Comic Matt Fraction et Terry Dodson
Glénat (2022), 128p.+ cahier making-of de 40p., série en cours.
Les collected editions US aiment à mettre des bonus souvent assez sympa sur les premiers tomes… qui se réduisent généralement à de simples cahiers de couvertures alternatives sur les volumes suivants. Mais Matt Fraction et les Dodson ne sont pas des auteurs comme les autres. Ce sont des artisans amoureux du travail bien fait et de la cohérence d’un projet d’ensemble. Et le projet Adventureman, s’il ne révolutionne pas le genre (j’y reviens plus bas) comprend un travail de l’objet livre et sur le processus créatif du conte qui va jusqu’à conceptualiser la réalisation de l’ouvrage comme partie intégrante du récit. Je ne sais pas si cela est parfaitement conscient mais le soin et la profusion de détails de back-office apportés par les auteurs sont assez vertigineux au regard du récit lui-même. Personnellement je n’ai jamais vu cela hormis peut-être chez Marc-Antoine Mathieu. Les bonus du tome 1 étaient déjà impressionnants, ceux du présent volume auraient tout simplement pu faire l’objet d’un ouvrage à part entière. A moins de vingt euros le tome ça reste pour moi le summum éditorial depuis que je tiens ce blog et mériterait presque deux Calvin pour cela…
Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.
Fort attendu, ce second opus des aventures de Claire Connell devait confirmer l’orientation vers l’une des deux tendances du précédent, à savoir développer le monde imaginaire d’Adventureman ou celui plus comédie de Claire. Commençons par une fort étrange césure entre les deux volumes puisque le premier chapitre (le cinq) conclut l’arc de la Baronne Bizarre et ses vils insectes sans transition, après le cliffhanger qui laissait entendre un début de bataille après le passage des méchants dans le monde réel. Las, les auteur nous déroulent très rapidement une conclusion un peu forcée à coups de Paf-Blam-Pop-Wizz qui voit certes se retrouver les deux tourtereaux imaginaires aidés par Claire mais reste difficilement lisible et terriblement frustrante. Surtout que l’album enchaîne sur un tout nouvel arc pratiquement pas relié au précédent.
En effet, « Une féérie New-yorkaise » fait un peu office de Christmas special en introduisant le personnage du Duelliste, cow-boy chasseur de spectres qui se transmet la fonction de père en fils et va avoir besoin de l’aide de Claire et des fioles d’Adventureman pour enquêter sur une nouvelle menace pour notre réalité.
On peut dire que les difficultés narratives du premier tome se retrouvent ici et si les planches restent superbes on a parfois du mal à lire l’action qui fuse à toute allure. Jouant le chaud et le froid comme souvent dans la narration de comics, Matt Fraction nous empêche de pleinement profiter des promesses pulp, ne sachant jamais trop de quels pouvoirs est dotée claire et comment se lient le monde des histoires et le notre. Heureusement, la très charmante galerie de personnages et le peps des dialogues qui s’inspirent du grand cinéma de Billy Wilder nous maintiennent en éveil en nous disant à demi-mots de ne pas trop nous préoccuper du suivi d’une intrigue plus prétexte à des joutes de bons mots.
Au final ce second opus (qui semble indiquer qu’il faut s’attendre à une série d’aventures assez indépendantes plutôt qu’à une construction au long court) renonce définitivement à la grande aventure pulp pour assumer la comédie familiale et la romance adorable avec les yeux de biche de l’héroïne. Vous aurez bien sur un habillage fantastique fait de fantômes vert fluo mode Ghostbusters mais ce qui intéresse le plus les auteurs ce sont les promenades neigeuses dans Central Park et les dialogues à la mitraillette de la famille si spéciale des sœurs Connell. Selon ce que vous recherchez vous serez comblé ou frustré.