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Batman Le Film 1989

Histoire complète en 60 pages, adaptation du film éponyme de 1989 réalisé par Tim Burton. Dennis O’Neil au scénario, Jerry Ordway au dessin. Parution chez Urban Comics le 10/11/22.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Avec le Diable au clair de lune

Vue d’en haut, la ville de Gotham City a tout d’une ville magnificente, une métropole gothique qui porte en elle les germes de la modernité. Mais si vous plongez un peu plus profond, si vous vous risquez à explorer ses entrailles, ses rues sombles et malfamées, vous vous apercevrez qu’elle n’est en réalité qu’un cloaque suintant, une cour des miracles où les gorges se tranchent aussi vite que les réputations se font et se défont.

Bruce Wayne le sait bien. Cette ville l’a vu naître, dans une position privilégiée, mais elle lui a aussi tout pris, lors d’une nuit tragique où ses parents ont trouvé la mort, de façon aussi banale que tragique. Depuis lors, l’orphelin héritier n’a plus montré en public qu’une vaine façade de lui-même, celle d’un play-boy inconséquent dont les quelques accès de prodigalité philanthrope ne visait qu’à soulager sa conscience.

Ce que la ville ignore cependant, c’est que Bruce Wayne n’a pas remisé son traumatisme dans les tréfonds de sa conscience, ni dans les affres d’une vie dissolue, au contraire. Il ne vit désormais plus que pour venger ses parents, et tous les autres parents morts à cause du crime et de la corruption. Poussé par sa soif de vengeance, Bruce a crée le personnage de Batman, un justicier sombre et invincible qui hante les rues de Gotham pour y traquer les criminels. Et il y a de quoi faire à Gotham City…

Durant sa croisade contre le crime, Bruce va faire la rencontre de Jack Napier, un dangereux criminel, dont la psychose explosera au grand jour après sa première rencontre avec Batman. Ce sera le début d’une lutte sans merci entre le héros chauve-souris et celui qui se fait désormais appeller le Joker.

Il est indéniable que le film Batman de 1989, réalisé par Tim Burton, s’est hissé au rang de film culte, un immense succès commercial et culturel de l’époque. Bien que Tim Burton soit revenu depuis sur la hype provoquée par son oeuvre, le film est resté l’une des meilleures adaptations audiovisuelles du personnage (surtout si l’on prend en considération d’autres entrées ultérieures, comme Batman & Robin).

L’adaptation par O’Neil et Ordway, parue à l’époque du film, opte pour la fidélité totale envers le script original. On y retrouve donc l’ensemble des séquences, jusqu’aux dialogues. Graphiquement, Ordway s’inspire bien sûr des fameux décors du film, qui empruntaient à des classiques comme Brazil et Métropolis, et imprime les visages bien connus, et donc bien reconnaissables, des acteurs.

Tout est donc fait pour reproduire l’ambiance et le succès du support audiovisuel. Le récit en lui-même est plutôt condensé, mais les 60 pages du comic sont suivies des 60 pages de crayonné du dessinateur, elles-mêmes agrémentées des recherches préparatoires. Si un cahier graphique est toujours un bonus très appréciable pour une BD, la pertinence de l’ajout de l’intégralité des crayonnés ne me paraît pas si évidente, puisqu’elle double la pagination pour offrir une redite, en V.O., ce qui peut rebuter les lecteurs non anglophones. Le prix de l’album a du aussi en pâtir, ce qui, du point de vue éditorial, peut relever du faux-pas.

Il n’en demeure pas moins que Batman Le Film est une bonne adaptation, certes datée mais qui bénéficie du capital nostalgie dont le métrage jouit encore. La preuve par l’exemple, Michael Keaton est supposé reprendre le rôle dans le prochain film The Flash, qui traitera du Multivers. Côté comics, l’univers créé par Tim Burton a aussi eu droit à une continuation en 2021, avec la mini-série Batman ’89, écrite par Sam Hamm et illustrée par Joe Quinones, pas encore disponible en VF.

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Lord Gravestone #2/3: Le Dernier Loup d’Alba

La BD!
BD de Jérôme Le Gris et Nicolas Siner
Glénat (2022), 55p., 2/3 tomes parus.

Attention spoilers!

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Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Zut, mille fois zut! J’ai une vraie tendresse pour Nicolas Siner, aussi talentueux qu’adorable et modeste et étais ravi de voir enfin arriver une nouvelle série aussi assumée dans le registre gothique. Malheureusement, si le premier tome réussissait parfaitement son entrée en matière entre fan-service vampirique et background travaillé, cet album charnière tome assez à plat en ne parvenant pas à relier l’introduction au combat final contre l’empereur du Mal. L’action tonitruante précédente laisse ici la place à une fort longue convalescence du héros Hauts-Loups d'Alba (Les) (par Jérôme Le Gris et Nicolas Siner) Tome 2 de lamordu une fois par Camilla la vampire qui cherche à se venger de sa lignée mais qui va commencer à douter de la malfaisance de ce chasseur de dentus. Outre un rythme qui oublie d’alterner révélations historiques, action et scène intimistes pour laisser dérouler une assez interminable romance dans un château en ruine, l’intrigue tombe dans pas mal d’incohérences logiques: des loups-garou du titre on n’en entendra finalement guère parler, de la redoutable vampire transformée en douce servante on a du mal à imaginer le cœur guimauve qui la fait désobéir à la loi de la Nuit,… Alors soyons juste, de belles idées surgissent comme cet état d’Incube en sursis entre l’état d’homme et celui de vampire et les dessins magistraux de Nicolas Siner qui nous plongent dans une Ecosse où le jour ne semble jamais se lever. C’est d’autant plus dommage que l’on voit bien où voulait en venir Jérôme le Gris dans un format ternaire en faisant de cet héritier lisse un héros tragique en rupture avec son héritage, en liant le bon et le mal. Mais il semble se prendre les pieds dans son déroulé, gardant sans doute trop pour le final ce qui aurait dû alléger la linéarité sur ce second tome. Rien n’est perdu puisqu’avec un joli matériau graphique comme thématique la pente peut être remontée sur le final. Surtout avec une conclusion qui replace un état dramatique nécessaire en rendant le héros soudain plus intéressant. Le rythme est décidément un bien dur exercice en matière de scénario…

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Lord Gravestone #1/3: le baiser rouge

La BD!
BD de Jérôme Le Gris et Nicolas Siner
Glénat (2022), 55p., 1/3 tomes parus.

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Merci aux éditions Glénat pour leur confiance.

Le monde est fait de ténèbres et de lumière. Dans l’ombre sont tapies des créatures que seuls des hommes de foi initiés aux arts mystiques savent chasser. La famille Gravestone est de ceux-là, pourchassant inlassablement de père en fils les vampires, êtres surpuissants vivant d’amour et de sang. John Gravestone est le dernier de la lignée. Tiraillé entre son amour pour une fille et son désir de poursuivre la mission il devra bientôt faire un choix… sanglant.

Lord Gravestone Le baiser rouge Tome 1 - Dernier livre de Jérôme Le Gris -  Précommande & date de sortie | fnacLe rôle de « cover-artist » est un grand classique outre-atlantique, d’immenses peintres et dessinateurs ayant pour tache de faire baver le lecteur sur des BD pas toujours follement dessinées. Les Frank Cho, Adam Hughes, Lee Bermejo ou Alex Ross sont de ceux-là. Leur particularité: une technique monstrueuse et pour corollaire une production de planches intérieures faméliques. Piochant le marketing là où il marche, les éditeurs français ont commencé depuis quelques années à appliquer ce système que personnellement je trouve assez malhonnête, en proposant parfois le jour et la nuit entre la couverture et l’intérieur des albums. Les artistes n’y sont pour rien, le temps passé sur une couverture et sur un album n’ayant rien à voir et certains n’étant tout simplement pas destinés à basculer inside…

Après une première très étonnante série il y a maintenant dix ans, les deux auteurs de Lord Gravestone reviennent pour une nouvelle trilogie, moins originale que la Renaissance uchronique d’Horacio d’Alba puisqu’on nous propose une pure et simple aventure de chasse au vampire dans l’Angleterre gothiquissime du XIX° siècle. Ce qui marque immédiatement ce sont les planches d’une noirceur profonde et qui restent très lisibles malgré la quantité de noir qui occupe le champ. Durant ces années à produire de superbes couvertures peintes Nicolas Siner a probablement rongé son frein de ne pouvoir lâcher ses encrages, toujours aussi proches de Dimitri Armand et en sacré progrès depuis sa première série. Les quelques défauts techniques aperçus jadis n’ont plus lieu et on bascule dans le grand spectacle luxueux pour qui aime les arbres noueux, les chandeliers baveux et le souffle glacial des manoirs en ruine.

Baiser rouge (Le) (par Jérôme Le Gris et Nicolas Siner) Tome 1 de la sérieSi l’intrigue vampirique vue mille fois inquiète légèrement sur les premières pages, on constate rapidement que Jérôme Le Gris sait construire sa narration et apporter une touche qui donne envie de continuer. Si le passé dramatique de ce jeune héritier d’une lignée d’inquisiteurs fait cliché, si son caractère en fait plus une victime qu’un héros lors de ce premier volume, l’histoire qui nous est contée, cette romance dramatique entre un vampire et une belle bourgeoise, nous prend pourtant dans ses filets sans difficultés. Avec ses personnages archétypaux le scénariste développe son univers par un background évoqué suffisamment pour titiller notre curiosité et aller au-delà de la seule action et des poses graphiques des vampires et chevaliers.

Dans un très grand classicisme (et malgré une couverture étrange de banalité pour un artiste d’un tel talent), ce premier tome de la trilogie Lord Gravestone montre comme tout bon album de série B que ce n’est pas toujours le fond qui détermine la qualité mais parfois l’habillage, la mécanique. Les deux auteurs dotés d’une très solides maîtrise proposent donc un fort agréable album dont la suite mériterait un peu de prise de risque pour se hisser au niveau des touts meilleures BD.

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Frankenstein

La BD!
BD de George Bess
Glénat (2021), 205 p., One-shot.

Le volume comprend dix-sept chapitres dotés d’une page de titre pour chacun et un cahier graphique final de cinq illustration n&b. Comme pour Dracula une édition prestige grand format dotée d’une couverture différente est parue en simultané aux éditions Glénat.

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bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur fidélité.

Il y a deux ans le magistral dessinateur du Lama Blanc proposait un magnifique cadeau de Noël en une monumentale adaptation du roman original de Bram Stoker, Dracula. Après une assez discutable version SF new-age de Au cœur des Ténèbres, Bess enchaîne sur ses adaptations de la littérature gothique avec cette fois le monstre de Frankenstein, sous-titré Le Prométhée moderne par son autrice Mary Shelley. A noter que la trilogie de Philippe Pelaez centré sur les auteurs gothiques du XIX° se conclut le mois prochain autour de Mary Shelley également.

https://www.ligneclaire.info/wp-content/uploads/2021/11/Mary-Shelley-Frankenstein-3.jpegSi Dracula souffrait comme principal problème de la vision du film de Coppola passée dans l’imaginaire collectif, il profitait d’un récit très efficace, rythmé et varié dont l’inspiration graphique était évidente chez l’auteur. Frankenstein est publié presque un siècle avant Dracula et l’on retrouve dans l’adaptation graphique certaines failles désuètes d’un récit par moment redondant. L’album est structuré sur trois récits (le carnet du capitaine du navire arctique qui recueille Victor Frankenstein, le récit de ce dernier et enfin le récit que le monstre lui fit jadis) que Bess parvient avec souplesse à articuler dans son roman graphique. Bien plus naturaliste que gothique, l’histoire nous fait suivre sur une bonne partie les pérégrinations du monstre dans la Nature sauvage et son observation de l’humanité. Le cadre de roman initiatique (tout de même très sombre) est sur ce point intéressant avec un personnage naïf découvrant dans sa chair la violence inhérente à l’humanité et la contradiction avec sa propre nature bienveillante en contradiction avec son apparence monstrueuse. Si les hommes paraissent bons ils ont ainsi un fond malveillant et craintif, à l’inverse du monstre.

Graphiquement si Georges Bess sait toujours aussi bien inspirer des paysages, des ambiances et des corps, il semble plus engoncé avec son matériau qui tourne en grande partie autour d’une créature qui ne permet pas tellement d’expérimentations. Les planches restent très belles mais reproduisent les mêmes thèmes, ce qui par moment lasse un peu. Les parties les plus intéressantes sont les observations naturelles de Frankenstein puis de sa créature ainsi que les visions arctiques où le trait tranché de Bess subjugue dans une grande esthétique.

Frankenstein en BD: quand Georges Bess s'attaque à un monstre sacré -  Bubble BD, Comics et MangasDoté d’un récit plus plat et sans doute plus philosophique (donc moins graphique) que Dracula, ce Frankenstein réussit donc moyennement le succès précédent du fait d’une matière plus difficile. Avec un projet d’adaptation littéraire il n’était pas possible de dévier de la ligne et ces limites sont donc peu imputables à l’auteur. Par moment on ressent toutefois la dureté de ce que vit le monstre et l’on sent poindre l’émotion de cet être pur enfermé dans une gangue monstrueuse et toute la violence du monde s’abattre sur ses épaules. On pourra peut-être regretter un manque de rythme et d’action qui auraient pu nous emporter dans une action qui fait ici défaut.

Le projet n’en reste pas moins monumental, un travail colossal, intéressant, et que l’on espère reproduire sur d’autres textes gothiques.

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Dracula

BD du mercredi
BD de George Bess
Glénat (2019), 200 p., One-shot.

bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour cette découverte.

couv_375261Très monumental album de deux-cent pages illustrées en noir et blanc sur papier glacé, le tout découpé en seize chapitres avec pages de titres illustrées (superbes de finesse!) et quelques illustrations d’ambiance à la fin. C’est ce qu’on appelle un album très généreux où l’auteur semble avoir épuisé jusqu’au dernier centimètre de papier pour y dessiner son univers gothique. Le format est néanmoins assez compact, proche d’un comic… justifiant la sortie d’une édition grand format pour quatorze euros de plus. Ce n’est pas choquant au regard des pratiques des éditeurs mais le format original suffit amplement pour apprécier les superbes planches.

Le roman épistolaire de Bram Stoker sort en 1897 en pleine veine littéraire gothique et va inspirer tout ce qui suit d’inventeurs de l’imaginaire, au travers du cinéma, de la BD et de l’imaginaire collectif. Le réputé film de Francis Coppola va lui aussi poser sa marque comme une tentative d’adaptation très proche du roman visant à s’éloigner de l’iconographie posée par les figures de Bela Lugosi et Christopher Lee. A noter qu’en BD les versions de Pascal Croci et de Mike Mignola (adaptée du film de Coppola) semblent les plus notables.

Résultat de recherche d'images pour "bess dracula"Jonathan Harker est clerc de notaire et envoyé pour un étrange voyage en Transylvanie pour les affaires d’un mystérieux comte reculé dans son château. Sur place il va découvrir que les forces du Mal occupent la bâtisse et que son hôte n’est autre qu’un mort-vivant se repaissant du sang de ses victimes… un vampyre!

Il est peu évident d’entreprends une adaptation « fidèle » d’un tel roman dont on ne sait plus ce que le texte ou les adaptations suivantes ont provoqué comme images dans la tête de George Bess. Le magnifique auteur du Lama Blanc semble tout à la fois inspiré par l’atmosphère gothique victorienne qui se dégage du roman mais aussi beaucoup par les images de Coppola dans plusieurs scènes ou encore par le Nosferatu de Murnau dont il reprend la forme physique dans certaines séquences. Le fait est que le projet a été de produire une somme graphique, à la lisière de l’art-book et de la bande-dessinée où la générosité de l’auteur est stupéfiante. Hormis l’insertion de textures de fond de page d’intérêt très douteux et de qualité graphique assez moyenne qui mettent un bémol, l’ouvrage fera néanmoins date en matière de qualité de dessin où tout fait honneur aux encrages, noirs et formes fantastiques les plus communes au fantastique et les plus fascinantes. Je ne m’explique pas ce souhait de l’auteur (peut-être pour gagner du temps sur les fonds de page?) alors qu’un tel objet aurait amplement toléré des fonds noirs ou blancs en faisant ressortir encore plus les sublimes dessins. Si les éditeurs sortent des TT noir et blanc pourquoi ajouter des textures numériques sur un album conçu en N&B… mystère?Résultat de recherche d'images pour "bess dracula"

L’album a une structure variable selon les chapitres, commençant par d’énormes claques visuelles en doubles-pages où l’envie d’entrer en matière rapidement se ressent avec ce décors de cimetière, d’abbaye en ruine et d’oiseaux sombres pour rapidement basculer dans la section la plus proche de l’adaptation littérale lors du voyage de Jonathan sous Résultat de recherche d'images pour "bess dracula"une forme quasi totalement épistolaire. C’est très agréable, juste, mais les lecteurs familiers avec le livre et le films de Coppola pourront ressentir un manque d’intérêt et se focaliseront sur les dessins. Dès le retour à Londres l’album reprends une forme plus typique de la BD avec beaucoup de dialogues et des interactions de personnages qui permettent à l’album de se démarquer du film. La liberté de l’auteur est totale et fascine par la variété de cadrages, de découpages, de techniques utilisées, tantôt par de simples encrages légers sur fonds blancs, tantôt jouant de pages noires, parfois sortant un pinceau pour des lavis allégeant les ombres… On joue ainsi sur des cases rectilignes, sur des doubles pages mangées par une forme maléfique ou sur des portraits proches d’illustrations de recherche poussés. Tout ceci se mets en place en menant fluidement le lecteur au fil des textes malgré ce maelstrom de dessins.

Clipboard01.jpgCertains auteurs ont du mal à transposer leur liberté créatrice et technique de superbes dessins qui donnent parfois de moyens albums, Georges Bess n’a pas ce problème et semble avoir trouvé (grâce au support de l’adaptation cependant…) l’alchimie entre contraintes d’un album et liberté formelle totale. La qualité globale de l’album sidère avec un nombre de cases de qualité moyenne extrêmement faible au regard de la pagination imposante. De fait il est recommandé de lire l’ouvrage en plusieurs fois tant la taille pourrait faire perdre la concentration. Non que l’intrigue soit complexe (elle consiste en une chasse au vampire sur les deux-tiers de l’album) mais car la richesse visuelle demande de pouvoir passer du temps à contempler chaque page, comme en visite sur une exposition.

Si vous vous souvenez le film de Coppola vous retrouverez des scènes très proches, ce qui n’est guère étonnant car le film était lui-même fidèle au livre. Manquent l’introduction du film sur Vlad Teppes et surtout, le plus marquant, l’aspect romantique Résultat de recherche d'images pour "dracula bess"du comte qu’avait apporté le réalisateur et qui redevient ici une bête sauvage immonde prenant divers aspects, pas très originaux mais en phase totale avec l’esprit du mythe: tantôt vieux dandy dans les Carpates, puis chauve-souris affreuse proches du film ou le nosfératu aux longues incisives quand il ne redevient pas poussière ou cadavre ambulant. Le dessinateur dessine ce qu’il sait si bien faire, des personnages typés, burinés, de belles demoiselles blafardes et sexy en diable dans leur corset, des créatures de la nuit, ourses, loups, rats et bien sur, dans la dernière partie, les vastes étendues sauvages, enneigées et montagneuses des Carpates dans la chasse finale, qui sentent bon le western et permettent de superbes panoramas.

Dracula est un superbe cadeau que Georges Bess fait à ses lecteurs (ou qu’il se fait à lui-même, on ne sait pas vraiment…) et qui montre s’il en était besoin qu’il est un auteur majeur de la BD franco-belge. L’absence de couleur sur ce projet confirme que ses précédents albums dotés d’une colorisation un peu datée mériteraient peut-être des versions noir et blanc pour apprécier à sa juste valeur son travail. Malgré une histoire connue de beaucoup cet album se lit avec facilité et arrive par moments à enthousiasmer dans sa narration, ce qui n’était pas évident dans une adaptation littéraire, épistolaire, très classique et aux liaisons parfois brutales. Grace à cela il devient une excellente BD et la le seul ouvrage graphique qu’il aurait pu être.

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Maudit sois-tu #1: Zaroff

BD du mercredi
BD de Philippe Pelaez et Carlos Puerta
Ankama (2019), 64 p, 1 vol/3 paru.

bsic journalismMerci aux éditions Ankama pour cette découverte.

couv_373054Tombé par hasard sur l’image de cette première couverture j’ai été surpris qu’Ankama ne communique pas plus sur cette série dont le potentiel est réellement intéressant. Je précise qu’elle n’a rien à voir avec le Zaroff paru au printemps au Lombard, hormis le roman et le film qui en sont partiellement à la source. Outre cette image alléchante et morbide qui reflète bien l’histoire, le volume comprend un intéressant cahier final de contexte abordant l’époque du film plus que le projet (… dont on aimerait lire des infos dans les prochains volumes!). Cette histoire en trois tomes abordera une vengeance au travers de trois époques en remontant dans le passé et constituées comme des variations sur les personnages du Comte Zaroff, du Docteur Moreau et de l’auteur de Frankenstein, Mary Shelley.

Londres, aujourd’hui. Intervenant à différents titres sur les lieux d’un crime énigmatique, deux hommes et deux femmes se retrouvent liées autour du mystérieux comte Zaroff, oligarque russe adepte de la chasse et associé à un médecin aux pratiques affranchies de la morale et de l’éthique. Bientôt ces quatre innocents vont apprendre qu’ils sont impliqués dans une vengeance qui remonte au siècle dernier…

Résultat de recherche d'images pour "maudit sois-tu puerta"Les chevauchements de calendriers sur des projets proches sont assez fréquents en ciné, beaucoup moins en BD. Qu’est ce qui a fait que deux scénaristes planchent sur deux projets cousins, que les dessinateurs rendent copie la même année et que l’éditeur prévoie une parution proche? Mystère! Cela ne doit pas pour autant vous dissuader de délaisser l’un ou l’autre qui sont très différents. Pour l’ouvrage de Runberg/Miville-Deschêne je vous renvoie à ma critique (vois ci-dessus). Chez Ankama si on reste dans la thématique du super-méchant fou et de sa chasse immorale, l’ambition des auteurs est plus vaste puisqu’il s’agit bien de convoquer en une forme d’uchronie des figures de la littérature ou de la société victorienne pour les lier en un projet criminel d’une envergure qui dépasse le siècle. Je dirais presque que Zaroff, modernisé en un milliardaire russe excentrique n’est pas le cœur du projet mais plutôt le monstrueux Docteur Moreau et ses créations indicibles. La finesse du scénario nous laisse comprendre que la thématique glisse imperceptiblement de Zaroff à Shelley en passant par Moreau. On commence sur le premier situé au cœur de l’histoire avec le second comme side-kick et quelques allusions à la troisième. On imagine que le volume deux se centrera sur Moreau avec une liaison avec Shelley, etc. J’aime beaucoup quand les auteurs présentent leur projet d’ensemble que l’on peut alors décortiquer au fur et à mesure de la lecture.

L’atmosphère (renforcée par les dessins très particuliers de Carlos Puerta) est pesante, immorale et radicale. Le scénariste n’y va pas par quatre chemins pour tuer sauvagement ses personnages, pour nous présenter quatre spécimens bien peu recommandables de l’espèce humaine que l’on a presque du mal à préférer à Zaroff. Mais le comte et son scientifique sont si immondes que l’on redevient vite sensibles au drame qui se joue. Je tiens à signaler la qualité des dialogues vraiment percutants et caractéristiques de chaque personnages. On s’amuse et on se repère à l’oreille plus qu’à l’œil, du fait d’une technique graphique qui pose parfois problème… J’ai toujours eu du mal avec ces dessins travaillés sur une base photographique qui ont un aspect figé malgré leurs qualités esthétique très réalistes. De Christophe Bec à Michael Lark, je suis toujours mal à l’aise en ne sachant jamais si j’ai affaire à du dessin, ou à une photo retouchée. Par moment l’on voit le trait resurgir avec plaisir mais cela pose notamment un problème de reconnaissance des personnages dont les visages semblent changer selon les angles. La colorisation et traitement graphique d’ensemble n’en sont pas moins très efficaces et habillent agréablement ces pages qui se laissent lire avec plaisir en montrant une réelle maîtrise numérique du dessinateur.

Cet ouvrage (et la série) est une très bonne surprise de la rentrée dans un contexte concurrentiel très difficile. Si graphiquement la virtuosité classique de François Miville-Deschêne est au-dessus, le concept et les dialogues de Philippe Pelaez sont une réussite qui placent l’ambition de Maudit sois-tu un ton au-dessus du Zaroff du précédent. Si vous aimez les méchants très cracra, les liaisons dynastiques cachées et les héros sales gosses, vous prendrez un grand plaisir à entrer dans ce Frankenstein de la BD en forme d’amuse bouche dont on a hâte de découvrir les tenants et aboutissants l’année prochaine dans le second volume…

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Rapaces

La trouvaille+joaquim

La Trouvaille c’est un trésor que vous avez gardé dans votre mémoire, une pépite de votre bibliothèque et qui mérite d’être offerte à l’appétit de vos lecteurs. Une pause de fin de semaine hors du brouhaha des publications récentes…


BD Jeau Dufaux et Enrico Marini
Dargaud (1998-2003), série terminée en quatre volumes, 294 p.

couv_99105La série a été relue sur les albums originaux. Une intégrale augmentée existe ainsi qu’une intégrale en deux volumes. Un Hors-série très dispensable propose de développer l’univers sur des croquis de Marini. Une réedition avec de nouvelles couvertures, plus élégantes, est parue en 2015.

L’inspecteur de New-York Vicky Lenor est une incorruptible. Avec son collègue Spiaggi, elle enquête pourtant sur une série de meurtres rituels qui semblent inexplicables rationnellement. Lorsqu’elle découvre une conspiration impliquant les plus puissants dirigeants de la ville et jusque dans la police, elle se retrouve contrainte d’entrer en clandestinité pour mettre au jour une lutte ancienne qui va faire basculer son monde…

Image associéeSi vous lisez régulièrement ce blog vous savez que Marini fait partie des auteurs que j’admire et suis depuis ses premières séries. D’ailleurs c’est le premier auteur pour lequel j’ai fait plus d’une TrouvailleRapaces est l’incursion de l’auteur italien dans l’univers sombre et sexuel de Jean Dufaux, un auteur que j’apprécie assez moyennement, mais qui a permis durant quatre volumes à Enrico Marini de dépeindre les paysages urbains et gothiques qui lui donneront plus tard envie de réaliser son diptyque sur le Chevalier noir ou encore son projet actuel sur le polar noir. Car Marini c’est tout autant l’histoire (le Scorpion, L’étoile du désert, Les aigles de Rome) que le polar d’action urbain, même si ses longues et très rentables séries feraient presque oublier le second.

Résultat de recherche d'images pour "marini rapaces"Rapaces est une variation sur le thème des Vampires, de la domination clandestine d’une caste surnaturelle qui prévaut à la destinée du monde des hommes. Le conspirationnisme mêlé au fantastique le plus classique auquel le scénariste apporte ses visions sexualisées SM qui font à mon sens beaucoup de mal à cette série. Car l’atmosphère gothique qui parcoure ces pages est très riche et Marini y a déjà atteint un niveau graphique élevé et minutieux (on est avant le Scorpion et après une Étoile du désert déjà très beau). Le scénario, simple, relativement court et bien structuré avec une progression difficile à anticiper procure du plaisir en nous plongeant dans les tanières de cette caste qui rappelle énormément les familles de la série de Thierry Smolderen. Le choix d’insérer dans chaque album des scènes de sexe assez ridicules et surtout la tenue des deux Résultat de recherche d'images pour "marini rapaces"rapaces qui ornent fièrement chacune des couvertures de la série fait terriblement penser à un cupide argument commercial. Marini est sans doute sensible aux tenues de cuir si l’on regarde sa biblio et a toujours eu un dessin sexy, mais comparé au toujours élégant Scorpion on frise souvent le vulgaire. C’est vraiment dommage car cela empêche cette série d’être le chef d’œuvre qu’il aurait pu être.

Les thèmes et la richesse graphique de la série sont en effet impressionnants en permettant d’aller de l’Espagne de la Reconquista aux bidonvilles indiens en passant par les grattes-ciel art déco new-yorkais ou les bas-fonds des clubs échangistes. La maestria visuelle du dessinateur et les formidables plans proposés par son scénaristes font de chacun des tomes de Rapaces de vrais bijoux. Résultat de recherche d'images pour "marini rapaces"La vraisemblance n’est pas de mise et l’on sent l’envie de fantasmer sur chaque bâtiment, chaque personnage, chaque costume, chaque plan pensé comme une séquence de cinéma. L’intrigue, si elle ne révolutionne pas un genre auquel il est courageux de s’attaquer, propose néanmoins de vraies innovations. On se plaît à découvrir l’histoire de ces immortels chassés par deux des leurs, à souffrir avec un inspecteur Lenore dépassée et ballottée entre puissances, à découvrir à chaque tome qui est ce mystérieux nouveau personnage… Jean Dufaux est un scénariste chevronné qui sait se montrer efficace et fait plaisir à son dessinateur avide de monde nocturne. Ne serait-ce ces fautes de goût citées plus haut donc, ils proposent avec Rapace une série majeure des années quatre-vingt-dix, au dessin très maîtrisé et qui change beaucoup des univers auxquels nous habituera ensuite le grand Marini. Si vous aimez cet auteur, si les décors de son Batman vous ont subjugués, dépêchez-vous de lire cette courte série vampirique avant l’arrivée de son œuvre au Noir

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Bientôt…

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La Mort Vivante

BD du mercrediBD d’Olivier Vatine et Alberto Varanda
Comix Buro/Glénat (2018), 72 p., one shot.

couv_340011Deux éditions de l’album sont sorties en simultané, l’édition normale colorisée (très légèrement) par Vatine avec l’assistance de la grande Isabelle Rabarot et une édition grand format n&b avec un cahier graphique de 16 p. Après lecture je ne saurais dire si le n&b est à préférer, je n’en suis pas certain tant la colorisation écrase sans doute un peu les encrages mais reste très légère et rehausse en revanche certaines cases peu dessinées. Le principal argument de l’édition spéciale restera sans doute le cahier graphique et le grand format (mais n’ayant eu sous la main que la première je ne saurais confirmer). L’album a un vernis sélectif sur le titre et des sections de la quatrième de couverture.

La Terre après une contamination ayant poussé l’humanité à fuir vers Mars et les astéroïdes du système solaire. Tout ce qui a trait à l’ancienne Terre est prohibé, laissant la place à un juteux marché d’antiquités, au premier chef desquels les livres. Martha voit sa fille mourir accidentellement lors d’une fouille et fait appel à un grand scientifique pour l’aider dans un projet très personnel et terrifiant…

Si un album a été attendu c’est bien celui ci! Cinq ans après le troisième tome d’Elixirs, la série fantasy qu’il dessine dans le monde d’Arleston, le virtuose Alberto Varanda dont on a pris l’habitude à imaginer le nombre d’heures passées devant chaque case d’une minutie délirante revient avec une nouvelle adaptation d’un roman de Stefan Wul, le dada d’Olivier Vatine depuis quelques années et son assez réussi triptyque Niourk. Pour le coup l’éditeur Comix Buro (en co-édition avec Glénat) a abandonné la ligne graphique de la collection pour offrir un ouvrage qui se veut une pièce de choix dans votre bibliothèque. L’évènement éditorial est donc reconnu (seule chose étonnante, la date de sortie…) et pour cause, les 68 planches sont, sans aucune exception, à tomber. C’est donc la première réussite de l’album, qui n’était pourtant pas évidente du fait de la nouvelle technique utilisée par l’auteur pour cet album. Varanda expérimente beaucoup depuis de nombreuses années, la sculpture, la peinture, et ici une simili gravure qui vise à rappeler Gustave Doré ou à Gary Gianni par moments. Son trait hachuré pourra vous sembler forcé, inadapté. Résultat de recherche d'images pour "mort vivante varanda"Pourtant c’est bien le regard global de la case et de la planche qu’il faut privilégier. L’œil incrédule découvre alors des textures, des atmosphères uniques qui ne s’expliquent pas. Pourtant Varanda est un maître des contrastes et personnellement je craignais de perdre ces encrages très forts qui font la qualité de ses dessins. Alors oui, le style connu depuis Bloodlines ou Paradis Perdu a changé, plus doux, plus fort aussi. L’ambiance gothique de château isolé dans la montagne enneigée est absolument magnifique. L’ouvrage est tout simplement une œuvre d’art.

Vient alors le scénario, élément qui n’est pas forcément le point fort de la biblio d’Alberto Varanda. Vatine avait montré sur Niourk sa qualité de narration (personnellement j’ai été assez réservé sur son Angela). Il propose ici une histoire de docteur Frankenstein, teintée d’une mélancolie qui colle bien à cette ambiance. On apprécie autant l’effort important de contextualisation  de cet univers SF qu’on regrettera d’en savoir finalement si peu. Cette histoire aurait en effet pu se dérouler sur au moins deux tomes… en se heurtant à une impossibilité: il aurait fallu attendre cinq ans de plus pour que le maître réalise un autre album et il aurait été totalement invendable de refiler un autre volume à un illustrateur différent. Bref, il est vrai que la chute de l’histoire peut sembler brutale, trop rapide. Pourtant avec une telle pagination, on ne peut attendre à la fois des planches contemplatives, un rythme captivant et une histoire qui s’étire. J’ai trouvé la conclusion, si ce n’est extrêmement originale, très convaincante et cohérente. En outre, je ne connais pas l’ouvrage de Wul et ne sait dans quelle mesure les auteurs s’en sont éloigné. Le problème des adaptations…

Je finirais cette chronique en disant que pour moi l’attente a été totalement récompensée, associée à une réelle surprise, aussi grande qu’une inquiétude réelle d’être déçu. Courez dévorer ces dessins sublimes, plongez dans cette ambiance sombre et mélodieuse et surtout, si vous ne connaissiez par Albeto Varanda, dépêchez-vous de rattraper votre retard!

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BD·Nouveau !

Le loup blanc

BD de Julien Blondel, Robin Recht et Julien Tello
Glénat (2017), 64p. Série Elric: 3 volumes parus (sur 4)
9782723487061-l

L’éditeur a fait un joli travail avec un cahier graphique décrivant le processus de création en fin d’album, une galerie d’illustrations d’Elric par différents auteurs et une préface désormais rituelle d’un des papes de la littérature geek (Neil Gaiman ce coup-ci). La couverture est bien plus réussie que sur le tome 2. L’indication du nombre de volumes sur le premier cycle (en quatrième de couverture) est louable.

Pas très fan des trucs de métalleux et gothiques je n’ai jamais lu leur bible, la saga de Michael Moorcock sur l’albinos et son épée buveuse d’âmes Stormbringer,  même si la réputation de cette œuvre m’intriguait, notamment dans le milieu rôliste (Julien Blondel a commencé comme auteur de jeux de rôle, comme le scénariste de Servitude…). En revanche la dark fantasy me plaît par son côté graphique, via l’univers de Frazetta principalement (qu’on retrouve chez Esad Ribic), Conan et le travail graphique d‘Alberto Varanda sur le jeu de rôle Bloodlust que je pratiquais quand j’étais plus jeune. En voyant arriver cette adaptation auréolée de la préface de l’auteur original et d’Alan Moore (sur le t2), étant grand admirateur du travail de Robin Recht et Jean Bastide je me suis laissé tenter.

planchea_309200Premier constat: c’est sombre, gothique, violent, barbare. Les trois volumes (sur les 4 du premier cycle) sont relativement différents. Le premier est clairement le plus impressionnant, par la puissance des planches portées par Bastide (qui n’officie malheureusement que comme coloriste sur les suivants), par la radicalité des scènes de sexe, de torture, de combat, par les pleines pages, le découpage, les décors, bref, on en prend plein la vue. L’œuvre et l’univers de Moorcock sont assumés sans aucune autocensure et c’est ce qui plait. Un univers païen, mélange du fruste minéral et de la flamboyance des architectures et des costumes orientaux. On retrouve le côté épique, foisonnant, gigantesque qu’Olivier Ledroit avait apporté aux premiers Chroniques de la Lune noire. Le second tome est en deçà, tant au niveau graphique que scénaristique. La quête d’Elric assisté d’élémentaires pour retrouver son impératrice Cymoril est assez linéaire. La violence reste présente (la scène du village est assez trash) ainsi que les démons. Mais le changement de dessinateur principal se ressent et le tout manque quelque peu d’inspiration.

elric20320104.jpgLe Loup blanc marque une certains pause dans la virulence de la série. Elric est exilé dans les jeunes royaumes avec sa seule arme-dieu. Il va entamer une amitié avec un prince-marchand et accepter la mission d’une princesse souhaitant se rendre dans un autre plan de réalité lié à Elric et à sa généalogie. Les explications sur le passé de Melniboné alimentent la narration générale mais le tout reste assez sage. Les décors hivernaux sont très beaux et maîtrisés, les rues et plans larges de la cité sont très détaillés et inspirant. Les costumes sont toujours aussi travaillés et l’on sent que l’équipe s’est régalée visuellement sur ces éléments de décors. Niveau graphique on reste dans l’école Lauffray et c’est plus qu’honnête, avec quelques fulgurances sur certaines pages. La perte de Bastide est indéniable mais le niveau est maintenu par une méthode de travail collectif expliqué dans les annexes très intéressantes. Elric fait partie des quelques rares séries à parvenir à maintenir une homogénéité graphique malgré la multiplication des dessinateurs (comme Avant la Quête) et c’est louable. Niveau intrigue on revient à de l’assez classique en héroïc-fantasy, l’ambiguïté du personnage, de son épée et de sa relation avec le démon Arioch ne survenant que sur les toutes dernières cases de ce troisième tome. On reste dans de la très bonne fantasy mais j’espère que le quatrième opus renouera avec la radicalité et la grandiloquence du premier.

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Cinéma·Graphismes

Jupiter et George Hull

Dans la fascination grandissante envers les films de SF et fantastiques, une grande part tient au design et à la créativité des artistes géniaux embauchés par troupeaux et qui créent des univers dans lesquels on se demande souvent après coup quel a été le rôle du réalisateur… Ces artistes la plupart du temps inconnus (comme du reste l’essentiel des techniciens) sont pourtant l’âme de ces films. Quelles qu’aient été les visions des réalisateurs de ces films, Alien n’existerait pas sans Giger, Star Wars sans Ralph McQuarrie, et Le Seigneur des anneaux sans Alan Lee et John Howe. Je me remémore la séquence des DVD Star Wars où George Lucas passe tamponner en quelques secondes les illustrations validées ou non sans un regard aux graphistes anxieux…ja_titus_open_fin5

Parmi les réalisateurs les plus inventifs de ces dernières années se trouvent les Wachowski, sans doute les plus grands apports à la SF depuis George Lucas. Si Matrix est entré dans l’imaginaire collectif, une incompréhension sur les volumes 2 et 3 a atténué l’aura de ces inventeurs d’univers auprès de la presse du du public. Leur film Cloud Atlas est significatif de cette gêne autour de leurs oeuvres, les critiques semblant désemparées au visionnage sans pour autant critiquer. Les visionnaires sont souvent victimes de tels problèmes.

set_titusdockjumperfront_fin5fJupiter Ascending (je vous dispense de son abominable titre français), leur dernier métrage, bien que victime de quelques difficultés de studio, est à ce titre au moins un chef d’œuvre graphique (je vous renvoie à la critique d’écran large, à laquelle je souscris, pour la partie cinéma) et est pour beaucoup sorti de l’univers de George Hull, designer ayant travaillé sur tous les films Wachowski mais aussi sur Star Wars, les Gardiens de la galaxie, Tree of life, Transformers et Blade Runner 2049 excusez du peu !

Le film est un maelstrom visuel presque exempt de faute de gout et150113_zerocoloreddrngv3_gh proposant une alchimie des arts culturels humains jamais vue depuis Star Wars (encore, oui, je sais). Du design des vaisseaux à la planète centrale qui parvient à se démarquer de Coruscand (pas simple pourtant), tout fascine dans les tableaux dessinés par Hull. Encore une fois, étant donné le fonctionnement artistique des Wachowski il est probable que beaucoup d’idées soient issues de leurs cerveaux, mais je vous laisse parcourir les différentes galeries de ce très grand designer (dont je n’ai malheureusement pas trouvé trace d’Art-Book) pour vous faire une idée de sa cohérence et de son style inimitable et original. Personnellement je ne me suis toujours pas remis des armures exo-angéliques…