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Lore Olympus #3

Troisième volume issu de la retranscription sous format papier du webtoon créé par Rachel Smythe. Parution en France chez Hugo BD le 03/11/2022.

Merci aux éditions Hugo BD pour leur confiance.

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Si vous lisez Lore Olympus, alors vous connaissez la vérité: Non, Perséphone n’a pas été enlevée par Hadès aux Enfers ! Il s’agissait en fait d’une méprise, issue des machinations perfides d’Aphrodite. La jeune déesse débutante est tombée amoureuse du dieu des Enfers, et ce dernier, homme d’affaire introverti plutôt que cruel tyran, aimerait bien réciproquer cet amour mais se trouve coincé par les convenances olympiennes, et par sa relation toxique avec une autre nymphe.

Voilà le pitch de Lore Olympus, phénomène de la plateforme webtoon désormais édité en format papier. Après deux tomes passés à jouer au chat et à la souris, Hadès et Perséphone ont enfin l’opportunité de se retrouver, mais bien évidemment, un tel amour se doit, pour exister et trouver grâce aux yeux des lecteurs, de surmonter de grands obstacles.

Le premier d’entre eux, et pas des moindres, est la différence d’âge entre le roi des Enfers et la jeune déesse du Printemps. Bien qu’immortelle, Perséphone n’est encore âgée que de 19 ans, ce qui rendrait une liaison avec Hadès, qui a soufflé ses 2000 bougies, moralement répréhensible (vous connaissez l’équation « divisé par deux + 7 » ?). En second lieu, la disponibilité d’Hadès, qui subit depuis pas mal de temps une liaison peu épanouissante, voire carrément toxique, avec la nymphe Menthé, qui se sert de lui comme d’une éponge émotionnelle. Vampirisé par Menthé, Hadès nourrit donc des doutes, et a fait le choix, dans le volume 2, de garder ses distances avec Perséphone, ce qui a permis à la nymphe toxique d’officialiser sa liaison.

Heureusement, Perspéhone a obtenu un stage chez Enfers et Cie, ce qui lui permet de rester dans l’entourage d’Hadès. Menthé, évidemment, ne voit pas cette incursion d’un bon œil, et va faire tout ce qui est en son pouvoir pour garder la mainmise sur le roi des Enfers. Perséphone et Hadès doivent aussi gérer les répercussions des révélations faites par la presse à scandales olympienne, qui a publié des clichés des deux comparses.

De son côté, Perséphone est pressée, voire étouffée, par les exigences de sa mère Déméter, qui tente de garder le contrôle sur elle par peur de ce qui pourrait lui arriver. Ce que Déméter ignore, c’est que le pire est déjà arrivé, car Apollon, s’est déjà sexuellement imposé à Perséphone, qui ne sait que faire de ce secret qu’elle trouve honteux.

Comme nous l’avions vu précédemment, Lore Olympus entraine ses lecteurs dans un marathon visant à déployer sa romance entre Perséphone et Hadès, mais un lecteur/lectrice qui serait né(e) avant 2000 pourrait commencer à trouver cela lassant, au bout des 600+ pages que compte à ce jour la version papier.

Comme évoqué plus haut, l’histoire d’amour contrarié entre les deutéragonistes se doit d’affronter des complications pour trouver valeur à nos yeux, mais on ne peut pas se départir tout à fait de la sensation de patinage de l’intrigue. On ne fait pas du sur-place non plus, puisque ce volume 3 comprend quelques révélations et avancées significatives, dont on attend les répercussions dans le quatrième volume.

S’agissant des archétypes que l’on évoquait dans la chronique du premier volume, on les retrouve là-encore, avec une jeune femme idéalisée, confrontée à l’aliénation d’une société qui ne souhaite que la contrôler, et dont le but sera de prendre en main son destin et conquérir le bellâtre. Côté masculin, on note également la présence des archétypes, avec l’homme de pouvoir (donc attrayant), beau et mystérieux, introverti et tourmenté, et qui va, grâce à l’intervention de la Fille dans sa vie, réaliser qu’il doit se débarrasser de ses entraves et vivre sa vie pleinement.

Là où LO frappe fort sur ce tome 3, c’es sur son traitement de la thématique du viol et du rapport masculin à la notion de consentement. Il ne semble pas anodin que ce soit Apollon, dans cette version, qui prenne de force la virginité de Perséphone: un homme superficiel, fourbe, égocentré, qui ne prend en compte que la satisfaction immédiate de ses désirs, et qui n’est pas accoutumé à la négative lorsqu’il en formule un. De façon assez ironique, mais finalement assez logique, c’est Eros, un autre homme, dont on comprend que son caractère a été façonné par sa mère Aphrodite, plus ouvert et en phase avec ses émotions, plus détâché du cliché de la virilité et de la toxicité qu’elle peut contenir, qui la comprend et la console.

Conclusion: Malgré quelques longueurs dues au format, Lore Olympus continue d’explorer des problématiques de société, sous un enrobage pop et mythologique.

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Lore Olympus #2

Deuxième volume de 375 pages, issu du webtoon de Rachel Smythe. Parution en France chez Hugo BD le 07/07/2022.

Merci aux éditions Hugo BD pour leur confiance.

Amour, Gloire & Persé

Lore Olympus, c’est le webcomic phénomène de Rachel Smythe, dans lequel elle modernise le mythe de l’enlèvement de Perséphone. L’adaptation est plutôt libre, car on se rend vite compte que l’autrice s’éloigne franchement du mythe classique pour emprunter sa propre voie.

Initialement, Perséphone est enlevée par Hadès, au grand dam de sa mère Déméter, qui, pour contraindre Zeus à prendre parti contre son frère, provoque famine et calamités, jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé entre Zeus, Déméter et Hadès: Déméter pourra retrouver sa fille six mois par an, qui correspondent au printemps et à l’été, avant de retourner auprès de son époux, provoquant ainsi l’automne puis l’hiver.

On peut donc dire que le mythe initial évoque la séparation, la puissance de l’amour maternel, mais également l’aliénation qui frappe les jeunes femmes, qui une fois devenues nubiles, perdent la maîtrise de leur destin. Dans Lore Olympus, en revanche, le focus est mis sur l’histoire d’amour naissante entre Perséphone et Hadès (selon des archétypes que nous avons étudié dans l’article consacré au précédent volume). Le roi des Enfers y est dépeint comme un pdg introverti, aisément manipulable mais bien intentionné, qui a du mal à se remettre d’une relation toxique, tandis que Perséphone est une jeune adulte écrasée par le poids de l’amour maternel et luttant pour se soustraire à la convoitise des autres dieux olympiens.

Notons également que l’autrice a du s’éloigner sensiblement des mythes originaux, afin d’éviter de dépeindre des relations incestueuses (Perséphone étant le fille de Zeus dans le mythe, cela fait d’elle la nièce d’Hades, pas étonnant que ce point ait été écarté, n’en déplaise aux amateurs).

On retrouve donc des thématiques actuelles dans un enrobage mythologique, calibré pour un public jeune. Harcèlement moral, sexuel, slut-shaming, le package y est, le tout bien exacerbé par l’angoisse existentielle propre aux millenials.

L’exemple le plus frappant est la romance destructrice entre Hades et Menthé, où l’on s’aperçoit que Menthé, qui se montre pourtant odieuse, manipulatrice et maltraitante avec Hades, est en fin de compte tout aussi dépendante émotionnellement, et criblée d’insécurités.

Sur un plan plus large, on appréciera l’élargissement du casting avec l’ajout de quelques personnages secondaires sympathiques, qui viennent quelque peu rééquilibrer la balance. Je pense notamment à Hécate, confidente fiable et collaboratrice d’Hadès, qui vient contrebalancer les fourberies d’Aphrodite et les frasques méprisables d’Appolon.

La série s’installe donc sur la longueur pour devenir un soap, qui compte à ce jour pas moins de 231 épisodes, ce qui promet encore quelques gros pavés de romance mythologique à la sauce millenial.

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Valhallian, the Black iron #1

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Manga de Toshimitsu Matsubara

Ki-oon (2023), 224p./volume, 1/6 volumes parus.

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Merci aux éditions Ki-oon pour leur confiance!

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Au XIII° siècle le Japon échappe à une invasion mongole grâce à la bravoure du samouraï Tetsujiro du clan Soma. Pourtant le Shogun renâcle à dédommager les défenseurs dont les terres ont été victimes de pillages. Alors qu’il tente de subvenir aux besoins de son fils et de l’élever dans l’honneur du Bushido, Tetsujiro se retrouve soudain transporté dans un monde étrange où des colosses romains semblent bien décidés à lui faire la peau…

Après 23 tomes d’une série très bien cotée, Toshimitsu Matsubara a commencé récemment cette nouvelle série dont le premier tome a le mérite d’aller droit au but: sous couvert d’une ambiance de manga de Samouraï il s’agit bien de proposer un univers magique de combats fantasmés entre tout type de combattant que l’on désire voir se rencontrer, à la façon d’un jeu vidéo de baston. En envoyant (sans trop d’explication) un samouraï au Valhalla on va pouvoir castagner entre légionnaires romains, monstres mythologiques et je ne sais quels autres combattants de toute époque possible. L’artifice est malin… mais la réalisation un peu brouillonne à force de vouloir mettre tout et n’importe quoi dans ce tome introductif.

VALHALLIAN THE BLACK IRON : un samourai au Valhalla ! - GaakComme à leur habitude les éditions Ki-oon ont mis le paquet sur une licence en laquelle elles croient, avec un kit presse tout à fait impressionnant. Une maison qui a habituellement du flaire pour dénicher bon nombre de pépites et qui me semble pour le coup s’être aventurée sur un terrain hasardeux tant cette ouverture fait patchwork sans bien savoir à quoi on a affaire. Débutant sous une trame historique classique le manga prend rapidement des allures de Dark fantasy (avec son lot de sang, de déformations et d’un soupçon de fesses) où contrairement à l’autre série chroniquée en début de semaine l’équilibre entre développement d’univers et baston n’est pas très bon. Avec un style graphique solide qui rappelle Kakizaki, l’auteur envoie son héros affronter tout un tas de créatures et personnages sans prendre le temps de la lisibilité. On en ressort un peu frustré et à moins que les planches ne vous accrochent, un peu fatigué par cette ouverture qui ne donne pas suffisamment de raison de poursuivre. Une assez franche déception.

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****·BD·Guide de lecture·Jeunesse

Seuls – Cycle 3

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couv_459301BD de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann
Dupuis (2006-),  208 p. couleur. 3 cycle parus

Le très gros coup éditorial réalisé par les éditions Rue de Sèvres qui viennent d’annoncer le transfert de la série Seuls (plus grosse série jeunesse en cours) après avoir récupéré le Label 619 (publications phases en young adult) est l’occasion de notre billet traditionnel sur l’intégrale du dernier cycle paru chez Dupuis fin 2022.

Alors que la série Les 5 Terres a un peu accaparé les attentions depuis quelques temps on en oublierait presque combien Seuls est peut-être la série majeure et une des plus ambitieuses dans sa construction depuis bientôt vingt ans. Maintenant bien avancés dans l’intrigue et l’évolution de sa thématique en abandonnant le thriller horrifique du premier cycle, les auteurs assument de bâtir une série très grand public dont le style graphique continue à paraitre une incongruité dans un registre que les japonais intituleraient « seinen ».

Vehlmann et Gazzotti ont prix un gros risque dans la structure de ce cycle en choisissant de séparer les enfants dont le groupe formait le ciment de l’intrigue. Ce faisant ils permettent à chacun des quatre tomes de garder une unité dans une action simple qui retrouve les schémas d’épouvante du premier cycle. La conséquence est de ralentir l’intrigue générale en hachant la progression de quelques pages au sein des quatre trames. Pour autant notre connaissance du monde des Limbes avance énormément avec des hypothèses scientifiques sur le Temps et le Big Bang par les recherches d’Anton mais aussi sur les liens entre Paradis, Limbes et Enfer. A la sortie de ce cycle l’affrontement semble plus proche que jamais entre les évadés de la huitième famille guidés par les héros désormais dotés de grands pouvoirs et l’enjeu final qui commence à poindre: éviter la guerre des limbes bien sur, mais aussi pourquoi pas la résurrection ou du moins la communication entre les réalités.

L’immense qualité de cette série reste la richesse de la mythologie originale créée par les auteurs et dont le risque principal est bien de se perdre dans trop de cycles. Vue la quantité d’information, la cohérence de l’ensemble et le nombre de personnages il y a largement la matière pour encore de longues années en compagnie de Dodji et sa bande. En forme de cycle préparatoire, ce troisième arrive donc bien à compenser une petite baisse de rythme (et d’interactions) tout en garantissant de très belles scènes fantastiques, de l’action qui n’a rien à envier aux grandes séries adultes et un cadre mythologique toujours aussi passionnant. On se retrouve donc dans quelques mois chez le nouvel éditeur pour un quatorzième tome en se demandant si le mercato sera aussi l’occasion d’une évolution plus adulte d’une saga déjà bien mature.


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Les Éternels #2: Gloire à Thanos

Deuxième volume de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Esad Ribic, avec Guiu Vilanova en renfort. Parution chez Panini Comics le 14/09/2022.

Votez Thanos !

Suite et fin du diptyque de Gillen sur les Éternels. Après la résurgence de la dernière armée des Célestes, les Éternels ont appris que leur dogme était une mascarade. Leur rôle grandiose de protection de la Vie sur Terre n’était qu’un mensonge concocté à la fois par les dieux géants de l’espace et par leurs patriarches. A la suite de cette révélation, l’ensemble des Éternels perdait la raison avant de se donner la mort en masse.

Cependant, le suicide est un geste bien futile pour un être qui n’est pas fait pour mourir. En effet, il s’avère que tous les Éternels sont liés à la Machine, un système de défense personnifiant la planète Terre, qui les ressuscite automatiquement dès que leur corps est détruit, en téléchargeant une sauvegarde de leur esprit (un procédé qui rappelle celui des mutants de Krakoa). Tous les Éternels se sont donc réveillés comme un lendemain de cuite, certains gérant la nouvelle mieux que d’autres.

Toutefois, nos héros immortels n’ont pas eu le temps de s’appesantir sur leurs tourments philosophiques: des défaillances de la Machine et un mystérieux tueur d’Éternels ont quelque peu mis à mal les fondements de leur société, forçant Ikaris et Sprite à mener l’enquête. Le danger qu’ils ont découvert n’est pas des moindre, puisque le seul être capable de tuer des homo immortalis n’est autre que le terrifiant Thanos.

Thanos est un être hybride, un Éternel de Titan engendré naturellement par ses parents et pas directement par les Célestes, qui possède un gène Déviant, ennemis naturels des Éternels, ce qui le rend extrêmement dangereux. Thanos a pour but, après sa ruine dans les Gardiens de la Galaxie, de se rattacher à la Machine afin de pouvoir ressusciter dans un corps neuf, et ce, à l’envi bien évidemment, comme si être un monstre génocidaire invincible ne suffisait pas.

Mais affronter Thanos n’est pas le plus grand défi auquel ils aient à faire face. A la fin du premier volume, les Éternels apprennent une autre vérité dévastatrice: chacune de leur résurrection a un prix, celui d’une vie humaine. Ceux qu’ils ont tenté de protéger durant un million d’années ont donc fait directement les frais de leur inconséquence, eux qui se battaient sans se soucier de leur vie puisqu’ils avaient la garantie de revenir grâce à la Machine.

Bien sûr, Thanos n’aura pas ce genre de considération, et il est même prêt à détruire la Terre pour obtenir son nouveau corps.

Kieron Gillen poursuit son soft reboot de la franchise des Éternels, préparant ainsi l’évènement AXE, pas encore paru en France. L’auteur a repris des éléments issus des précédentes séries (notamment celle de Neil Gaiman et celle des Frères Knauf) en y implémentant ses propres concepts, ce qui donne une histoire intéressante, moins grandiloquente que ce que Kirby imaginait initialement mais plus en phase avec l’univers Marvel actuel. L’auteur n’a pas hésité à remettre en question les fondamentaux de ses personnages, créant ainsi une dynamique novatrice. En revanche, sa série se termine sur un cliffhanger mais sans réelle réponse apportée au problème posé par les résurrections.

On constate par ailleurs que l’auteur répond à un cahier des charges éditorial, certains des personnages continuant de subir des changements qui les alignent avec leurs homologues cinématographiques. Ce n’est pas gênant en soi, mais prouve bien que Marvel a toujours en tête de récupérer des lecteurs grâce à ses films, sans nécessairement se soucier de la continuité chère aux lecteurs de longue date.

Néanmoins, pas de quoi bouder son plaisir, ne serait-ce qu’en vertu de la présence d’Esad Ribic, qui continue de proposer des planches magnifiques avec son style pictural bien connu. L’intérim assuré par Guiu Vilanova fait un peu l’effet d’une douche froide pour les fans de Ribic, mais ne gâche pas l’album pour autant.

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Grendel, Kentucky

Histoire complète en 102 pages, parue le 09/02/2022 chez Delcourt. Jeff McComsey au scénario, Tommy Lee Edwards au dessin.

T’as une drôle de mine, Grendel

Le Kentucky, ses montagnes, ses rednecks, ses mines de charbons… et ses monstres. Durant des décennies, la petite ville de Grendel a fait vivre ses habitants grâce à l’exploitation de sa mine de charbon. Dès qu’un garçon était en âge de tenir une pelle, il allait aussitôt prendre la relève de ses aînés dans les étroits boyaux de la mine, et ce durant des générations, jusqu’à ce qu’un jour, un glissement de terrain mette un terme à cette tradition.

En plus des dizaines de morts, Grendel a alors du faire face à la paupérisation. Mais le désarroi n’a pas duré très longtemps, car peu de temps après cette catastrophe, les terres du patelin sont soudainement devenues fertiles, permettant le développement des cultures et offrant ainsi une porte de sortie aux habitants. Certains s’en sont même donné à cœur joie en se lançant dans la production d’herbe, et pas n’importe laquelle: la meilleure weed du pays, excusez du peu.

Marnie, elle, se tient aussi loin que possible de tout ça. La jeune femme s’est imposée un exil il y a de ça bien des années, et dirige un gang de farouches motardes qui ne laisse pas marcher sur les pieds, c’est le moins qu’on puisse dire. En revanche, le code moral strict de Marnie l’empêche de tremper dans certains types de business, même si elle n’est pas la dernière lorsqu’il s’agit de coller des trempes dans un bar. Marnie est d’ailleurs en plein règlement de compte entre deux bières lorsque son frère Denny vient la voir pour lui annoncer le décès de leur père. Marnie n’a alors pas d’autre choix que de revenir dans sa ville d’origine pour affronter son deuil, mais pas seulement: contrairement à ce qu’affirme la police locale, ce n’est pas un ours qui a démembré son paternel, mais quelque chose de bien plus sinistre, quelque chose qui pourrait être liée à la prospérité de Grendel.

Sons of Nanarchy

Plus tôt cette année, nous avions chroniqué Redfork, dans lequel le thème du fils prodigue était déjà traité sur font de menace horrifique planquée dans une mine. La métaphore du danger enraciné dans les ressources fossiles est de nouveau de mise, avec cette fois une pointe de mythologie glissée par l’auteur.

En effet, pour les connaisseurs, Grendel est bel et bien le monstre affronté par Beowulf, l’un des plus anciens héros de la littérature anglo-saxonne. Ici, c’est Marnie qui endosse le rôle du héros chasseur de monstre, le reste de l’intrigue adoptant la structure classique du poème, avec un premier round contre Grendel, etc. Là où des récits comme Redfork ou Immonde! utilisaient l’épouvante comme cadre pour un sous-texte social, Grendel assume totalement son côté Grindhouse et se concentre sur l’action, la psychologie et les relations entre les personnages étant un peu plus secondaires.

Le trait épais et l’encrage gras de Tommy Lee Edwards apportent beaucoup au scénario, offrant une ambiance pesante, qui s’accentue lors des scènes de chasse au monstre, bien gores comme il faut. Pour le reste, le lecteur restera un peu sur sa faim s’agissant du fameux pacte faustien entre les habitants et le monstre, le tout demeurant très tacite et jamais vraiment approfondi, surtout lorsqu’on constate que la créature ne montre aucun signe d’intelligence quel qu’il soit et semble avant tout mu par l’instinct, on se demande donc bien par quel moyen elle assurait la fertilité des sols (je mise un sou sur une histoire d’engrais naturel, mais allez savoir !)

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Thor (2020) #1: le Roi Dévoreur

Intégrale comprenant les quatorze premiers épisodes de la série Thor (2020) écrite par Donny Cates et dessinée par Nic Klein. Parution en France chez Panini Comics le 24/08/2022.

Lourde est la main qui brandit le marteau

Après avoir combattu le Massacreur de dieux, puis cédé son marteau par indignité, et enfin, combattu l’armée de Malékith pour sauver les Dix Royaumes, Thor revient sur le devant de la scène et hérite du Trône de son père Odin. Toutefois, pour lui qui n’a jamais aspiré à régner, il se pourrait que la couronne soit trop lourde.

Que faire lorsqu’on passe après le monarque le plus controversé de l’histoire du royaume ? Comment être à la hauteur de la tâche sans se compromettre et en restant soi-même ? Voilà le défi auquel le Roi du Tonnerre devra faire face, mais ce ne sera pas le seul. Des tréfonds du cosmos débarque Galactus, le dévoreur de planètes, ce qui est souvent mauvais présage pour qui que ce soit.

Galactus et les asgardiens s’étaient déjà affrontés, la dernière fois en 2011 lorsque le géant cosmique et son héraut le Surfeur d’Argent convoitaient les énergies d’une graine d’Yggdrasil, l’Arbre-Monde. Mais cette fois, les apparences sont trompeuses, Galactus ne vient pas se repaître, mais demander de l’aide au Roi d’Asgard. En effet, Galactus, qui est le dernier survivant d’un univers qui existait avant le Big Bang, est porteur d’une inquiétante nouvelle: l’Hiver Noir, une entité cosmique dévoreuse d’univers, a fait son apparition et flanqué une déculottée au Dévoreur. Thor et Galactus vont devoir faire cause commune pour sauver l’Univers. Qui l’eut-cru ?

Pour permettre à Galactus de revenir dans le game, Thor va devenir, bien malgré lui, le nouveau héraut de Galactus, et le guider vers cinq planètes spécifiques dont les énergies consommées accroitront de façon exponentielle son pouvoir. C’est donc les dents serrées que le Roi et le Dévoreur vont collaborer pour sauver l’univers, et il appartiendra à Thor de rapidement tracer une ligne dans le sable pour faire comprendre à son allié impromptu les conditions de leur alliance.

A côté de ça, Thor doit aussi faire face aux écrasantes responsabilités qui incombent au Roi, et à son marteau Mjolnir, nouvellement reforgé (durant War of the Realms), qui est de plus en plus lourd. Le fait d’être roi le rendra-t-il de nouveau indigne ? Et si, à l’inverse, tout le monde devenait digne à l’exception de Thor ? La suite se concentrera sur le retour de Donald Blake, le célèbre alter-égo du dieu du tonnerre, qui est, comment dire, quelque peu contrarié de découvrir qu’il n’est qu’un alter-égo et pas une personne authentique.

Après sept années passées sous l’égide scénaristique de Jason Aaron, voici que Thor passe sous le contrôle de Donny Cates, que l’on a pu lire dans Venom, Absolute Carnage, King in Black, ou, en indépendant, dans The Paybacks et The Crossover. L’auteur reprend ici des éléments de ses précédents runs, comme Silver Surfer: Black, pour faire émerger encore une fois un antagoniste cosmique, sombre et tout puissant (hello Knull !).

Malgré la redondance qui pourrait émerger de ces auto-références, le run de Cates sur Thor n’en démarre pas moins de façon efficace, grâce au nouveau paradigme laissé par Aaron à la fin de WOTR. Il est intéressant en effet de voir le dieu du tonnerre enfin confronté à ce qu’il redoutait malgré lui, la couronne d’Asgard. De plus, le lien de ce personnage avec son marteau a souvent été une métaphore de son état mental, voir l’arme enchantée s’alourdir en même temps que ses responsabilités est donc tout à fait logique sur le plan thématique.

Les fans de Thor vont être servis côté action, puisque le héros, déjà badass en temps normal, a pris du level puisqu’il va cumuler dans cet album la Force d’Odin et le Pouvoir Cosmique (ce qui va de pair avec un petit relooking), pour un résultat assez extrême. Sur la seconde partie, l’auteur continue d’exploiter des concepts intéressants issus de la continuité du héros: son lien étroit avec son alter-égo, considéré différemment selon les auteurs.

En effet, Donald Blake a tantôt été un homme ordinaire dépositaire des pouvoirs de Thor (dans la série de Lee et Kirby), avant de devenir une simple création d’Odin, un Thor rendu amnésique. Selon les auteurs, ensuite, Blake avait ou pas sa propre personnalité, ses propres souvenirs, etc.. La version de Cates souffre d’un destin tragique puisqu’il découvre sa vraie nature après que Thor ait renoncé à lui, et qu’il s’aperçoit de la vacuité de son existence après avoir détruit le monde factice qui le retenait prisonnier. Comme si l’allégorie de la caverne de Platon partait en sucette.

Ce volume de Thor garde donc la veine épique chère au personnage, tout en allant puiser dans ses éléments constitutifs pour les extrapoler et créer quelque chose d’innovant. Les fans de la frange cosmique de Marvel apprécieront !

****·Comics·East & West·Nouveau !·Service Presse

Sea of stars

Histoire complète en 288 pages, écrite par Jason Aaron et dessinée par Stephen Green. Parution en France chez Urban comics, collection INDIES, le 01/07/2022.

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Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Space is a place

Gil Starx est ce que l’on pourrait appeler un homme pressé. Constamment occupé par ses livraisons galactiques, il parcourt un océan d’étoiles pour satisfaire ses clients, toujours dans les temps. Et quand ont dit océan d’étoiles, il faut entendre littéralement cette expression.

En effet, l’environnement interstellaire visité par Gil Starx et d’autres humains est peuplé de créatures qui « nagent » dans le vide intersidéral, comme des poissons dans l’eau. Ainsi, on trouve des « baleines » de l’espace, des « requins-quarks », et toutes sortes d’animaux dont l’espace est le milieu naturel.

Cette fois-là, Gil transporte une marchandise désuète, le contenu d’un vieux musée, et voyage avec son fils Kadyn. Accaparé par son métier, Gil n’a jamais été très disponible pour sa famille, mais depuis la mort tragique de son épouse, il tente de reconnecter les liens avec son fils, qui s’ennuie ferme dans le vieux vaisseau de son paternel, qui a pris l’habitude d’éviter tout danger en ne naviguant que sans les secteurs cartographiés. Tout va basculer lorsque le duo sera attaqué par un gigantesque léviathan, qui détruira le vaisseau et séparera le père du fils.

Dès lors, Gil n’aura qu’un objectif: retrouver son fils. Le jeune garçon, en revanche, pense que son père est mort et doit s’acclimater aux mystérieux pouvoirs qu’il a obtenus dans l’accident.

On nage en plein délire

Alors que la tendance est à la hard SF, c’est à dire une science fiction basée sur les concepts et les théories scientifiques les plus pointus et avant-gardistes, Jason Aaron opte pour une SF fantasmagorique en reprenant les vieux codes de l’analogie maritime.

Ce lieux commun tire ses racines de la SF du début du 20e siècle, et ce qui était une métaphore est bien vite devenu littéral. Alors que John Fitzgerald Kennedy considérait déjà l’espace comme « le nouvel océan » lors de la fameuse « courses aux étoiles » avec l’URSS, les auteurs de SF se sont appropriés massivement cette analogie, en utilisant par exemple des termes techniques navals.

En effet, on parle de vaisseaux dans les deux cas, avec des croiseurs, des destroyers, des frégates, etc. Les vaisseaux spatiaux, à l’instar de leur homologues maritimes, ont des barques de survie, et il arrive même que des engins spatiaux soient munis de voiles (concept qui est validé par la science avec les fameuses voiles solaires, ce qui en fait un élément commun avec la hard SF). La comparaison ne s’arrête pas là, puisque les auteurs ont eu tendance à appliquer à l’espace des concepts et des contraintes typiquement navals, comme la bi-dimensionnalité du terrain, la friction, et des principes de navigations qui en réalité ne sont pas compatibles avec l’exploration spatiale.

Les planètes sont donc perçues comme des îles dans un vaste océan, et leur valeur stratégique y est même similaire. De Frank Herbert (Dune) à Pierre Boule (La Planète des Singes), en passant par Star Wars et Star Trek, ou La Planète au Trésor, rares sont les entrées littéraires et audiovisuelles à ne pas verser dans cette analogie. Alors pourquoi pas les comics ?

En ce qui concerne l’intrigue, on peut faire confiance à Jason Aaron, qui nous a déjà fait montre de son talent à de nombreuses reprises, pour construire un récit efficace centré autour de protagonistes intéressants et attachants. Le duo père/fils, Gil/Kadyn, fonctionne dès le début, et ne perd pas de son intensité même s’ils sont assez rapidement séparés. L’auteur, visiblement marqué par son long run sur Thor chez Marvel, insuffle également un souffle mythologique avec non pas des asgardiens, mais un autre peuple de l’espace, inspiré des Aztèques, et des divinités cosmiques qui se battent en détruisant des planètes. On n’en voudra pas au scénariste de recourir encore au fameux macguffin pour poursuivre son intrigue, qui est finalement assez simple mais néanmoins efficace.

A bien y regarder, on ne peut s’empêcher de percevoir dans la ligne narrative consacrée au père des airs d’Odyssée (Ulysse qui veut rentrer chez lui retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque), et dans celle du fils, comme un goût du Petit Prince. En terme de références, on aura vu pire, avouez. Sur le plan graphique, on retrouve avec plaisir Stephen Green, qui livre de très belles planches, qui alternent décors spatiaux grandioses et scènes de survie plus intimistes.

Sea of Stars puise ses références dans les racines de la science-fiction, autour d’une belle histoire d’amour entre un père et son fils.

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Les chroniques d’Atlantide #1: Eoden, le guerrier

Premier tome de la série écrite et dessinée par Stefano Martino. Parution chez Glénat le 30/03/22.

Si l’Atlantide m’était contée

L’Atlantide est un royaume prospère, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il est tranquille. En effet, comme toute civilisation qui l’aura suivie au fil des siècles, elle ne peut avoir bâtie son opulence et sa magnificence que sur les cendres de la guerre, notamment celle qui a couté son bras à Eoden.

Le guerrier mutilé, dont le corps sculpté sur les champs de bataille et encore aussi robuste que son esprit, s’est exilé sur une île lointaine au Sud, pour échapper au tumulte des cités et gérer son traumatisme. Eoden a laissé derrière lui la gloire des combats mais aussi son frère Leoden, qui fut couronné roi, aux côtés de Leyon, la femme dont Eoden est amoureux depuis toujours.

Alors qu’il profite de sa retraite, Eoden voit un jour débarquer un ancien compagnon d’armes, qui lui révèle de que Leoden est depuis longtemps sous la coupe de Hak-Na, un sorcier fourbe qui prêche une obscure religion, et dont les manigances, saupoudrées d’épices psychoactives, embrument l’esprit du jeune roi et menacent l’intégrité de l’Atlantide.

Toutefois, rien n’a moins d’intérêt aux yeux d’Eoden que le sort de l’Atlantide. En effet, lui qui a tout donné pour sa patrie n’a aujourd’hui pour elle qu’un regard amer, mais lorsque son ami mentionne le nom de Leyon, et le danger qui la guette aux mains de Hak-Na, le sang du guerrier ne fait qu’un tour. Il décide alors de se mettre en selle pour parler à son frère et tenter de le ramener à la raison. Les obstacles seront nombreux, à commencer par les hommes d’Hak-Na qui sont partout, prêts à se débarrasser de tout ce qui gênerait leur maître. Sans oublier Leoden, qui, poussé au bord de la folie par le vil prêtre, voit des ennemis partout et pourrait bien se retourner contre son frère.

Conan l’amoureux

Déjà connu pour des séries telles que La Geste des Chevaliers Dragons, Les Forêts d’Opale, ou encore Ghost War, Stefano Martino prend pour la première fois les rênes intégrale d’un projet, en tant que scénariste et dessinateur.

A première vue, l’auteur s’appuie, pour son premier galop d’essai, sur des références solides qu’il manie avec une certaine habileté. Nous avons un univers anachronique basé sur différents mythes, notamment celui de l’Atlantide, ce qui engendre un cadre fantasy mâtiné de péplum.

Eoden, le protagoniste de ce tome, est un personnage qui évite l’écueil de l’unidimensionnalité. Blessé physiquement, il porte aussi des stigmates psychologiques qui en font un personnage attachant, assez loin des stéréotypes invinciblement badass que le genre a pu produire. Son retour après des années d’exil permet au lecteur d’adopter son point de vue avec facilité, et rend l’exposition plus fluide, car nous découvrons en même temps que lui les changements qui se sont produits durant son absence.

L’immersion dans ce premier tome est donc très effective, de même que la dynamique entre les différents personnages. Le triangle amoureux, bien qu’encore balbutiant, est écrit avec tact et ajoute un souffle romantique à l’ensemble. Pour le reste de l’intrigue, on n’évite pas un certain classicisme, avec présentation du méchant sorcier et de la galerie d’antagonistes, mais l’ensemble est suffisamment bien orchestré pour conserver son intérêt.

****·Comics·East & West·Nouveau !·Numérique

Lore Olympus

Premier tome de 378 pages de la série écrite et dessinée par Rachel Smythe. Parution initiale sur la plateforme Webtoon, publication en format papier chez Hugo BD le 06/01/22.

Meilleur webcomic 2022 aux Eisner awards

Cinquante nuances de mythes

Les mythes grecs, sur l’Étagère, ça nous connaît. Alors autant vous dire que lorsque le phénomène de la plateforme Webtoon, Lore Olympus (les Traditions d’Olympus en VF) est paru en version papier (oui, on est vieux jeu sur l’Étagère), difficile de passer à coté.

Pour ceux qui n’y sont pas familiers, Webtoon est une plateforme de lecture de BD, dont la particularité est de proposer une lecture défilante, de haut en bas (on appelle ça du scrolling, d’après mes sources bien renseignées). La transposition en format classique n’a donc pas du être aisée, ne serait-ce que vis à vis du découpage, puisque en Webtoon, point de pages.

Lore Olympus, de quoi ça parle ? Tout simplement du mythe de Perséphone, la déesse du Printemps qui a été initialement enlevée par le roi des enfers Hadès, et qui l’a épousé sans qu’on lui demande trop son avis. Après un accord passé avec Hadès, Perséphone a gagné le droit de retourner à la surface la moitié de l’année pour y retrouver sa mère Déméter, ce qui explique selon les grecs anciens le cycle des saisons, puisque l’Hiver s’installe dès que la déesse du Printemps retourne en enfer.

Ici, le contexte crée par Rachel Smythe est résolument modernisé, puisque ses olympiens vivent dans un monde moderne, luxueux et glamour. La jeune Perséphone, préservée par sa mère jusqu’à l’étouffement, vit quelque peu éloignée de ses cousins divins. Mais un soir, alors que Déméter a consenti à lui lâcher la bride, elle se rend à une soirée olympienne et fait la rencontre d’un dieu ténébreux, le sulfureux Hadès.

Victime des malversations d’Aphrodite, qui ne supporte pas d’être éclipsée, même aux yeux d’Hadès que tout le monde déteste, Perséphone se retrouve droguée, puis cachée dans la voiture du roi des enfers, et se réveille hagarde dans son domaine, à la grande surprise des deux. Bien heureusement, Hadès se révèle être une personne décente et traite son hôte involontaire avec tous les égards, mais cela n’empêche pas ce quiproquo de créer une étincelle entre eux.

Bien évidemment, les choses ne seront pas aussi simples, puisqu’entre les malentendus, les appréhensions de chacun et le monde des olympiens fait de paraître et de faix semblants, les deux amoureux vont devoir surmonter bien des obstacles.

Love story infernale

A première vue, il semble aisé d’identifier les clefs du succès monumental (dans les 75 millions de vue sur WT) de Lore Olympus. En premier lieu, sa protagoniste, Perséphone, mue en une jeune fille naïve muselée par l’Institution, matérialisée par sa mère, mais également par les autres dieux. De lourdes attentes pèsent sur elles, alors qu’elle ne souhaite que vivre sa vie, comme elle l’entend. Pleine de doute et peu assurée, c’est une base solide à laquelle une grande partie du lectorat peut s’identifier ou en tous cas s’attacher.

En second lieu, la romance en elle-même, qui inclue tous les éléments-clefs de l’histoire d’amour telle qu’elle est fantasmée depuis la nuit des temps: une jeune femme innocente (Belle, Anastasia Steele, Bella Swan, Esmeralda les exemples sont nombreux) fait la rencontre d’un Monstre (La Bête, Christian Grey, Edward Cullen, Quasimodo) qu’elle parvient à dompter, et, élément ô combien important, qui change pour elle.

Immanquablement, l’élément masculin, le Monstre, présente une déviance, voire une difformité: il représente les aspects quintessentiels du mâle, il est souvent violent, agressif, dominant, et, dans la plupart des cas, possède également un statut social élevé et/ou une opulence matérielle: La Bête est un prince maudit pour son arrogance, qui vit dans un château, et en tant que Bête, il est la transcription littérale du monstre et de l’agressivité, que la Belle devra littéralement dompter; Christian Grey est un milliardaire séduisant, mais qui est adepte du sado-masochisme, et y renoncera par amour pour Anastasia; Edward Cullen fait également partie d’une riche famille de médecins, est très populaire (bien qu’introverti) au lycée, et cache une soif de sang (sans doute une métaphore du désir sexuel) qu’il maîtrise pour Bella.

La même recette semble s’appliquer à Lore Olympus: Perséphone rencontre Hadès, roi des Enfers (statut social élevé), qui souffre d’une mauvaise réputation et semble encore marqué par une relation toxique (déviances). Si ces archétypes ont la vie dure, c’est sans doute parce qu’ils matérialisent des atavismes, ancrés depuis les origines de l’Humanité: dans les temps anciens, il était certainement préférable pour une femme de trouver un partenaire puissant physiquement (agressivité, signe d’une place élevée dans l’échelle de domination), capable d’assurer une sécurité physique (opulence matérielle). Mais, paradoxalement, des caractéristiques de puissance et d’agressivité, si elles garantissaient survie, sécurité et descendance optimale, étaient aussi potentiellement insécurisante, puisqu’un mâle puissant avait tout intérêt à ne pas rester fidèle et à disséminer ses gènes à qui mieux-mieux.

D’où ce fantasme de transformation, cette idée récurrente dans la psyché féminine que changer le Monstre, le « réparer » pour en faire un partenaire souhaitable, est possible. A l’inverse, ces archétypes ont certainement engendré, au niveau évolutif, une forte pression sur les mâles, une compétition permanente, qui est à même de créer des insécurités pour ceux qui ne parviennent pas à s’élever sur l’échelle de domination sociale. D’où l’envie récurrente, chez le public masculin, de puissance, de protection (la figure du super-héros), et sans doute également le désir d’être accepté tel que l’on est (ce qui est en lien direct avec l’archétype de la Manic Pixie Dream Girl).

Mais revenons à nos moutons grecs. Là où Rachel Smythe fait mouche, c’est notamment dans la modernisation du mythe. En plaçant un contexte contemporain, l’auteure gagne en légitimité pour aborder des thématiques d’actualité, telles que le harcèlement sexuel, l’émancipation féminine, et la toxicité de certaines relations. Le langage moderne et les codes narratifs adoptés par la jeune génération (Y ? Z? j’ai perdu le fil) permettent une bonne appropriation de ces thèmes.

Graphiquement, la patte numérique est omniprésente, et permet de donner un aspect très cartoon à l’ensemble, surtout si l’on y ajoute les couleurs dynamiques et chatoyantes, qui ressortent plutôt bien sur papier.

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