Art-book d’Olivier Ledroit
Glénat (2015), 128 p.
A l’ouverture de ce blog je m’étais promis de parler d’Art-book et d’illustration. Je n’en ai pas trop eu l’occasion hormis pour mon article sur le designer de Jupiter, le film des Wachowski et quelques billets sur des auteurs, comme Esad Ribic. J’ai eu quelques cadeaux à l’automne et vais enfin pouvoir prendre le temps de présenter des livres d’auteurs que j’aime, dont Olivier Ledroit, un de mes illustrateurs préférés. Ses personnages sont pourtant loin d’être les mieux dessinés du circuit et il garde un style un peu old-school très inspiré du comics. Mais depuis les Chroniques de la Lune noire et ses incroyables couvertures, ce peintre très travailleur a toujours cherché à proposer quelque-chose de radical, innovant, sans se reposer sur ses lauriers. Ses choix et son esthétique gothique parfois extrême ont fait du tort à son image et malheureusement ses BD ont rarement été considérées hors d’un cercle de fans et d’adolescents. Pourtant ses expositions montrent une recherche graphique permanente, à commencer par un art de la destruction de la planche et des cases que j’aime particulièrement et qui a inspiré pas mal d’artistes (dont Ronan Toulhoat) qui atteignent néanmoins rarement son niveau de maîtrise. Sa saga vampirique-gothique Requiem l’a cornérisé par des choix esthétiques discutables. Pourtant il y propose parmi ses plus belles planches, sidérantes de détails, de couleurs, de noirceur.
Probablement conscient de l’impasse dans laquelle il se trouvait vis a vis du public, il a entrepris un virage vers un graphisme beaucoup plus lumineux avec Wika, dont deux tomes sont parus (le troisième ne devrait plus tarder): série médiévale-fantastique, proche de l’univers visuel des Chroniques, mais qui a permis à Ledroit d’axer son travail sur la thématique des fées (sujet sur lequel il a toujours fait beaucoup d’illustrations et sur lequel il a produit un gros art-book). Le livre que je présente ici est issu de ce nouveau thème sur lequel il travaille visiblement depuis pas mal d’années (un certain nombre d’illustrations sont datées de 2010).
La fabrication est très sérieuse: ouvrage grand format avec jaquette plastifiée détachable (la couverture elle-même ne comporte aucune illustration). Le papier est de qualité et les impressions lumineuses. Ce livre est issu d’une exposition sur le thème des fées dans l’univers de Wika.
L’ouvrage prend la forme d’une sorte de carnet de voyage dans un XIX° siècle uchronique où après la découverte de l’Aether le monde des fées a fusionné avec le monde humain pour donner naissance à une civilisation steampunk où des créatures magiques sont omniprésentes. Plusieurs parties thématiques proposent de visiter Londres, New-York, Paris, Tokyo,… au travers de magnifiques pin-up-féériques. Il s’agit essentiellement pour Ledroit de variations sur le thème de la très pulpeuse fée, tantôt dotée d’ailes mécaniques (voir à vapeur), tantôt naturelles. Le travail des costumes et étoffes est formidable et certaines illustrations très poussées à la peinture sont véritablement magnifiques. Quelques erreurs d’édition (…pas forcément évitables) à regretter, comme cette magnifique peinture sur deux pages où la couture du livre arrive en pleine face… Un certain nombre d’illustrations ne sont pas colorisées ou ressemblent plus à des crayonnés poussés, ce qui me fait dire que l’on est plus dans le recueil d’illustrations sur une thématiques que dans un livre conçu par Ledroit à l’origine. On aurait aimé que toutes les images soient aussi abouties que les doubles pages: les albums de l’auteur sont parfois plus fouillés que certaines illustrations de ce art-book. Étant donné le prix relativement modeste pour un art-book on acceptera cela mais je reconnais que l’ouvrage entraîne une petite frustration.
Son grand intérêt reste cependant la cohérence thématique et surtout la technique récente de Ledroit d’utiliser des dentelles et pièces métalliques peintes en doré ou argenté qu’il colle sur ses illustrations. Cela a déjà été vu que les albums de Wika et donne un cachet très particulier, physique aux impressions. Il effectue également des collages de papiers différents. Je ne suis pas totalement convaincu de l’intérêt de cet effet patchwork, mais bon, cela participe d’un tout. Fées et amazones est à ranger dans la catégorie des « petits » art-book destiné à fructifier sur l’imaginaire développé autour de la série BD Wika. Pour un regard plus général sur l’art de Ledroit depuis ses débuts on préférera ses ouvrages chez Daniel Maghen.