
Deuxième volume de 62 pages, de la série écrite par Omar Ladgham et Jan Kounen, avec Mr Fab au dessin. Parution le 14/09/22 chez Comix Buro.


Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.
Notre Tour viendra
Dans le précédent tome, nous assistions au combat des derniers survivants humains, au sein d’une tour constituant leur dernier refuge. Dehors, la vie humaine est devenue impossible, à cause d’une virulente bactérie, qui fait parfois des incursions dans l’habitant de moins en moins étanche de nos survivants. A l’intérieur, la vie est de plus en plus compliquée, et pas seulement par la vétusté galopante de la Tour, qui, à trente ans, commence à donner des signes de faiblesse et d’usure. Ce qui constitue le plus grand danger, ce sont les dissensions entre les habitants, qui se divisent en deux catégories.

D’une part, on trouve les anciens, ceux qui ont connu le monde d’avant, et qui vivent, ou plutôt survivent, accrochés à l’idée que la Tour est le dernier bastion humain et que la seule promesse faite par le monde extérieur est la mort. D’autre part, on trouve les Intras, de jeunes gens qui sont nés et ont vécu toute leur vie au sein de la Tour, et qui n’aspirent qu’à la liberté, et voudraient sortir dès que possible pour explorer le monde.
Tandis que ce choc des générations s’accentue et aggrave les tensions, Newton, l’intelligence artificielle conçue pour gérer la Tour, commence lui aussi à montrer des signes de faiblesse, voire même à des doutes très humains. Au milieu de tout ce chaos, Aatami, le fils d’Ingrid, une des dirigeantes de la Tour, a fait le choix de partir en exploration afin de trouver un nouvel habitat pour les survivants. Quels obstacles vont se dresser sur son chemin ? Terminera-t-il sa quête avant que les habitants de la Tour ne s’entretuent ?
Pour ce second tome, Jan Kounen et Omar Ladgham font monter la pression dans la cocotte-minute verticale qu’ils ont créée. Le parallèle existe encore avec les classiques du Post-Apo tels que Snowpiercer, dont les éléments constitutifs sont le confinement et les luttes intestines entre survivants.

Toutefois, comme nous le remarquions dans la chronique du premier tome, nous sommes assez loin de la critique sociale ou de l’oppression, puisque le conflit ici est générationnel, et la révolte des Intras, si elle peut se concevoir, manque encore d’assise argumentaire et philosophique. Dans ces circonstances, la perspective d’explorer plus avant le monde extérieur se pose effectivement, mais le faire à tous prix comme le suggéraient les jeunes ne peut pas faire sens aux yeux des lecteurs, pas plus que leur révolte, qui passe encore une fois un cap et se radicalise dans ce tome 2. De l’autre coté du spectre, on ressent davantage d’empathie et de compréhension envers Ingrid, qui est amenée à prendre des décisions difficiles pour le bien commun, préservant le statu quo à défaut d’autre chose.
Le conflit donne donc l’impression de s’enliser un peu, avec des Intras révoltés toujours aussi agaçants. On aurait aimé un débat un peu plus serré, dans lequel chacune des parties pose un point légitime dans son argumentaire, ce qui ne semble pas être le cas ici. La partie la plus intéressante concerne Newton, qui ne devrait pas tarder à se la jouer HAL 9000 dans le troisième et dernier tome.
Et puisque l’on en est à la citation de références, n’oublions pas de parler du dernier segment de l’album, qui puise dans les appétences personnelles de Jan Kounen, à savoir les expériences hallucinogènes chamaniques (comme on pouvait le voir dans son film Blueberry, avec Vincent Cassel, sorti en 2004). Cette partie déconcerte (c’est certainement le but), mais est aussi susceptible de casser l’immersion dans le récit, à moins que les deux auteurs n’aient déjà prévu leur coup et raccrochent les wagons avec le cœur thématique de l’intrigue. Pas encore de quoi râler, toutefois, à ce stade nous sommes davantage sur un cliffhanger déconcertant que sur une véritable sortie de route.