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Arca

Histoire complète en 112 pages, écrite par Romain Benassaya, d’après son roman éponyme, et dessinée par Joan Urgell. Parution chez les Humanos, en partenariat avec les éditions Critic, le 25/01/23.

Merci aux Humanos pour leur confiance.

No way home

Comme certains le disent avec tant de tact, la Terre, tu l’aimes ou tu la quittes. Fatiguée par les ravages de l’anthropocène, la planète a fermement poussé les humains vers la sortie. En désespoir de cause, deux arches stellaires nommées ARCA I et III (ne me demandez pas où est passée la II) furent déployées, avec à l’intérieur de quoi assurer le renouveau du genre humain, sur une exoplanète baptisée la Griffe du Lion: des milliers de passagers en animation suspendue, du matériel, ainsi qu’une serre géante, gérée par des organismes issus de la bio-ingénierie, les Jardiniers, le tout pour un voyage de deux-cent ans.

A son réveil, Eric Rives comprend que quelque chose ne va pas. L’arche ne se trouve pas dans le bon système, ni à aucune cordonnée connue, d’ailleurs. Lorsque les survivants sortent du vaisseau pour explorer les alentours, ils constatent que l’arche est posée sur un sol inconnu, et qu’aucune étoile n’est visible dans le vide environnant. Tout porte à croire qu’ils sont piégés dans une structure gigantesque, dont il est impossible de définir les limites. Plus étrange encore, l’état de la serre et des Jardiniers laisse penser que l’arche est en perdition depuis bien plus que deux-cent ans…

Parmi les caractéristiques intrinsèques du genre SF, on trouve celle d’interroger le devenir du genre humain. La quête d’un nouveau foyer est donc une bonne opportunité pour explorer les limites de la résilience humaine, sa volonté de vivre et sa soif d’exploration. Ce thème offre également aux auteurs la chance de mener quelques expériences en psychologie sociale, et ainsi imaginer comment se les humains feraient société ailleurs que sur Terre, qui prendrait le leadership, comment le pouvoir serait redistribué avec des ressources limitées.

Un autre thème cher aux oeuvres de SF est le lien qui unit l’Homme à ses outils. Dans 2001 Odyssée de l’Espace, le récit nous montre l’ascension de l’Homme grâce au premier outil (l’arme en os), avant de confronter plus tard les explorateurs à un outil devenu conscient, HAL. On retrouve à peu de choses près la même dynamique dans Arca, avec les Jardiniers, conçus initialement comme de simples outils, qui évoluent et s’éveillent à la conscience.

En revanche, il y a aussi des écueils que l’on reproche à la SF, à savoir la minceur de ses personnages. Cela est généralement dû au décalage entre des enjeux grandioses, dépassant les intérêts individuels. Lorsqu’on parle d’immensité spatiale et d’avenir de l’Humanité, il est assez difficile pour l’auteur de se sentir concerné ou de se concentrer sur des destinées individuelles. Ici, pourtant, l’auteur prend garde d’incarner correctement ses personnages principaux, en tissant entre eux des liens fort qui évoluent au fil du récit et en fonction de leurs croyances propres. Entre survie élémentaire et nécessité de prendre des risques pour explorer, le scénariste place chacun de ses personnages en opposition les uns avec les autres au travers de ce thème, ce qui dynamise le récit et nous implique davantage.

L’histoire aurait pu basculer dans l’horreur cosmique chère à Lovecraft, mais la piste n’est que suggérée et jamais assumée pleinement, ce qui aurait pu donner une teinte intéressante à l’album.

Sur le plan graphique en revanche, le dessin réaliste de Joan Urgell est très travaillé, autant sur les décors que sur le design des créatures. On peut saluer l’usage des couleurs directes, qui est un choix toujours risqué à l’ère du tout-numérique.

Arca est donc une récit de SF classique mais très efficace, qui maintient le lecteur en haleine grâce au mystère qu’il entretient tout au long de son intrigue.

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Les Éternels #2: Gloire à Thanos

Deuxième volume de la série écrite par Kieron Gillen et dessinée par Esad Ribic, avec Guiu Vilanova en renfort. Parution chez Panini Comics le 14/09/2022.

Votez Thanos !

Suite et fin du diptyque de Gillen sur les Éternels. Après la résurgence de la dernière armée des Célestes, les Éternels ont appris que leur dogme était une mascarade. Leur rôle grandiose de protection de la Vie sur Terre n’était qu’un mensonge concocté à la fois par les dieux géants de l’espace et par leurs patriarches. A la suite de cette révélation, l’ensemble des Éternels perdait la raison avant de se donner la mort en masse.

Cependant, le suicide est un geste bien futile pour un être qui n’est pas fait pour mourir. En effet, il s’avère que tous les Éternels sont liés à la Machine, un système de défense personnifiant la planète Terre, qui les ressuscite automatiquement dès que leur corps est détruit, en téléchargeant une sauvegarde de leur esprit (un procédé qui rappelle celui des mutants de Krakoa). Tous les Éternels se sont donc réveillés comme un lendemain de cuite, certains gérant la nouvelle mieux que d’autres.

Toutefois, nos héros immortels n’ont pas eu le temps de s’appesantir sur leurs tourments philosophiques: des défaillances de la Machine et un mystérieux tueur d’Éternels ont quelque peu mis à mal les fondements de leur société, forçant Ikaris et Sprite à mener l’enquête. Le danger qu’ils ont découvert n’est pas des moindre, puisque le seul être capable de tuer des homo immortalis n’est autre que le terrifiant Thanos.

Thanos est un être hybride, un Éternel de Titan engendré naturellement par ses parents et pas directement par les Célestes, qui possède un gène Déviant, ennemis naturels des Éternels, ce qui le rend extrêmement dangereux. Thanos a pour but, après sa ruine dans les Gardiens de la Galaxie, de se rattacher à la Machine afin de pouvoir ressusciter dans un corps neuf, et ce, à l’envi bien évidemment, comme si être un monstre génocidaire invincible ne suffisait pas.

Mais affronter Thanos n’est pas le plus grand défi auquel ils aient à faire face. A la fin du premier volume, les Éternels apprennent une autre vérité dévastatrice: chacune de leur résurrection a un prix, celui d’une vie humaine. Ceux qu’ils ont tenté de protéger durant un million d’années ont donc fait directement les frais de leur inconséquence, eux qui se battaient sans se soucier de leur vie puisqu’ils avaient la garantie de revenir grâce à la Machine.

Bien sûr, Thanos n’aura pas ce genre de considération, et il est même prêt à détruire la Terre pour obtenir son nouveau corps.

Kieron Gillen poursuit son soft reboot de la franchise des Éternels, préparant ainsi l’évènement AXE, pas encore paru en France. L’auteur a repris des éléments issus des précédentes séries (notamment celle de Neil Gaiman et celle des Frères Knauf) en y implémentant ses propres concepts, ce qui donne une histoire intéressante, moins grandiloquente que ce que Kirby imaginait initialement mais plus en phase avec l’univers Marvel actuel. L’auteur n’a pas hésité à remettre en question les fondamentaux de ses personnages, créant ainsi une dynamique novatrice. En revanche, sa série se termine sur un cliffhanger mais sans réelle réponse apportée au problème posé par les résurrections.

On constate par ailleurs que l’auteur répond à un cahier des charges éditorial, certains des personnages continuant de subir des changements qui les alignent avec leurs homologues cinématographiques. Ce n’est pas gênant en soi, mais prouve bien que Marvel a toujours en tête de récupérer des lecteurs grâce à ses films, sans nécessairement se soucier de la continuité chère aux lecteurs de longue date.

Néanmoins, pas de quoi bouder son plaisir, ne serait-ce qu’en vertu de la présence d’Esad Ribic, qui continue de proposer des planches magnifiques avec son style pictural bien connu. L’intérim assuré par Guiu Vilanova fait un peu l’effet d’une douche froide pour les fans de Ribic, mais ne gâche pas l’album pour autant.

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Thor (2020) #1: le Roi Dévoreur

Intégrale comprenant les quatorze premiers épisodes de la série Thor (2020) écrite par Donny Cates et dessinée par Nic Klein. Parution en France chez Panini Comics le 24/08/2022.

Lourde est la main qui brandit le marteau

Après avoir combattu le Massacreur de dieux, puis cédé son marteau par indignité, et enfin, combattu l’armée de Malékith pour sauver les Dix Royaumes, Thor revient sur le devant de la scène et hérite du Trône de son père Odin. Toutefois, pour lui qui n’a jamais aspiré à régner, il se pourrait que la couronne soit trop lourde.

Que faire lorsqu’on passe après le monarque le plus controversé de l’histoire du royaume ? Comment être à la hauteur de la tâche sans se compromettre et en restant soi-même ? Voilà le défi auquel le Roi du Tonnerre devra faire face, mais ce ne sera pas le seul. Des tréfonds du cosmos débarque Galactus, le dévoreur de planètes, ce qui est souvent mauvais présage pour qui que ce soit.

Galactus et les asgardiens s’étaient déjà affrontés, la dernière fois en 2011 lorsque le géant cosmique et son héraut le Surfeur d’Argent convoitaient les énergies d’une graine d’Yggdrasil, l’Arbre-Monde. Mais cette fois, les apparences sont trompeuses, Galactus ne vient pas se repaître, mais demander de l’aide au Roi d’Asgard. En effet, Galactus, qui est le dernier survivant d’un univers qui existait avant le Big Bang, est porteur d’une inquiétante nouvelle: l’Hiver Noir, une entité cosmique dévoreuse d’univers, a fait son apparition et flanqué une déculottée au Dévoreur. Thor et Galactus vont devoir faire cause commune pour sauver l’Univers. Qui l’eut-cru ?

Pour permettre à Galactus de revenir dans le game, Thor va devenir, bien malgré lui, le nouveau héraut de Galactus, et le guider vers cinq planètes spécifiques dont les énergies consommées accroitront de façon exponentielle son pouvoir. C’est donc les dents serrées que le Roi et le Dévoreur vont collaborer pour sauver l’univers, et il appartiendra à Thor de rapidement tracer une ligne dans le sable pour faire comprendre à son allié impromptu les conditions de leur alliance.

A côté de ça, Thor doit aussi faire face aux écrasantes responsabilités qui incombent au Roi, et à son marteau Mjolnir, nouvellement reforgé (durant War of the Realms), qui est de plus en plus lourd. Le fait d’être roi le rendra-t-il de nouveau indigne ? Et si, à l’inverse, tout le monde devenait digne à l’exception de Thor ? La suite se concentrera sur le retour de Donald Blake, le célèbre alter-égo du dieu du tonnerre, qui est, comment dire, quelque peu contrarié de découvrir qu’il n’est qu’un alter-égo et pas une personne authentique.

Après sept années passées sous l’égide scénaristique de Jason Aaron, voici que Thor passe sous le contrôle de Donny Cates, que l’on a pu lire dans Venom, Absolute Carnage, King in Black, ou, en indépendant, dans The Paybacks et The Crossover. L’auteur reprend ici des éléments de ses précédents runs, comme Silver Surfer: Black, pour faire émerger encore une fois un antagoniste cosmique, sombre et tout puissant (hello Knull !).

Malgré la redondance qui pourrait émerger de ces auto-références, le run de Cates sur Thor n’en démarre pas moins de façon efficace, grâce au nouveau paradigme laissé par Aaron à la fin de WOTR. Il est intéressant en effet de voir le dieu du tonnerre enfin confronté à ce qu’il redoutait malgré lui, la couronne d’Asgard. De plus, le lien de ce personnage avec son marteau a souvent été une métaphore de son état mental, voir l’arme enchantée s’alourdir en même temps que ses responsabilités est donc tout à fait logique sur le plan thématique.

Les fans de Thor vont être servis côté action, puisque le héros, déjà badass en temps normal, a pris du level puisqu’il va cumuler dans cet album la Force d’Odin et le Pouvoir Cosmique (ce qui va de pair avec un petit relooking), pour un résultat assez extrême. Sur la seconde partie, l’auteur continue d’exploiter des concepts intéressants issus de la continuité du héros: son lien étroit avec son alter-égo, considéré différemment selon les auteurs.

En effet, Donald Blake a tantôt été un homme ordinaire dépositaire des pouvoirs de Thor (dans la série de Lee et Kirby), avant de devenir une simple création d’Odin, un Thor rendu amnésique. Selon les auteurs, ensuite, Blake avait ou pas sa propre personnalité, ses propres souvenirs, etc.. La version de Cates souffre d’un destin tragique puisqu’il découvre sa vraie nature après que Thor ait renoncé à lui, et qu’il s’aperçoit de la vacuité de son existence après avoir détruit le monde factice qui le retenait prisonnier. Comme si l’allégorie de la caverne de Platon partait en sucette.

Ce volume de Thor garde donc la veine épique chère au personnage, tout en allant puiser dans ses éléments constitutifs pour les extrapoler et créer quelque chose d’innovant. Les fans de la frange cosmique de Marvel apprécieront !

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Avengers #6: A la recherche de Starbrand

Sixième tome de la série écrite par Jason Aaron et dessinée par Ed McGuiness. 112 pages, sortie chez Panini Comics le 09/03/22.

A Star is born

Après avoir affronté les Célestes, puis le Prince des Mers, puis une armée de vampires, puis des géants des glaces, et plus récemment des Motards Fantômes en enfer, les plus puissants héros de la Terre doivent maintenant se rendre aux confins de l’espace, à la recherche d’un indice qui devrait les mener vers la résurgence d’un ancien allié, l’éponyme Starbrand.

Mais avant de se lancer, il convient peut-être de faire un petit détour par la case « résumé ». Et oui, on ne plonge pas dans la piscine avant d’être passé par la pataugeoire !

Le Starbrand que l’on connaît est apparu dans le N°5 du volume 7 de la série Avengers par Jonathan Hickman. Reprenant un vieux personnage issu du New Universe (un obscur label produit par Mavel Comics dans les années 80), le scénariste, amoureux des paradigmes cosmiques et des systèmes, en fait le dépositaire d’une puissance cosmique phénoménale, issue de la planète elle-même, à l’instar de l’Uni-Pouvoir, mais à échelle planétaire plutôt qu’universelle.

Dès lors qu’un événement menace l’intégrité du corps céleste, ce dernier réagit en infusant son pouvoir dans un être choisi aléatoirement. Cette fois-là, la Terre subissait les attaques d’une race extraterrestre nommée les Bâtisseurs, dont l’un des serviteurs, Ex-Nihilo, tentait de rendre la Terre vivante, littéralement. En réaction, le Starbrand naquit de nouveau, s’incarnant dans la personne de Kévin Connor, un adolescent timide, qui va malheureusement raser entièrement son lycée au moment où le Starbrand le choisit.

Comprenant qu’un tel pouvoir, ne pouvant être confronté directement, doit être maîtrisé, les Avengers décident de prendre Kévin sous leur aile afin de lui permettre de comprendre et d’utiliser son pouvoir à bon escient. Le reste de la série d’Hickman plonge les Avengers dans une guerre sans merci contre les Bâtisseurs, puis à une escarmouche contre Thanos, avant que la crise n’atteigne son point d’orgue avec Secret Wars et ses Incursions destructrices.

Finalement, Starbrand sera tué par le nouveau Ghost Rider, Robbie Reyes, au cours d’une escarmouche tournant autour de la découverte du Celeste déchu que l’on revoit finalement dans le premier volume de la présente série. Depuis lors, plus aucune manifestation du Starbrand n’a fait jour, alors que les menaces se sont succédées. Qu’est-il advenu de ce pouvoir ?

Jason Aaron, lorsqu’il reprend la suite des Avengers, nous introduit les Avengers Préhistoriques, un groupe fondé par Odin, alors jeune roi d’Asgard, Agamotto, premier sorcier suprême, la première Iron Fist, le premier Ghost Rider, et Starbrand, qui tient alors davantage de l’homme des cavernes que du super-héros. Cette incarnation était encore nimbée de mystère, jusqu’à ce qu’Aaron se décide à raconter ses origines, dans ce volume.

L’album débute donc par un flashback qui nous raconte comment ce Starbrand-là vit le jour, avant que l’on entre dans le feu de l’action. Les héros du présent, menés par Captain America, répondent à un appel de détresse dans la galaxie occupée par les Shiar’s (extraterrestres plus familiers des X-men), et vont devoir affronter les hérauts de Galactus, pour sauver une jeune humaine détentrice du Starbrand.

Ce tome ne déçoit pas grâce à l’action et au rythme soutenu imposé par Aaron. Comme à l’accoutumée, l’auteur déniche des concepts intéressants tirés de ses situations, comme par exemple Ghost Rider chevauchant la planche du Surfeur d’Argent, ou encore Thor infecté par un Brood. Il recycle même d’autres concepts, comme la Iron Widow, tout droit issue de la série Ultimates par Mark Millar, ou Captain Marvel en mode Binaire.

Cependant, l’auteur n’a pas encore jugé bon de s’attarder sur l’origine réelle du Starbrand, ni sa fonction véritable dans le grand ordre cosmique: les hérauts de Galactus semblent le redouter, on apprend aussi que le pouvoir n’est pas intrinsèque à la Terre mais est venu d’un astéroïde, mais on n’en saura pas davantage pour le moment.

Le volume se conclut sur une note ouverte, avec un nouveau (petit) personnage dont on a hâte de découvrir le potentiel.

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Green Lantern Corps #1: Recharge

Recueil de 440 pages, qui contient la mini-série Green Lantern Corps: Recharge, suivie des 1″ premiers numéros de la série Green Lantern Corps, parue en 2005 chez DC Comics. Publication du présent recueil en France le 08/07/22 chez Urban Comics, collection DC Classiques. Geoff Johns et Dave Gibbons au scénario, Patrick Gleason au dessin.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

C’est dans les vielles vessies qu’on fait les meilleures lanternes

Green Lantern est un personnage emblématique de l’univers DC. Membre fondateur de la Ligue de Justice, l’intrépide Hal Jordan est également garant de la Justice à une échelle cosmique, car il a sous sa responsabilité la sécurité du secteur 2814 de l’Univers, qui comprend la Terre.

Les Lanternes Vertes sont une milice universelle dont les membres sont choisis, triés sur le volet par les anneaux qui leur donnent leurs pouvoirs, en fonction d’une caractéristique primordiale, à savoir la volonté. Chaque nouveau membre est formé sur la planète Oa, foyer d’une espèce très ancienne autoproclamée « Gardiens de l’Univers« . Hal Jordan fut le premier humain à intégrer le Corps des Lanternes Vertes, et fut également, anthropocentrisme oblige, l’un des meilleurs.

Malheureusement, une suite d’évènements tragiques l’a mené être possédé par Parallax, entité malfaisante ennemie jurée des Green Lanterns. Entre la fin des années 90 et début des années 2000, cette corruption a poussé le légendaire Hal Jordan à détruire le Corps dans sa quasi-intégralité, avant d’être finalement purgé de Parallax. En 2005, Geoff Johns reprend le flambeau et implémente de nouveaux éléments venant réhabiliter Hal Jordan tout en offrant une nouvelle perspective sur le rôle des Lanterns et sur les pouvoirs qui en sont à l’origine. D’où la mini-série Recharge, qui est centrée autour de la reconstruction du Corps des Green Lanterns.

Et effectivement, 7000 postes à pourvoir, on peut appeler ça une campagne de recrutement. Ce sont donc autant d’anneaux verts qui écument tous les recoins de l’univers pour trouver des candidats adéquats, autant de nouvelles recrues qu’il faudra former pour protéger tous les êtres vivants des dangers cosmiques qui les guettent. Parmi nos nouvelles recrues, on trouve Vath Sarn, Isamot Kol, ou encore Soranik Natu, dont les personnalités bien trempées vont faire des étincelles. Vath et Isamot, par exemple, sont issus de deux peuples belligérants, et auront bien du mal à coopérer pour le bien de tous, car dépasser ses préconceptions et sa rancœur en temps de guerre n’est pas chose aisée. Soranik, quant à elle, n’est pas qu’une brillante neurochirurgienne, elle est également la fille de Sinestro, un ancien Green Lantern aujourd’hui ennemi du Corps. Au milieu de toutes ces nouvelles recrues, on retrouve des anciens incontournables tels de Hal Jordan, Kyle Rainer et John Stewart, qui demeurent réservistes, mais également le tempétueux Guy Gardner, ou encore Kilowog.

De but en blanc, on peut dire que l’inclusion de Recharge et du volume 2 de Green Lantern Corps parmi les classiques de DC est une bonne initiative de la part de Urban. En effet, le grand œuvre de Geoff Johns sur ce pan de l’univers DC demeure encore à ce jour l’une des plus grande réussites récentes de l’éditeur américain, qui débute dans ce volume pour ensuite se poursuivre dans les incontournables sagas Sinestro Corps War, Blackest Night et Brightest Day. Gageons que ces crossovers feront eux aussi l’objet d’une attention particulière d’Urban, afin de compléter les rangs de leur collection « Classiques ».

Sur la qualité de la série en elle-même, on peut dire que Johns et Gibbons maîtrisent leur partition, et parviennent à gérer un casting choral de qualité et dont les personnalités, écrites avec rigueur, se complètent harmonieusement, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de conflit ni de situation tendue, bien au contraire. Les Green Lantern, depuis les années 60-70, étaient souvent résumés à des « policiers de l’espace », ce que les auteurs prennent ici au mot, en leur imposant un code de déontologie, notamment vis à vis de l’usage de la force léthale, ainsi qu’une bureaucratie, ce qui induit des procédures, des droits à faire valoir (des congés!), bref, toutes les joyeusetés de notre morne quotidien. De surcroît, on retrouve aussi des éléments procéduraux, relatifs aux enquêtes que les Lanterns doivent mener.

La série est aussi parsemée de coups de théâtres qui maintiennent l’intérêt de lecture tout au long des 400 pages, les scénaristes prenant également soin d’inclure des éléments de foreshadowing pour la suite de la saga. En revanche, les fans hardcore de Hal Jordan resteront sur leur faim, car bien qu’il fasse une petite apparition durant Recharge, il est aux abonnés absents sur le reste de la série, le focus étant mis sur Guy Gardner, qui en profite pour prendre du galon.

Une réédition utile pour ceux qui voudront lire ou redécouvrir l’une des sagas marquantes de DC du début des années 2000, Green Lantern Corps Recharge donne satisfaction tant sur le plan narratif que graphique.

Petit post scriptum pour ceux qui souhaitent se plonger ou se replonger dans l’univers Green Lantern: voici un rapide aperçu des différentes publications qu’il sera nécessaire de se procurer pour suivre le fil rouge (ou plutôt vert émeraude):

  • Geoff Johns présente Green Lantern, 7 intégrales parues chez Urban entre novembre 2016 et février 2021. On peut y lire la guerre contre Sinestro, les tomes 4 et 5 regroupent quant à eux les épisodes liés à la saga Blackest Night, l’invasion des Lanternes Noires, qui préfigure d’une certaine façon la saga DCeased et ses morts-vivants.
  • Brightest Day, trois volumes parus en 2013. Apparition de la Lanterne Blanche.
  • Green Lantern (New 52, le dernier reboot en date de DC comics), quatre tomes parus entre 2012 et 2015.
  • Green Lantern Rebirth, 5 tomes parus entre 2018 et 2019.
  • Justice League Récits complets, dans lesquels ont trouve la série Green Lanterns.
  • Hal Jordan: Green Lantern entre 2019 et 2021, c’est Grant Morrison qui reprend en main la destinée de Green Lantern.
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DC Infinite Frontier: Justice Incarnée

Recueil des cinq chapitres de la mini-série écrite par Joshua Williamson et Dennis Culver et dessinée par Andrei Bressan et Brandon Peterson. Parution en France chez Urban Comics le 08/07/2022.

Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Comme vous le savez, le Multivers a le vent en poupe. Si vous suivez l’actualité comics et celle des adaptations cinématographiques, vous saurez alors que le concept d’univers parallèles ne date pas d’hier et qu’il offre aux scénaristes a) des possibilités narratives très vastes et b)la possibilité de créer des ponts entre les différentes sagas et univers, ce qui peut dégénérer, dans le cas cinématographique, vers le fanservice.

Chez DC comics, on peut affirmer sans se tromper que le multivers est inscrit dans son ADN, puisque l’éditeur a du, très tôt dans son histoire, justifier les différentes incarnations de ses héros phares, qui avaient changé entre le golden age et le silver age. Les lecteurs de comics sont donc supposément familiers du concept de terres parallèles et des variations multiples d’un même personnage.

S’agissant de DC Infinite Frontier, on peut la résumer comme une nouvelle saga cosmique impliquant le multivers. La Ligue de Justice Incarnée, qui s’est formée spécialement à l’occasion de cette crise cosmique, réunit plusieurs héros issus de mondes différents, comme le Président Superman de Terre-23 ou le Batman de Flashpoint. Autour de cette variation du world’s finest, on trouve Aquawoman (variation féminine d’Aquaman), Captain Carrot (hein?), Mary Marvel (soeur de Captain Marvel/Shazam), Thunderer et Dino-Flic (ersatz de Savage Dragon). Face à l’ampleur de la crise, le groupe sera rejoint par Docteur Multivers (là aussi, un erzatz de Captain Universe, pour ceux qui ont lu les Avengers de Jonathan Hickman), qui est une sorte de système de défense du Multivers contre les menaces externes.

Lors des événements précédents, Darkseid a utilisé Psycho-Pirate afin qu’il manipule Barry Allen, l’incontournable Flash, dont la vitesse, issue de la Force Véloce, est l’un des rares pouvoirs capables de percer la membrane qui sépare les univers. Sous cette néfaste influence, Flash a déchiré le multivers et crée la Plaie, que le seigneur d’Apokolips compte bien utiliser pour son propre bénéfice. Afin de pouvoir l’arrêter, la Justice Incarnée doit elle aussi compter dans ses rangs son propre Flash. Ce sera Avery Ho de Terre-0, ressortissante chinoise possédant la Force Véloce, et qui voit notre bon vieux Barry comme son ami et mentor. Ce groupe ainsi formé parviendra-t-il à stopper les plans de Darkseid, et de quiconque tire les ficelles en coulisse ?

Dr Manhattan, pion multiversel. Je n’aimerais pas être celui qui a du annoncer ça à Alan Moore…

Cette mini-série en cinq chapitres poursuit la saga initiée par Josh Williamson sensée secouer une nouvelle fois la ruche DC Comics. Si l’intrigue avance rapidement, c’est certainement au détriment de certains personnages et de certaines interactions, qui sont mises de côté au profit de grandes révélations qui seront certainement exploitées plus tard.

En effet, l’équipe se retrouve rapidement divisée, et les pérégrinations de la première moitié, coincée dans la Maison des Héros qui sert de QG au groupe, ne portent pas le même impact que celles du trio formé par Président Superman, Batman Flashpoint et Docteur Multivers. D’ailleurs, en parlant de ces trois-là, il faut vous avertir qu’il est conseillé d’avoir lu les oeuvres précédentes, comme Multiversity ou Flashpoint, pour mieux appréhender les personnages qui en sont issus et qui constituent la Justice Incarnée. A minima, il faudra être au fait des différents archétypes que représentent ces personnages dans la mythologie DC pour en apprécier les variations et comprendre leurs motivations.

L’intérêt principal de l’album réside dans les révélations qu’il apporte sur les différentes crises traversées par l’univers DC, de Crisis on Infinite Earths à Final Crisis en passant par Doomsday Clock, voire même des classiques comme Kingdom Come. En effet, si l’on se réfère à ce qui est révélé dans ces pages, toutes les crises citées ont été initiées par les Grandes Ténèbres pour détruire l’Omnivers, ce qui induit que Superboy Prime, Magog, Extant et même Dr Manhattan ont été manipulés par cette entité. Dans le jargon, on s’approche de ce qui se nomme un retcon, ce qui signifie continuité rétroactive, lorsqu’un auteur introduit un élément qui influence ou remet en question des éléments préétablis de continuité.

Quoi qu’il en soit, l’album reste de bonne facture, mais ne sera conseillé qu’aux lecteurs réguliers de DC Comics en raison d’un encrage assez profond dans la continuité récente et passée.

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Sea of stars

Histoire complète en 288 pages, écrite par Jason Aaron et dessinée par Stephen Green. Parution en France chez Urban comics, collection INDIES, le 01/07/2022.

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Merci aux éditions Urban pour leur confiance.

Space is a place

Gil Starx est ce que l’on pourrait appeler un homme pressé. Constamment occupé par ses livraisons galactiques, il parcourt un océan d’étoiles pour satisfaire ses clients, toujours dans les temps. Et quand ont dit océan d’étoiles, il faut entendre littéralement cette expression.

En effet, l’environnement interstellaire visité par Gil Starx et d’autres humains est peuplé de créatures qui « nagent » dans le vide intersidéral, comme des poissons dans l’eau. Ainsi, on trouve des « baleines » de l’espace, des « requins-quarks », et toutes sortes d’animaux dont l’espace est le milieu naturel.

Cette fois-là, Gil transporte une marchandise désuète, le contenu d’un vieux musée, et voyage avec son fils Kadyn. Accaparé par son métier, Gil n’a jamais été très disponible pour sa famille, mais depuis la mort tragique de son épouse, il tente de reconnecter les liens avec son fils, qui s’ennuie ferme dans le vieux vaisseau de son paternel, qui a pris l’habitude d’éviter tout danger en ne naviguant que sans les secteurs cartographiés. Tout va basculer lorsque le duo sera attaqué par un gigantesque léviathan, qui détruira le vaisseau et séparera le père du fils.

Dès lors, Gil n’aura qu’un objectif: retrouver son fils. Le jeune garçon, en revanche, pense que son père est mort et doit s’acclimater aux mystérieux pouvoirs qu’il a obtenus dans l’accident.

On nage en plein délire

Alors que la tendance est à la hard SF, c’est à dire une science fiction basée sur les concepts et les théories scientifiques les plus pointus et avant-gardistes, Jason Aaron opte pour une SF fantasmagorique en reprenant les vieux codes de l’analogie maritime.

Ce lieux commun tire ses racines de la SF du début du 20e siècle, et ce qui était une métaphore est bien vite devenu littéral. Alors que John Fitzgerald Kennedy considérait déjà l’espace comme « le nouvel océan » lors de la fameuse « courses aux étoiles » avec l’URSS, les auteurs de SF se sont appropriés massivement cette analogie, en utilisant par exemple des termes techniques navals.

En effet, on parle de vaisseaux dans les deux cas, avec des croiseurs, des destroyers, des frégates, etc. Les vaisseaux spatiaux, à l’instar de leur homologues maritimes, ont des barques de survie, et il arrive même que des engins spatiaux soient munis de voiles (concept qui est validé par la science avec les fameuses voiles solaires, ce qui en fait un élément commun avec la hard SF). La comparaison ne s’arrête pas là, puisque les auteurs ont eu tendance à appliquer à l’espace des concepts et des contraintes typiquement navals, comme la bi-dimensionnalité du terrain, la friction, et des principes de navigations qui en réalité ne sont pas compatibles avec l’exploration spatiale.

Les planètes sont donc perçues comme des îles dans un vaste océan, et leur valeur stratégique y est même similaire. De Frank Herbert (Dune) à Pierre Boule (La Planète des Singes), en passant par Star Wars et Star Trek, ou La Planète au Trésor, rares sont les entrées littéraires et audiovisuelles à ne pas verser dans cette analogie. Alors pourquoi pas les comics ?

En ce qui concerne l’intrigue, on peut faire confiance à Jason Aaron, qui nous a déjà fait montre de son talent à de nombreuses reprises, pour construire un récit efficace centré autour de protagonistes intéressants et attachants. Le duo père/fils, Gil/Kadyn, fonctionne dès le début, et ne perd pas de son intensité même s’ils sont assez rapidement séparés. L’auteur, visiblement marqué par son long run sur Thor chez Marvel, insuffle également un souffle mythologique avec non pas des asgardiens, mais un autre peuple de l’espace, inspiré des Aztèques, et des divinités cosmiques qui se battent en détruisant des planètes. On n’en voudra pas au scénariste de recourir encore au fameux macguffin pour poursuivre son intrigue, qui est finalement assez simple mais néanmoins efficace.

A bien y regarder, on ne peut s’empêcher de percevoir dans la ligne narrative consacrée au père des airs d’Odyssée (Ulysse qui veut rentrer chez lui retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque), et dans celle du fils, comme un goût du Petit Prince. En terme de références, on aura vu pire, avouez. Sur le plan graphique, on retrouve avec plaisir Stephen Green, qui livre de très belles planches, qui alternent décors spatiaux grandioses et scènes de survie plus intimistes.

Sea of Stars puise ses références dans les racines de la science-fiction, autour d’une belle histoire d’amour entre un père et son fils.

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3Keys #1

Premier tome de 144 pages, écrit et dessiné par David Messina. Parution en France aux éditions Shockdom le 14/01/2022.

Les Grands Anciens, c’est plus ce que c’était

Randolph Carter, le voyageur du Multivers, est parvenu, au cours de ses aventures, à entrer en possession des trois Clés d’Argent, trois armes capables de vaincre les Grands Anciens et leurs innommables rejetons. Après s’être volatilisé, ces armes semblaient perdues, mais elles ont été retrouvées par les trois derniers guerriers d’Ulthar. Ces armes ne pouvant être utilisées que par la lignée des Carter, les trois guerriers se sont séparés, pour retrouver les trois dernières descendantes de Randolph, et ainsi les seconder dans la tâche ardue qu’est la défense du Multivers.

Sacrés arguments de vente

En effet, les Grands Anciens sont de retour, et la Contrée du Rêve, dont sont issus les trois guerriers, a été ravagée. Peu à peu, les monstres s’insinuent dans notre réalité, en passant pas les rêves et les cauchemars des humains, qui sombrent peu à peu dans la folie. Il est donc urgent pour les cousines Carter d’intervenir ! Mais Noah, accompagnée de son mentor Theon, n’a pas toujours la tête à combattre des monstres…

Le dessinateur italien David Messina s’est fait connaître dans l’industrie du comics, chez Marvel, DC, IDW Publishing, avant de se lancer en tant qu’auteur complet avec 3Keys. En guise de worldbuilding, il reprend le mythe de Cthullu, en y ajoutant des guerrières sexy et des hommes-tigres, pour créer un univers décalé.

Néanmoins, si l’aspect graphique est indéniablement sublime, avec une maitrise évidente du trait et des postures, des créatures bien travaillées et des scènes d’action, il paraît clair que l’écriture ne suit pas. La mise en scène, passable par moments, ne sert en rien l’intrigue ni l’évolution des personnages, qui est ici quasi inexistante. Ce point ne serait pourtant pas rédhibitoire si le second degré et l’aspect cartoon étaient plus assumés, voire outranciers. Ici, on se retrouve avec un duo certes improbable, mais dont la dynamique tombe un peu à plat. L’héroïne badass et (trop) sûre d’elle peut être un atout, voire une base solide pour un arc narratif intéressant, mais ici, l’auteur ne semble pas saisir la pleine mesure des enjeux de son récit et passe vite d’une scène à l’autre, éparpillant d’autant plus l’intérêt du lecteur.

Cela donne donc des scènes d’action parfois brouillon, quelques tentatives d’humour qui ne font pas toujours mouche, et bien entendu, des retournements de situation pour lesquels on peine à trouver du sens.

Il n’y a pas grand chose d’autre à dire sur ce 3Keys, si ce n’est qu’il contenait tous les éléments d’une recette efficace, mais que l’auteur n’a pas eu les moyens entiers de sa politique. On peut donc proposer l’octroi de deux Calvin, éventuellement un troisième pour les fans de Lovecraft et pour la qualité des dessins.

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Les Éternels: Braver l’Apocalypse

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Réédition de l’intégrale comprenant les 9 numéros de la série The Eternals, écrite par Charles Knauf et dessinée par Daniel Acuna et Eric Nguyen. Parution en France chez Panini Comics le 03/11/2021.

What if God was one one us

Surfant comme à son habitude sur la vague du Marvel Cinematic Universe, Panini a attendu le déferlement des Éternels au cinéma en novembre 2021 pour ressortir leurs sagas emblématiques. Après le run de Neil Gaiman et John Romita Jr, ce sont Charles Knauf, d’abord secondé de Daniel Acuna puis d’Eric Nguyen, qui s’attaquent au panthéon made in Marvel créée par Jack Kirby.

Trahis par l’un des leurs, les Éternels, ces êtres immensément puissants désignés gardiens de la Terre par d’incommensurables forces cosmiques nommées les Célestes, ont subi une perte de mémoire et une diaspora forcée, qui les a laissés quasi impuissants face à l’émergence d’un Céleste enfoui sous la surface, près de San Francisco.

Réveillés tour à tour par Ikaris, le plus valeureux d’entre eux, les Éternels ont pu in extremis éviter la destruction de la Terre et retrouver leurs pouvoirs. Néanmoins, le statu quo a changé, et le Céleste, demeuré sur Terre, s’est donné pour but d’étudier la Terre et la vie qui l’abrite pour rendre un jugement plus éclairé. Pendant ce temps, Ikaris et Théna parcourent le monde pour réveiller les Éternels restants, rivalisant avec Druig, l’Éternel retors qui compte lui aussi en rallier le plus grand nombre à sa cause.

Makkari, pendant ce temps, communie avec le Céleste Rêveur afin de mieux comprendre ses motivations, ce qui lui donne accès à des révélations cruciales pour l’avenir de la Terre. Mais ce que Makkari ignore, c’est que son nouveau rôle de prophète cosmique pourrait lui coûter très cher, et que l’ancien prophète, Ajak, est jaloux de lui, au point peut-être de commettre l’irréparable.

Difficile de passer après Neil Gaiman lorsqu’on veut laisser sa patte en tant qu’auteur. Néanmoins, Charles Knauf s’en sort ici avec les honneurs, en nous comptant une saga cosmique de grande ampleur, qui revisite et approfondit encore davantage la cosmogonie Marvel. Les énigmatiques Célestes nous livrent ici davantage de leurs motivations et de leur rôle dans le grand ordre des choses, alors qu’une menace cosmique, reprise plus tard dans le run de Jason Aaron sur les Avengers, est introduite.

Avec le recul, on constate que la série, parue en 2008-2009, fait écho au run de JM Staczinsky sur Thor, paru la même année, et dans lequel le dieu du tonnerre partait lui aussi en quête de ses frères asgardiens réincarnés en humains après le Ragnarok. On pourrait croire, qu’en 2008, après quelques années centrées autour de la Guerre Civile des Super-Héros, Marvel avait souhaité se tourner de nouveau vers ses différents panthéons, perdus ou balayés par la saga phare de Mark Millar et ses conséquences.

Sur un plan purement geek et technique, je constate aussi qu’il est assez difficile de s’y retrouver, au milieu de ce que chaque auteur ajoute sur tel ou tel élément du marvelverse, en l’occurence les Célestes. Jusque là, ils étaient vus comme d’énigmatiques précurseurs, qui manifestaient au mieux un intérêt curieux, au pire de la malveillance pour la Terre. Puis l’on a découvert qu’ils jouaient un rôle dans l’ascension des espèces intelligentes, et par là même, servaient eux-mêmes une force qui les dépassaient.

D’un autre côté, d’autres auteurs nous apprenaient que des personnages comme En-Sabah Nur, alias Apocalypse, étaient adoubés par les Célestes eux-mêmes pour favoriser l’évolution, et recevaient ainsi des items et des pouvoirs supplémentaires, comme de la technologie Céleste ou encore des graines de vie et de mort (confère la série Uncanny X-Force par Rick Remender). Or, je ne suis pas parvenu à trouver trace d’une interaction entre Apocalypse et les Éternels, qui servent pourtant les mêmes maîtres, et dont les rôles de surveillance/protection de la vie sur Terre peuvent sembler redondantes.

Plus tard, Aaron nous apprendra que la race des Célestes est finalement bien à l’origine de l’apparition de la vie sur Terre, bien que par accident. Tout ces éléments n’entrent pas nécessairement en contradiction mais ne sont pas aisément emboitables en un tout parfaitement cohérent.

Toujours est-il que le scénario de cette seconde série des Éternels est bien ficelé, entre plusieurs intrigues se rejoignant de façon ingénieuse tout en maintenant des enjeux forts tout du long. La plume d’Acuna, qui est résolument un de mes dessinateurs préférés, fait exploser les pages durant les 6 premiers numéros, tant et si bien que les quatre autres épisodes, assurés par Eric Nguyen, font l’effet d’une douche froide. Mais alors, très froide. On peut reprocher, comme souvent, une conclusion en demi-teinte qui ne reflète pas la qualité de l’ensemble, mais on peut considérer le défi comme relevé.

Une intégrale qui sort opportunément du lot pour ceux qui souhaiteraient prolonger l’aventure éternelle et faire des comparaisons entre le film et les comics. 3 calvins, plus 1 pour Daniel Acuna !

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Les Éternels: Seule la Mort est éternelle

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Recueil comprenant les premiers numéros de la série Marvel The Eternals (2021) écrite par Kieron Gillen et dessinée par Esad Ribic. Parution en France chez Panini le 03/11/2021.

Mytho-logique

En sus de la réédition des Éternels par Neil Gaiman puis des Éternels par les frères Knauf, Panini s’empresse de battre le geek tant qu’il est hype en publiant la récente mouture des Éternels par Gillen, qui sort concomitamment avec le film du même nom.

Chronologiquement, la dernière fois que les Éternels ont été vus, c’était dans la série Avengers par Jason Aaron, qui les avait sacrifiés sans ménagement sur l’autel de son run grandiloquent (mais efficace). En effet, après un million d’années passés à servir religieusement les dieux de l’espace et leur impénétrable dessein, les Éternels ont découvert que leur sacerdoce n’était qu’une farce, qu’ils ne protégeaient en réalité aucun équilibre cosmique immanent, mais qu’ils avaient été crées dans le seul but d’aider les Célestes à lutter contre leur ennemi naturel, La Horde. Cette révélation a rendu fou les homo immortalis, qui se sont retournés les uns contre les autres avant de mettre fin à leurs jours.

Ressusciter ? C’est comme se réveiller un lendemain de cuite.

Hélas ! Si l’immortalité peut être vue comme un don extraordinaire, elle peut en revanche se transformer en malédiction pour celui ou celle qui souhaiterait en finir avec une existence aussi longue que vide de sens. Car le propre des Éternels, c’est d’être ressuscité après chaque mort brutale, par une Machine d’une infinie complexité, qui se révèle être ni plus ni moins que la personnification de la Terre.

Voici donc nos immortels revenus une énième fois d’entre les morts, avec pour certains un changement radical d’apparence ou de genre (afin de matcher avec leurs homologues cinématographiques). Pour la plupart, le choc des dernières révélations fut aisé à digérer, pour d’autres, la Machine a du procéder à une réécriture mémorielle afin de corriger les éventuelles dissonances cognitives.

C’est alors que l’impensable se produit: Zuras, le chef suprême, le Premier Éternel, est sauvagement assassiné, par quelqu’un qui fait nécessairement partie de la maison puisqu’il emprunte le réseau de téléportation des Éternels. Ikaris et Sprite, fraîchement ressuscités, vont se lancer dans une course contre la montre pour trouver le coupable, alors même que la toute-puissante Machine dysfonctionne, rendant inopérante toute tentative de résurrection…

Les yeux dans les dieux

Le coupable est vite trouvé par notre héros: Thanos, le Titan fou, qui dans les comics est un parent proche des Éternels, issu de Titan, la lune de Saturne. Cette force de la Nature, maniaque génocidaire (voire omnicidaire, si vous me passez le néologisme) que même la Mort a rejeté, s’en prend aux immortels qui pour la première fois, font l’expérience de la mortalité. Que peut-il bien arriver de pire ?

Après la lecture des trois séries successives consacrées aux Éternels ces dernières années, on s’aperçoit de la forte empreinte biblique que présentent les personnages de Jack Kirby. En effet, ils peuvent être perçus comme des Anges, ces êtres créés de la main de Dieu pour veiller sur le monde. Initialement sans défaut, les Anges vont être progressivement influencés, voire infectés, par l’Humanité, au point pour certains, de se rebeller contre leur créateur. Dans la Bible, on peut citer sans hésitation Lucifer, qui dans un acte d’orgueilleuse rébellion va devenir le symbole du Mal. Chez les Éternels, on peut dresser un parallèle avec L’Oublié, ou encore Druig. Ikaris, lui, ferait plutôt officie d’Archange comme Gabriel ou Michael, dont la vertu ne sera jamais ternie dans les textes sacrés. Le parallèle est d’autant plus frappant qu’Ikaris rappelle par son nom un personnage ailé…

Concernant la série de Gillen, on peut ici parler de soft reboot, car si l’essentiel est là, l’auteur introduit tout de même de nouveaux concepts et de nouveaux personnages, qui sont détaillés au travers de diagrammes rappelant, ou pastichant, allez savoir, ceux qu’aime faire Jonathan Hickman dans plusieurs de ses séries. On y apprend donc davantage sur la Machine, mais également sur les mœurs et les systèmes politiques qui ont régi la vie des Éternels durant un million d’années.

Le ton adopté par Gillen est souvent ironique, second voie troisième degré, que ce soit dans les dialogues ou dans la narration pas si omnisciente de la Machine. Attention, certains lecteurs pourraient trouver que l’auteur en fait trop, peut être au détriment de l’implication du lecteur dans les enjeux de l’histoire.

Les lecteurs de plus longue date pourront dénicher un petit recyclage d’idée de la part de l’auteur, qui fait du personnage de Sprite une sorte d’écho de Kid Loki, jusque dans sa relation avec Ikaris, qui nous rappelle bien évidemment le tandem Thor/Kid Loki.

Toujours est-il que le scénariste sait où chercher les moteurs de l’histoire, il faut lui reconnaître ça. Des personnages immortels qui ressuscitent inévitablement après chaque mort ? Privez-leur de cet item narratif pour obtenir un enjeux plus élevé. Des croyances infaillibles qui ont récemment été réduites à néant ? Accentuez-en l’impact en ajoutant de nouvelles révélations choc qui ébranleront encore davantage les personnages. Bref, la série de ne manque pas d’enjeu ni de qualité, surtout si l’on ajoute les dessins d’Esad Ribic, qui fait encore un travail dantesque (mais qui loupe encore quelques visages çà et là).