
Histoire complète en 64 pages, écrite par Philippe Pelaez et dessinée par Alexis Chabert. Parution le 25/05/22 chez Grand Angle.


Merci aux éditions Grand Angle pour leur confiance.
Moulin (très très très) Rouge
Un matin de 1896, la baie de Somme s’éveille dans le deuil et la souffrance. Alexandre de Breucq, capitaine d’industrie philanthrope et admiré de tous, est retrouvé mort à bord de sa goélette échouée, noyé dans son propre sang.
La police picarde étant un peu dépassée, c’est l’inspecteur Amaury Broyan que l’on envoie de Paris pour mener cette enquête. Le limier parisien, lui-même endeuillé et en quête de justice pour sa défunte fille, fait conduire le corps à Paris pour une autopsie, qui conclue très rapidement à un meurtre par empoisonnement.
Porté par cette évidence, et par le fait que la mort de De Breucq profite essentiellement à une personne, Broyan se rapproche de sa veuve, Marthe de Breucq, qui, son mari à peine inhumé, prend la tête de sa prospère entreprise. L’inspecteur mène son enquête tout en écumant les rues de Paris à la recherche du responsable de la mort de sa fille, et va vite apprendre que les apparences peuvent être trompeuses.

Après L’Ecluse, Bagnard de Guerre, Furioso, L’Enfer pour aube, le Bossu de Montfaucon, le prolifique Philippe Pelaez nous convie à de nouvelles aventures parisiennes et nous fait faire un saut dans le temps jusqu’à la Belle Epoque. Sur la base de fausses pistes et de faux-semblants, l’auteur nous prend par la main pour nous faire découvrir ce Paris en plein essor, dans lequel se côtoient modernité écrasante et traditions.
Sous sa plume élégante, le scénariste n’oublie pas son thème central, aidé en cela par des extraits explicites placés entre chacune des trois parties de l’album. Derrière l’enquête, derrière le meurtre, il y a la question prégnante du devenir de la Femme dans ce monde moderne qui ne cherche pas à la broyer comme le faisait l’ancien monde, mais plutôt à l’exploiter vicieusement et sans scrupule. Face à cette réalité thématique, l’auteur illustre différentes réactions féminines à cet asservissement du corps et de l’esprit.
En premier lieu, la fille de Broyan, qui est morte des suites d’une tentative d’avortement clandestin, après avoir été violée par le fils d’une famille de nantis parisiens. Première image de la victime sacrificielle, celle qui n’obtiendra jamais autre chose qu’une maigre réparation, par le biais de la condamnation d’une autre femme, une sage-femme qui ne souhaitait que l’aider. En second lieu, la veuve de Breucq, qui subit patiemment les outrages sexistes de ce monde d’hommes avant d’obtenir sa revanche brillamment en prenant la tête de l’entreprise. Il y a une troisième illustration du thème, une troisième voie à laquelle les femmes sont contraintes pour se dégager de l’étau sociétal, mais en dire davantage ferait de moi un méchant divulgâcheur !
Sur le plan graphique, Alexis Chabert met toute son énergie pour nous immerger dans le Paris de la Belle époque, et y parvient avec beaucoup de grâce. Encore une fois, Philippe Pelaez fait mouche cette année, mais jusqu’où ira-t-il ainsi ?? Très loin, on l’espère.