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Celle qui parle

Histoire complète en 216 pages, écrite et dessinée par Alicia Jaraba. Parution chez Grand Angle le 30/03/2022.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Ne jamais se taire

Malinalli vit une enfance douce-amère dans le village d’Oluta, en Amérique Centrale. Née d’une famille noble, elle est la fille du Cacique (le chef du village), qui lui a appris les langues Nahuatl et Maya Chontal, avant d’être enlevé et exécuté par les Mexicas, autrement dit les Aztèques. Élevée par sa mère, qui a du épouser le nouveau Cacique, ainsi que par sa grand-mère, Malinalli tente de se faire entendre, malgré les obstacles dressés par une société patriarcale qui n’accorde pas beaucoup d’importance à la parole d’une femme.

Courir ou traduire, il faut choisir.

Vendue comme esclave suite aux manigances de son beau-père, Malinalli va vivre plusieurs années de souffrances aux mains d’Aztèques cruels, avant de tomber entre les mains des conquistadors, notamment du désormais célèbre Hernan Cortés. Les talents de Malinalli pour les langues va lui permettre de s’ériger en traductrice entre les mayas, les aztèques et les espagnols, chacun des belligérants ayant besoin d’elle pour servir ses intérêts propres.

C’est ainsi que Malinalli deviendra Dona Marina, puis la Malinche, une figure relevant tout autant de la légende que des faits historiques.

Toutefois, de nos jours, la figure de La Malinche n’est pas en odeur de sainteté auprès de tous au Mexique. Si certains la voient comme la matriarche du Mexique moderne, beaucoup la considèrent également comme l’archétype de la traîtresse, qui se serait donnée aux espagnols au détriment de son propre peuple. Encore aujourd’hui, il n’est pas évident d’établir une vérité historique fiable autour de ce personnage, si bien qu’elle demeure, et pour longtemps, l’icône ambivalente d’une période controversée.

L’album d’Alicia Jaraba jongle avec ce mythe pour mieux s’attarder sur la personnalité de Malinalli, car avant de devenir une icône, elle était surtout une femme, avec ses aspirations, son désir d’émancipation, et ses difficultés. Prise entre deux feux, l’auteur tente de nous convaincre qu’elle n’a pas vraiment eu le choix, et que son rôle de traductrice lui a permis d’éviter certains heurts entre aztèques et espagnols, même si l’histoire semble démontrer que les informations qu’elle a donné à Cortés lui ont permis d’accélérer sa conquête.

Le parcours de vie de Malinalli attire tout de suite la sympathie, phénomène qui ne fait que s’accentuer au fil des épreuves qu’elle doit subir durant sa vie: le deuil, la perte de sa liberté, les menstruations qui vont par la suite la confronter au désir des hommes, toutes ces thématiques font de Celle qui parle une odyssée captivante, au-delà d’une légende que d’ailleurs peu d’entre nous doivent connaître.

Sur le plan graphique, Alicia Jaraba, que l’on avait découverte sur la série Les Détectives du surnaturel chez Jungle, accomplit l’exploit de la constance sur plus de 200 pages. On trouve des procédés inventifs lors des scènes de traduction, avec superpositions des bulles, ou encore des dialogues illisibles pour signifier la barrière des langues qui s’estompe au fur et à mesure que Malinalli apprend les différentes langues de son répertoire.

En conclusion, Alicia Jaraba signe le portrait d’une femme, singulier et controversé, et explore le pouvoir des langues et du dialogue, mais aussi ses limites face à la violence des hommes.

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Manga en vrac #18: Toilet Bound Hanako-Kun #3 – Elio le fugitif #2 et 3 – La guerre des mondes #2

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  • Toilet-Bound Hanako-Kun #3 (Aidalro/Pika) – 2021 série en cours, 3/15 tomes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Pika pour leur confiance.

toilet-bound-hana-kun-3-pikaLa chronique des deux premiers volumes se trouve ici.

J’avais été comme mes camarades de blog assez enjoué par ma découverte des deux premiers volumes sortis cet été. En entamant ce troisième tome je découvre que contrairement aux précédents le mystère des archives de 16h s’étale sur plusieurs chapitres qui forment l’intégralité de ce volume, ce qui change pas mal la donne en matière de rythme. Ce qui était présenté comme des histoires courtes avec rotation rapide de l’action et des personnages s’installe plus dans la durée, avec approfondissement notamment dans la recherches qu’entreprend Nene sur son maître-allié Hanako. Ce jeune esprit qui nous est décrit ici comme ni plus ni moins que le chef des Mystères de l’école est depuis le début fort mystérieux et on va ainsi se retrouver dans son passé pour comprendre comment il est devenu un esprit. Les pages du volumes sont toujours très agréables dans leur mise en scène destructurée et fourmillant de détails. L’humour et l’action sont en revanche un peu en retrait et j’ai découvert cette intrigue un peu moins enthousiaste, je dois le reconnaître. La difficulté de ce format était dès le début de parvenir à s’inscrire dans la longueur car autant on a regretté le format très court d’un Tetsu & Doberman autant pour Toilet Bound une tomaison sur les doigts de la main aurais sans doute suffi. Je dis cela alors qu’aucune intrigue au long court n’a eu le temps de se mettre en place, aussi il faudra voir (je rappelle que la série compte déjà quinze volumes au japon, ce qui laisse à Pika le temps de développer sa licence)

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  • Elio le fugitif #2-3 (Hosokawa/Glénat) – 2021, série en 5 volumes, terminée au Japon

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

elio-fugitif-2-glenatImpression mitigée et assez tranchée sur les deux volumes, qui recoupent au final le sentiment du premier volume. Le second tome est très faible (du niveau d’un calvin) même s’il met enfin en place une véritable intrigue liée à des vengeances dynastiques. Ce qui était attendu jusqu’ici s’étoffe donc un peu avec un descriptif politique de l’époque qui habille un peu une fuite tout à fait linéaire et que les quelques combats très hachés et coins d’humour shonen ne suffisent pas à rythmer. On attendait soit un récit historique à la Vinland Saga soit un prétexte en mode baston avec des personnages de jeux vidéo… on est au final entre deux et ce n’est guère satisfaisant, d’autant que les dessins juste correctes ne relèvent pas vraiment l’intérêt. Le personnage d’Elio dont le second degré touchait plutôt juste (un jeune gamin hyper-fort qui semble à peine réaliser dans quelles situations il est et s’en sort toujours haut la main) est ici plutôt effacé.

Sur le troisième volume on reprend de l’intérêt avec une histoire qui devient beaucoup plus structurée, simple mais cohérente avec une progression, des flashback sur les personnages et un final qui prépare un affrontement d’arène que l’on imagine aboutir la série sur les deux prochaine volumes. Si du coup le manga se laisse lire plus agréablement, les combats tout à fait rageurs, exagérés (les personnages sont presque aussi forts que dans Dragon ball!) souffrent d’un montage très haché et peu lisible, le lecteur devant fréquemment revenir en arrière avec l’impression d’avoir manqué des cases. Il ressort de tout cela l’impression d’une série de grande consommation destinée à ravir les boulimiques en attendant un prochain tome de Vinland Saga mais sans aucune ambition particulière.

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  • La guerre des Mondes (Ihara-Yokoshima/Ki_oon) – 2021, 170p., 2/3 tomes parus.

bsic journalismMerci aux éditions Ki_oon pour leur confiance.

guerre_des_mondes_2_ki-oonLa chronique du premier volume (détallant notamment la très jolie édition) est ici.

Ce second tome continue sur la même tonalité que le premier à savoir une course du personnage principal (témoin-photographe) parmi les populations fuyant devant l’avancée meurtrière des martiens. L’intrigue est donc tout à fait linéaire et construite autour des destructions terrifiantes et des quelques lueurs d’espoir qui surgissent avant d’être étouffées. Quelques morceaux de bravoure humaines (un peu désespérées) viennent donc pimenter ce qui pourrait devenir redondant et on enchaîne ces cent-soixante-dix pages à grande vitesse et un plaisir non feint. Les dessins, pas virtuoses mais très correctes et portés par des cardages  qui appuient le désespoir et le drame absolu portent ainsi bien ce récit qui confirme sa qualité et intrigue (pour qui ne se souviendrait pas par cœur du récit original) quand à son dénouement…

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Karmen

BD du mercredi

BD de Guillem March et Tony Lopez (coul.)

Dupuis (2020), 160p. one-shot.

L’ouvrage est proposé en grand format, de ces paginations des gros one-shot généreux permettant un graphisme libéré. L’intrigue est découpée en quatre parties à la pagination décroissante et se conclut par un cahier graphique de… trois pages. Il est surprenant que l’auteur n’ait pu fournir plus de matériau à compter du moment où un cahier était proposé. La couverture est très percutante avec ce design très réussi du personnage de l’ange sur un beau rouge vif. Un petit texte de présentation en quatrième de couverture n’aurait pas été de trop. Édition honnête qui aurait pu être plus travaillée pour accompagner ce très original projet.

couv_385071Catalina est une introvertie. Systématiquement déçue par ses relations, elle se concentre sur son amitié d’enfance avec Xisco, beau ténébreux qui collectionne conquêtes et déceptions amoureuses. Un jour elle décide d’en finir…

Encore un digne représentant d’une Ecole espagnole qui ne cesse de ravir nos pupilles! Avec vingt ans de carrière, le majorquin Guillem March propose avec Karmen sans doute son plus ambitieux travail graphique. L’espagnol a travaillé sur de nombreuses publications DC souvent sur des personnages féminins, souvent teinté d’érotisme. Projet aussi étrange, surprenant que personnel, Karmen reprend (en version féminine) le thème de l’excellent Essence de Benjamin Flao, celui de l’ange venu accompagner une âme pendant les quelques micro-seconde qui séparent la vie de la mort…

Qui dit projet de dessinateur dit graphisme généreux et très clairement la première qualité de cet ouvrage est sa liberté totale. L’auteur prend prétexte de ces heures de libération de l’âme, cette pérégrination de Catalina dans la cité ensoleillée accompagnée par l’ange contestataire Karmen pour donner libre cour à sa virtuosité et à ses envies. On observe ainsi la jeune femme vaguement grassouillette parcourir le monde, croiser ses contemporains dans le plus simple appareil, déviant les lois de la gravité quand elle comprend que seule sa volonté la limite dans ce nouveau plan d’existence. Les cases sont larges, les pages souvent pleines et le cadrage donne le tournis en  proposant des cadrages improbables par-ci en eye-fish, par-là accompagnés de formes en surimpressions… tout cela est hautement imaginatif et magnifique. Le modèle Manara est bien sur présent avec cette justification toute relative de montrer l’héroïne nue sous toutes les coutures avec un petit côté voyeur mais absolument pas vulgaire ni érotique. Le sexe féminin n’est jamais montré malgré certaines vues vertigineuses et l’on sort de l’album avec la vague impression d’avoir parcouru des travaux de graphisme anatomiques ou un carnet de paysages urbains. C’est beau, c’est précis, c’est inspiré… pour le dessin.Karmen - La Loutre Masquée

L’histoire, elle, est moins enthousiasmante. D’abord par-ce que l’on a déjà vu cela. March apporte certaines idées intéressantes sur le couple, l’amitié, les relations sociales, et nous accroche un peu tardivement lorsqu’il accélère sur le monde des anges en envoyant Karmen parlementer au sein de l’Administration des âmes. Comme je le constate souvent, ce genre de gros projets tire son essence dans des envies graphiques de leurs auteurs. Cela comble les amoureux du dessin mais ne suffit pas forcément à convaincre le grand public sur une intrigue qui aurait été plus forte en la condensant en un format plus classique de moins de cent pages. Hésitant entre une chronique amoureuse (sans que l’on ne voit la vie qui a mené Catalina à cette décision radicale) et un trip fantastique, l’auteur se fait plaisir de façon irrégulière. Le premier « cahier » (de soixante-dix pages) est clairement trop gros et étouffe la narration malgré le plaisir visuel. La seconde moitié de l’album est beaucoup plus rythmée et propose une progression narrative dont la chute (une sorte d’épilogue) fait presque regretter ce qui aurait pu être un diptyque avant/après.Éditions Dupuis (@EditionsDupuis) | טוויטר

Il ressort de cette lecture un sentiment étrange, une grande sympathie pour ces personnages, un grand plaisir de lecture frustré par une idée inaboutie d’un auteur qui a un peu délaissé l’histoire en draguant le lecteur par les formes de sa belle plus que par une tension dramatique.

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Mattéo – 5° époque

BD du mercredi
BD de Jean-Pierre Gibrat
Futuropolis (2020), 60 p. Série Mattéo, 5 tomes parus.

couv_377558Le tome précédent a été chroniqué sur le blog avec un petit rappel des épisodes précédents. Je ne détaille pas la fabrication et édition, toujours superbes avec notamment des illustrations de couvertures à tomber et que l’on aimerait bien avoir en tirage encadré… A noter que l’éditeur a sorti une intégrale du premier cycle (tomes un et deux) et que chaque volume existe en grand format. La pagination des albums de la série a tendance à baisser… Je ne vais pas râler car il est toujours préférable qu’un auteur n’en mette pas trop mais dans l’absolu avec treize pages de moins que le tome trois on pourrait attendre un prix de vente légèrement diminué…

Le village d’Alceteria a été pris et la République socialiste et anarchiste peut installer ses idées dans cette enclave. Propulsé au rang de chef, Mattéo prend le temps de discuter avec le vieux franquiste en fauteuil roulant qui occupe le bas de l’hacienda où il réside avec ses compagnons d’arme… lorsqu’il ne doit pas calmer les ardeurs guerrières de la belle Aneschka. Mais rapidement les nuages s’annoncent sur leur utopie quand la guerre civile se rappelle à eux…

Les textes de cette série sont grands! De ceux qui respirent l’énergie intelligente, à la fois très politiques, drôles, sans doute écrits avec facilité par un auteur dans son jardin. Je rappelle régulièrement combien être scénariste ne s’improvise pas et que beaucoup de dessinateurs confondent les deux rôles. Comme son confrère Bourgeon il fait partie des pas si nombreux auteurs de BD à part entière dont les scénarios sont au moins aussi excellents que les dessins.

Nous n’écoutons pas les mêmes hymnes, peut-être pouvons-nous nous accorder sur les bruits…

Aux beuveries désinvoltes du précédent volumes qui faisaient écho à un esprit naïf de ces guerres idéologiques du XX° siècle, cette cinquième époque apporte l’hiver de la dure réalité de la guerre. Celle des morts et de la défaite. Si le texte reste léger et cynique comme son narrateur, le drame est réelle et le lecteur un peu historien le sait inéluctable. Il n’y a rien de plus amère que de revoir ce qui aurait pu être, de voir dans les magnifiques aquarelles de Gibrat cette utopie anarchiste naître et mourir. J’avais été surpris de voir la série emprunter aussi fermement (presque trois tomes sur le sujet) les sentiers de la guerre civile espagnole après deux albums assez thématiques (la première guerre mondiale et la révolution russe). Or, plus sans doute que la russe, cette guerre entre deux systèmes radicalement opposés parle pour tout le siècle et nous voyons l’importance de ce qui se joue. Utilisant sans cesse des rappels au conflit fondamental, civilisationnel, entre le collectif, le libertarisme, l’athéisme, la démocratie face au fascisme allié à l’Eglise, l’auteur donne une dimension majeure à sa série. Il a créé son personnage comme témoin destiné à traverser la sombre première moitié du XX° siècle, utile rappel d’enjeux jamais résolus.

Un premier passage juste pour voir, un second juste pour tuer… dieu n’avait sans doute jamais vu autant d’anarchistes courir à l’église…

Dans ce volume Mattéo voit revenir Amélie dont il imagine le calvaire de la captivité chez les phalangistes. En couple avec Aneschka il tente d’assumer son rôle de chef en organisant la défense du village alors que le hasard rappelle sa généalogie et l’histoire cachée de son espagnol de père… La finesse du scénario, jouant sans cesse entre l’intime, la petite histoire et la grande Histoire, reste toujours aussi remarquable. En cinq volumes rarement une série aura maintenu un niveau d’excellence aussi haut.

N’osant parler de chef d’oeuvre (plus facile à attribuer à un one-shot), je qualifierais néanmoins Mattéo de très grande série alliant beauté formelle jusque dans l’édition, dialogues dignes d’un Audiard sans jamais tomber dans la facilité et importance dramatique. Avec finalement assez peu de textes, beaucoup de plans muets voir contemplatifs, cet album clôt le second cycle et annonce un troisième à partir de 1939 et une seconde guerre mondiale qui va sans doute être plus difficile pour le héros dont le cynisme risque de se confronter à la froide dureté de cet holocauste. On souhaite à Gibrat de trouver l’angle qui permettra de maintenir ce peps et le plaisir de lecture qui nous donne envie de suivre Mattéo jusque très loin dans le siècle…

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Mattéo – 4° époque

BD de Jean-Pierre Gibrat
Futuropolis (2017), 60 p. Série Mattéo, 4 tomes parus.

61myt6ok96lMagnifique album, comme toujours chez Futuropolis (peut-être l’éditeur le plus attaché à ses maquettes avec la collection Metamorphose), les couvertures de la série sont chaque fois à tomber. La couverture est un peu trompeuse puisqu’il n’est (presque) pas question d’aviation… Ce quatrième tome forme un second cycle entamé avec le 3 sur le Front populaire et se poursuivra au moins sur un cinquième tome pour clôturer le cycle. On aurait aimé un cahier graphique…

Je suis (comme beaucoup) Gibrat depuis son grand succès Le Sursis, superbe diptyque sur l’amour, l’attente, la guerre… Chacun de ses albums est très bien accueilli malgré des répétitions que l’on ne peut nier (toutes ses filles ont le même – magnifique! – visage…) et cela pour une simple et bonne raison: il est pour moi l’illustrateur BD qui a probablement la plume la plus virtuose du circuit. Rares sont les grands illustrateurs dont les textes sont presque plus puissants que les images et c’est le cas avec Gibrat. Pourtant on part de très haut et il n’est pas besoin d’appuyer beaucoup sur les qualités des dessins et notamment des couleurs directes.

Les grandes idées ne se claironnent plus, elles se chuchotent. L’idéal dévalué, la peur restait une valeur refuge

Résultat de recherche d'images pour "mattéo quatrième époque"Pour rappel, après la première guerre mondiale dans le tome 1, la révolution russe de 1917 dans le 2 et le front populaire dans le 3, Mattéo se retrouve (comme la fin du précédent le laissait entendre) embarqué dans la révolution espagnole (ou plutôt catalane) contre les phalanges franquistes. Une situation politique qui représente le personnage: idéaliste et désabusé. Ce thème permet à l’auteur de s’étendre sur ces grandes pages sur les magnifiques paysages semi-arides de l’Espagne, les petites ruelles du sud qu’il aime tant dessiner, ces bleus qui irriguent le ciel… C’est beau, très beau, on a l’habitude avec lui. Ce qui est plaisant dans la série Mattéo, plus que dans ses autres, c’est cependant son effort sur les visages ou plutôt les tronches. Mattéo d’abord, vraiment caractérisé, avec son nez cassé  et son regard sombre, mais aussi les camarades vociférants. On est pas loin des gueules de Bourgeon mais en plus délicat.

Je vois que l’activité politique bat son plein… toujours sur la même ligne… celle du petit blanc

Image associéeMattéo est une série flamboyante par-ce qu’elle propose une traversée de la première moitié du siècle et se ses soubresauts politiques. C’est la série la plus engagée de Gibrat et sa longueur semble indiquer qu’il s’y fait plaisir, à la fois graphiquement et intellectuellement. Je n’ai pas relu récemment les précédents tomes (la série a 10 ans) mais je dois dire que ce volume est celui qui m’a le plus marqué au niveau des textes. Il y a une vraie inspiration dans les commentaires du narrateur sur la situation de ces pieds nickelés alcooliques engagés pour l’aventure ou pour la démocratie (on ne sait pas trop…) et sur les réparties à la fois drôles, vives, acerbes.  Une vraie ambition littéraire qui fait relire plusieurs fois certaines bulles pour s’en imprégner, pour les savourer, comme on savoure ces aquarelles superbes.

… nous ne faisions guère mieux que des iceberg, on se fabrique sous un climat, on s’en détache, et on dérive le nez au raz des vagues.

Résultat de recherche d'images pour "mattéo quatrième époque"Niveau scénario il y a bien une petite difficulté quand à la disparition soudaine des personnages entre les albums de la série et au sein d’un même album. C’est perturbant car cela brouille un peu la simplicité du récit. Probablement car Mattéo est l’axe de ses récits, le reste, comme l’histoire, comme la guerre, étant dérisoire à ses yeux. Il y a pourtant de l’aventure dans cette série (je ne dirais pas de l’action, qui n’est peut-être pas le fort de Gibrat) et l’on aime suivre les pérégrinations tant amoureuses que militaires de notre gueule cassée préférée.

Mine de rien Mattéo est en train de devenir une référence dans la BD historique et sans doute la meilleure série de son auteur. Une série qui peut se prolonger sans soucis et pour notre plus grand plaisir encore sur de nombreux albums, tant que le siècle a encore des horreurs à montrer.

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Cet article fait partie de la sélection de22528386_10214366222135333_4986145698353215442_n, cette semaine hébergée chez Noukette.