Premier volume de la série qui fait suite à aux séries Batman Aventures, et Batman Les Nouvelles Aventures. Alan Brunett et Paul Dini au scénario, Ty Templeton au dessin. Parution en France chez Urban Comics le 12/04/2024.
Merci aux éditions Urban pour leur confiance.
Nostalgie gothamienne
La mythologie autour du personnage de Batman s’est construite sur plusieurs médias, qui ont, pour le meilleur ou pour le pire, appris l’un de l’autre et sont mutuellement influencés au fil des itérations. Quand on pense à Batman aujourd’hui, on n’a pas seulement en tête les bandes dessinées qui l’ont vu naître, mais également les nombreux films, séries télévisées, séries animées et jeux vidéos dans lesquels il est apparu.
L’un des pans essentiels du folklore de l’Homme Chauve-Souris s’avère être Batman: The Animated Series, qui jouit pour beaucoup de fans d’une aura immarcescible à laquelle peu d’autres œuvres peuvent se comparer. Diffusée entre 1992 et 1999, la série animée est vue aujourd’hui comme un paragon de ce que doit être le Chevalier Noir, une série à la fois orientée vers l’action mais également vers la psychologie de ses personnages.
En effet, la série écrite par Paul Dini, Alan Burnett, Bruce Timm et Eric Radomsky a défini en profondeur la psyché de personnages jusque-là secondaires et caricaturaux, comme par exemple Mr Freeze ou Gueule d’Argile. Misant sur l’aspect tragique et torturé d’une galerie de méchants hauts en couleurs, les auteurs ont frappé l’imagination de tout un public dans les années 90, ouvrant la voie à une génération d’auteurs dans les années 2000. L’autre fait d’armes principal de la série animée Batman est qu’elle a créé des personnages qui ont par la suite été canonisés dans la bande dessinée, comme par exemple la célèbre Harley Quinn, qui sera plus tard interprêtée par Margot Robbie et prochainement par Lady Gaga.
Sachant cela, y avait-il un intérêt réel à poursuivre en BD les aventures animées et délicieusement gothiques du Chevalier Noir ?
La série reprend sur un statu quo habituel à Gotham, à savoir Batman, aidé de ses deux protégés Robin et Batgirl, luttant contre le crime. Le trio va être confronté en premier lieu à Lex Luthor et à ses manigances, avant de tomber sur un os en la personne de Deathstroke.
Le mercenaire, célèbre dans l’univers DC, fait ici sa première apparition dans l’univers « animé », avec dans l’idée de priver Batman de ses acolytes afin de mieux l’affaiblir. Il épie donc les faits et gestes du justicier afin de trouver une faille à exploiter. Cependant, ce que Deathstroke ignore, c’est qu’un autre joueur vient d’intégrer la partie, et que ce dernier pourrait être mieux armé pour déstabiliser l’inébranlable Batman.
Ce qui va suivre pourra faire office de SPOILER dans l’hypothèse où vous n’avez jamais ouvert un comics Batman ces dernières années. Prenez-donc garde !
Le coeur de l’intrigue se concentrera sur Jason Todd, le deuxième Robin dans la continuité classique, qui n’avait jamais été mentionné dans la série animée. Personnage assez peu populaire, il avait été éliminé après un vote du public, massacré par le Joker. En plus de débarasser l’éditorial DC d’un personnage encombrant, cet événement avait pour avantage non négligeable de fournir aux auteurs du Chevalier Noir un nouveau traumatisme sur lequel s’appuyer dans l’écriture du héros. Après avoir perdu ses parents, Bruce Wayne devait maintenant faire le deuil d’un fils putatif, mort dans une croisade qu’il a lui-même initiée. Deuil, culpabilité, regret, sont de formidables moteurs scénaristiques que les auteurs ne se sont par la suite pas privés d’exploiter.
Cependant, au millieu des années 2000, Jason Todd fait un grand retour dans l’univers DC, pas sous les traits de Robin, dont le rôle fut entre temps repris par Tim Drake, mais sous le masque de Red Hood. Devenu un justicier expéditif et ultra-violent, Todd cherche à se venger du Joker en lui rendant la monnaie de sa pièce, ce que Batman ne peut pas tolérer au vu de son code moral strict.
La saga de Red Hood, qui est étrangement similaire à celle du Winter Soldier chez Marvel, est aujourd’hui un classique de la continuité du Batman, si bien que Paul Dini et Alan Burnett ont souhaité l’intégrer dans la continuation de l’univers animé. Le duo ne s’est pas arrêté là puisqu’il emprunte également à d’autres grandes sagas du personnage comme Knightfall, durant laquelle Batman, le dos brisé par Bane, avait du être remplacé par Jean-Paul Valley alias Azraël.
On constate donc qu’après avoir influencé la série principale en créant des personnages, la série animée opère le processus inverse, en assimilant la continuité principale dans son propre prolongement, quitte à user de retcon (continuité rétroactive). Ce phénomène aurait représenté un intérêt certain si la série animée était restée animée, mais en BD, les lecteurs aguerris ressentiront une sorte d’effet homéopathique en voyant des sagas emblématiques, s’étalant sur plusieurs tomes, diluées, parfois vidées de leur substance pour n’occuper que quelques épisodes.
Cependant, les lecteurs non-initiés, ou les jeunes lecteurs à qui l’on voudrait faire découvrir l’univers de Batman tout en leur épargnant ses périodes les plus sombres, y trouveront une intrigue prenante. Les vieux lecteurs, quant à eux, pourront toujours s’y délecter d’une dose de nostalgie, avec en tête les voix françaises du dessin animé.