BD de Philippe Pelaez et Tiburce Oger
Soleil (2022), 54p., bichromie, 1/2 tomes parus.
Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.
Janvier 1903. Alors que Paris est à nouveau éventrée par un chantier pharaonique, celui du métropolitain, des notables se retrouvent pris pour cible d’un mystérieux voltigeur à écharpe rouge. Dans cette III° République bourgeoise triomphante, l’élite veut oublier ces classes laborieuses si dangereuses pour leurs profits et chassée au-delà des murs, dans la Zone. Car la révolution rouge de 1871 est encore dans toutes les têtes…
Philippe Pelaez est l’un des auteurs BD qui monte. Depuis ma découverte de son très bon Alter en compagnie de son comparse qui revient sur le tout neuf Furioso) j’ai pu apprécier la qualité de ses textes, qui explosent ici sous une plume particulièrement inspirée. A cheval entre les mythes littéraires, la grande Histoire et celle plus triviale des hommes qui la font, l’auteur réunionnais se définit par une exigence créative très relevée, qui s’inscrit ici dans la tradition feuilletonnante du XIX° siècle. Dans cette intrigue qui nous fait passer du chasseur (un policier incorruptible) au chassé (le tueur à écharpe rouge) on a nos chapitres entrecoupés par de fausses unes de gazette qui habillent joliment l’ensemble et densifient le background.
Si le récit est relativement linéaire, l’ensemble du propos, passablement énervé, porte sur ce peuple opprimé dont la violence physique n’est que le pendant de la violence économique et matérielle qu’il subit depuis la répression sanglante de la Commune de Paris par les troupes versaillaises. En s’inscrivant dans la tradition des auteurs parisiens populaires qui cultivent cette culture « apache » des faubourgs si particulière, Pelaez nous fait pénétrer un monde peu abordé en BD, tout en assumant un propos politique avec un parallèle évident sur notre société à l’argent si clinquant.
L’aventure endiablée et pleine d’action (l’histoire se termine en deux volumes, il n’est pas temps de traîner) respire par de nombreux aparté rappelant ce que dut subir le peuple parisien sous ces régimes bourgeois en attendant le Front populaire. Comme sur les gazettes du Château, l’album se conclut par un joli cahier de faux articles de presse agrémentés de jolies illustration, originales cette fois-ci. Il est simplement dommage que la partie graphique ne soit pas aussi ciselée que le texte, ce qui fait passer l’album à côté d’un coup de cœur. Malgré sa grande popularité je n’ai jamais été grand fan du style de Tiburce Oger qui compense un dessin parfois un peu rapide par un joli sépia agrémenté de touches de rouge bienvenues. L’ensemble reste très regardable et fort bien mis en scène, pour une lecture très agréable et qui nous sort de l’ordinaire.