****·BD·Nouveau !

Ne lâche pas ma main

BD de Fred Duval et Didier Cassegrain
Air Libre – Dupuis (2023), 123 p., one-shot.

Comme souvent chez Air Libre, la sortie de l’album est accompagnée en simultané (ce n’est pas toujours le cas et il faut le saluer) d’un Tirage de Tête qui vous apporte a peu près rien de plus pour douze euros supplémentaires hormis le fait de faire partie des Happy few. Chacun se paie les caprices qu’il veut mais vue la qualité éditoriale native des albums Air Libre personnellement je ne vois pas l’intérêt…

La superbe Liane et son mari Martial sont en vacances sur l’ile de la Réunion avec leur jeune fille Sofa. Lorsque sa femme disparaît Martial est rapidement accusé de meurtre, tous les indices l’incriminant. Il décide alors de fuir avec sa fille. Le capitaine Purvi entame une enquête de routine et la chasse à l’homme qui s’ensuit. Mais son professionnalisme sent que quelque chose cloche dans l’attitude du mari. Mais comment aller à l’encontre de multiples faisceaux de culpabilité tout en restant professionnelle? Doit-elle suivre son instinct ou les faits?…

Voilà le duo impérial Duval/Cassegrain qui nous emmènent à la Réunion quatre ans après leur magnifique adaptation des Nymphéas noirs de Michel Bussi et un intermède récréatif du dessinateur chez ses potes du ComixBuro sur Sa majesté des Ours. On ne change pas une équipe qui gagne et pour ne pas vous laisser dans l’attente plus longtemps, oui ce nouvel album est tout aussi réussi que le précédent… si vous aimez les polar.

Car comme souvent dans le genre, après de longues pages de manipulation visuelle et mentale (où l’on voit l’apport indéniable du format BD) on reste un peu frustré par une chute toujours critiquable: trop de deus ex machina par-ci, trop précipité par-là, « je le savais » à droite, « trop policé » à gauche. Bref, une fois admis les limites du genre, avez-vous envie d’y plonger? Parce qu’avec un équipage aussi rodé et talentueux, vous voilà embarqué dans un décors à la fois familier et dépaysant, dans une intrigue machiavélique qui avance au rythme langoureux des tropiques. Jouant de l’image et du cadrage pour tromper et influencer le lecteur, les auteurs nous laissent témoins de la fuite du très froid Martial dont la fille est de plus en plus convaincu qu’il a tué maman. Trop facile, trop évident, pourquoi nous fait-on suivre de si près un assassin? Pourtant les faits sont là comme l’observent la capitaine et son fort sympathique collègue par qui on s’immerge dans la vie locale de cette pas-tout-à-fait-France. Un peu d’anthropologie de la fonction publique par-ci, un peu de tourisme nature par-là, on est si transporté qu’on imagine régulièrement quels acteurs pourraient jouer ces personnages forts et les splendides panoramas de l’ile.

Graphiquement on ne sera pas surpris, le style Cassegrain, toujours artisanal, évolue peu. On pourra noter des couleurs plus plates que sur les Nympéas mais cela colle à la lumière locale et pour le coup je rangerais mes reproches habituels sur une vivacité colorimétrique écrasée. L’artiste est en tout cas toujours aussi à l’aise dans la mise en scène, les décors sont superbes et l’on se surprend à enchaîner les très nombreux dialogues où la plume si facile de Fred Duval compense les limites physionomiques de son compère.

On achève ce one-shot conquis, avec une petite envie de sauter dans un avion pour l’océan indien, et prêt à relire pour recoller le puzzle, en attendant le prochain opus.

note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1
note-calvin1

Laisser un commentaire