BD·Numérique

Découvrez la BD numérique ! #3

1200x630bf.jpgL’année 2016 a été marquée par un évènement hors norme dans le monde de la BD. La diffusion de la « Bande-Défilée » Phallaina directement sur les magasins d’applications d’Apple et de Google marque un tournant majeur dans les explorations artistiques d’une BD utilisant le média numérique. En somme Phallaina marque l’an 1 de la BD numérique non expérimentale !
Une BD de 115m de long…
Sortie de l’imaginaire et des doigts de Marietta Ren, Phallaina raconte l’histoire d’une jeune fille souffrant d’une maladie rare provoquant des hallucinations… Au travers de son parcours psychologique et émotionnel, le lecteur est immergé dans une ambiance sonore et graphique inédite, sorte de chaînon manquant entre l’Animation et la BD.
L' »album », uniquement disponible (gratuitement) sur tablettes, consiste en une unique case à faire défiler sous ses doigts, équivalant à 1600 écrans de tablette ! L’ouvrage est conséquent et a certainement demandé un travail herculéen à l’auteure. Le principe de la disparition des cases, transformées en un agencement d’un dessin continu jouant sur les contrastes, a déjà été vue sur des albums papiers (Marc-Antoine Mathieu, Frank Miller, Olivier Ledroit ou Claude Ponti par exemple). Mais jamais dans une telle mesure, le format numérique exploitant totalement ces possibilités, si bien qu’une édition papier semble totalement improbable. Une version imprimée de 115 m associée à l’univers sonore a en revanche été installée au festival d’Angoulême et se déplace depuis dans plusieurs villes.

Une BD immersive
L’album ajoute par ailleurs des effets visuels (parallaxes) et sonores (rapprochant l’oeuvre de l’Animation) afin d’accentuer l’implication du lecteur. L’histoire, basée sur les difficultés visuelles et sonores du personnage, devient immersive, faisant ressentir les gênes du personnage. Le travail sonore basé sur des sons de baleines et de battements réguliers est particulièrement réussi et apporte grandement à l’expérience. Il est d’ailleurs nécessaire d’entre-couper ses séquences de lectures, à la fois en raison de la longueur de l’album mais surtout car une certaine fatigue visuelle apporte étrangement toute sa pertinence à ces choix. Jamais l’on ne s’est senti aussi impliqué dans une BD !

Un support logistique important
Cet ouvrage n’a cependant pas été réalisé par l’auteure seule mais supporté par l’excellente branche « R&D » Nouvelles écritures de France-Télévision et le studio « transmédia » Small bang. Comme on l’a vu dans les deux premier billets de cette série BD numérique, ce nouveau format implique à la fois des moyens importants et une véritable démarche artistique d’auteur. Phallaina semble avoir trouvé l’équilibre entre ces deux contraintes puisqu’elle est un projet d’auteur qui a été proposé à France-TV qui a ensuite mis les moyens nécessaires.

A quand la suite ?
Premier projet grand public véritablement abouti, que peut-on attendre à la suite de Phallaina ? Le risque est qu’il ne s’agisse que d’une expérience sans suite. Les éditeurs de BD ne semblent pas avoir pris le tournant du numérique (aucune structure de création numérique n’existe chez eux à ma connaissance) et la question se pose de savoir s’il revient à des structures du Web (c’est le cas actuellement) ou de l’édition de soutenir ce type de projet. Tant que le coeur du métier ne verra pas ces possibilités avec un véritable accompagnement d’éditeur, il est à craindre que de tels projets n’apparaissent que très épisodiquement. A moins que l’engouement pour Phallaina ne permette un déclic tant attendu ?

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