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Heart gear #1-3

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Manga de Tsuyoshi Takaki
Ki-oon (2019-),  200p./volumes, 3 tomes parus en France.

bsic journalismMerci aux éditions Ki-oon pour leur confiance.

Les jaquettes des volumes sont assez travaillées avec, outre le résumé de quatrième de couverture, des dessins et petits textes de l’auteur en revers, mais surtout un intérieur de couverture habillé par des illustrations originales (très jolies) et un texte de conclusion détaillant le contexte de production et les objectifs évolutifs à mesure de l’avancée des tomes. Ces « échanges » avec l’auteur donnent une bonne indication de sa finesse et de son intelligence créative. Le premier volume est vendu en édition spéciale avec une histoire courte « Freaks » datant de 2016.

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Il y a 200 ans la troisième guerre mondiale a détruit toute vie humaine sur Terre. Depuis, la planète est parcourue par des « gears ». Ces androïdes de divers fonctions, du militaire au fermier, ont pris la place des hommes, sans buts maintenant que leurs maîtres ne sont plus là. Pourtant un miracle survient: un enfant humain est trouvé par le robot Zett. Après la destruction de son « père », Roue décide de partir à la recherche de Heavenland, un lieu mythique où elle pourrait le reconstruire. Cachant son identité biologique elle parcourt cette terre dévastée et la multitude de personnalités robotiques engendrées par ce nouveau contexte…

Résultat de recherche d'images pour "heart gear takaki"Les premières pages de cette série m’ont fait peur… Après une entrée en matière rapide pour dresser le contexte, un rythme lent s’installe dans une atmosphère graphique assez irréelle, à la fois saturée de blanc et occupée par une utilisation assez importante de trames qui « salissent » le trait pourtant élégant et fin de Tsuyoshi Takaki. Inspiré par le graphisme des manga des années 80-90 (comme Appleseed auquel se réfère Heart Gear, Gunnm ou sous nos latitudes le manga français Bolchoi Arena), le dessin perd ainsi sa précision en devenant parfois un embrouillamini de traits noirs difficilement lisibles. C’est d’autant plus dommage que l’auteur reste très lisible dans les séquences d’action avec une technique anatomique (les corps et expressions) et un design robotique vraiment remarquables. Ceux qui ont lu son précédent succès Black Torch ou l’histoire proposée avec le tome un verront la qualité du dessin de Takaki quand il n’est pas encombré de ces trames.

Résultat de recherche d'images pour "heart gear takaki"Je souligne ce point noir dans le choix de l’auteur car hormis cela les trois premiers tomes de Heart Gear sont un quasi sans-faute, marqués par une progression dramatique particulièrement réussie. Le point qui faisait défaut à une série proche, l’Origin de Boichi (à savoir une progression saccadée) est ici d’une grande fluidité, si bien qu’on avance avec grand plaisir dans cette histoire en découvrant à un rythme posé les personnalités de nos héros, le background, les problématiques et réflexions que l’auteur souhaitait évoquer. Les parties sont séparées par des pages noires de texte revenant plus précisément sur le développement des IA, des gears, des problématiques posées par l’essor de l’exploitation des gears et des interrogations des concepteurs qui se prolongeront sous nos yeux une fois l’humanité disparue. Ce procédé de textes courts permet de ne pas trop casser l’action en ciblant un thème très précis pour nous ouvrir l’univers sans se perdre dans mille interrogations. De fait, une fois la lecture terminée on est frappé par la concentration, la structuration d’un manga qu’on pensait parti pour des bastons mécaniques et qui s’accroche plus à la famille des séries de réflexions sur l’homme et la machine (avec donc Origin, Carbone & Silicium ou Ghost in the shell).

ImageAprès une mise en relation avec la jeune fille, son gear protecteur surpuissant et le point de départ (ce « père » robot, seul être aimant qu’elle ait jamais connu) dans le tome un, on part ensuite pour un périple dans des paysages dévastés où chaque rencontre avec un gear va faire avancer notre réflexion avec le concept original de programme de base. Dans cette série les gears sont ainsi structurés par un programme définissant leur finalité. Chrome (le héros protecteur) est « né » sans programme de base et comme son homologue Origin il choisit de se définir comme protecteur de l’humaine. On touche ainsi au libre-arbitre qui concerne à la fois cette humaine et les robots désœuvrés de ce monde post-apo. Par une inversion des rôles, Roue se trouve être une anomalie dans un univers de robots qui ont été conçus dans un but unique. La quête de sens traverse donc ce manga parmi les nombreuses autres réflexions plus classiques sur ce qu’est être humain (sujet central de Carbone&Silicium).

L’originalité principale de ce manga (dans un thème classique qui n’oublie pas de faire référence à Asimov tout en précisant que les trois Lois de la robotique ne s’appliquent pas dans ce monde) repose sur la mise en parallèle de la « naissance » des des deux êtres en simultané: Roue renait au contacte du monde extérieur en sortant de son cocon et Chrome de même en découvrant ses capacités et sa nature. Si  le programme de base des gears ne leur permet pas (théoriquement) de sortir de leur fonction initiale, on apprendra que ces derniers peuvent être dotés de capacités émotionnelles… induisant l’inévitable réflexion sur l’humanité de l’être pensant.

Heart Gear - chapter 5 - #8Doté de passages assez poétiques avec des personnages bien caractérisés, Heart Gear rappelle par moments la simplicité touchante du chef d’œuvre Wall-E, notamment avec le personnage du robot Rock qui apporte une touche d’humour bienvenue. On n’oublie pas l’action dans des combats puissants et très réussis où pour l’heure la relative invincibilité de Chrome peut finir par poser problème quand au niveau de tension de l’intrigue. Jouant de façon très équilibré entre le développement du background, de la psychologie et de la baston, l’auteur n’oublie pas son public de geek avec un léger fan-service un peu grossier mais absolument pas vulgaire. On ressort de cette aventure absolument enchanté par une SF qui mine de rien est une des plus réussies vues depuis pas mal d’années et on trépigne de lire la suite qu’on espère volumineuse…

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