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Rescapé.e.s, carnet de sauvetages en méditerranée

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Album de Lucas Vallerie et Michael Bunel

La Boite à bulles (2023), 160p., one-shot. Comprend une préface et une post-face de MSF, ainsi que les courtes biographies des auteurs.

Merci aux éditions La Boite à Bulle pour leur confiance.


Depuis le tristement célèbre naufrage de Lampedusa en 2013, la société civile s’est substituée aux Etats réticents à assumer leur rôle légal de sauvetage en mer par crainte d’alimenter les tensions xénophobes concernant une « submersion migratoire ». Medecins sans Frontières fait partie de ces grandes ONG qui arment des navires. Convaincue que la communication est une arme redoutable pour contraindre les gouvernements, si ce n’est à les aider, du moins à les laisser réaliser leur mission, MSF a proposé à l’éditeur La boite à bulle d’embarquer deux artistes-témoins pour raconter une mission de l’été 2022.

Une des conséquences des hypermédias est de nous habituer aux drames, à la banalité de la perte de vies humaines. L’immense mérite de ce carnet de sauvetage est de nous mettre face à face avec ces sauveteurs, ces migrants, ces êtres humains, dans une urgence qui obère toute velléité de réflexion sur les « appels d’air », sur l' »irresponsabilité », sur l’entretien d’une vague migratoire que certains dénoncent. Jamais il n’est question ici de politique mais simplement d’humanité, de ces valeurs universelles qui proclament dans le Droit de la mer l’obligation de secourir les personnes en danger prioritairement à toute autre mission.

Nous suivons ainsi la mission du Geo Barents au travers des yeux du photographe Michael Bunel et du dessinateur Lucas Vallerie, au travers d’un code couleur qui nous permet de suivre les textes que ce dernier a publié au cours des deux semaines de navigation sur son compte Instagram. Reprenant ainsi le très réussi jonglage des frères Lepage entre photographie et dessin sur leur expédition en Antarctique, cet album utilise la force de chaque média pour décrire de façon expressive (sur le dessin) et en prise sur le vif.

Truffé d’informations documentaires sur le fonctionnement des sauvetages, sur l’intérieur du navire autant que de rencontres avec les membres de la mission, Rescapé.e.s surprend par l’émotion qui nous submerge alors que survient la première embarcation à la dérive. Car contrairement à un froid papier de presse on saisit le ressenti des auteurs dans une vérité crue, celle de gens perdus sur l’immensité, pour qui l’arrivé du Géo Barents est la fin d’un cauchemar. Ils savent que la suite, après débarquement, ne sera pas une partie de plaisir mais ces difficultés paraissent dérisoires face à la peur permanente depuis qu’ils ont quitté leur maison dans les mains des passeurs. Sans s’appesantir sur le contexte politique qui verra les néo-fascistes revenir au pouvoir en septembre 2022, on sent à la fois l’existence d’un droit que les autorités sont contraintes d’appliquer, et le système sécuritaire européen se mettre en place dès les migrants débarqués à port.

Constamment pressé par le temps, le dessinateur alterne croquis rapides et dessins plus travaillés lorsqu’il a quelques heures devant lui. Témoignage directe d’une réalité que la plupart ne veulent pas voir, cet immense cimetière invisible qu’est la méditerranée, documentaire passionnant sur l’organisation et le professionnalisme impressionnants de ces humanitaires dévoués à une évidence, Rescapé.e.s est un album précieux et susceptible de sortir nos populations de leur torpeur et des infâmes concurrences répressives des politiques de droite.

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****·Manga

Origin #9-10

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Manga de Boichi
Pika (2020), série finie en 10 tomes.

L’album se conclut par une courte histoire assez débile (et pas franchement drôle) sur le quotidien d’un dessinateur de manga, à l’image de ce que l’on a pu voir sur les précédents tomes. Je souligne que l’éditeur s’est très étrangement dispensé d’insérer le chapitre 87.5 se déroulant sur Vénus dans une mission de sauvetage et faisant le pont avec les futurs projets de l’auteur. L’épilogue de l’album 10 français paraît assez étrange en regard…

[Attention Spoilers]

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Mai est morte, tuée par un des frères d’Origin. L’un des objectif du robot avec le fait de « vivre une vie convenable » a disparu. Il a échoué. Mais avec cette disparition un évènement se passe dans les neurones quantiques de cette machine, une évolution qui va faire évoluer cette Intelligence artificielle vers quelque chose d’autre…

Origin 80 | MangaSakiQuelle fin en apothéose! A l’image de la série et de cet auteur cette conclusion en deux tomes, trop courte pour tout ce que l’auteur avait à dire, pour refermer les très nombreuses pistes et personnages ouverts, nous laisse un peu piteux et choqué dans ce grand huit dont est capable le prodige coréen. Comme on le pressentait depuis le début, Boichi s’inscrit totalement dans la ligne du modèle Ghost in the Shell pour nous proposer une incroyable vision tout ce qu’il y a de plus techno-philosophique, l’acmé de ce que peut proposer la science-fiction lorsqu’elle assume son statut en poussant très loin les concepts scientifiques qui finissent par converger vers des sujets existentiels voir théologiques. L’auteur avait déjà abordé le Divin dans sa série Sanctum et on trouve ça et là des questionnements de ce type dans Dr. Stone. Ici le décès de sa protégée humaine déclenche en Origin une évolution des capacités cognitives en le faisant accéder à l’amour (posthume) avant de progresser bien plus loin en bouclant la boucle avec le thème de Y l’IA ultime que nous avons déjà rencontré plus tôt. On est au cœur de l’Anticipation avec la fascinante réflexion non seulement sur ce qu’est l’identité et l’être (la capacité de calcule suffit-elle à penser?) mais Boichi y ajoute des visions sur l’interaction entre la vitesse de traitement de l’information et l’influence quantique avec le monde physique. Ces raisonnements aboutissent souvent à des idées new age sur la transcendance. Boichi n’en est pas loin mais son technicisme affirmé lui permet de rester chevillé à l’idée scientifique et de nous proposer des idées assez vertigineuses! Dans le combat final (plutôt réussi) l’auteur se veut moins pédagogique que sur les précédents volumes, sans doute pressé par le temps et le peu de pages lui restant pour achever son récit et nous plonge dans des concepts quantiques très complexes que la simple visite de Wikipedia ne suffira sans doute pas à éclairer.

Origin Vol.10 Chapter 87: The Origin of Everything. page 10 - Mangakakalot.comLe soucis, déjà rencontré, ce sont ces ellipses pas toujours expliquées et qui nous laissent avec l’impression de pages perdues. C’est assez dommage car une ou deux cases suffisent souvent à faire le lien avec une progression rapide. La gestion du temps a toujours été capricieuse chez cet auteur qui semble parfois se perdre dans de grandioses combats ou pleines pages contemplatives avant de sauter du coq à l’âne sans coup férir. De même, ce boulimique a envie de développer un grand nombre de sujets avant de se rendre compte que dix tomes de manga avec une grande place laissée aux combats est bien peu pour développer et aboutir une thématique si complexe. J’avais fait le parallèle avec le Carbone et Silicium de Bablet qui, lui, prenait le temps et parvenait en cela mieux que son collègue mangaka à nous faire toucher l’Idée. Dans ces derniers volumes, assez linéaires, on réalise bien tardivement que les sujets de l’AEE, de l’équipe de la Team cerveau, de la mort du père, de l’histoire du robot Masamune… sont laissés presque en plan, sans suite. Pas le temps, Boichi coupe pour se concentrer sur l’achèvement inattendu de l’évolution d’Origin.

Origin Vol.10 Chapter 87: The Origin of Everything. page 15 -  Mangakakalot.com in 2020 | The originals, Good manga, ChapterLe sujet était casse-gueule comme tout thème SF très ambitieux. Et sur ce point l’auteur réussit excellement, sans faute de goût (juste un léger manque de lisibilité des séquences finales) en se permettant une fin ouverte et de mettre en quelques images cette série au point de jonction de pratiquement toute son œuvre. La fin de Wallman avait déjà rejoint Sun-ken Rock, Origin fait de même en créant un univers partagé potentiellement passionnant pour peu que ce grand gourmand ait le temps de planifier un projet structuré. Fortement poussé par ses envies, extrêmement talentueux, Boichi arrive avec Origin à accomplir, malgré ses nombreux défauts, une des œuvres SF les plus ambitieuses et réussies de la BD mondiale. Comme beaucoup de dessinateurs il lui manque encore l’autocontrôle scénaristique qui permettrait à ses créations de passer le stade de la claque visuelle, une fluidité narrative. Mais comment bouder son plaisir devant une telle maestria graphique, cette furie des corps, cette imagerie technique et ces dernières visions SF magistrales. Origin est à ce jour la meilleure BD du coréen. En attendant la suivante…

****·Manga

Origin #6-8

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Manga de Boichi
Pika (2020), série finie en 10 tomes.

Après avoir affronté un robot militaire Origin se retrouve envoyé au siège IA de l’AEE afin de remettre un rapport. Là-bas il va se retrouver au cœur d’une attaque terroriste avec un nouveau dilemme entre la nécessité d’intervenir et de protéger son identité…

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Le sixième tome conclut la séquence de l’attaque contre le centre de l’AEE. Très plaisante offensive qui permet notamment à l’auteur d’imaginer comment une militaire de l’élite  peut rivaliser avec ces androïdes ultraperfectionnés. Comme je l’ai déjà dit, la série avance vite car il reste moins de la moitié pour développer une intrigue qui était restée assez obscure jusqu’ici. Et cela tombe bien car dès la fin de ce volume l’intelligence artificielle Origin T7, manga chez Pika de Boichiultime Y va révéler à Origin leur rôle respectif ainsi que l’existence d’une adversité inconcevable… et diablement intéressante intellectuellement parlant! Alors qu’un ouvrage majeur sur le sujet vient de sortir, il est étonnant de voir comme les auteurs correspondent par œuvres interposées sur un sujet, l’Intelligence Artificielle, qui semble n’avoir jamais autant passionné. Il faut dire que la collapsologie  nous pousse à nous interroger plus que jamais sur ce qui fait l’existence et ce qui pourrait succéder à l’homme en poussant Asimov un peu plus loin encore…

Le septième volume marque un petit ventre mou en faisant une grosse pause dans l’action et le retour sur les relations entre membres de l’AEE et l’humour à la Boichi. Origin cherche des moyens de se reconstruire, il est fauché et se lance dans la production de mangas (!!). L’auteur en profite pour creuser le thème de l’amour possible entre une humaine (Mai Hirose) et une IA (Origin)… Comme toujours les réflexions sont assez passionnantes bien que le temps manque pour les creuser. A ce titre on est donc bien à l’opposé du Carbone et Silicium de Bablet qui prends beaucoup de temps pour détailler sa pensée complexe. Chez Boichi, manga grand public oblige, on part à peu près du même point mais en effleurant juste certains concepts. Le sujet de cet épisode est l’enquête de l’AEE sur les restes des androïdes de l’attaque après que la multinationale ait étouffé l’affaire sur le plan médiatique. Du coup si le scénario reste intéressant, les personnages principaux sont tout à fait mis de côté ce qui crée un petit essoufflement. Le plus intéressant, hormis les combats donc, c’est bien les idées d’objets et du quotidien dans un futur proche (on nous parlera plus tard de Fukushima), dans une démarche proche de celle de Spielberg sur Minority Report. L’autre concept que j’aime bien c’est la transposition des codes du super-héro (couverture civile et action superpower clandestine) dans un environnement Hard-SF. Ce principe est une ligne force de la série et trouvera sa conclusion au tome huit.Manga «Origin» by Boichi shared by M I S T M O R N

Plus que deux volumes avant la fin et ce huitième tome marque le retour des combats brutaux, fulgurants, entre robots. Repartant sur les mêmes bases que les tous premiers épisodes avec du combat de rue imprévu, cette fois cela ne va pas bien se passer pour Origin… Si les dessins atteignent de nouveau des sommets tant dans la virtuosité des cadrages et anatomies (avec donc un retour du fan-service mais aussi, avouons le, une passion de l’auteur pour le dessin des corps, qu’ils soient féminins ou masculins), Boichi reprend aussi ses tics de narration coupée brutalement Origin T8, manga chez Pika de Boichiavec de vraies hachures entre les cases d’action, et parfois l’impression que l’on a raté une page. C’est un effet de style pour gérer l’immédiateté des raisonnements des IA et la rapidité subluminique des actions, mais j’avoue que c’est un peu perturbant et coupe la dynamique des combats. Hormis cette gestion du temps, l’auteur sait nous surprendre, souvent et lance son dernier arc dans une fuite pour Origin et Mai devant les robots et les humains, qui pour des raisons différentes ont tout intérêt à leur mettre la main dessus. Faisant face à l’ennemi le plus redoutable qui lui ait été donné d’affronter, Origin se retrouve face au mur d’atteindre un statut de perfection s’il veut sauver la jeune femme. Le principal risque de cette série est que l’auteur ne sache pas où forcer le trait tant les thèmes sont nombreux et passionnants. Du coup cela accentue la surprise quand il vire de bord et bien malin celui qui sait comment toute cela va se terminer… A ce stade, Origin est un manga qui frôle la perfection mais reste freiné par quelques tics, un format assez court et une indécision entre les multiples envies du mangaka. Mais cela reste un très grand plaisir à chaque tome.

****·Manga

Origin #4-5

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Manga de Boichi
Pika (2020), 9/10 tomes parus. Série finie au Japon.

Après avoir affronté un robot militaire Origin se retrouve envoyé au siège IA de l’AEE afin de remettre un rapport. Là-bas il va se retrouver au cœur d’une attaque terroriste avec un nouveau dilemme entre la nécessité d’intervenir et de protéger son identité…

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Origin - BD, informations, cotesPour preuve de l’implication de Boichi dans cette série qui lui tient particulièrement à cœur, les petites préfaces inclues sur la jaquette apportent des informations très intéressantes sur la démarche et éclairent d’un jour nouveau les planches du récit. Ainsi sur le volume quatre il nous décrit l’évolution récente du Cyberpunk dans les littératures de l’imaginaire et le plaisir à introduire le « personnage » de Y, l’IA surpuissante qui nous rappelle fortement l’IA de l’excellent manga Ex-Arm. Dans le cinquième tome il nous décrit dans un texte essentiel pour la compréhension de l’œuvre, de son envie de parler non seulement des robots mais surtout d' »êtres doués de pensée ». Par des rajouts réguliers de références à Asimov et ici à Arthur Clark il rattache sa série aux pères fondateurs du genre tout en citant Fritz Lang ou Terminator.

Ces deux volumes montent d’un cran en terme d’action puisque après l’introduction d’Origin à l’IA secrète développée par l’AEE les tomes quatre et cinq décrivent le déroulement de l’attaque des « frères » contre le centre. Moyen pour Boichi de faire parler la poudre avec des séquences d’action très puissantes et toujours aussi virtuoses. Le seul reproche que je ferais repose sur un rythme un peu haché du fait de la nécessité d’avancer rapidement dans cette série au format court (dix tomes en tout) et d’inutiles résumés des épisodes précédents, un peu comme dans certaines Scan Origin 44 VF - Lecture En Ligne Mangasséries américaines, ce qui fait perdre des pages de développement… Hormis cela, on est au cœur de l’action, avec toujours les réflexions d’Origin sur le meilleur moyen d’empêcher ses adversaires de tuer des humains (pour « vivre convenablement ») et les descriptifs techniques toujours passionnants sur les développements du corps des robots et les manœuvres pour parvenir à ses fins en utilisant le maximum des capacités de la « machine ». La baston est finalement un peu facile pour le héros mais on peut gager que cela va monter d’un cran avec l’arrivée des autres « frères ». Notons que le tome cinq profite étonnamment d’une séquence de résumé pour nous raconter l’origine des autres robots, ce qui n’avait pas été fait aussi clairement jusqu’ici et fait un peu retomber le mystère.

Sur ces volumes Boichi est particulièrement sage concernant ses tics puisqu’il y a très peu d’humour et aucun élément Ecchi, ce qui permet clairement de densifier le récit. Attention, la violence reste importante et l’auteur montre ce qu’il y a à montrer sans détours. Les bonnes idées foisonnent dans cette séquence, qui se rapproche donc beaucoup des idées dEx-Arm, manga récemment découvert, sublime graphiquement également et comme Origin descendant directe de l’œuvre de Masamune Shirow (Appleseed et Ghost in the shell… dont il faudra que je parle dans un billet dédié vu le nombre Origin: Chapter 42 - Page 18d’articles où je réfère au maître!). Je regrette simplement la première faute de gout avec le tank dont l’apparence semi-organique rappelle l’attrait de pas mal de manga pour les monstres à parties humaines (dents proéminentes, bouches multiples,…) et qui fait totalement tache ici dans une œuvre hyper-technologique (aspect graphique qu’assume mieux Ex-Arm). Dommage et j’espère que les combats contre les homologues androïdes reprendront rapidement. Je regrette également les bonus qui abandonnent (temporairement?) les fichiers techniques si passionnants des précédents volumes pour un journal de Boichi à l’humour tout à fait douteux…

Au final j’ai trouvé le volume quatre vraiment incroyable et le cinq un peu moins bon, dans une série qui reste particulièrement prenante autant intellectuellement que graphiquement et reste ce que Boichi à fait de mieux pour le moment dans ce que j’ai lu.

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****·Manga

Origin #2-3

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Manga de Boichi
Pika (2020), 9/10 tomes parus. Série finie au Japon.

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Origin vit au milieu des humains en cherchant à éviter de se faire repérer, lorsqu’il réalise qu’il n’est pas seul dans ce cas. Lourdement endommagé par un combat contre deux androïdes il va devoir trouver les moyens de reconstruire un corps encore plus solide et puissant, alors que ses adversaires cherchent à l’éliminer…

L’entrée en matière de cette (courte) série du virtuose coréen m’avait pas mal scotché… et dès le second tome on gagne encore en ampleur et en ambition avec (chose étonnante) une écriture qui domine le dessin. L’ambition de l’auteur, qui fait fréquemment référence à l’œuvre d’Isaac Asimov (et à Masamune Shirow, créateur du mythique Ghost in the shell dont le méchant d’Origin reprend le prénom), est de proposer une Origin -2- Volume 2réflexion sur la pensée robotique et, thème classique de la SF, sur la jonction entre humanité immorale et IA tendant cherchant la morale. Proposant de temps en temps de courtes séquences nous montrant Origin dans sa première forme d’un petit robot mignon, Boichi nous explique que si sophistiqué que soit le corps (et il l’est!) c’est bien la puissance de l’IA qui détermine si l’humain aura atteint le statut de créateur en donnant vie à une pensée originale. Pour preuve, ce débat interne aux autres androïdes entre l’optimisation de leur capacité d’IA et celle de leur corps cybernétique. On est donc bien dans une revisitation cyber de Pincocchio et c’est captivant!

Il y a finalement assez peu de combats dans cette série car ces derniers se passent à une vitesse surhumaine qui permet de développer un récit en pause, nous posant lentement les réflexions, analyses stratégiques de combat du héros et ses choix de sacrifices d’éléments de son corps afin d’obtenir son objectif. On a donc une sorte d’avancée image Scan Origin 18 VF - Lecture En Ligne Mangaspar image d’un combat qui se déroule en quelques secondes. Comme si Boichi était conscient de ses penchants (vers le fan service ou d’action démesurée) il se contraint et n’en est que meilleur! Les efforts mis pour nous faire entrer dans un « raisonnement » de robot sont impressionnants et subtiles.

Le paysage social n’est pas en reste dans Origin avec de superbes idées sur une société de demain avec une différence notable avec les anticipations d’un Fred Duval puisque le cadre japonais, déjà très technologique aujourd’hui nous pose dans une quasi actualité. L’auteur utilise également les schémas de domination et de respect de code moral de l’entreprise et des robots pour reprendre certaines thématiques des histoires de Samouraï avec leur code de l’honneur, leur recherche de « vie convenable » et leurs sacrifices. Avec le difficile apprentissage des relations humaines de son robot, Boichi parvient ainsi à une étonnante alchimie réutilisant les sujets classiques du manga liés aux difficultés de la société japonaise via son Candide.

Dans le tome 3 la tension retombe un peu malgré un affrontement étonnant contre un robot militaire géant qui permet à l’auteur de proposer des éléments technologiques et de l’anticipation militaire très originaux. Une partie du volume revient sur les relations interpersonnelles et les quelques tics de Boichi un peu lourds. Ça reste cohérent avec la proposition d’étude sociale du japon futuriste mais ce n’est pas forcément ce qui me passionne le plus dans Origin.

La richesse thématique, graphique et la maîtrise de l’ensemble cependant sont tout à fait remarquables et font  dès ce début de série d’Origin un des meilleures création traitant de la robotique et de l’Intelligence artificielle.

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***·BD·Documentaire

La revue dessinée #16

Le Docu du Week-End
Numéro #16 Eté 2017
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Je poursuis mon exploration de la Revue dessinée dans le désordre à mesure qu’on me passe des numéros. N’étant pas véritablement une revue d’actualité fraîche ce n’est pas gênant. Après bientôt un an pour la rubrique « Docu du week-end » force est de constater que le format de la RD est le plus propice à ce genre de création, tant la limite entre fiction et journalisme est ténue dans des albums BD classiques, comme je l’ai remarqué à plusieurs reprises… Autant j’ai des réserves sur certains articles aux dessins pas toujours top, sur ce numéro le niveau graphique est franchement bon et même très pointu sur certains chapitres.

Le numéro comporte onze articles et des rubriques librairie et courrier des lecteurs. J’ai fait l’impasse sur plusieurs sujets pourtant intéressants (sur le club de foot du Red star, la musique punk et sur l’Homme augmenté, en raisons des dessins pas glop).

  • Résultat de recherche d'images pour "revue dessinée 16"Education – Repris de justesse (35p.):

L’article nous raconte les dispositifs de raccrochage des élèves décrochés du système scolaire, au travers de l’exemple du microlycée de Vitry sur seine. Je remarque juste que comme souvent dans une presse parisienne, l’essentiel des exemples abordés se situent dans la région parisienne, mais bon, on ne refait pas notre pays… La recette: peu d’élèves, tous volontaires pour décrocher le bac après parfois plusieurs années sans scolarisation. On parle de jeunes adultes et ce que nous voyons ressemble (logiquement) presque à un système universitaire, alliant autonomie, bienveillance et responsabilisation. J’ai l’impression que la Revue dessinée fait pas mal de publi sur des expérimentations (d’ailleurs le courrier des lecteurs dénonce par endroit un certain « gauchisme » qui personnellement ne me dérange pas du tout!). C’est très intéressant même si l’article reconnaît que c’est une goutte d’eau pour combler les lacunes d’un système éducatif majoritaire qui laisse les abîmés de la vie sur le bas côté. On est parmi les prof et les élèves, on ressent les hésitations, les difficultés et la motivation d’enseignants donc plusieurs sont d’anciens décrocheurs. Comme souvent dans la RD, les BD permettent de mettre un sens sur des termes utilisés en politiques et souvent abstraits.Visuellement Gaëlle Hersent fait un travail sans faute, très technique sous couvert de belles couleurs douces.

  • Migrants – identités englouties (35 p.):

La RD a entamé un cycle de reportages pour traiter du problème des migrants, crise humanitaire majeure pour l’Europe depuis bientôt dix ans. Le reportage vise à illustrer la difficulté à donner un nom aux milliers de morts repêchés par les gardes-côte italiens ou les ONG de plus en plus nombreuses qui s’activent en méditerranée, contre l’avis de l’agence européenne Frontex, chargée des frontières de l’UE et pour qui cette action privée (donc non contrôlable) encouragé des réseaux de passeurs très difficiles à démanteler et qui glanent des centaines de milliers d’euros. On comprend mieux l’opposition fondamentale entre une démarche humaniste (… et chrétienne) pour redonner une dignité aux corps et aux familles face à une logique administrative gestionnaire. Excellent reportage sur un sujet que personnellement je ne suis pas trop, sans doute par confort. La BD docu ça sert aussi à ça!

  • Histoire – Imaginaire de la Guerre :

Super réflexion historico-symbolique sur les figures de la guerre: le chevalier, le soldat, le volontaire,… Les images sont rigolotes mais c’est bien la mise en perspective (poussée dans les bonus sur la question de l’Etat islamique et du terrorisme) qui fait réfléchir. La construction d’un ennemi virtuel par les politiques a pour principal effet de cristalliser des peurs et des haines sur un corps fictif: contrairement à ce que disait Georges Bush l’ennemi n’existe pas, contrairement aux Etats qui se faisaient autrefois la guerre. L’adversaire ainsi reconstitué par les communicants a ceci de pratique qu’on peut lui donner la forme que l’on veut…

Le numéro se termine par une info que je ne connaissait pas (comme a peu près tout ce qui est issu de ce numéro!): au XIX° siècle une éruption solaire majeur a grillé la totalité du réseau télégraphique de l’hémisphère nord… Si une telle éruption survenait aujourd’hui, elle provoquerait un cataclysme sans précédent! Peut-être pas plus probable que la rencontre avec un astéroïde mais ça fait froid dans le dos.

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***·BD·Rapidos·Rétro

Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ?

BD de Zidrou et Roger
Dargaud (2013) 54 p.

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Tout d’abord précisons une chose: ce long titre est une fausse bonne idée. D’abord par-ce que cet album n’est pas franchement ironique comme cela pourrait le suggérer et par-ce que niveau com’ c’est quand-même long à retenir. Un peu comme pour « il faut sauver le soldat Ryan« , parfois les auteurs devraient consulter avant de choisir un mauvais titre… Ce roi de Prusse c’est Michel, esprit d’enfant dans un corps de géant et dont la vieille mère s’occupe quotidiennement. C’est elle qui « reprise les chaussettes ». Sauf qu’ici il n’est aucunement histoire de Geste héroïque ni de guerre mais bien du combat d’une mère fatiguée mais éternelle optimiste pour gérer les sautes d’humeur et les paniques subites de son fils handicapé mental.

Résultat de recherche d'images pour "pendant que le roi de prusse roger"Zidrou nous offre une très belle histoire. Belle par-ce que franche mais sans pathos. Le sujet n’est pas le handicape mais bien l’amour maternel et la difficulté à gérer ce qui n’est pas gérable, dans une inversion des rôles néanmoins tragique. Le trait en encrages puissants de Roger participe beaucoup de cette tendresse, dans des regards et des visages par moment pas loin du cartoon. L’album se découpe en plusieurs séquences vaguement thématiques qui voient progresser notre compréhension de la situation de cette famille brisée par la mort du père puis par l’accident du fils Michel. Le lieu n’est pas connu (c’est dommage, l’atmosphère nocturne de Barcelone était très forte dans Jazz Maynard) et l’on plonge surtout dans l’univers étroit de ce colosse enfantin fait de caprices, d’activités cycliques et de la tendresse de son entourage. L’album est dédié à cette héroïne moderne, minuscule bonne femme capable de déplacer des montagnes et que rien ne fait capituler. Concernant le dessin, donc, Roger est pour moi l’un des tout meilleurs dessinateurs actuels (j’en ai parlé ici), mais sa colorisation très monochrome me fait me demander s’il ne ferait pas bien de prendre un coloriste… Son style s’accommoderait parfaitement du noir et blanc et ses couleurs n’apportent pas grand chose à ses planches. Pas sur que des couleurs vives n’écrasent pas ses encrages mais pour une BD de la sorte je pense que ça collerait plus avec l’atmosphère recherchée.

Il n’en demeure pas moins que ce « Roi de Prusse… » est un très beau petit album. Pas de ceux qui vous transportent ailleurs mais un moment de calme à partager avec cette belle personne à admirer les coups de pinceaux d’un grand artiste.

Un autre avis: Au fil des plumes.

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