BD de Enrico Marini
Dargaud (2022), 122p., diptyque complet.
Le premier tome sorti tout pile un an avant m’avait envouté dans son atmosphère de film noir et cette suspension introductive qui nous laissera nous demander tout le long de la lecture comment finit cette histoire d’amour impossible… Et la première qualité de ce second et dernier(?) tome est sa couverture, remarquablement harmonieuse avec le premier et qui permet de constituer une magnifique affiche côte à côte. Dans le monde littéraire l’objet-livre importe et on peut dire que Dargaud et Marini ont peaufiné cette très belle édition qui aurait mérité un petit cahier graphique en note d’intention de l’auteur. L’édition collector Momie proposant quelques illustrations pour cinq euros de plus ne suffit pas à combler cette (petite) frustration. Un grand projet d’auteur mérite une grande édition. Celle-ci est juste très jolie.
Après une première moitié très ambiance qui posait les personnages nous voilà embarqué pour cent pages d’action aux dialogues enlevés comme sait les faire Enrico Marini. Cela a ses avantages et ses défauts avec toujours ma même remarque sur ces césures qui ne sont pas justifiées par le scénario mais par un choix éditorial, celle de déséquilibrer l’ensemble. Les planches sont toujours aussi belles. On sent que Marini s’est particulièrement appliqué, notamment sur sa femme fatale qui donne une indication sur une possible évolution réaliste du style de l’auteur, qui fait fort envie. Le scénario bâti autour d’un rocambolesque cambriolage fait la part belle aux personnages secondaires qui permettent une stature héroïque au beau bandit et un comique de situation autour des truands tous plus excentriques les uns que les autres. C’est une des réserves que je pointerais sur ce volume qui brise un peu l’atmosphère avec l’humour marinesque qui faisait déjà de son Batman une semi-comédie loin de la noirceur imaginée. De même pour l’action continue qui est certes fort plaisante (et montre encore une fois l’énorme facilité technique de l’italien) mais évacue le drame… jusqu’à une conclusion en semi-happy end qui iconifie les vecteurs de l’Amérique que sont la belle voiture et le Baseball.
C’est donc là en quelque sorte une part de l’identité artistique de Marini qu’on lui connait depuis ses débuts qui peut minorer la puissance (pourtant très grande) de ce diptyque: hormis son association avec Dufaux sur les Rapaces Enrico Marini a toujours cherché le grand spectacle d’action flirtant vers la comédie avec l’ADN de Philippe de Broca. Le premier tome sentait l’envie de Noir au travers de ce montage remarquablement inspiré. Le second développe le Burlesque classique là où on attendait du New Burlesque sulfureux de la couverture. Il n’y a pas tromperie sur la marchandise mais selon ce que l’on aime chez Marini on savourera immensément ou as usual. En attendant avec impatience son prochain projet.