***·BD·East & West·Service Presse

Un dernier soir à Pékin

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Manhua de Golo Zhao
Glénat (2022), 256p., one-shot.

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bsic journalismMerci aux éditions Glénat pour leur confiance.

He Liu passe une soirée à Pekin avec son amie. Les effluves de repas le replongent dans son passé provincial, dans cette petite ville industrielle où il a passé son enfance, bercé de souvenirs liés à la nourriture…

Un an après son magnifique et monumental Plus belle couleur du monde, celui qui apparaît comme le chef de file des auteurs de BD chinoise revient chez Glénat avec un album moins volumineux et moins ambitieux, qui se présente comme quatre tranches de vie d’un jeune chinois nostalgique de son enfance faite de petits bonheurs, de rencontres humaines et de vexations.

Un dernier soir à Pékin - broché - Golo Zhao - Achat Livre ou ebook | fnacLa partie graphique est toujours superbe chez Golo Zhao dont la science du cadrage et de la mise en scène nous plongent littéralement dans un film, faisant de la plus insignifiante scène une immersion magnifique. Cela compense la relative fragilité de ces quatre intrigues dont l’absence de liens renforce l’aspect Nouvelle. Ce n’est pas inintéressant, loin de là, mais faute de liant on passe d’une histoire à une autre avec le très léger artifice culinaire destiné à donner une homogénéité à l’ensemble. Cela rend l’ensemble bien moins fort que le précédent album avec des chroniques que l’on risque d’oublier assez vite.

Golo Zhao reste néanmoins un formidable passeur culturel, parvenant à transmettre une époque achevée dans un pays bien lointain de nous. L’Asie n’est jamais simple à montrer à des européens tant les différences culturelles sont importantes, qui plus est dans ce pays communiste qui ne nous semble pourtant , dans cet album, pas si distant. Car les humains et leurs relations (ce qui intéresse l’auteur) restent un sujet relativement universel et même sur un album mineur on se prend au jeu de la découverte, aidé en cela par ces planches et ces couleurs qui nopus émerveillent.

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****·BD·La trouvaille du vendredi·Rétro

Lydie

BD de Zidrou et Jordi Lafebre
Dargaud (2010), One-shot.

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Dans l’impasse du bébé à moustaches la petite Lydie n’a pas vécu bien longtemps. Sa mère, un peu simplette, ne supporte pas cette non naissance et  déclare que sa fille est revenue du ciel. Par délicatesse son entourage joue le jeu. Puis les voisins et bientôt tout le quartier. Le temps passe et ce fantôme fait malgré tout partie de cette communauté…

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Lydie (Zidrou & Lafebre) | Bar à BDFormé comme ses monstrueux compatriotes Roger et Homs à l’école Joso de Barcelone, l’espagnol Jordi Lafebre est l’éminente figure de proue de l’écurie Zidrou. Et on peut dire qu’en la matière le scénariste belge est le Guy Roux du dessin tant il a permis à la France de découvrir une brochette de talents ibériques impressionnante. Lydie est le premier album solo de l’auteur sorti il y a dix ans (avec Zidrou donc) et impressionne déjà par sa technique, ses encrages (comme toute l’école hispanique) et surtout ses expressions de visages. Il est toujours éclairant de prendre le premier et le dernier album d’un auteur, surtout lors d’un passage à maturité scénaristique qui a permis Malgré tout, peut-être le meilleur album de l’année 2020 et un chef d’œuvre de construction. Si le dessin a peu évolué en dix ans (il était déjà très poussé), le point commun entre les deux ouvrages repose sur le formidable humanisme de l’auteur et un esprit très proche entre le scénario de Zidrou sur Lydie et celui de Lafebre sur Malgré tout. Comme dans toute histoire belge il y a de la dureté comme de la légèreté dans cet ouvrage. La dureté de classes populaires où les sales gosses et les vieilles peaux crachent leur venin sans filtre, la douceur d’être humains qui sentent la nécessité gratuite de cette petite entorse à la raison qui donnera tant de bonheur à la gentille Camille. J’ai ressenti le même humanisme que dans le magnifique Magasin général qui il y a quelques années proposait lui aussi un enchevêtrement d’humains dans toute la diversité de bêtise et de tendresse dont ils sont capables. De belles histoires dont on se demande parfois si nos cousins francophones ne sont pas les seuls capables…

Lydie - Jordi LafebreAinsi comme Jean-Louis Tripp (qui est plus de l’ancienne école) Lafebre croque des trognes qu’il aime déformer, en gros plan, en contre-jour, se faisant une discipline de faire ressortir les défauts de visage et les expressions grossières. Cela amène autant d’humour que de vérité dans ces anti-Brad Pitt qui nous parlent de la vraie vie comme un film de Ken Loach. Au travers de ce fantôme d’enfant qu’on se plait à « voir » grâce à une mise en scène et des cadrages très appropriés c’est à une simple tranche de vie qu’on assiste. Comme le montre la « photo » de couverture, c’est l’histoire d’une famille et des différents moments de la vie d’un enfant, les angoisses médicales de la maman, les bêtises et petits bobo, les premières fois et les rituels. Si l’enfant avait été « normal » cela aurait sans doute été moins intéressant, plus banal. Mais ce twist quasi-fantastique permet de nous accrocher en se demandant tout le long si untel va bien vouloir jouer le jeu ou si la réalité administrative va rattraper cette farce. Et l’on suit avec amour ce papy cheminot et sa simplette de fille qui embarquent avec eux tout le quartier par simple envie de faire du bien.

Graphiquement la maîtrise est juste parfaite avec certaines cases somptueuses lorsque Zidrou autorise un plan large de train où les encres deviennent massives. La vérité des expressions surtout est saisissante malgré ces gueules presque cartoon par moments. On rit et on est émus par ces petites gens sur qui la vie s’écoule simplement, dans des décors où quelques effets graphiques numériques habillent remarquablement les arrière-plans. Un régal pour les yeux, discret et vrai.

Au final la réputation de cet album n’est aucunement usurpée et il mérite de trôner dans toute bonne bibliothèque et peut être un bon motif de cadeau grand public en anticipant les fêtes.

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***·East & West·Manga·Rapidos·Service Presse

Demon Tune #4

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Manga de Yuki Kodama,
Kurokawa (2021) – Série achevée en 4 volumes.

bsic journalismMerci aux éditions Kurokawa pour leur confiance.

Keith a finalement fusionné avec le Yokaï présent dans le rouleau du cataclysme et commence à étendre son emprise sur les habitants de Wizard city. Yokimaru a récupéré ses capacités et se prépare à l’affrontement final, entouré du MBI et de son fils qui apprend tout juste à maîtriser son Ninpô…

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Arrivé à la conclusion de cette série courte on est un poil frustré par un ultime volume qui se concentre (logiquement) presque exclusivement sur la bataille finale contre le gros démon né des peurs et de la colère du frère du chef du MBI. Au travers de cette étonnante figure de traumatisé c’est la relation à l’autre qui est abordée. Au-delà des différences, on touche à la problématique japonaise bien connue de l’anonymat ayant court dans les grandes villes et générant des pathologies psychiques lourdes, jusqu’au suicide. Demon tune reste un manga de loisir grand public mais ses thématiques, mine de rien, sont fort intéressantes et questionnent.Demon tune #4

Malgré cela on a donc une rupture avec une intrigue de fait hautement simplifiée dans la seule stratégie nécessaire pour venir à bout du gros Yokai passé en mode Kaiju géant et à peu près invincible. Le personnage de Keith nous rappelle ici fortement le Tetsuo d’Akira, dépassé par ses peurs et un pouvoir qui a pris le dessus. Si l’interaction des personnages et de leurs différents pouvoirs dans ce dernier acte est sympathique, on sent l’auteur moins inspiré par son sujet et une fois passée cette séquence, nous avons droit à un gros épilogue… qui est le passage le plus intéressant du tome puisque axé sur les relations entre les personnages et la chasse contre les Demon tuners, gros point fort du manga. La conclusion laisse la place à une potentielle suite qui pourrait être fort intéressante une fois le passage de témoin fait entre Yukimaru et son fils.

Avec une intrigue ténue, une narration qui avance vite et un parti-pris graphique original, Demon tune sait attirer l’attention de son lecteur, loin de la bataille entre grandes séries mainstream. Dans un registre Shonen cette série est dépourvue d’aspect malsains même si certains passages et l’atmosphère générale très sombre, celle d’un polar noir, peuvent dissuader les plus jeunes. En abordant des thématiques généralement dissociées (les ninja, la magie noire, la pègre, les agences gouvernementales, la filiation, la drogue,…) Yuki Kodama est parvenu à créer un univers original qui se tient, sans temps morts, à l’ambition certes modeste mais au plaisir réel. Si la fin est un ton en dessous, je recommande néanmoins ce manga pour sa solidité générale.

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****·BD·Jeunesse·Nouveau !

La bête

Jeunesse

BD de Zidrou et Frank Pé
Dupuis (2020), 150p., série en cours.

Format très original et spacieux que cet album presque carré. Le logo-titre comporte un discret vernis et gaufrage et indique un tome 1 on ne peu plus invisible (dans le A, si-si, regardez!)… qui se confirme avec le « a suivre » de dernière page. Les auteurs indiquent en page de garde pou qui ne l’aurait pas reconnu que la trombine de Franquin a été empruntée pour l’instituteur. Une édition spéciale commandée par la librairie belge  Slumberland BDWorld comportant des pages de bonus est tirée à 1200 exemplaires.

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Dans la Belgique d’après-guerre il fait gris et froid et les rancœurs de l’occupation infusent jusque dans la cour d’école où François est victimes de brimades. Il se réfugie alors dans sa passion pour les animaux blessés qu’il ramène à la maison, véritable arche de Noé. Surgit alors un étrange singe jaune échappé d’une terrible traversée sur un cargo sud-américain…

Le « spirouverse » commence à être aussi complexe que le multivers Marvel ou DC! Alors que les auteurs passés sur la série initiée par le père Franquin ont alterné depuis pas mal de décennies maintenant et que le premier spin-off lancé par Tom et Janry (mes auteurs préférés sur la franchise!) a déjà dix-huit tomes, les séries alternatives ont explosé ces dernières années, avec une série Zorglub, une série Champignac, Supergroom, et la série Spirou vu par… dans laquelle on pourrait ranger la plupart. Difficile à ce stade de comprendre la logique éditoriale qui gère l’univers Spirou une fois que l’on a compris cette volonté certaine d’ouvrir ce domaine patrimonial bien au-delà du canon de la série mère. C’est là qu’arrive cette Bête, déjà annoncée comme une série (que l’on espère courte) alors que le concept est suffisamment spécifique pour justifier un hors-série.https://static.lavenir.net/Assets/Images_Upload/Actu24/2020/08/20/a7a162c4-e310-11ea-808f-30efce92e08d_web__scale_0.6364617_0.6364617.jpg?maxheight=513&maxwidth=767&scale=both

Avant toute chose il faut préciser que malgré une couverture inquiétante et des dessins assez sombres, cet album s’adresse bien à un public jeunesse et c’est sa première réussite! Bien entendu calibré par des auteurs ayant découvert la BD sur les premiers Spirou avec une visée nostalgique pour des vieux lecteurs du même âge, le ton et l’approche restent « jeunesse » et aborder des sujets aussi difficiles que le harcèlement scolaire et la différence de l’étranger pour les jeunes lecteurs n’est jamais évident.

Le marsupilami de Frank Pé et Zidrou - La bête de Pé, Zidrou - BDfugue.comOn démarre ainsi avec une séquence fort réussie et tout à fait gothique de l’apparition du « monstre » comme dans un bon thriller vaguement horreur. Puis l’on se retrouve dans la maison du petit François, Franz de son vrai nom, dont la mère survit comme poissonnière en subissant les piques des habitants pour son passé avec un soldat allemand… le père du petit. On comprend tout de suite que le ton sera gris, sombre, comme les planches de Frank Pé, magnifiques de textures dans ces cases gigantesques sur un découpage minimaliste. La trame est assez simple, avec ces instituteur au visage de Franquin, un peu benêt et amoureux de la belle maman qui se contient pour ne pas déverser les tensions de sa dure vue sur son fils. Le ton est drôle pourtant, autour de la ménagerie de l’enfant aux habitudes et noms tous plus délirants les uns que les autres, entre ce cheval alcoolique échappé d’un abattoir, le couple de castor à la libido surdéveloppée ou tripode le chien cul-de-jatte… Zidrou sait poser ses scènes et alléger l’atmosphère par des blagues, ce qui crée une ambiance très particulière, une ambiance de film belge tragicomique.

L’autre point fort de cet album est bien entendu ses dessins très aérés aux magnifiques tons de gris réhaussés de couleurs vives par moment. Les décors d’une Belgique des années cinquante, pluvieuse, parsemée de terrains vagues et de bâtiments immenses crée une ambiance de film noir peu propice à la rigolade mais nous immerge dans cet environnement qui nous parle. Puis survient le héros, le marsu, cette bête formidablement designée et présentée comme un singe mystérieux aux comportements (pour l’instant) d’animal apeuré. On est loin du marsupilami jovial des aventures de Spirou. Le projet visait à présenter une variante réaliste de l’animal et sur ce plan c’est absolument magnifique. Le travail d’observation de reconstitution de pelage ou de mains empruntées au règne simiesque nous place très loin de la volonté de bizarrerie de Franquin à la création du personnage. On est clairement plus proche d’une réinvention réaliste pour le cinéma que d’un album de BD. La passivité du bestiau nous surprend, conditionnés que nous sommes à l’invisibilité de la bestiole à la queue géante et l’effet de voir ce bel animal si maltraité, affaibli, affamé, abimé fonctionne tout à fait.BD La bête de Frank Pé et Zidrou - Tours et culture

Au sortir de ce premier tome on est un peu frustrés d’une histoire juste mise en place, un univers résolument solide qui ne nous dit pas , sur le fil, si nous allons basculer vers une proximité avec le matériau d’origine avec force citations ou s’en éloigner définitivement. Et la hâte de voir poindre la suite de ces aventures est grande… comme la queue du marsupilami!

****·Manga·Rapidos·Service Presse

Demon Tune #3

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Manga de Yuki Kodama,
Kurokawa (2020) – 2/4 volume paru.

bsic journalismMerci aux éditions Kurokawa pour leur confiance.

Yukimaru s’est réveillé et menace de dévoiler le véritable responsable de son état! Pendant que l’équipe de Zeth est sur le point de mettre la main sur le Rouleau du Cataclysme, le jeune Koyukimaru va voir son puvoir de ninja, le Ninpô, se révéler…

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Ma relation aux manga est toujours un peu complexe puisque cherchant à éviter les séries longues, je suis souvent chagriné de devoir attendre plusieurs volumes pour être accroché. La lecture de Demon tune est pour cela un vrai plaisir puisque sa lecture se déroule sans forcer, avec de vraies qualités et une profondeur d’intrigue franchement inattendus. Parvenant à se glisser dans un interstice entre le Seinen noir et le Shonen rigolo, le manga progresse sans coups de mou, en donnant envie d’en savoir plus alors même que tous les tenants et aboutissants semblent avoir été révélés à la conclusion de ce troisième volume. DJ9Ximdj7k3jKz9Kdxps5nYt8pHpzZVCC3W22cMwCela s’appuie sur une intrigue simple qui justifie la brièveté du manga, une action omniprésente et une galerie de personnages à la fois resserrée et très réussis. Outre le charisme du chef du MBI et la figure amusante de Shinka qui provoque des séquences où l’on rit franchement, c’est bien entendu l’enfant ninja Koyukimaru qui est abordé ici sous un angle beaucoup plus psychologique avec une interrogation sur son perfectionnisme et sa relation au père qui le pousse à refuser son statut d’enfant pour viser un mythe inatteignable. Je trouve souvent les réflexions sur les jeunes assez manichéennes dans les manga et ce n’est pas le cas ici. De même avec la complexité psychologique du méchant qui fait entrer dans des strates psychanalytiques de l’émergence du Mal, très intéressant! Le curseur entre simplicité, concision et justesse sont réunis pour une série qui pourrait viser les cinq Calvin avec des graphismes plus ambitieux.

Avant de lire le quatrième et dernier tome je n’ai aucune inquiétude tant l’ensemble des volumes est jusqu’ici d’une remarquable solidité.

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**·***·****·BD·Nouveau !·Rapidos·Rétro

BD en vrac #2

La croisade des innocents (Cruchaudet)

Chloé Cruchaudet est une autrice tout en sensibilité qui est parvenue par ses précédents albums à nous parler de sujets très originaux avec beaucoup d’imagination graphique et scénaristique (je pense à Mauvais genre et Groenland-Manhattan), avec une technique mixte traditionnel-numérique. Assez conquis par cette artiste je me suis lancé dans son dernier album… qui m’a beaucoup surpris par con côté sombre. D’abord par le thème, celui d’enfants malmenés par la vie rude du Moyen-Age, entre imaginaire juvénile et impossibilité de rester enfant bien longtemps face aux exigences de la vie. Ensuite par le parti-pris graphique, un lavis gris, quasi monochrome qui nous fait plonger dans une sorte d’hiver sans fin. L’album qui nous relate la croisade des enfants est découpé en quatre saisons mais ce récit de voyage paraît ne s’enfoncer que vers le crépuscule. Je ne sais si l’album reflète l’état d’âme de Cruchaudet lors de sa réalisation mais je trouve dommage que son talent et sa capacité visuelle soit aussi ternie. Sur Mauvais genre, album très gris également, des touches vives venaient renforcer la partie graphique, ce que nous n’avons pas ici. Bref, le sujet pourra intéresser mais visuellement elle aura fait mieux.

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Harmony #4 (Reynes)

Couverture de Harmony -4- Omen

J’avais fait une chronique l’an dernier lors de ma découverte de cette série. Omen (ce tome 4) démarre le second cycle (prévu en trois tomes donc) de cette série qui mine de rien est en train de construire son chemin vers la gloire en parvenant à synthétiser originalement le thème mutant, celui de l’enfance et celui des civilisations disparues. On parle encore très peu de ce dernier élément mais la mise et scène et la progression scénaristique et dramatique sont toujours aussi plaisantes. Harmony commence à prendre de l’autorité et l’on découvre que les personnes « douées » sont nombreuses et organisées…

Si le premier cycle portait sur l’éveil des enfants dotés de pouvoirs, le second semble parti sur l’émergence du grand méchant aperçu au tout début de la série. Reynes sait nous rappeler les bribes de mythologie par quelques planches très didactiques et pas redondantes et le ressort conspirationniste est toujours présent, à mon grand plaisir. Un seul regret, que la série n’avance pas plus rapidement (et des couvertures pas forcément très réussies)! Un excellent tome dans une excellente série qui plaira autant aux jeunes qu’aux lecteurs chevronnés. J’ai hâte de lire la suite!

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Destruction Eve – Freak’s Squeele Funerailles #4 ( Maudoux)

La série Funerailles est découpée en triptyques dont le second commence avec cette flamboyante couverture absolument sublime! Certainement la plus belle illustration produite par Florent Maudoux et l’une des plus belles couverture de BD qu’il m’ait été donné de voir… L’intérieur est au niveau des autres albums de la série, dans des tons plus clairs, jaune-orangé qui répondent aux cheveux de la rouquine qui dirige la XIII° légion de Rem. Marquant une rupture pendant les 2/3 de l’album, en mode « origine story », Destruction Eve nous narre l’histoire de ce personnage inspiré par le manga Lady Oscar (que les quarantenaires connaissent…) dans une visée résolument féministe comme nous y a habitué l’auteur. Cela permet une respiration en même temps que de pouvoir connaître l’histoire de ce conflit nationaliste entre Namor et Rem du côté de la première. Pas bien plus glorieux au final que le prisme de Rem mais cette rouquine amoureuse des chevaux est assez sympathique et donne une sacrée consistance à ce qui n’était qu’un personnage secondaire jusqu’ici. Le scénario rejoint le tome 3 en nous donnant une autre version du destin de la XIII° légion et réunit les personnages en laissant toujours étrangement le personnage éponyme de la série de côté. Pour une cycle 3? Si l’on devait classer les très bons albums de cette excellente série je dirais que celui-ci tient le haut avec une plus grande clarté visuelle et narrative tout en continuant à présenter des thèmes originaux et une galerie de personnages et un univers incroyablement fouillé. Maudoux a été rôliste dans une autre vie et cela se voit (comme les auteurs du brillant Servitude, tiens tiens est-ce que ça aiderait à construire des contextes scénaristiques?) tant son monde est détaillé et le principal risque est qu’il s’y perde en oubliant son histoire.  Pour l’instant il tient la bride brillamment!

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Le sang des cerises -journal #4 (Bourgeon)

Les passagers du vent -84- Le Sang des cerises - Livre 1 (4/4)Je clôture enfin ma chronique des quatre épisodes du Sang des cerises, le dernier album de François Bourgeon, qui s’inscrit dans la série des Passagers du Vent. Je ne détaillerais pas les pages BD, toujours aussi détaillées, permettant à l’auteur de dessiner Paris, les Halles et cabarets mais surtout les trognes et les filles qui chantent dans les troquets. Le réalisme des visages est toujours aussi impressionnant et le dessin de Bourgeon a fait un saut que l’on n’imaginait pas.

L’historien Michel Thiebaut qui suit Bourgeon depuis les Compagnons du Crépuscule et a publié plusieurs ouvrages sur l’œuvre de l’auteur nous livre dans ce dernier épisode un récit des années charnières qui aboutissent en 1879 à la victoire électorale des républicains sur le président Mac Mahon et le parti monarchiste réactionnaire, marquant selon l’historien une étape aussi importante pour l’histoire de la République que 1789… Une interview de Bourgeon nous replace le contexte des personnalités artistiques de Montmartre et l’approche qu’en a eu l’auteur dans l’interaction avec ses héroïnes. Encore une fois, la lecture des bonus est un régal pour tout amateur d’histoire. Pour finir… j’ai craqué et acheté l’album en version couleur (qui comporte donc le fameux lexique final de traduction du breton et de l’argot) et je dois dire que si les grandes planches n&b se savourent pleinement, la colorisation de François Bourgeon est superbe et enrichit ses dessins de moultes détails. Les deux sont indispensables…

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BD·Nouveau !·Rapidos·Rétro

BD en vrac

Soucoupes

Joli objet aux couleurs douces et au regard tendre des auteurs sur un personnage, français moyen qui réagit le plus simplement du monde à l’arrivée des extra-terrestres. Il y a un peu du Tim Burton de Mars Attacks dans cette vision d’E.T. faits de scaphandres métalliques directement issus des visions kitsch de la SF des années 50. Sauf qu’ici les psychopathes criard laissent la place à de gentils observateurs ethnologues qui renvoient à ceux de Duval dans son Renaissance. Disquaire dépressif, le personnage principal est d’abord soupçonneux de ces gens étrangers puis entreprends de montrer la vie moyenne d’un humain moyen: les crises de couple, le sexe, la musique, l’art… On sent un esprit de court métrage animé dans ce petit album très vite lu et qui manque sans doute un peu de substance. Mais la lecture reste agréable, on sourit et profite de la jolie palette d’Obion qui maîtrise ses planches malgré un style désuet qui fait par moment penser à Colas Gutman, l’auteur de Chien pourri.

 

XIII , l’enquête : 2° partie

Cela fait 20 ans que la première partie de l’album spécial sous forme d’enquête journalistique autour des aventures de XIII est sorti. Vingt ans que les auteurs ont échoué à clôturer magistralement en 13 tomes une des saga les plus mythiques de la BD franco-belge. Je ne reviens pas sur les raisons commerciales qui ont poussé trop loin Jean Van Hamme. Pour beaucoup les aventures de XIII se sont arrêtées avec Rouge total, voir une poignée d’albums plus loin. Après un double album en forme de chant du cygne pour le prolifique scénariste belge (avec Jean Giraud en guest) l’Enquête restait en suspens. Entre temps un nouveau cycle avec nouveau scénariste et nouveau dessinateur a été adopté par une nouvelle génération de lecteurs. La question de la parution de cette seconde partie se pose donc. D’autant plus lorsque l’on lit ce qui ressemble plus à un recueil de notes perso du scénariste originel sur ses personnages pour ne pas s’y perdre. Les quelques planches de BD semblent hors sol, sans but. Les rappels biographiques des personnages de la série sont relativement mal écrits et inintéressants. Soit on a lu la saga et c’est inutile, soit on ne l’a pas lue et on  peut éventuellement avoir envie de la lire après cet album. On a ainsi la furieuse impression d’avoir droit à un dossier de presse payant, avec bien peu de matériau original, très peu d’illustrations nouvelles (surtout des vignettes prises dans les albums de la série) et aucun travail de mise en cohérence. Ce qui aurait pu être pensé comme un ultime cadeau un peu luxueux et nostalgique de maître Van Hamme à ses lecteurs échoue un peu piteusement, en ne parvenant même pas à lancer une éventuelle intrigue autour du journaliste. Au final je déconseille cet album à la plupart des lecteurs, hormis peut-être les fans hard-core qui voudront absolument rassembler les deux parties de l’Enquête…

 

Ceux qui restent

Couverture de Ceux qui restentCeux qui restent part du principe du « et si… », ce que les américains appellent l’elseworld ou encore l’envers du décors (que l’on trouvait dans le plutôt réussi Fairy Quest d’Umberto Ramos): que se passe-t’il pendant que les enfants aventuriers partent en volant, la nuit, vers les pays imaginaires, emportés par des créatures magiques? Pendant qu’ils vivent des aventures qui leur font oublier leurs parents, leur quotidien? Je dois dire que l’idée est assez géniale en ce qu’elle retourne totalement le concept de Peter Pan (et son interprétation psychanalytique) et s’intéressant aux parents et en faisant des enfants à la fois des monstres d’égoïsme et des victimes de leur crédulité. Car pendant leur absence les parents se morfondent, la police enquête sur la disparition et le temps s’écoule. La vie est infernale, l’attente d’autant plus dure que le regard des autres empli est de suspicion pour expliquer l’inexplicable. Et le retour, ponctuel mais régulier, de l’enfant en joie de raconter ses passionnantes aventures contraste avec la déprime qui gagne ceux qui restent…

Cet album est techniquement très réussi, son propos essentiellement en narration fait ressentir durement l’absence et l’épreuve de l’inconnu pour les parents. Le dessin à la fois simpliste et très maîtrisé, notamment dans les cadrages en plans larges et le découpage très aéré et horizontal, fait ressentir le temps qui passe, la pesanteur. C’est pourtant toute cette pesanteur qui m’a fait décrocher. Cet album est une dépression de 120 pages, pourtant joliment coloré mais vraiment pesant et sans espoir. Il semble que les auteurs ont voulu prendre le revers des contes, atteindre une noirceur à l’échelle du merveilleux des pays des rêves. Et franchement on ne comprend pas pourquoi proposer une histoire si nihiliste. C’est la même raison qui m’a dépité sur le pourtant acclamé Ces jours qui disparaissent. J’aime les ambiances sombres, les histoires barbares, éventuellement les bad-ending. Mais une intrigue totalement tournée vers le noir, je passe mon chemin.

BD·Service Presse

Les Déchaînés

 BD de Fred Pontarolo
 Editions Sarbacane (2017)
 Reçu en SP version numérique

Les Déchaînés nous emporte en Martinique quelques années après l’abolition de l’esclavage, alors que la vie entre propriétaires blancs et ouvriers noirs peine à sortir des traditions de propriété, de violence, de haine. Le fils du propriétaire, éduqué par un précepteur féru des Lumières passe son temps avec ses amis noirs et notamment Amélia. Au sortir de l’enfance les premiers émois sexuels tendent à changer leur relation d’amitié ainsi que le fragile équilibre entre les deux communautés.

La très jolie illustration de couverture masque quelque peu la dureté de cette histoire intéressante aux atmosphères des romans de Le Clezio. Il n’est pas question de voiliers ou de mer mais bien de relation entre noirs et blancs dans cet album. J’avoue que le dessin m’a laissé sur ma faim par une technique que l’on peut trouver dans des premiers albums et il est heureux que la colorisation et l’apposition de jolies textures (bien maîtrisées) donnent du corps à ces images. De même le découpage est par moment un peu rapide (mais la lecture sur écran a pu accentuer cela).

les-decc81chainecc81s-bd_p34-35L’histoire en revanche est bien menée, intéressante et transcrit bien le mélange de violence latente et de torpeur lascive d’une vie chaude dans les îles. Certains dialogues peuvent sembler manichéens mais les thématiques (l’ouverture des Lumières, la liberté individuelle, l’émancipation des individus de leur condition, la jalousie des faibles,…) enrichissent cette histoire d’amitié enfantine. L’auteur aurait pu laisser plus de place aux aventures des gamins dans des paysages de terre et de feuilles. Au final cet album laisse une impression mitigée d’ouvrage semi-amateur par un auteur qui a déjà presque 20 ans de métier. J’avais eu les mêmes difficultés avec le dessin de Bablet sur « Shangri-la«  mais de l’ensemble ressortait une impression bien plus maîtrisée.

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Comics·East & West·Rétro

Joe, l’aventure intérieure.

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Comic de Grant Morrison et Sean Murphy
Urban comics (2012)/Vertigo-DC (USA 2010)
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Fabrication Urban comics standard, gros volume bien relié, cahier graphique et explicatif des auteurs conséquent en fin d’ouvrage. La maquette de la couverture est moins travaillée que sur les parutions récentes de l’éditeur mais néanmoins plus classe que l’édition originale. L’album est découpé en chapitres correspondant aux fascicules US, avec la couverture originale. Rien a redire.

Joe est un adolescent mal dans sa peau, immergé dans son univers imaginaire et ses dessins. Seul avec une mère très occupée, il rentre chez lui et subit une crise de diabète. Transporté dans un monde fantastique à cheval entre sa réalité et son imaginaire, il va entamer un parcours pour sauver la terre d’Hypoborée, mais également contre la mort s’il ne parvient pas à trouver rapidement du sucre…

Les préfaces de BD sont souvent plus des hommages qu’un apport pratique à la lecture. Ici le traducteur (médecin de son état) aborde la question du diabète du personnage principal, cause de son aventure et de l’album. C’est important car cela définit la construction et le découpage du récit, liant l’aventure fantasmagorique aux événements survenant dans le monde réwincklerjoeel et sautant d’une scène à l’autre comme seul un rêve peut le faire sans soucis de vraisemblance. Cela peut perturber le lecteur mais se justifie pleinement. Ainsi l’album a la linéarité classique de ce type d’histoire, accompagnée comme toute bonne quête héroïque d’une carte illustrée suivant les pérégrinations du héros dans ce monde imaginaire, stage par stage comme dans un jeu vidéo. Heureusement car les dialogues touffus s’enchaînent difficilement avec accumulation de termes issus de cet univers (l’enfant-qui-meurt, haute-terre, guerrier de fer, le chateau-foyer, etc…) Cela participe de la construction mythologique de ce monde mais se succède trop rapidement pour que l’on essaye de comprendre la logique de tout ça. Probablement par-ce qu’il n’y a pas plus de logique que dans un rêve. Tout ceci est un vrai voyage dans l’imaginaire déluré et totalement graphique (et sombre!!!) de Joe (ou de Sean Murphy?) et c’est le plus intéressant dans l’album.news_illustre_1349164464

J’ai découvert Murphy sur Tokyo Ghost où derrière la radicalité crado d’un scénario hyper-violent l’on pouvait percevoir des fulgurances poétiques et de design. On retrouve cela ici et notamment la très grande précision du trait de l’artiste malgré un style qui paraît croqué au premier abord. Rares sont les BD où les fonds de case sont aussi travaillés et précis. Le look des personnages est vraiment réussi, les plans encore plus gonflés que sur Tokyo et tout ça sent le lâchage d’illustrateur dans un bac a sable infini (pour notre plus grand plaisir). Murphy se fait plaisir  et insérant des rats-samuraï, batman et superman (l’éditeur est filiale de DC), Transformers ou Lobo (oui-oui!) dans les batailles épiques et l’on regrette presque que le scénariste ne lui ait pas plus simplement concocté une histoire héroïque classique au lieu de cette trame intéressante mais déprimante d’ado paumé entre deux mondes.potw_joe7

L’impression finale est entre une plénitude graphique, sorte d’orgie débridée, et le sentiment d’un décalage entre le sujet (intéressant et sérieux). Le projet est original et ambitieux, mais peut-être aurait-il fallu deux albums distincts, les envies du scénariste et celle du dessinateur n’étant peut-être pas exactement les mêmes… On garde cependant un bon album

 

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