**·BD·Numérique

Carthago tome 10: L’abîme regarde en toi

L’abîme regarde en toi est le dixième tome de la série Carthago, écrite par Christophe Bec, éditée aux Humanoïdes Associés. Ce tome de 54 pages paru le 23/10/2019, est dessiné par Ennio Buffi.

bsic journalism

Merci aux Humanos pour leur confiance

Nietzsche au fond de l’eau

Suite à un forage sous-marin trop aventureux, de redoutables créatures préhistoriques, témoins d’un autre temps, remontent à la surface des mers. Parmi ces monstres, on trouve le Mégalodon, le plus terrifiant prédateur marin sensé être éteint depuis des millions d’années. Alors que de nombreux spécimens sillonnent les mers du globe, certains se mettent en quête du secret de ces créatures et de leur soudaine résurgence. Ferseinger, le Centenaire des Carpates, mobilise ainsi son meilleur homme, London Donovan, ainsi que l’océanographe Kim Melville, dont la fille Lou manifeste un lien singulier avec les créatures allant de pair avec une physiologie tout à fait hors-norme.

Au fil des tomes, l’apparition des fossiles vivants laissera entrevoir un secret bien plus complexe, impliquant une civilisation humanoïde sous-marine, dont seules les anciennes traditions en lien avec la mer peuvent encore témoigner. Nos héros vont découvrir que ces « Tritons Antiques » sont entrés en contact avec les prémisses de l’Humanité, ce qui a conduit à leur quasi-extinction et leur retrait subséquent dans les profondeurs abyssales. Ces contacts, bien que brefs, ont conduit à des métissages, engendrant des lignées d’êtres hybrides tels que Lou Melville.

Dans ce tome 10, Lou, devenue adulte après une habile ellipse, tente à son tour d’explorer les fonds marins pour contacter ces êtres aquatiques. Cependant, les abysses sont un endroit inhospitalier, même pour des plongeurs expérimentés. Lou et son équipe vont donc se retrouver piégés dans leur sous-marin endommagé, alors même que le réacteur nucléaire de l’engin menace d’exploser en engendrant une catastrophe planétaire.

Lou va donc douloureusement réaliser la portée de la maxime nietzschéenne qui sert de titre à l’album.

Les Dents de l’Abysse

Dès le premier tome de Carthago, l’on est frappé par un constat: la série porte en elle le germe de quelque chose de grand, amenant un sens du merveilleux à travers ses pages aux traits réalistes, traitant le sujet fascinant de la cryptozoologie dans une sorte d’uchronie très bien étudiée.

Le premier cycle laisse cependant apparaître le futur de son intrigue par des foreshadowings peut-être trop évidents pour le lecteur rompu à la SF et au fantastique. Ainsi, l’implication des Tritons et le croisement des espèces n’endosse pas nécessairement l’impact d’une révélation ou d’un twist, et l’on sent poindre très rapidement l’influence des classiques du genre, comme l’incontournable Abyss de James Cameron. Notons d’ailleurs, que, de façon assez prévisible, ce dixième volume partage avec le film, entre autres choses, la référence à Nietzsche.

Comme nous avions pu le remarquer sur d’autres séries de Christophe Bec, certains albums peuvent paraître dispensables à l’intrigue et semblent dépourvus de pivots majeurs, si bien qu’on finit par avoir une impression de longueur, voire de redondance entre certains volumes.

A la décharge du scénariste, qui ne répond peut-être qu’à une commande éditoriale, le nombre de situations dramatiques allant de pair avec la thématique de l’exploration sous-marine reste limité: fuir des monstres, traquer des monstres pour percer leur mystère, se retrouver piégé sous l’eau, on a l’impression avec ce dernier tome que tout a été vu, tout a été traité, à l’envi, si bien qu’au fil des album, l’auteur peut être tenté de recycler. L’intrigue tournant autour d’une explosion sous-marine dévastatrice colore elle-aussi l’album d’une teinte de déjà-vu, le scénariste ayant déjà basé sa série Olympus Mons sur ces enjeux-là. Les allers-retours surface/abysses effectués par les personnages au cours de ce volume ne font qu’enfoncer le clou.

Ce qui demeure également frappant, ce sont les dialogues parfois figés dans du techno-blabla, les personnages dépensant un nombre conséquent de phylactères à décrire des situations délicates en utilisant un jargon technique, qui, bien qu’adéquatement documenté, peut perdre le lecteur en l’éloignant de la tension dramatique. Il est toutefois possible que ce procédé puisse servir à immerger davantage le lecteur, mais ce n’est pas l’impression qui s’est imposée à nous en première lecture.

Côté graphique, Christophe Bec reste très bien entouré au fil de ses albums, Ennio Buffi respecte le canva suivi par la série jusque là.

Pour résumer, Carthago est une série portée par des thèmes fascinants, mais qui souffre d’une dilution trop importante de son intrigue, ce qui génère des redondances et parfois même, des redites avec d’autres série de l’auteur.

Laisser un commentaire