Comic de Andy Diggle, Doug Braithwaite, Renato Guedes et Stephen Segovia
Bliss (2019) / Valiant (2018), 312 pages.
Merci aux éditions Bliss pour leur confiance.
Shadowman est l’un des premiers comics Valiant que j’ai lu et j’ai été immédiatement attiré par le côté sombre, par le charisme du méchant et par une approche graphique très artistique, notamment grâce à l’apport de Roberto de la Torre. Sur cette nouvelle série on est plus classique dans le dessin pour un traitement qui semble viser un élargissement du public. Sur ce point je dirais que l’arrivée de nouveaux lecteurs sera facilitée bien qu’il ne s’agisse pas d’un reboot à proprement parler, ce Shadowman 2019 prenant la suite directe de Rapture.
La Pie n’est plus. Après des années d’errements dans le monde des morts à la recherche de reliques pour Maître Darque, le serviteur est libéré et de retour dans notre monde. Confronté au Baron Samedi et ses plans obscures, il va devoir apprendre à connaître le Loa auquel il est attaché pour reconquérir sa puissance et combattre la société secrète qui œuvre dans l’ombre au retour de Darque…
La première série marquait une sorte de descente aux enfers de Jack Boniface, hanté par un Loa, un esprit autonome du monde des morts transmis de génération en génération. L’affrontement avec le nécromant surpuissant Maître Darque se terminait par la disparition de ce dernier en même temps que l’asservissement volontaire de Shadowman sous la forme de La Pie, écumant le monde des morts. Les différentes séries Valiant ont ainsi convoqué ce personnage important sur des apparitions dans Ninjak, Bloodshot ou Rapture. Ainsi l’album commence avec l’expulsion d’un Boniface libéré de l’emprise de Darque et revenu auprès de sa chérie Alyssia elle-même devenue la remplaçante de la sorcière Punk Mambo. On voit que les liens sont très étroits entre cette nouvelle série et la précédente, ce qui peut rendre difficile l’immersion pour les nouveaux venus. Pourtant on reste sur un schéma simple, avec la
société secrète cherchant à ressusciter le grand méchant, le Baron Samedi (toujours aussi cool) qui joue le rôle du vilain canard dans le panthéon des esprits, jamais vraiment méchant mais jamais vraiment fiable non plus et les deux protecteurs du Loa qui cherchent à rendre sa stabilité émotionnelle à Boniface tout en lutant contre la sœur de Darque, nouvelle méchante. On l’avait vue précédemment, la puissance maléfique de son frère avait entraîné Sandria à lier un Loa à son amant noir, ancêtre de Jack Boniface. Il y a donc une histoire de famille dans cette intrigue… qui m’a un peu déçu dans le fait de transformer cette sœur très intéressante jusqu’ici en une simple méchante manipulatrice. C’était la complexité de la famille Darque qui faisait la force de la première série. Ici c’est plutôt le passé du Shadowman et de ses précédentes incarnations qui nous est proposé.
La première série s’était terminée sur l’affrontement de Jack avec son père. L’intermède Rapture permettait la résolution de ce conflit intérieur. Désormais apaisé Jack Boniface, le dernier détenteur du Shadowman va pouvoir rechercher dans le passé, à l’époque de la guerre de Sécession, pendant la Prohibition, et jusqu’à l’aube des temps, l’origine de l’alliance du Loa et de l’homme au travers des différentes incarnation de Shadowman. Classiquement ces différentes époques comme les dimensions de la réalité permettent facilement à différents dessinateurs de proposer des graphismes variés. Au milieu de certaines expérimentations, Renato Guedes, dont les images du monde des mort sur Bloodshot salvation ne m’avaient pas convaincu, propose ici des pages absolument affolantes de beauté, de technicité et d’atmosphère. Si sa participation aux univers Valiant avait marqué les esprits sur X-O Manowar, je crois que ce volume est peut-être ce qu’il a proposé de plus réussi. Un très grand artiste.
Hormis le problème sur la méchante expliqué plus haut cet album est une vraie réussite assez grand public même si les combats du Shadowman ont déjà été plus nerveux. S’il est surprenant de ne pas voir Punk Mambo (personnage original et assez central depuis plusieurs publications), le fait de revoir le personnage de Docteur Mirage est une excellente surprise tant ce personnage est sympathique et son interfaçage avec l’univers de Shadowman évident. La précédente intégrale était perturbante en ce qu’elle nous plongeait au cœur d’une intrigue déjà en cours et dont les rideaux se levaient progressivement autour des séquences sur la famille Darque. Cet nouvel album a plus la forme d’une origin story et en cela plus accessible. Comme tous les relaunch Valiant depuis quelques temps la ligne graphique est
somptueuse et le traitement plus grand public, au risque de tomber par moment dans la facilité classique des comics de super-héros. Il faudra attendre pour voir ce que cela peut donner, si l’ambition est affadie ou si le combat que l’on anticipe contre le retour de Darque sera mémorable avec un shadowman enfin libéré de ses tourments et en harmonie avec son Loa. Les auteurs devront trouver des aspects sombres pour maintenir l’originalité de ce personnage qui reste l’un de mes préférés de l’univers Valiant.