Freak’s Squeele : Funerailles #7
BD de Florent Maudoux
Rue de Sèvres (2022), 82 p. 7 volumes parus.
Merci aux éditions Rue de sèvres pour leur fidélité.
Le temps se rallonge pour la saga Funérailles, avec deux ans d’attente depuis le précédent volume qui semblait marquer la fin d’un arc. On ne reprochera rien à Florent Maudoux qui comme nombre de « jeunes » auteurs a encore une grosse envie de BD et plein de choses à nous donner. A commencer par des planches et une couverture toujours aussi somptueuses, gavées de détail et proposant toujours cette alchimie parfaite entre technique tradi basée sur un encrage sophistiqué et effets numériques assez doux et proches de la bichromie. Avec cet aspect si particulier dû au papier noir, l’album est un régal pour les yeux de la première à la dernière page, comme tous ses prédécesseurs.
Je parlais d’envie et il est satisfaisant de voir qu’après toutes ces années, après un changement d’éditeur (oui oui, regardez bien, le logo Ankama a disparu pour laisser la place à celui de Rue de Sèvres), la bande du Label 619 a toujours une telle faim, une passion qui part quelques fois tous azimut avec des trop pleins qui sont le défaut de leurs qualités. Ce qui rassemble la bande à Bablet, Maudoux et Run, c’est cette profusion de détails, d’idées pas toujours liées, cette réflexion permanente sur nos préconçus, sur les normes sociales, ces concepts intellos sur des visuels urbains et hyper-modernes. Celui qui nous a proposé il y a quelques temps l’étonnant et très réussi Vestigiales qui questionnait le genre et les relations amoureuses à l’époque d’un brouillage des anciens schémas continue ici et insiste sur des sujets que la profusion d’action des précédents volumes ne permettait pas d’approfondir. Plus que jamais l’origine des mythes, le corps et ses déviances, la sexualité homme, femme, neutre, sont mis à nu en laissant du coup un peu de côté les bastons. C’est là le seul point gris de ce volume toujours fort bien et élégamment écrit qui semble suivre un schéma issu de parties de jeux de rôle avec ses très longues digressions explicatives.
Déjà dans la série mère Freak’s Squeele Maudoux proposait un récit erratique qui semblait évoluer au gré de ses envies. Non que le tout n’ait une grande cohérence et construction mais l’auteur marque des ruptures de récit en passant de l’intrigue principale à des intrigues secondaires et des récits dans les récits. Le jeu de rôle est sorti en 2017. Pour qui connaît ce média, l’immense liberté d’imagination se conjugue avec un worldbuilding qui donne envie de préciser sans fin ses personnages et le monde dans lequel ils vivent. C’est ce qu’on ressent à la lecture de l’album, notamment au travers des textes intermédiaires (que l’on voyait déjà dans le précédent volume et qui de par leur longueur hachaient un peu la lecture). Le tout est passionnant, fort bien narré, original… mais peut parfois manquer de liant.
L’ouvrage entame alors que Pretorius est enchaîné avec son nouveau statut divin. On pense avoir raté un épisode pendant de longues pages avant que l’on nous raconte comment l’on est passé du tome six au tome sept. Technique gonflée mais toujours risquée! Le choix de raconter les évènements au passé frustre un peu même s’il permet d’approfondir grandement l’univers et de détailler la réflexion sur l’origine des civilisations, sur l’eugénisme et de préciser un peu le contexte de ces Etats dont on ne sait toujours pas quel est le lien avec le monde de Freak’s Squeele et le notre.
Menant son monde à sa façon, sans se préoccuper du qu’en dira-t’on et des modes, Florent Maudoux confirme l’entièreté de l’identité artistique des auteurs Label 619. Avec ses immenses qualités et ses choix étranges, Funerailles reste une saga unique, complexe et qui mérite amplement de sortir du créneau young adult dans lequel il est né.