans les publi manga, en vous parlant de l’édition. Une des spécificités du lectorat manga est son habitude des volumes peu chers, à forte pagination et sur des séries au long court. Comme chez les lecteurs assidus de comics, on a une approche de la « rentabilité » cout/pagination très différents de la BD franco-belge (lectorat plus âgé, peut-être plus à l’aise), qui entraîne fréquemment des protestations lorsqu’un manga sort à un prix supérieur à dix euros. Alors que les « Perfect » brochées qui apportent souvent peu de choses par rapport à l’édition classique se vendent très bien, il n’en est pas tout à fait de même sur les versions reliée. Le nouveau manga de Kaneko paraît ainsi dans une magnifique édition reliée grand format et papier épais qui rend magnifiquement hommage au travail graphique de l’artiste. Ayant lu le quatrième tome en numérique je peux vous confirmer que le rendu n’est pas du tout le même et mérite un beau volume dans les mains. Pourtant il semble un peu snobé ou du moins ne pas entraîner les foules eu égard à ses très grandes qualités, tout à fait dans l’ère du temps et raccord avec les préoccupations de la jeunesse mondiale.

Pour revenir à l’histoire elle-même, les interrogations qui pointaient à la suite des deux tomes de mise en place sont immédiatement levés puisque dès lors que les pouvoirs des trois adolescents sont révélés le manga ne tergiverse plus et envoie une vraie histoire de super-héros (ou anti-héros) à la sauce Kaneko, c’est à dire, nihiliste, gore, radical, punk. Outre l’aspect totalement déviant des super-héros qui relativise les visées destructrices des personnages principaux (et rappelle furieusement la série The Boys), c’est le propos sur les valeurs qui intéresse. On sait ce mangaka très loin d’un idéal redempteur disneyen, mais il est tellement rare de lire des histoires qui s’assument dans l’immoral et le contestataire que l’on ne cesse d’être surpris. Car il ne Evol (tome 4) - (Atsushi Kaneko) - Seinen [RAIJIN BD, une librairie du  réseau Canal BD]s’agit aucunement de trouver un itinéraire évolutif pour les héros. « Life is a bitch and at the end you die » pourrait être écrit en quatrième de couverture de tous les tomes. Désormais connues les itinéraires des trois personnages, on va les accompagner vers cet objectif de destruction du monde qui se confronte à une société super-héroïque totalement psychopathe. On  a vu l’image de la bonne société japonaise et ce ne sont pas les jeunes brimés qui se regroupent autour d’EVOL qui vont faire tomber l’auteur dans la recherche de belles âmes. Chez Kaneko les humains sont égoïstes et lâches quand ils ne sont pas envahis de perversions. Et on ne voit pas quels évènements pourraient justifier une sortie par le haut de ce riff noir au montage ultra dynamique qu’est EVOL. D’une lecture très rapide, comportant peu de textes, ce manga se dévore en espérant que l’auteur nous dispense d’une série au long court (peu probable au vu de sa bibliographie) multipliant les affrontements entre sup’.

Doté d’une fabrication magnifique (avec un jeu graphique redoutable sur les titres de chapitres), rythmé, populaire, intelligent, EVOL frôle les cinq Calvin et entre absolument dans le top de l’année!

****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

WildC.A.T.s Évolution

Recueil de 432 pages de la série WildC.A.T.s, scénarisée par Alan Moore, et dessinée par Travis Charest. Réédition en France chez Urban Comics le 24/11/2023.

Les C.A.T.s ont neuf vies

Les WildC.A.T.s poursuivent leur réédition française sous l’égide d’Urban Comics, qui les gratifie de trois intégrales conséquentes rassemblant les plus fameuses aventures du groupe imaginé par Jim Lee et Brandon Choi. Après deux volumes estampillés Origines, qui offraient des aventures très premier degré sous-tendues par une action décomplexée, ce volume intitulé Évolution porte une coloration particulière, puisqu’il rassemble les épisodes écrits par l’incontournable Alan Moore, qui reprend les rênes en 1996 alors que la série s’essouffle et montre ses limites.

Le créateur de Watchmen, From Hell, et V for Vendetta reproduit la formule qui l’a fait connaître lorsqu’il travaillait chez DC Comics, à savoir réinventer les personnages sur lesquels il travaille en les dépouillant d’une ou plusieurs certitudes auxquels ils se raccrochent, afin de les redéfinir en profondeur. Ce fut par exemple son modus operandi sur Swamp Thing, lorsque le héros éponyme compris qu’il n’était pas réellement Alec Holland, mais plutôt une entité végétale persuadée de l’être.

Pour les WildC.A.T.s version Moore, l’auteur les plonge en plein désarroi lorsqu’il leur fait découvrir que la guerre entre Khérubims et Daemonites, raison d’être du groupe, est terminée depuis des siècles, et que les deux peuples sont plus ou moins passés à autre chose.

C’est la première épiphanie pour nos barbouzards mutants, qui peinent à se remettre de cette révélation, qui implique que durant toutes ces années, personne sur la planète Khéra ne s’est soucié de les retrouver pour leur annoncer l’armistice et leur éviter ces incessants combats. Cependant, à bien y réfléchir, cette révélation ne rend pas caducs tous les combats des C.A.T.s, surtout si l’on considère que Lord Helspont et compagnie voulaient asservir l’Humanité ou détruire la planète. Nos héros avaient donc de bonnes raisons d’agir, même si, plus haut, le conflit séculaire avait cessé.

Les membres originaux du groupe prennent donc la route des étoiles pour revenir sur Khéra, et profiter enfin de ce paradis perdu, décrit comme une utopie. Bien évidemment, Alan Moore n’est pas du genre à croire en l’utopie, il va donc dépeindre Khéra comme un monde hypocrite, qui cache des injustices et des horreurs sous un verni idéalisé. Nos héros vont donc bien vite déchanter en voyant ce qu’est réellement la planète de leurs ancêtres, ce qui va conduire à de profonds bouleversement pour la plupart d’entre eux.

Pendant de temps sur Terre, Savant, la soeur de Zélote (que l’on croit!) s’associe à Majestic, un puissant seigneur de guerre khérubim, pour créer un nouveau groupe de WildC.A.T.s et combler le vide laissé par les membres fondateurs. Pour cela, elle recrute Alerte Rouge, le frère de Grifter aux talents similaires (ce qui rappelle la relation entre l’Avenger Hawkeye et son frère Trickshot), Maxine Manchester, une délinquante cyborg borderline, et enfin l’énigmatique TAO, génie issu d’expériences génétiques.

Ensemble, le nouveau groupe entame une lutte contre le crime organisé, qui va bientôt leur échapper dans des proportions dramatiques. La visite sur Khéra et la guerre des gangs sont les deux lignes narratives imaginées par Moore, qui les relie ensuite vers le final de sa série de façon aussi adroite que ce pour quoi on le connaît par ailleurs.

A première vue, on pense directement au passage des Avengers, lorsque les membres fondateurs quittent la série pour laisser la place à Captain America et trois nouveaux membres jusque-là peu connus (Scarlet Witch, Hawkeye et Quicksilver) et tous trois criminels repentis. Tout comme l’Étrange Quatuor de Captain avait à coeur d’être à la hauteur de leurs aînés, les nouveaux WildC.A.T.s vont peiner à être à la hauteur des anciens, ce qui donne lieu à des mésaventures savoureusement ironiques, l’auteur y instillant tout son humour décalé.

On retrouve aussi toute la verve politique de Moore, qui utilise bien entendu Khéra comme une analogie peu reluisante de nos travers terrestres: ségrégation, populisme, fanatisme, tant et si bien que les C.A.T.s n’ont d’autre choix que de revenir sur Terre.

Ce volume place donc la barre résoluement plus haute en terme de narration, et prouve qu’un auteur talentueux pourra tirer une bonne histoire de n’importe quel concept, même des séries obscures en perte de vitesse. L’aspect graphique prend également du galon en terme de qualité, grâce aux magnifiques planches de Travis Charest.

En conclusion, il apparaît que les WildC.A.T.s n’auront donné leur meilleur que sous la houlette d’un pape des comics, et connaitront par la suite des tentatives de reboots pas très heureuses (WildC.A.T.s 3.0, par exemple), que Urban ne se donnera sans doute pas la peine de rééditer. En revanche, on attend désormais les intégrales de Stormwatch !

**·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

WildC.A.T.s Origines #2

Seconde intégrale de 304 pages, avec au scénario Brandon Choi, Jim Lee, Chris Claremont, Grant Morrison, et au dessin, Jim Lee, Travis Charest. Parution en France chez Urban Comics le 10/11/23.

Born to be Wild (CATs)

Comme nous nous l’étions remémoré lors de la chronique du premier volume, les WildC.A.T.s sont un des nombreux produits typiques de la production américaine de comics des années 90. Fortement référencée (c’est un euphémisme), la série met en scène des héros on-ne-peut-plus badass, stéréotypés, dans des récits où l’action et les muscles priment.

Calquée, comme d’autres séries Image et Wildstorm, sur la formule X-Men, qui tutoie alors des sommets, WildC.A.T.s narre les combats d’une troupe de barbouzes aux super-pouvoirs contre d’antiques envahisseurs extraterrestres, les Daemonites, qui peuvent posséder n’importe qui et ainsi infiltrer les plus hautes instances terrestres (ce qui rappelle directement les Skrulls chez Marvel, ou plus précisément, les Broods, chez les X-Men, justement).

La plupart des WildC.A.T.s sont eux-même issus d’une hybridation entre humains et extraterrestres, les Khérubims de la planète Khera, ce qui finit d’enfoncer le clou de la symbolique, plutôt manichéenne, mais typique de l’époque.

Ce second volume introduit Chris Claremont au scénario, l’auteur qui à partir des années 80 a propulsé les X-Men (encore eux) vers une exceptionnelle popularité.

Malgré l’arrivée de ce ponte des comics, on sent encore néanmoins un peu de confusion dans l’intrigue et les enjeux, qui ne sont pas toujours très clairs et qui s’effacent assez vite face à l’omniprésente action. Toutefois, ont sent que Chris Claremont a à coeur de développer les personnages et leurs relations, apportant un coté soap opéra qui avait alors fait le succès des X-Men sous son égide.

L’intégrale parcourt donc la série jusqu’au numéro 13, puis bascule assez brutalement au numéro 50, après avoir fait un détour par le cossover WildC.A.Ts / X-Men: The Silver Age.

Nous avons ensuite droit au premier numéro de la relance de la série par Grant Morrison, publiée en 2006 et annulée immédiatement après, puis au script du second épisode complété par une note d’intention de l’auteur, avant de terminer par un épisode de l’adaptation animée des WildC.A.T.s.

Cette succession discontinue d’épisodes donne un réel goût d’inachevé, mais reflète bien l’histoire éditoriale chaotique de la série, qui amalgamme en son sein le meilleur et le pire des comics de cette époque. A voir si Alan Moore parvient à faire mieux dans la troisième composante de cette salve éditoriale, à savoir WildC.A.T.s Evolution.