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Dans l’ombre

Récit complet en 88 pages, adapté du roman de Gilles Boyer et d’Edouard Philippe. Philippe Pelaez signe le scénario, Cédrick Le Bihan les dessins. Parution chez Grand Angle, en partenariat avec les éditions JC Lattès, le 05/04/23.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Cinquante Nuances d’éminence grise

Les arcanes du monde politique nourrissent bien souvent des fantasmes et des suspicions, d’autant plus aujourd’hui à cause de la défiance du peuple envers la classe politique. Perçue comme une élite qui se reproduit, cette dernière a engrangé suffisamment de scandales pour ternir durablement son image auprès des citoyens, si bien que de sauveurs providentiels, les hommes politiques se sont progressivement mûs en opportunistes magouilleurs, au mieux sournois et arrogants, au pire, corrompus et avides.

Quoi de mieux dans ce cas que deux hommes politiques pour livrer un aperçu des manœuvres et des enjeux de ce monde opaque ? C’est ce qu’ont fait Edouard Philippe, ancien Premier Ministre, et Gilles Boyer, député Européen, dans leur roman intitulé Dans l’Ombre, adapté ici dans l’art séquentiel que nous affectionnons.

Le protagoniste de cette histoire, dont le nom ne sera jamais révélé, est ce qu’on surnomme un « apparatchik », un agent au service exclusif d’un homme politique, en l’espèce un favori que l’on connaîtra simplement comme « Le Patron ». Chargé des basses besognes, des affaires courantes comme de la rédaction des discours ou l’organisation des meetings, l’apparatchik pave le chemin de son Patron vers la gloire, à savoir le Graal du fauteuil présidentiel.

Mais avant cela, le Patron a besoin de passer le premier obstacle de la Primaire du Parti, à l’issue de laquelle le candidat à la présidentielle sera désigné. Alors comme un petit écuyer avec son chevalier, notre héros s’agite dans tous les sens pour remplir les objectifs de son supérieur, qui en récolte ensuite les lauriers. Cependant, après sa victoire à la Primaire, l’apparatchik reçoit un mystérieux message qui laisse penser que l’élection aurait été truquée. Le danger potentiel représenté par cette information pousse notre agent de l’ombre à enquêter et activer son réseau pour protéger la carrière politique du Patron, tandis que l’élection présidentielle approche à grands pas. Ce faisant, il va naviguer parmi les requins, voler parmi les vautours, dans l’espoir de contrecarrer les plans de ses rivaux politiques.

Le premier constat que l’on peut faire après la lecture de Dans l’Ombre, est que les auteurs sont parvenus à dépeindre le milieu décrié de la politique, à le romancer sans le caricaturer. Évitant de verser dans le manichéisme, les personnages, bien que réduits à leur fonction, sont bien campés et illustrent adéquatement la thématique centrale, celle des compromis qu’exige l’ambition politique. L’intrigue ne se contente pas de singer les manœuvres politiques et injecte une dose de thriller, qui dépasse légèrement du cadre habituel des scandales politiques, sans tomber non plus dans l’invraisemblable.

L’absence de noms pour le protagoniste et son « Patron » laisse penser que les deux auteurs se seraient inspirés de personnages existants sans pouvoir se permettre de l’avouer, ou bien qu’ils ont souhaité que le lecteur puisse y coller le nom réel qui leur semblait le plus pertinent…

Côté graphique Cédrick Le Bihan, plutôt connu pour être de l’école Fluide Glacial, change ici sa proposition graphique et se met au service du scénario de Philippe Pelaez en adoptant un style très épuré.

Dans l’Ombre, dont l’adaptation en série TV devrait suivre prochainement, satisfera les amateurs d’intrigues politiques, et plus généralement, ceux qui sont curieux de connaître les coulisses du pouvoir en France.

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Furioso #2: L’Outre-Monde

Second tome du dyptique écrit par Philippe Pelaez et dessiné par Laval NG. 48 pages, parution le 05/04/23 chez Drakoo.

C’est La Geste qui compte

Dans le premier tome, nous rencontrions Garalt, qui revenait d’entre les morts façon The Crow, huit ans après avoir été tué par sa Nemesis, le chevalier Roland. Ce dernier, neveu du roi Kaarl (comprendre Charlemagne, dans la version originale), a été rendu fou par un amour non réciproque, et s’est dit que massacrer des gens serait une bonne soupape afin de soulager sa frustration.

Cela tombait plutôt bien, puisque le royaume de Kaarl était depuis de nombreuses années en conflit contre les Morts (comprendre les Maures, dans la version originale), l’armée de l’Empereur Agramant. Quelque peu décontenancé par cette impromptue résurrection, Garalt sauve de façon inopinée Angélique de Baran, celle-là même qui éconduisit Roland, et découvre qu’il a été ramené à la vie par Alcyna, une magicienne qu’il aima jadis, et dont la sœur Morgane complote sans cesse contre les hommes.

Être ressuscité c’est bien beau, seulement voilà: Garalt en aime une autre, la farouche virago Bradamante, qui lui a donné un fils qu’il n’a pas eu le temps de connaître, occis qu’il fut par Roland. Dans le premier tome, Garalt tente de se rapprocher de Bradamante en participant incognito à une joute, mais difficile de cacher son habileté au combat. Alors que la guerre s’intensifie et que l’empereur zieute de plus en plus près la capitale d’Ys, Garalt va devoir faire un choix, entre être héroïque et être SUPER héroïque.

Philippe Pelaez, auteur apprécié sur l’Etagère, achève son adaptation du poème médiéval Roland Furieux (Orlando Furioso). Comme nous l’expliquions, ce récit fait partie des classiques fondateurs du genre fantasy, mais, ayant été vampirisé au fils des décennies, par les différentes œuvres qui s’en inspirent, finit par passer en second plan en terme de référence et perd donc son statut d’œuvre originale, aux yeux de lecteurs qui pourraient ignorer la portée de l’adaptation.

Ce phénomène fait que, sur ce diptyque, Philippe Pelaez et Laval NG ne réinventent pas la roue, loin s’en faut. Toutefois, l’adaptation n’en perd pas pour autant en légitimité, grâce à des thèmes forts qui méritent encore d’être adaptés. Le principal reproche que l’on peut faire au diptyque, c’est de condenser de façon un peu trop précipitée une œuvre dense et prolifique, quitte à sacrifier certaines péripéties ou certains personnages.

On peut prendre pour exemple le personnage d’Angélique, qui demeure quand même accessoire dans l’intrigue, ou encore le personnage de Sibly, l’écuyère que Garalt prend sous son aile, qui est (métaphoriquement parlant) mise dans un bus page 12 pour ne plus reparaître ensuite. La bataille finale, qui est évoquée et préparée en début d’album, se déroule de façon quelque peu brouillon, avec une intervention héroïque de Garalt amenée abruptement et sans trop de préparation.

Même si les textes sont toujours aussi léchés et écrits avec style, il n’en demeure pas moins l’impression que l’auteur s’est un peu pris les pieds dans le tapis avec cette adaptation. Avec la multiplication des sorties, l’auteur en deviendrait-il négligent ?

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Ceux qui n’existaient plus #1: Projet Anastasis_

Premier tome de 72 pages d’une série écrite par Philippe Pelaez et dessinée par Olivier Mangin. Parution aux éditions Grand Angle le 01/03/2023.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Crise d’identité(s)

Comme vous le savez, mémoire et identité personnelle sont deux notions intimement liées, si bien que l’une conditionne l’autre de façon quasi sine qua none. Natacha va vite l’apprendre à ses dépens. Admise, en même temps qu’une vingtaine d’autres personnes, dans un douteux centre de recherche russe, la jeune femme espère y trouver la paix de l’esprit, aidée par le programme expérimental nommé Anastasis_.

Hantée par un lourd traumatisme, Natacha souhaite aller de l’avant, et elle est prête pour cela à endurer toutes les expériences proposées par le Professeur Vetrov, qui tente quant à lui de percer à jour les secrets du cerveau humain. Cependant, après son admission au centre, Natacha et les autres pensionnaires vont vite s’apercevoir que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent, et qu’on leur cache indubitablement des choses, à commencer par la nature réelle des expérimentations qu’on leur fait subir au prétexte de vouloir effacer leurs traumas.

L’auteur Philippe Pelaez surprend par la diversité des genres qu’il ose aborder en BD: Récits de guerre, Fantasy, Polar, Cape et Epée… rien ne semble le freiner ni le contenir. Le scénariste se lance donc dans le thriller à la Franck Thilliez, avec une protagoniste perdue dans une machination dont elle ignore les rouages.

Tous les éléments y sont, à savoir le scientifique machiavélique, les agents gouvernementaux sans scrupules, les compagnons d’infortune, et le protagoniste torturé. On trouve aussi, en terme de structure, la phase de découverte naïve, puis la phase de suspicion et la phase d’action.

L’auteur glisse dans son récit des méta-références cinématographiques, qui servent autant de foreshadowing que de fausses pistes dans lesquelles se perdre (Orange Mécanique, Vol au dessus d’un nid de coucou…). Malgré une exposition manquant un peu de fluidité, le reste de l’intrigue se déroule plus aisément, grâce à un jeu d’allers-retours et une gestion habile des révélations et autres coups de théâtre. Après le clap de fin cependant, on peut reprocher un album un peu trop sage, ou une intrigue manquant d’originalité, d’une touche particulière à laquelle Philippe Pelaez nous avait habitués sur ses précédentes productions.

Côté graphique, le style réaliste déployé par Olivier Mangin sied très bien au ton du récit, car il traduit l’ambiance froide et hostile du projet Anastasis_ tout autant que les émotions des différents personnages.

En conclusion, Ceux qui n’existaient plus offre tous les points forts du thriller, mais manque du petit supplément que l’on est désormais en droit d’exiger de Philippe Pelaez.

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Le Bossu de Montfaucon #2: Notre-Père

Seconde partie du diptyque de Philippe Pelaez et Eric Stalner, 57 pages, parution le 25/05/22 aux éditions Grand-Angle.

Merci aux éditions Grand-Angle pour leur confiance.

Bosse-toi de là

Dans le précédent tome, nous assistions à la quête de vengeance de Pierre d’Armagnac, enfant bâtard dont le père fut trahi par des nobles avides de pouvoir. Afin de mettre ses plans à exécution, Pierre sauve Quasimodo, un colosse difforme au cœur d’or, et se met au service de Louis d’Orléans, qui convoite le Trône de France, occupé par le jeune Charles VIII sous la régence de sa perfide sœur Anne de Beaujeu.

D’Armagnac sait se rendre indispensable. En effet, lui seul est capable de remettre la main sur deux lettres marquées du sceau royal prouvant la bâtardise du Duc d’Orléans, ce qui l’empêcherait d’accéder au Trône après avoir renversé Charles. Or l’insurrection des Bretons fait rage et pourrait bien provoquer l’abdication du jeune monarque, à moins que la régente n’ait son mot à dire…

Philippe Pelaez ne ménage pas ses efforts et nous propose son huitième album de l’année, venant boucler le diptyque historico-romanesque que ne renieraient ni Alexandre Dumas ni Victor Hugo. Le premier tome promettait des intrigues de cour et des complots sanglants, et il faut bien avouer que ce second tome tient ses promesses. Néanmoins, le flot de l’intrigue est quelque peu perturbé par des retours en arrière, dont la survenue importune est susceptible de faire perdre le fil au lecteur.

On sent que l’auteur avait encore beaucoup d’informations à nous délivrer et que le cadre contraignant d’un 57 pages a posé problème. Néanmoins, le romanesque est là, les évènements historiques sont détaillés avec soin et l’intrigue se conclue proprement.

On pourrait toutefois déplorer une fausse note sur la fin, mais il convient de la détailler dans une partie spoiler en bas d’article.

A l’issue de sa campagne vengeresse, Pierre d’Armagnac, le héros, s’apprête à quitter la scène pour enfin vivre sa vie, libéré du poids qui pesait sur ses épaules (même s’il déclame le fameux discours-obligatoire mais résolument cliché-de « la vengeance n’arrange rien »). Il a même mis la main sur les lettres compromettantes, permettant ainsi au Duc d’Orléans d’étouffer l’affaire. Et là, alors qu’il devrait savoir qu’il n’est désormais rien de plus qu’un témoin gênant pour cet homme perfide, il se départit de sa vivacité d’esprit, de ses capacités d’analyse, enfin, d’à-peu-près tout ce qui lui a permis de survivre jusqu’ici, pour se vautrer dans les bras d’une fille clairement envoyée pour le distraire par son ennemi/commanditaire, boire un vin qui pourrait vraisemblablement être empoisonné, et, au final, provoque sa propre fin, ce qui est pour le moins frustrant.

Hormis cette fin, Le Bossu de Montfaucon est un diptyque plus qu’intéressant, bien documenté et porté par un grand souffle romanesque.

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Automne en baie de Somme

Histoire complète en 64 pages, écrite par Philippe Pelaez et dessinée par Alexis Chabert. Parution le 25/05/22 chez Grand Angle.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Moulin (très très très) Rouge

Un matin de 1896, la baie de Somme s’éveille dans le deuil et la souffrance. Alexandre de Breucq, capitaine d’industrie philanthrope et admiré de tous, est retrouvé mort à bord de sa goélette échouée, noyé dans son propre sang.

La police picarde étant un peu dépassée, c’est l’inspecteur Amaury Broyan que l’on envoie de Paris pour mener cette enquête. Le limier parisien, lui-même endeuillé et en quête de justice pour sa défunte fille, fait conduire le corps à Paris pour une autopsie, qui conclue très rapidement à un meurtre par empoisonnement.

Porté par cette évidence, et par le fait que la mort de De Breucq profite essentiellement à une personne, Broyan se rapproche de sa veuve, Marthe de Breucq, qui, son mari à peine inhumé, prend la tête de sa prospère entreprise. L’inspecteur mène son enquête tout en écumant les rues de Paris à la recherche du responsable de la mort de sa fille, et va vite apprendre que les apparences peuvent être trompeuses.

Après L’Ecluse, Bagnard de Guerre, Furioso, L’Enfer pour aube, le Bossu de Montfaucon, le prolifique Philippe Pelaez nous convie à de nouvelles aventures parisiennes et nous fait faire un saut dans le temps jusqu’à la Belle Epoque. Sur la base de fausses pistes et de faux-semblants, l’auteur nous prend par la main pour nous faire découvrir ce Paris en plein essor, dans lequel se côtoient modernité écrasante et traditions.

Sous sa plume élégante, le scénariste n’oublie pas son thème central, aidé en cela par des extraits explicites placés entre chacune des trois parties de l’album. Derrière l’enquête, derrière le meurtre, il y a la question prégnante du devenir de la Femme dans ce monde moderne qui ne cherche pas à la broyer comme le faisait l’ancien monde, mais plutôt à l’exploiter vicieusement et sans scrupule. Face à cette réalité thématique, l’auteur illustre différentes réactions féminines à cet asservissement du corps et de l’esprit.

En premier lieu, la fille de Broyan, qui est morte des suites d’une tentative d’avortement clandestin, après avoir été violée par le fils d’une famille de nantis parisiens. Première image de la victime sacrificielle, celle qui n’obtiendra jamais autre chose qu’une maigre réparation, par le biais de la condamnation d’une autre femme, une sage-femme qui ne souhaitait que l’aider. En second lieu, la veuve de Breucq, qui subit patiemment les outrages sexistes de ce monde d’hommes avant d’obtenir sa revanche brillamment en prenant la tête de l’entreprise. Il y a une troisième illustration du thème, une troisième voie à laquelle les femmes sont contraintes pour se dégager de l’étau sociétal, mais en dire davantage ferait de moi un méchant divulgâcheur !

Sur le plan graphique, Alexis Chabert met toute son énergie pour nous immerger dans le Paris de la Belle époque, et y parvient avec beaucoup de grâce. Encore une fois, Philippe Pelaez fait mouche cette année, mais jusqu’où ira-t-il ainsi ?? Très loin, on l’espère.

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Bagnard de guerre

Second volume de la série écrite par Philippe Pelaez et dessinée par Francis Porcel. Parution chez Grand Angle le 30/03/2022.

Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.

Des tranchées au coupe-gorge

Ce début d’année marque le passage en force de Philippe Pelaez, car après Pinard de guerre et plus récemment Le Bossu de Montfaucon, nous le retrouvons aux commandes de Bagnard de guerre, où il préside à la destinée de Ferdinand Tirancourt, le protagoniste de Pinard.

Après avoir fait profit en temps de guerre en vendant du vin au poilus prisonniers des tranchées, Ferdinand finit par payer son arrogance et se retrouve, par une série de péripéties, obligé de subir lui aussi le feu allemand, les pieds embourbés dans la gadoue. C’est pourtant un acte altruiste qui le conduit à être exilé au bagne en Guyane, un enfer tropical dont peu reviennent. Encerclé par des bagnards que la rudesse des conditions de vie aura transformés en tueurs, Ferdinand devra également frayer avec les surveillants, dont certains rêvent déjà de le suriner…

Le scénariste renoue avec la veine historique qui faisait l’intérêt du premier volume, en explorant cette fois l’enfer du bagne guyanais, selon les codes du récit d’évasion. On pense d’emblée au film Papillon, inspiré du célèbre prisonnier (ou son remake de 2018), ou encore à l’Évadé d’Alcatraz, ou la Grande Évasion, qui contiennent eux aussi leur lot de tortionnaires et de prisonniers que le désespoir rend violents.

Cette échappée exotique donne un nouveau souffle à la série et évite les redites, puisque le champ des possibles s’ouvre à nouveau et permet de poursuivre l’arc narratif de rédemption de Ferdinand Tirancourt. En effet, on tient là un véritable anti-héros, que l’on adore détester dès les premières pages de Pinard, et que l’on se surprend à soutenir à la fin de l’album. Ce passage-là ne fait pas exception, sans pour autant que le protagoniste soit devenu un ange entre-temps.

D’ailleurs, il est aisé de tracer un parallèle entre les soldats du front que côtoyait le héros, et les bagnards: les deux sont des participants involontaires, envoyés contre leur gré dans un environnement hostile par une administration indifférente, voire nocive. Il y a même une sorte de continuité entre les deux volumes, au travers des personnages de Sacha (Pinard) et de David (Bagnard), qui sont deux éléments incongrus qui n’ont rien à faire sur le front ou au bagne et qui y auront pourtant une influence positive sur le héros, constituant ainsi pour lui une sorte de boussole morale.

Comme vous le voyez, l’écriture de Philippe Pelaez conserve sa grande qualité, et Francis Porcel ne démérite pas sur le plan graphique, grâce à des décors immersifs et des personnages charismatiques.

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Furioso #1: Garalt est revenu

Premier tome du diptyque écrit par Philippe Pelaez et dessiné par Laval NG. Parution chez Drakoo le 06/04/22.

Merci aux éditions Drakoo pour leur confiance.

Geste brusque

Les lecteurs réguliers du blog connaissent désormais notre appétence pour la fantasy et les récits inspirés de la geste arthurienne. Avec Fusioso, nous avons ici une adaptation graphique d’Orlando Furioso, le Roland Furieux du poète italien L’Arioste, qui fait suite au poème chevaleresque Roland Amoureux. Écrit au 16e siècle, le Roland Furieux est un long poème composé de 46 chants, qui est considéré aujourd’hui comme une inspiration majeure du genre heroic fantasy.

Rendu fou par l’amour non réciproque qu’il voue à la princesse Angélique, Roland, le neveu du Roi Kaarl (Charlemagne) se jette à corps perdu dans la guerre contre les Morts (les Maures dans la version originale), et au cours d’une bataille, tue Garalt (Roger). Garalt, outre son charme ténébreux, était considéré comme le meilleur chevalier au monde, un guerrier invincible. Rangé du coté des Morts, sa défaite des mains de Roland a marqué un tournant décisif dans la guerre, poussant Roland dans uns spirale de violence toujours plus cruelle.

Huit hivers après sa disparition, Garalt revient d’entre les morts, sous l’influence de la fée Alcyna, qui espérait gagner ainsi le cœur du vaillant guerrier. Mais ce dernier n’a d’yeux que pour Bradamante, la farouche guerrière qui est aussi la mère de son enfant, et va, sous couvert d’une fausse identité, participer en même temps qu’elle à la grande joute pour pouvoir l’approcher. Et pendant ce temps, évidemment, la fée Morgane complote pour renvoyer Garalt dans l’Outre-Monde, en attisant la folie de Roland et sa haine de Garalt.

Depuis la création de la maison d’édition Drakoo, son directeur artistique Arleston ne s’est pas privé d’agrémenter son catalogue avec des propositions rappelant les grandes heures des éditions Soleil, dont il était l’un des piliers. Le genre de la fantasy n’est donc pas étranger à Drakoo, qui nous a servi plusieurs incursions plus ou moins inspirées dans ce genre pléthorique.

Cependant, si l’on pouvait reprocher aux dernières sorties (je pense notamment à Danthrakon ou Démonistes) de singer trop grossièrement le style « Lanfeust« , ici, le fait que ce soit l’adaptation d’une œuvre littéraire aide à ancrer l’histoire dans un cadre moins bouffonesque et plus sombre. L’album bénéficie bien évidemment de l’écriture impeccable et exigeante de Philippe Pelaez, qui parvient sans mal à redonner du corps au poème italien.

Malheureusement, malgré sa qualité, l’album semble souffrir du syndrome « Valérian », je m’explique. Valérian et Laureline est un classique de la BD Franco-Belge, créée en 1967 par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Précurseurs de la SF, les auteurs ont imaginé un univers cosmopolite qui a inspiré de nombreux auteurs, Georges Lucas en tête. L’influence de Valérian et Laureline fut telle que lorsque la BD fut adaptée au cinéma, ce qui en faisait un œuvre visionnaire à l’époque de sa sortie s’était dilué dans toutes les autres œuvres qui s’en étaient inspiré depuis lors (à noter qu’il s’est produit un phénomène similaire entre Seinfield et les sitcoms américaines). Le film a donc été un échec, car certainement perçu comme « pas assez original », voire « pompé sur Star Wars ».

Dans le cas qui nous intéresse, adapter directement un récit ancien qui a influencé les auteurs modernes autour d’un genre particulier donne nécessairement lieu à un sentiment de déjà-vu. Garalt ? On ne peut s’empêcher de penser à Geralt de Riv, le héros de The Witcher. Les intrigues politiques ? Game of Thrones. Vous l’avez compris, c’est le syndrome Valérian.

Le style si particulier de Philippe Pelaez trouvera ses admirateurs dans son exigence et sa maîtrise stylistique indéniable, déjà vue récemment sur Enfer pour aube, mais d’autres pourront trouver la narration par trop sophistiquée. On ne pourra cependant pas lui reprocher de chercher à transcrire une œuvre classique dans une BD fantasy. Car le projet, modeste dans sa tomaison heureusement, vise un certain classicisme où l’on retrouve le très qualitatif dessinateur d’Alter dans une technique qui emprunte cette fois autant à Mezière qu’à Druillet, dans leur aspect le plus foisonnant… jusque dans une mise en couleur un peu old school et qui écrase sans doute la finesse des planches. Si l’intrigue classique ne surprend guère, l’imagination graphique de l’artiste impressionne et montre une passion et une implication importante sur ce projet où l’on retrouve un syncrétisme mythologique allant chercher en Bretagne, dans la Geste chrétienne comme en scandinavie.

Au final on retrouve dans cette adaptation (accompagnée par un descriptif universitaire de la source pour les lecteurs les plus pointilleux) toutes les qualités d’un scénaristes qui a démontré depuis plusieurs albums sa qualité et son implication. Il permet à son compère de sublimer un matériau certes éculé mais que les plus habitués à la fantasy sauront apprécier dans son univers référentiel très important. C’est ce qu’on attend d’une bonne adaptation, non?

Billet écrit à 4 mains par Blondin et Dahaka.

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Enfer pour aube #1/2

La BD!
BD de Philippe Pelaez et Tiburce Oger
Soleil (2022), 54p., bichromie, 1/2 tomes parus.

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Merci aux éditions Soleil pour leur confiance.

Janvier 1903. Alors que Paris est à nouveau éventrée par un chantier pharaonique, celui du métropolitain, des notables se retrouvent pris pour cible d’un mystérieux voltigeur à écharpe rouge. Dans cette III° République bourgeoise triomphante, l’élite veut oublier ces classes laborieuses si dangereuses pour leurs profits et chassée au-delà des murs, dans la Zone. Car la révolution rouge de 1871 est encore dans toutes les têtes…

Aube de Sang L'Enfer pour Aube, planche du tome 1 © Soleil / Oger / Pelaez  Paris, janvier 1903. Des avenues sont éventrées pour permettre la poursuite  de ma construction de nouvelles lignes du Métropolitain. Le conseiller du  Ministre des Travaux Publics ...Philippe Pelaez est l’un des auteurs BD qui monte. Depuis ma découverte de son très bon Alter en compagnie de son comparse qui revient sur le tout neuf Furioso) j’ai pu apprécier la qualité de ses textes, qui explosent ici sous une plume particulièrement inspirée. A cheval entre les mythes littéraires, la grande Histoire et celle plus triviale des hommes qui la font, l’auteur réunionnais se définit par une exigence créative très relevée, qui s’inscrit ici dans la tradition feuilletonnante du XIX° siècle.  Dans cette intrigue qui nous fait passer du chasseur (un policier incorruptible) au chassé (le tueur à écharpe rouge) on a nos chapitres entrecoupés par de fausses unes de gazette qui habillent joliment l’ensemble et densifient le background.

Si le récit est relativement linéaire, l’ensemble du propos, passablement énervé, porte sur ce peuple opprimé dont la violence physique n’est que le pendant de la violence économique et matérielle qu’il subit depuis la répression sanglante de la Commune de Paris par les troupes versaillaises. En s’inscrivant dans la tradition des auteurs parisiens populaires qui cultivent cette culture « apache » des faubourgs si particulière, Pelaez nous fait pénétrer un monde peu abordé en BD, tout en assumant un propos politique avec un parallèle évident sur notre société à l’argent si L'Enfer pour Aube (tome 1) - (Tiburce Oger / Philippe Pelaez) - Historique  [DERNIER REMPART, une librairie du réseau Canal BD]clinquant.

L’aventure endiablée et pleine d’action (l’histoire se termine en deux volumes, il n’est pas temps de traîner) respire par de nombreux aparté rappelant ce que dut subir le peuple parisien sous ces régimes bourgeois en attendant le Front populaire. Comme sur les gazettes du Château, l’album se conclut par un joli cahier de faux articles de presse agrémentés de jolies illustration, originales cette fois-ci. Il est simplement dommage que la partie graphique ne soit pas aussi ciselée que le texte, ce qui fait passer l’album à côté d’un coup de cœur. Malgré sa grande popularité je n’ai jamais été grand fan du style de Tiburce Oger qui compense un dessin parfois un peu rapide par un joli sépia agrémenté de touches de rouge bienvenues. L’ensemble reste très regardable et fort bien mis en scène, pour une lecture très agréable et qui nous sort de l’ordinaire.

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Le Bossu de Montfaucon

Premier tome de 56 pages de la série écrite par Philippe Pelaez et dessinée par Eric Stalner. Parution le 23/02/22 aux éditions Grand Angle.

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Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance!

Ça bosse dur

Fin du XVe siècle, le royaume de France est en proie au déchirement et aux querelles de pouvoir. Suite au trépas de Louis XI, c’est son fils, Charles VIII, qui hérite de la couronne. Mais son jeune âge l’empêche de régner, aussi, c’est à sa sœur Anne de Baujeu, que l’on confie la régence du royaume, jusqu’à la majorité du nouveau roi. Tout comme son père, Anne de Baujeu est retorse, perfide, et adepte des manoeuvres les plus fourbes. Sa régence n’augure donc rien de bon pour la France.

Toutefois, Louis II d’Orléans, prince de sang et second prétendant au trône après Charles, n’entend pas rester sur la touche. Exilé, il se réfugie en Bretagne, d’où il prépare son plan ambitieux pour monter enfin sur le trône. Ce que Louis ignore encore, c’est que ses rêves de conquête du trône en toute légitimité vont être broyés, tués dans l’oeuf par sa rivale Anne. En effet, Louis d’Orléans reçoit la visite impromptue d’un homme, Pierre d’Armagnac, dit le Bâtard, qui dit avoir connaissance d’un document prouvant que Louis ne peut légitimement prétendre au trône.

Quand t’as pas d’amis, prends un mâchicoulis.

Fait notable, Pierre est accompagné par un bossu, dont la difformité dissimule un cœur d’or, et que l’on a déjà vu arpenter les anfractuosités de Notre-Dame-de-Paris, un certain…Quasimodo.

Pierre et Quasimodo vont donc se lancer à la recherche du fameux document, mais vont devoir pour cela devancer Axel Lochlain, redoutable assassin à la solde des Beaujeu. Quelles sont les motivations réelles du Bâtard ? Et l’ambitieux Louis d’Orléans vaut-il la peine pour nos héros de risquer ainsi leurs vies ?

Big Bosse

Après le très bon Pinard de Guerre, nous retrouvons Philippe Pelaez aux commandes d’un récit de cape et d’épées sur fond historique, qui s’amuse à reprendre la fin de Notre Dame de Paris de Victor Hugo. Si le roman unit tragiquement Quasimodo et Esméralda dans la mort, ici, Pierre retrouve le bossu endeuillé juste avant qu’il n’expire aux côtés de sa bien-aimée, et le recueille ainsi pour tirer avantage de sa force prodigieuse.

La suite n’a cependant pas grand chose de romanesque puisque l’intrigue reprend les événements historiques de la Guerre folle. Le travail de documentation est donc palpable et profite même de l’excellente écriture de Philippe Pelaez, qui livre une fois de plus une prose maîtrisée. S’il faut du temps pour appréhender les nombreux personnages et leurs rôles respectifs, on apprécie toutefois rapidement les méandres de l’intrigue politique qui n’a rien à envier à GOT. Comme quoi, la réalité a souvent ce qu’il faut pour dépasser la fiction, surtout si l’on y ajoute de la fiction !

Pour le moment, il est difficile de juger de l’impact de l’emprunt à Victor Hugo, pour une série qui aurait très bien pu se contenter de coller à la vérité historique. Mais gageons que la plus-value de Quasimodo se fera sentir dès le second tome.

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Pinard de Guerre

La BD!

Premier tome d’un diptyque écrit par Philippe Pelaez et dessiné par Francis Porcel. Parution le 01/09/2021 aux éditions Grand Angle.

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Merci aux éditions Grand-Angle pour leur confiance.

C’était pas sa guerre !

Ferdinand Tirancourt est ce que l’on peut appeler un opportuniste. Alors que la Grande Guerre fait rage, et que les Poilus donnent leur vie par millions dans d’immondes tranchées, Ferdinand, lui, reste bien à l’abri derrière les lignes de front. En revanche, on ne peut pas lui reprocher de ne pas contribuer à l’effort de guerre. Son activité principale, à Ferdinand, c’est le commerce de vin, le fameux « Pinard », qu’il achemine jusque dans les tranchées afin d’étancher la soif des soldats condamnés.

Le contrebandier de l’extrême le sait bien, il faut bien une dose supplémentaire de courage, voire de folie, induite par l’ivresse afin de se lancer de son plein gré sous le feu ennemi. Alors qu’il se remplit les fouilles, Ferdinand, goguenard et cynique tout plein, voit la guerre se dérouler sans plus d’états-d’ âme. Mais le mensonge de Ferdinand quant à sa supposée infirmité va bientôt lui causer bien des ennuis, propulsant notre anti-héros au coeur des tranchées qu’il s’échinait à éviter. Désormais témoin direct des atrocités de la guerre et du lien de ses compatriotes soldats avec le vin dont il les abreuve, Ferdinand changera-t-il d’opinion, ou son cynisme sera-t-il ancré trop profondément ?

De l’effet revigorant du vin

Vin mal acquis ne profite jamais

La guerre est un thème malheureusement universel, que l’auteur Philippe Pelaez a déjà abordé lors de ses précédentes œuvres. La déshumanisation, le cynisme et la barbarie prennent leur essor dans les périodes les plus sombres, ce qu’illustre parfaitement le personnage de Ferdinand Tirancourt. Détestable et puant, l’auteur parvient, en quelques cases, à nous le rendre tout à fait antipathique, tant il représente certains des traits les plus vils de l’homme moderne.

Cupide, sournois, menteur et égoïste, il n’en est que plus satisfaisant de le voir, quelques pages plus loin, patauger dans la gadoue avec ceux-là mêmes dont il exploite les turpitudes. Cependant, et c’est là tout le talent de l’auteur, Ferdinand n’est pas unidimensionnel, et la superficialité qu’il affiche lors du premier acte va progressivement s’estomper pour laisser la place à des failles et des doutes qui l’humaniseront. C’est donc un tour de force de la part du scénariste, que de parvenir à changer ainsi la perception qu’a le lecteur d’un personnage, de façon cohérente et au sein du même album. La rédemption est encore loin pour Ferdinand, mais son parcours narratif a tout de même de quoi servir d’exemple à ceux ou celles qui souhaiteraient écrire un personnage d’anti-héros.

La partie graphique est assurée par Francis Porcel, qui avait déjà collaboré l’an dernier avec le scénariste sur l’album Dans mon village, on mangeait des chats. L’alchimie entre les deux auteurs a donc déjà fait des étincelles, et cela se reproduit ici de façon très efficace. Couleurs ternes et décors boueux, tout est fait par l’artiste pour nous plonger dans l’ambiance glauque des tranchées.

En conclusion, on retrouve dans Pinard de Guerre une réalité historique assez méconnue, romancée de telle sorte qu’elle offre un voyage inattendu dans les tréfonds de l’abjection humaine.

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