
Premier tome de 62 pages de la série écrite par Gihef, d’après les romans d’Alexis Flamand, avec Marco Dominici au dessin. Parution chez Kamiti le 09/09/22.


Merci aux éditions Kamiti pour leur confiance.
It’a kind of magic
Il y a des branches d’avenir dans lesquelles le succès ne se dément pas. Et d’autres, plus obscures, qui vous arracheront un hein ? dubitatif lorsqu’on vous les expose. C’est le cas pour Jonas Alamandër, qui gagne sa vie en tant que questeur. Hein ?
Un questeur, sur le continent d’Alamandër, est un mage spécialisé dans les enquêtes impliquant la pratique des arts mystiques, en d’autres termes un sorcier détective. Jonas mène son existence pas-si paisible sur les terres héritées de son mentor, lorsqu’une délégation de soldats Kung-Borhéens, messagers de leur nation belliqueuse, vient lui annoncer son expropriation, les terres occupées faisant partie de la dot de la princesse de son royaume.

Qu’à cela ne tienne, Jonas n’est pas de ceux que l’on peut expulser si facilement. Profitant des délais administratifs et logistiques liés aux expropriations, le Questeur décide de se rendre à la capitale de Kung-Bohr pour tenter de négocier la conservation de son habitat, qui risque sinon d’être rasé, comme le veut la coutume Kung Borhéenne. Si le voyage risque d’être dangereux, la destination, elle, n’en sera pas moins risquée !
Cependant, secondé par le sergent, euh Capitaine, ou-peut-être-bien-Sergent-en-fait, Edrick, et accompagné, si l’on peut dire, par son démon domestique Retzel, Alamandër pourra passer les obstacles et survivre aux multiples dangers qui le guettent. Entre intrigues, meurtres à résoudre et bureaucratie absurde, le mage aura de quoi faire !
Après nous avoir fait voyager avec 300 grammes et Hot Space, Kamiti sort encore une fois des sentiers battus en se lançant à corps perdu dans la Fantasy ! Adapté du Cycle d’Alamandër d’Alexis Flamand, l’album voit le jour à l’initiative de Gihef, que l’on a vu récemment sur Monsieur Vadim ou encore Sirènes et Vikings.
Pour être honnête, en abordant les premières pages, on peut être aisément tenté de faire le rapprochement avec les travaux d’Arleston: de la fantasy, un héros ingénu éloigné des poncifs masculinisés, de l’humour loufoque et des situations absurdes, sont en effet les ingrédients favoris, et usés à l’envi, du père de Lanfeust.
Cependant, rassurez-vous, lecteurs de fantasy désabusés: Alamandër amène avec lui une fraîche bise de renouveau, et ne cherche pas nécessairement à singer les prouesses aujourd’hui éculées d’Arleston. L’univers riche développé par Alexis Flamand est brillamment transposé par Marco Dominici dans un style semi-réaliste qui ne néglige ni l’expressivité des personnages, ni l’ampleur des décors.

L’exercice de l’adaptation n’étant pas aisé, surtout lorsqu’on passe du roman à la BD, on trouve tout de même quelques petites tartines d’exposition qui densifient quelque peu la narration, sans pour autant l’alourdir. Il faut simplement s’attendre à des planches plutôt chargées en dialogues, beaucoup d’informations sur le décorum devant être ingérées à la fois par le protagoniste et le lecteur.
La partie enquête en elle-même s’avère minutieuse, et respecte étonnamment les codes du genre, avec recueil d’indices en apparence contradictoires, puis analyse et interprétation innovante du héros, tentative d’assassinat du héros qui s’approche de la vérité et devient donc gênant, puis, confrontation finale devant une assemblée dans laquelle se cache potentiellement le suspect. Le tome se termine sur un cliffhanger, tant sur l’intrigue principale que sur l’intrigue parallèle, qui raconte la quête initiatique d’un enfant immortel dont on devine qu’il deviendra un effrayant antagoniste dans les pages à venir.
Alamandër nous fait la surprenante démonstration qu’humour grinçant et fantasy débridée font donc toujours bon ménage, et c’est bon à savoir !