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Bleed them dry – Harley Quinn: Black+white+red

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Salut la compagnie! Aujourd’hui petite fournée de deux nouveautés estivales et très graphiques, venues de chez DC et Vault comics, que je vous propose en mode rapidos.

  • Comic de Eliott Rahal, Dike Ruan et Miguel Muerto (coul.) – Hicomics (2021), 164p., one-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Hicomics pour leur confiance!

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Dans le futur, l’humanité vit pacifiquement avec les vampires, dans une cité idéale et technologique. Mais une série de meurtres remet en cause les équilibres lorsqu’il apparaît que malgré leur apparente intégration les vampires ne sont pas que de doux collègues…

Sous les atours d’un polar très classique transposé dans une cité futuriste, Bleed them dry propose une variation Ninja du thème du vampire que l’on connait, sa puissance bestiale, sa manipulation mentale et sa victime déchirée entre ses nouvelles capacités et le deuil de son ancienne vie. Etrange projet qui boucle une intrigue sur seulement six chapitres en nous laissant un peu sur notre faim. Alors que le récent These savage shores du même éditeur parvenait à instiller une nouveauté envoutante dans cette trame éculée, l’habillage techno et les dessins superbes du jeune prodige Dike Ruan, s’ils font passer un bon moment en mode Blockbuster bad-ass ne suffisent pas à nous enthousiasmer réellement dans cette trame qui n’a ni le temps ni l’envie de développer un background. On nous raconte bien l’histoire cachée derrière cette cité idéale et les affrontements comme les dialogues sont tout à fait fun mais lorsque l’on aborde un genre aussi fréquenté que le thème du vampire nocturne il est important de proposer un décalage novateur. C’est sans doute ce qui manque à ce donc fort joli album, qui défouraille et tranche sévère. Un conseil, débranchez vos neurones pour apprécier à plein cette « enquête » qui mord…

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  • Comic collectif – Urban (2021), 240p., one-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Urban pour leur confiance!

couv_428643En 2016 DC comics proposait à une ribambelle d’auteurs de BD de proposer leur vision du chevalier noir en mode court, avec comme seule consigne le noir et blanc. Cette année rebelotte avec la plus foldingue des copines des anti-héroïnes de Gotham qui reprend le même format en lui adjoignant (bien évidemment) le rouge. A noter que l’heure est aux anthologies puisque vient de sortir également un Batman The World qui vise à proposer cette fois le Dark Knight à un panel d’artistes non américains, histoire de montrer l’universalisme du personnage.

Au travers de dix-neuf courtes histoires d’une dizaine de pages chacune, c’est une sacrée brochette de stars (mais aussi de jeunes talents) de l’industrie du comics qui nous permet de découvrir une grande variété de styles. Premier constat qui ne surprendra pas les habitués des BD DC, la quantité d’artistes non américains est conséquente, ce qui ne cesse de nous interroger sur la destinée d’une école graphique américaine qui semble en déshérence (ou peut-être orientée plutot vers l’Indé?). J’ai constaté depuis pas mal de temps combien ces étrangers biberonnés à la culture US élèvent le niveau graphique en apportant une sensibilité nécessaire, et c’est tant mieux. Le second constat c’est que les scénarios sont résolument orientés humour avec un personnage de Harley complètement foldingue, qui aime raconter des histoires en mode petite fille trash. Et c’est souvent très drôle. Pour qui entre dans cet univers, on constate également combien l’ex-copine du Joker (oui-oui c’est déjà fini!) a évolué depuis sa naissance dans la série animée des années quatre-vingt-dix, désormais plus ou moins en couple avec Poison Ivy voir chef d’une équipe de super-héros/super-vilains -on ne sait jamais vraiment avec Harley). Au final cette anthologie navigue entre la vraie découverte dans un format idéal, quelques interventions de stars un peu au forceps (on pense au Stjepan Sejic ou au trop rare Adam Hughes) et le produit d’appel destiné à lancer le très très attendu spin-off de Batman White knight: Harley Quinn. Chaque lecteur y verra son intérêt mais on peut dire que l’offre est généreuse et devrait trouver un public assez large.

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***·Comics

Heroes in crisis

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Récit de 224 pages, réunissant les 9 numéros de la série DC Comics Heroes in Crisis, écrite par Tom King et dessinée par Travis Moore, Clay Mann, Lee Weeks, Mitch Gerads et Jorge Fornés. Parution chez Urban Comics le 15/11/2019.

Thérapie de groupe

Dans l’univers DC Comics, les héros costumés font office de parangon de vertu, remparts inébranlables contre l’adversité, défendant le commun des mortels face à un monde dangereux. Mais comment réagiraient les honnêtes gens en découvrant que leurs héros, leurs protecteurs, ploient parfois sous le poids des épreuves et des sacrifices ? Auraient-ils toujours confiance en leurs héros ?

C’est sur ces interrogations que Tom King a construit sa série limitée Heroes in Crisis. Dès le premier numéro, on apprend que les super-héros, à l’initiative de Superman, Batman et Wonder Woman, bénéficient du Sanctuaire, un endroit secret et anonyme où ils peuvent récupérer des blessures physiques et psychologiques subies pendant leurs missions.

Un jour cependant, les choses tournent mal et un massacre est perpétré. De nombreux héros trouvent la mort, alors que deux suspects improbables se dégagent: Booster Gold, héros vantard et inconséquent venu du futur, et Harley Quinn, partenaire pas-si-psychotique du Joker.

L’inconvénient ici, c’est que chacun d’entre eux est persuadé que c’est l’autre le coupable. Mieux encore, ils ont chacun été témoin du massacre commis par le second. Qui a raison: le second couteau dont les trafics temporels ont déjà failli découdre le tissu du réel, ou bien la tendre moitié du pire criminel ayant jamais existé ?

Heroes Dead And Gone

Difficile d’être crédible si l’on qualifie Tom King de manchot. Le monsieur a tout de même dans sa bibliographie des œuvres récompensées telles que la série Miracle Man, The Vision, et a également laissé sa patte sur le Chevalier Noir en personne, après le relaunch de Rebirth.

Heroes in Crisis (2018-2019) No.4 - Comics de comiXology: WebL’auteur semble trouver le sel de son travail dans des ambiances intimistes, laissant la part belle à la psyché parfois torturée des personnages. King semble avoir un don pour se glisser dans la peau de héros même secondaires, afin de faire ressortir leurs fragilités, leurs doutes, leurs peurs.

La série est en effet émaillée de courtes scènes représentant les séances de thérapie de ces héros hésitants, blessés et insécures, loin de l’image imperturbable qu’ils donnent à voir au grand public. Le reste de l’intrigue se consacre à la course contre la montre afin de déterminer le coupable, dans la tradition assez classique du whodunit. Le traitement non-linéaire peut donner un aspect décousu à l’ensemble, surtout si l’on prend en compte les différents shenanigans qui nous expliquent le fin mot de l’histoire, et qui, disons-le, n’ont pas fait grand sens à mes yeux en première lecture.

Hormis cette résolution d’intrigue alambiquée (à cause d’un élément qui relève nécessairement du spoiler), Tom King nous offre une plongée dans l’esprit torturé des héros, une façon élégante de remettre en cause à son tour la figure super-héroïque.

*****·Comics·Nouveau !

Harleen

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Comic de Stjepan Sejic
Urban (2020), 232 p., one-shot.

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On commence ce panégyrique par une édition aux petits oignons, une des plus intéressantes faites par Urban comics! On commence par un petit « entretien » avec l’auteur, puis une table des matières et les trois livres séparés par une page de titre (les couvertures originales et alternatives des épisodes sont classiquement en fin d’ouvrage). Aperçu exclusif: Harley Quinn, son propre nouveau patient dans ...On termine pas un cahier de trente-trois pages comprenant donc les couvertures, toutes à tomber, une chronologie de la genèse de l’oeuvre sur plusieurs années, quelques courtes histoires d’une ou deux pages qui calent le style de Sejic et du personnage, des recherches graphiques, une bio et enfin des extraits de découpage. En clair la totalité des éléments permettant de comprendre la conception d’une BD sont là, le tout agrémenté par moultes dessins très finis. Une perfection… simplement atténuées par la décidément mauvaise habitude qu’a l’imprimeur roumain d’Urban de proposer des bouquins mal fabriqués (quand ce n’est pas une impression double c’est la couverture qui cloque ou la colle qui ne tient pas). Les ratés sur un gros tirage peuvent arriver, me concernant c’est presque un album sur deux… Il est temps de changer d’imprimeur!

Harleen Quinzel est une jeune psychiatre fragilisée par des études compliquées. Souhaitant démontrer sa théorie liant la folie des psychopathes à une rupture de l’empathie, elle obtient un financement de la fondation Wayne pour travailler sur les patients d’Arkham, alors que certains justiciers de Gotham remettent en question la morale d’une Justice qui ne les protège plus du pandémonium enfermé à l’Asile…

HARLEEN #1-3 (Stjepan Šejić) - DC - SanctuaryAttention, choc! Si j’attendais cet album c’était au vu des superbes planches et couvertures révélées par l’édition américaine. Je ne connais pas Sunstone, la série « érotique » qui a lancé le croate mais avais été assez bluffé par la section qu’il avait illustré sur Batman Métal. Et c’est la profondeur du travail psychologique sur son personnage et son approche féminine qui marquent sur ce one-shot qui fera date, après un White Knight de Sean Murphy qui avait déjà bouleversé les canons scénaristiques et qualitatifs de DC en jouant déjà sur cette analyse psychologique des personnages de Batman, du Joker et de Harley Quinn.

Au-delà des dessins qui sont donc absolument sublimes de la première à la dernière page (très peu de déchets, y compris sur les arrières-plans, souvent délaissés dans l’industrie du comic), c’est donc la progression narrative qui impressionne, avec cette structure ternaire permettant de montrer simplement trois phases de ce qui va amener Harleen à tomber dans la toile du Joker. Si l’idée de départ du personnage créé par Paul Dini fascine, la nouveauté ici est l’absence totale de manichéisme. Alors que le Batman est quasiment absent du récit, on évite absolument de nous montrer le Joker en fou-dangereux mais plutôt en rock-star, en Apollon dont le docteur se méfie dès la première rencontre. La subtilité de son jeu est remarquable et la force expressive des visages de Sejic donne une fragilité constante à Harleen qui ne nécessite pas d’appuyer ce déséquilibre qui mènera inévitablement à la chute. De fait le rythme est assez lent, avec peu d’action hormis cette introduction marquante (qui jouera beaucoup dans la faille de l’héroïne), mais passionne de par la finesse de la progression qui infuse comme un goutte à goutte. L’auteur a l’intelligence d’utiliser d’autres personnages iconiques de Gotham sans pour autant se perdre dans des intrigues secondaires inutiles pour aérer la tension en rendant très crédibles l’évolution intérieure de la psy.

En lisant Harleen vous tomberez inévitablement amoureux de cette fille douce et fragile, une jeune femme abîmée par des expériences amoureuses qui ne pourra résister à la manipulation du clown. A moins que le Joker ne soit lui aussi réellement amoureux? Impossible de le dire en refermant l’ouvrage dont une autre grande réussite est de ne pas juger. De Harvey Dent et sa bascule criminelle à Gordon, Batman ou Harleen, tout le monde a raison dans sa vision de ce qu’est le crime, ce que doit être la sécurité collective, de la manière de traiter la folie. Au fil des pages on voit cette fille sincère, mise en garde par beaucoup mais qui ne parvient pas à décrocher de son besoin d’aider, de soigner. Mal préparée elle succombera. Et le jeu des réflexions intérieures nous montre que celle-ci est consciente du risque et de la faille dans laquelle elle tombera. Mais en devenant l’amante du Joker ne se sauve-t’elle pas aussi? La continuité avec la vision de Sean Murphy est étonnante et vous pourrez presque envisager White Knight comme la suite de Harleen.

Harleen, le destin tracé de la plus célèbre des super-vilaines ...Les comics me lassent souvent par leur approche très américaine (de moins en moins, il faut le reconnaître… avec l’apport d’auteurs étrangers!) souvent infantile. En lançant le Black Label, DC souhaitait créer une collection adulte intégrant anciens ouvrages (le Red son de Millar vient d’y être introduit) et créations récentes. Quand on voit la qualité de ce qui est sorti depuis deux ans cela amène les plus lassé de l’éditeur aux deux lettres à revoir leur vision. Plus BD franco-belge, de part son format comme son ambition, le one-shot du croate Stjepan Sejic marque plus que jamais l’arrivée de comics adultes proposant des réflexions réalistes et profondes sur une mythologie de héros originellement en slip. Ce que le cinéma est parvenu à réaliser avec des Christopher Nolan sur Batman ou Zack Snyder sur Watchmen Sejic l’offre en BD… en n’imaginant pas que l’actuelle actrice du personnage de Harley Quinn, la superbe Margot Robbie, n’apparaisse pas dans une version grand écran de cet ouvrage. Une grande BD, peut-être la BD de l’année tous genres confondus et un album majeur de l’industrie des comics.

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