****·BD·Mercredi BD·Nouveau !

Zaroff

BD du mercredi
BD de Sylvain Runberg et François Miville-Deschênes
Le Lombard-Signé (2019), 76., one-shot.
couv_367016
© Runberg/Miville-Deschênes chez Le Lombard

L’album de Runberg et Miville-Deschênes est une suite d’une nouvelle de Richard Connell et non du film adapté qui lui a valu la gloire. Il a été proposé par le dessinateur à son scénariste de Reconquêtes, avec l’envie de traduire graphiquement les impressions ressenties à la lecture du texte. Le lien avec le texte d’origine est à la fois très fort (l’album comporte une longue introduction rappelant les événements précédents) et étiré notamment par la fin qui annonce une probable extension (j’y reviens). Comme d’habitude chez Signé, nous avons un très bel album (je ne suis pourtant pas super fan de l’illustration de couverture qui semble pourtant avoir été envisagée très vite) agrémenté d’un joli cahier final avec découpage du scénario, commentaires du dessinateur sur ses croquis préparatoires et explications de développement du scénariste. Du tout bon au niveau éditorial.

L’échec de Zaroff sur sa précédente chasse à l’homme l’a laissé dépressif. Réfugié avec ses hommes sur une nouvelle île, il découvre un jour une caméra devant le portail de son fort: la fille d’une de ses victimes a décidé de se venger et lance une chasse dont la proie n’est autre que la sœur et les neveux du comte. La situation chasseur/chassé semble s’inverser. Mais une fois sur le terrain, qui sera le prédateur le plus féroce?

Résultat de recherche d'images pour "zaroff miville"
© Runberg/Miville-Deschênes chez Le Lombard

François Miville-Deschêne fait partie de ces dessinateurs qui teasent beaucoup sur les réseaux sociaux et cette peinture de couverture, étrange avec ce vert et le look du comte circule depuis plusieurs mois, créant une envie certaine. Surtout depuis que j’ai découvert l’auteur en feuilletant en librairie l’intégrale de la saga d’antic-fantasy Reconquêtes, album qui m’a conquis autant par son scénario que par son graphisme quasi parfait. Car le dessinateur québécois est probablement l’un des plus techniques de la BD franco-belge. Juste pour vous prévenir: la lecture des pages de Zaroff ne souffrent d’aucun défaut esthétique! Concernant Sylvain Runberg je l’ai découvert sur la formidable série SF Warship Jolly Roger et je retiens deux choses: d’une part sa capacité à s’adjoindre la collaboration d’excellents dessinateurs, d’autre part l’imprévisibilité de ses scénarios, ce qui les rend très intéressants.

Résultat de recherche d'images pour "zaroff miville"
© Runberg/Miville-Deschênes chez Le Lombard

N’ayant ni lu ni vu La chasse du Comte Zaroff le projet n’avait aucune raison de m’attirer. Pourtant il se justifie par lui-même dans cet étonnant équilibre que les auteurs parviennent à insuffler à leur album, qui jouit de la mythologie du personnage avec la liberté d’une intrigue originale. Ou plutôt une revisitation. Un peu comme ce qu’a fait Abrams sur StarWars7 en remakant Un nouvel espoir.  Du coup on passe les premières pages à se concentrer pour comprendre la chronologie des évènements précédents et le who is who. Je vous épargnerais une recherche internet inutile: hormis Zaroff et les personnages présents dans l’introduction tout ce que vous verrez dans l’album est original. Pourtant il s’insère avec fluidité et l’on a vraiment l’impression que tout cela est issu de l’ouvrage original. Cela s’appelle un background et Runberg est très doué pour développer ce hors champ qui donne une consistance à toute bonne histoire.

Résultat de recherche d'images pour "zaroff miville"
© Runberg/Miville-Deschênes chez Le Lombard

Mais le cœur de l’ouvrage est l’aventure, avec une recette simple: un méchant (très) charismatique, une bande de bandits très armés avec à leur tête une héritière contestée par ces machos irlandais, un environnement naturel plein de pièges, d’animaux sauvages et de décors grandioses,… Soyons clairs, le vrai héros de l’histoire est Zaroff et les auteurs se cachent à peine de leur envie de nous narrer ses prouesses. Il est un monstre mais est chassé par des bras cassés pas forcément plus vertueux. Fiona (la chasseuse) est également réussie avec son guide brésilien, sorte de crocodile Dundee. Mais la donzelle au caractère bien trempé reste dans l’ombre de ce que cherchent à nous narrer Runberg et Miville-Deschênes: ce génie du mal est invincible pour peu qu’aucun tiers ne vienne fausser ses plans. On réalise ainsi progressivement que l’enjeu n’est pas de savoir si Zaroff va s’en sortir mais plutôt combien d’irlandais survivront…

Résultat de recherche d'images pour "zaroff miville"
© Runberg/Miville-Deschênes chez Le Lombard

L’île est un décors improbable mais grandiose, avec des formations géologiques incroyables et des panoramas qui semblent presque issus de mondes Fantasy. Surtout, le dessinateur se régale dans ses palettes de couleurs, ses décors de jungle, ses falaises, ses arrières plans aussi détaillés que les personnages, il semble à l’aise partout. Du fait de l’histoire on peut ressentir une légère monotonie d’environnement mais l’action et la qualité du trait font que l’on n’a pas le temps de s’ennuyer une seconde. Disons pour chipoter que la partie graphique est légèrement moins impressionnante que sur ses derniers albums, mais cela reste techniquement parfait, notamment dans ces visages et expressions, tous spécifiques et totalement crédibles. Un sacré artiste.

Zaroff est typiquement le genre d’album au sujet minimaliste mais que la seule réalisation (sans faute) propulse au rang de blockbuster de la BD. Quand un album vous permet de découvrir deux grands artistes, vous donne envie de lire le texte d’inspiration et vous régale les yeux, il est difficile de résister. Si vous aimez l’aventure et les beaux dessins de style classique, courez, Zaroff est peut-être déjà derrière vous…

note-calvin1note-calvin1note-calvin1note-calvin1

Achetez-le chez njziphxv

… et allez lire le super entretien que propose le site Branchés Culture!

5 commentaires sur “Zaroff

Laisser un commentaire